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Les hyperthyroïdies

Publié le 1 février 2011
Par Thierry Pennable
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Plusieurs causes peuvent être à l’origine d’une hyperthyroïdie. En fonction de l’étiologie, le traitement repose sur les antithyroïdiens de synthèse, l’iode radioactif ou la chirurgie.

La maladie

Définition

L’hyperthyroïdie est liée à une libération excessive d’hormones thyroïdiennes dans le sang par une thyroïde hyperfonctionnelle. Les hormones thyroïdiennes agissent sur la quasi-totalité des tissus de l’organisme, dont elles augmentent le métabolisme. Une hyperthyroïdie peut générer des complications cardiaques, psychiatriques, ou altérer l’état général du patient jusqu’à engager son pronostic vital.

Les manifestations cliniques

L’hyperthyroïdie entraîne un syndrome de thyrotoxicose qui associe à des degrés variables des signes cardiovasculaires (tachycardie), musculaires (faiblesse, amyotrophie), neurologiques (tremblements, troubles de l’humeur, anxiété…) ou généraux (amaigrissement, hypersudation, trouble du transit…). D’autres signes peuvent s’ajouter dans la maladie de Basedow, une des principales causes d’hyperthyroïdie (voir l’infographie). La prise en charge de l’hyperthyroïdie relève du spécialiste (endocrinologue).

Les principales étiologies

Il existe plus d’une vingtaine de causes pouvant entraîner une hyperthyroïdie.

Maladie de Basedow

Cette maladie auto-immune est la cause la plus fréquente. Elle est due à l’action d’autoanticorps (antirécepteurs de la TSH ou ARTSH) qui stimulent en permanence les récepteurs de la TSH et provoquent une sécrétion excessive d’hormones thyroïdiennes (voir encadré Sécrétion des hormones thyroïdiennes, page 25). La maladie de Basedow touche préférentiellement les femmes jeunes (environ 2 % de la population féminine), mais peut exister chez l’homme, l’enfant ou la personne âgée. Elle se révèle souvent lors d’un événement marquant (deuil, séparation, surmenage) ou d’un changement dans la vie génitale (puberté, grossesse, ménopause). La maladie évolue par poussées.

Hyperthyroïdies iatrogènes

Des médicaments (antitussifs, antidiarrhéiques, amiodarone, agents de contraste iodés, antiseptiques iodés), des préparations alimentaires riches en iode peuvent être à l’origine d’une surcharge iodée et causer une hyperthyroïdie. Le lithium ou les interférons également, mais pour d’autres raisons.

Adénome toxique

Des nodules se développent parfois sur la thyroïde. Ils sont habituellement asymptomatiques et sans conséquence (95 % des cas). Cependant, un nodule peut produire des hormones thyroïdiennes en excès et provoquer une hyperthyroïdie. On parle alors de nodule toxique.

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Goitre multinodulaire toxique

Le goitre simple est une hypertrophie de la thyroïde qui continue de fonctionner normalement. Avec le temps, les goitres anciens ont tendance à se modifier sous forme de nodules, le plus souvent bénins. Dans certains cas ces nodules deviennent hyperfonctionnels et produisent des hormones thyroïdiennes en excès. Cette évolution représente la première cause d’hyperthyroïdie chez la personne âgée. Elle peut être déclenchée par un apport massif d’iode.

La stratégie thérapeutique

But du traitement

Le traitement de l’hyperthyroïdie vise à ramener la quantité d’hormones thyroïdiennes dans des normes physiologiques (euthyroïdie). Selon les cas, les traitements font appel aux antithyroïdiens de synthèse (ATS), médicaments qui inhibent la synthèse des hormones thyroïdiennes, à la chirurgie (ablation partielle ou totale de la thyroïde) ou à l’iode radioactif, qui va détruire les cellules responsables de l’hyperthyroïdie.

Traitement selon l’étiologie

• La maladie de Basedow.

Elle est traitée par les ATS, en général pendant dix-huit à vingt-quatre mois. Dans 40 % des cas, de nouvelles poussées apparaissent dans les mois ou les années qui suivent. Une surveillance annuelle clinique et au besoin biologique (TSH, T4L ou T3L) est nécessaire dans les deux à trois années suivant l’arrêt du traitement. Un traitement par l’iode radioactif peut être indiqué en raison d’une rechute ou d’une intolérance aux ATS. En cas de recours à la chirurgie, celle-ci vise une thyroïdectomie totale plutôt que partielle.

• Hyperthyroïdies iatrogènes

Le médicament à l’origine d’un apport d’iode doit être arrêté, si possible. Les hyperthyroïdies dues à l’activation de nodules préexistants sont traitées par ATS. Les hyperthyroïdies causées par des thyroïdites iodées (inflammations de la glande) peuvent être traitées par corticothérapie si les signes de thyrotoxicose ne cessent pas spontanément.

• Les nodules toxiques. Les traitements radicaux, chirurgie ou iode radioactif, sont recommandés. Les ATS ne sont qu’un traitement transitoire pour réduire un syndrome de thyrotoxicose ou en préparation d’une chirurgie ou d’un traitement par l’iode radioactif. La thyroïdectomie totale sera préférée en cas de goitre multinodulaire (pour éviter les récidives à partir de nodules restants).

Les antithyroïdiens de synthèse

Les ATS disponibles appartiennent aux :

• dérivés imidazolés : thiamazole (Thyrozol) et carbimazole (Néo-Mercazole);

• dérivés thiouraciles : benzylthiouracile (Basdene) et propylthiouracile ou PTU (Proracyl).

Mécanisme d’action : les antithyroïdiens de synthèse inhibent la synthèse des hormones thyroïdiennes. Elles limitent la quantité d’hormones thyroïdiennes produites, sans que la libération des hormones précédemment synthétisées soit affectée. Leurs effets cliniques n’apparaissent qu’après huit à quinze jours de traitement.

Interactions médicamenteuses : hormis une potentialisation possible de leurs effets par l’amiodarone, la phénytoïne et les sulfamides hypoglycémiants, aucune interaction directe avec d’autres médicaments n’est connue.

Contre-indications : les principales sont le cancer de la thyroïde TSH dépendant (dont la croissance peut être stimulée par des taux élevés de TSH) et les troubles hématologiques préexistants. En plus, pour le thiamazole (Thyrozol), une cholestase (diminution ou arrêt de la sécrétion biliaire) préexistante, et pour le carbimazole (Neomercazole), l’insuffisance hépatique. Surveillance particulière : des désordres hématologiques peuvent survenir dans les deux premiers mois du traitement, mais aussi lors de sa reprise. Le risque de leucopénie progressive impose la surveillance de l’hémogramme tous les dix jours pendant les deux premiers mois du traitement. Un taux de neutrophiles au-dessous de 1 500/mm3 doit entraîner une réduction de la dose, voire une interruption du traitement. Dans les cas d’agranulocytoses dues aux ATS, les neutrophiles diminuent brutalement au-dessous de 200/mm3. Ces malades sont à haut risque infectieux. L’apparition d’une fièvre peut être un signe d’alerte. Elle impose l’arrêt du traitement et la réalisation rapide d’un hémogramme.

Les thérapies radicales

Traitement chirurgical

La thyroïdectomie peut être totale ou partielle. L’opération s’effectue en état d’euthyroïdie après un traitement préalable par ATS. La thyroïdectomie totale a l’avantage de prévenir tout risque de récidive. Elle est suivie d’une hypothyroïdie définitive nécessitant une hormonothérapie à vie par lévothyroxine (hormone thyroïdienne de synthèse, tel Levothyrox). Après une thyroïdectomie, la surveillance postopératoire se fonde sur le dosage de la TSH tous les trois mois pendant un an. Par la suite le taux de TSH est contrôlé annuellement.

Iode radioactif (I131)

L’objectif : l’iode radioactif vise l’euthyroïdie, ou l’hypothyroïdie définitive avec des doses plus importantes. Les indications : le traitement par l’iode radioactif (irathérapie) peut être utilisé en première intention ou en seconde intention, en cas de rechute ou d’intolérance aux ATS. L’irathérapie est préférée à la chirurgie chez les personnes âgées ou souffrant d’atteinte cardiaque. Dans le cas d’une rechute modérée, il est possible d’utiliser l’I131 d’emblée. Administration : avant l’irathérapie, l’euthyroïdie est recherchée par l’administration d’ATS, pour éviter un risque de crise thyrotoxique (intoxication par un taux élevé d’hormones thyroïdiennes). Contre-indication : grossesse et allaitement durant l’administration d’I131, et pendant les six mois qui suivent. Suivi : l’objectif du traitement étant d’éradiquer l’hyperthyroïdie, un dosage de la TSH et de la T4L est utile dans les trois à six mois qui suivent le traitement. Ensuite le dosage de la TSH seule permet de reconnaître une éventuelle hypothyroïdie iatrogène (complication fréquente de ce type de traitement) ou une récidive de l’hyperthyroïdie.

Vie quotidienne

Vie sociale

L’hyperthyroïdie s’accompagne souvent de difficultés de concentration et de grande fatigue. En général, un arrêt de travail est prescrit pour une durée de 15 jours, durée nécessaire pour que le traitement par ATS soit efficace. Au besoin, l’arrêt de travail est prolongé pour une meilleure récupération. En ce qui concerne les modifications de l’humeur, l’hyperthyroïdie a plutôt pour effet d’exacerber les traits de caractère de la personne. Un état d’excitation peut être majoré, mais une dépression peut récidiver chez une personne prédisposée. Une anxiété importante est plus fréquemment rencontrée. Dans certains cas, un anxiolytique peut être prescrit sans trouble psychique parce que la maladie provoque un énervement et des difficultés à dormir.

Alimentation

L’hyperthyroïdie occasionne une perte de poids malgré un appétit conservé ou augmenté. Il n’y a pas de recommandation alimentaire particulière. L’organisme fonctionne trop vite en permanence, tout est consommé par un hypermétabolisme. Les malades reprennent du poids au bout de dix à quinze jours de traitement par ATS. De même pour l’accélération du transit ou la diarrhée, il est rare de prescrire un traitement symptomatique, sauf en cas de gêne importante.

Activité physique

Les personnes qui avaient une activité physique ou sportive n’y arrivent plus en hyperthyroïdie. C’est parfois une circonstance de découverte de la maladie, avec une tachycardie ou une dyspnée d’effort inhabituelle. L’activité sportive doit être interrompue jusqu’au retour en euthyroïdie.

Le tabac

L’arrêt du tabac est conseillé en cas d’hyperthyroïdie. Le tabac favorise l’apparition de goitres et aggrave une maladie de Basedow. Il est formellement contre-indiqué en cas d’orbitopathie.

Gros plan

Sécrétion des hormones thyroïdiennes

La thyroïde est une glande endocrine qui sécrète des hormones directement déversées dans le sang à la demande de l’organisme. L’iode est essentiel à la biosynthèse des hormones thyroïdiennes (iodothyronines). Il est apporté par l’alimentation : poissons, crustacés, laitages, sels et eau.

Les hormones thyroïdiennes contiennent 3 ou 4 atomes d’iode. Ce sont les tri-iodothyronines (appelées T3) et les tétra-iodothyronines (T4 ou thyroxine). La T3 est la forme biologiquement active, dont la thyroïde ne sécrète que 20 %. L’autre part provient de la désiodation de la T4 (perte d’un atome d’iode), au niveau des tissus périphériques.

Les hormones T4 et T3 sont présentes dans la circulation sanguine sous forme libre ou sous forme liée à des protéines de transport. Le taux de ces dernières peut varier sous l’effet de la grossesse, la prise d’œstrogènes ou de certains opiacés. Pour cette raison, les dosages des formes libres (T4L ou T3L) sont préférés à ceux des hormones totales.

1 L’hypophyse sécrète la thyréostimuline (Thyroid Stimulating Hormone), qui stimule la synthèse des hormones thyroïdiennes.

2 La production de TSH est elle-même stimulée par la thyrolibérine (TRH), hormone sécrétée par l’hypothalamus.

3 Les hormones thyroïdiennes T3 et T4 exercent un rétrocontrôle au niveau de l’hypophyse et de l’hypothalamus. Ce rétrocontrôle permet le maintien de la sécrétion des hormones thyroïdiennes dans des limites étroites.

Antithyroïdiens de synthèse et grossesse

• Risque tératogène

→ De rares anomalies congénitales sont survenues avec le carbimazole. Cet événement survient tôt, avant la 12e semaine, parfois avant que le diagnostic de grossesse ne soit connu. Chez les jeunes femmes qui n’ont pas de contraception, on préfère le propylthiouracile (aussi appelé PTU), qui n’a jamais montré d’effet tératogène.

• Choix de l’ATS

Dans le cas d’une grossesse diagnostiquée avant 7 semaines d’aménorrhée, le carbimazole est remplacé par du PTU ou du benzylthiouracile. Si la grossesse est connue après 7 semaines d’aménorrhée chez une patiente traitée par carbimazole, le traitement peut être poursuivi.

• Posologie minimale

Il est recommandé de maintenir la T4L dans le tiers supérieur de la norme. Cela permet d’administrer une dose minimale d’ATS. En effet, un passage placentaire trop élevé des ATS peut entraîner un goitre et une hypothyroïdie chez le fœtus.

Le diagnostic d’une hyperthyroïdie

Le diagnostic repose sur l’observation des signes cliniques (syndrome de thyrotoxicose) et le dosage de la TSH. Une TSH basse suffit à évoquer le diagnostic d’hyperthyroïdie (valeurs normales comprises entre 0,4 et 4 mUI/L). L’augmentation de la T4 libre confirme le diagnostic et permet d’évaluer l’intensité de la maladie avant d’engager un traitement (valeurs normales entre 8,6 et 18 pmol/L). Les T3 et T3 libres étant produites à 80 % à partir des T4L, elles ne présentent qu’un intérêt limité dans l’évaluation de la sécrétion thyroïdienne. La T3 libre est dosée en cas de TSH basse et de T4 libre normale (sécrétion de T3 dans certaines hyperthyroïdies, carences iodées ou apport excessif de T3).