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Les heures de travail

Publié le 25 octobre 2017
Par Fabienne Rizos-Vignal
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Souples et flexibles ou dignes d’une précision d’horloger suisse, les horaires varient selon les entreprises. Mais quand ils deviennent une source de tensions, il convient de connaître la mécanique du droit du travail pour remettre les pendules à l’heure.

Le contrat de travail

Sa rédact ion es t pr imordiale puisqu’elle détermine les obligations réciproques de l’employeur et du salarié.

La durée du travail est-elle obligatoirement inscrite ?

La durée du travail est une mention obligatoire de tout contrat en officine (article 18 des dispositions générales de la convention collective nationale de la pharmacie d’officine). Il s’agit d’un élément déterminant au cours de l’embauche. Principale conséquence, le titulaire ne peut pas modifier la durée du travail sans obtenir l’accord du salarié, qui reste libre de refuser.

Le contrat doit-il organiser les horaires de travail ?

Outre la durée du travail, tout contrat à temps plein, 35 heures par semaine, doit également préciser la répartition hebdomadaire, avec par exemple quatre heures le lundi, huit heures le mardi, etc. En revanche, la mention des horaires de travail, par exemple de 14 heures à 18 heures le lundi, etc. n’est pas obligatoire.

Il ne faut pas confondre la répartition de la durée du travail et les horaires :

→ la répartition de la durée du travail consiste à préciser, par exemple, que sept heures de travail sont accomplies le lundi, cinq heures le mardi, etc. ;

→ les horaires reviennent à préciser les heures de début et de fin de travail de chaque journée.

Le recours aux heures supplémentaires doit-il être formalisé ?

Les heures supplémentaires sont toutes les heures qu’un salarié à temps plein accomplit au-delà de 35 heures par semaine. Leur mention dans le contrat de travail n’a qu’une valeur informative. Le salarié ne peut donc pas se prévaloir d’une absence d’indication pour refuser d’effectuer des heures supplémentaires.

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Quelle est la particularité des contrats à temps partiel ?

En plus de la durée hebdomadaire de travail strictement inférieure à 35 heures par semaine, et de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine, les contrats à temps partiel doivent préciser :

→ les modalités selon lesquelles les horaires de travail de chaque journée sont communiqués par écrit au salarié. Par exemple : 9 h-12 h et 14 h-19 h le samedi ;

→ les cas dans lesquels une modification éventuelle de la répartition des horaires peut intervenir ;

→ la possibilité pour l’employeur d’avoir recours aux heures complémentaires.

Le recours aux heures complémentaires doit-il être prévu ?

Dès qu’un salarié à temps partiel dépasse sa durée de travail contractuelle, il effectue des heures complémentaires. Si le recours aux heures complémentaires n’est pas prévu dans son contrat de travail, le salarié peut se prévaloir de cette absence d’indication pour refuser de les exécuter.

Qu’est-ce que l’horaire collectif de travail ?

Il s’agit des heures de début et de fin des journées de travail, ainsi que des temps de pause. Ces horaires doivent être affichés dans les locaux de l’entreprise (article D. 3171-2 du Code du travail).

Cas pratique

Durées à ne pas dépasser

Baptiste, préparateur, travaille à temps plein. Peut-il cumuler un autre emploi dans une autre pharmacie et à quelles conditions ?

Baptiste peut s’engager auprès d’un autre employeur, obligatoirement sous la forme d’un contrat à temps partiel inférieur à 9 heures par semaine afin de ne pas dépasser les durées maximales du travail, fixées à 10 heures par jour, 46 heures par semaine et 44 heures par semaine en moyenne sur douze semaines consécutives.

La modification des horaires

Les changements de planning sont parfois délicats à gérer. Mieux vaut pour le salarié savoir ce qu’il peut refuser et ce qu’il doit accepter.

Salariés à temps plein

→ La durée du travail : l’augmentation temporaire de la durée du travail d’un temps plein caractérise un simple changement des conditions de travail. Par exemple, lorsque le titulaire demande à un préparateur à temps plein d’exécuter des heures supplémentaires, celui-ci ne peut en principe pas les refuser sans commettre une faute pouvant justifier son licenciement.

→ La répartition hebdomadaire des horaires : lorsque la modification entraîne un bouleversement important pour le salarié, son accord est requis. Pour distinguer ce qui relève de son pouvoir de direction ou au contraire d’un bouleversement, l’employeur doit tenir compte des doiéléments qui ont été déterminants lors de la signature du contrat, et éventuellement de la situation personnelle du salarié.

→ Les horaires journaliers : leur changement relève en principe du pouvoir de direction de l’employeur. L’accord du salarié n’est donc pas nécessaire. La Cour de cassation a posé le principe selon lequel le changement d’horaires consistant dans une nouvelle répartition au sein de la journée constitue un simple changement des conditions de travail ». Un temps plein ne peut donc pas refuser de travailler de 10 h à 13 h au lieu de 9 h à 12 h. Sauf si les horaires figurent dans son contrat ou si la modification porte une atteinte excessive à sa vie personnelle et familiale.

Salariés à temps partiel

→ La durée du travail : le titulaire peut imposer l’accomplissement d’heures complémentaires à condition que leur recours soit prévu dans le contrat, que leur nombre ne dépasse pas 10 % de l’horaire contractuel, et que le salarié soit prévenu au moins trois jours à l’avance.

→ La répartition hebdomadaire des horaires : si l’employeur souhaite modifier cette répartition, il est nécessaire que cette possibilité soit mentionnée et détaillée dans le contrat. Les tribunaux désapprouvent la formule « en fonction des nécessités du service », jugée trop vague. De plus, le salarié doit être prévenu au moins sept jours ouvrés à l’avance. Si ce délai n’est pas respecté, le salarié peut s’opposer au changement d’horaires demandé par son employeur sans craindre de sanction. Son refus est également légitime en cas de modification incompatible avec des obligations familiales impérieuses, avec le suivi d’un enseignement scolaire ou supérieur, avec une période d’activité fixée chez un autre employeur ou avec une activité professionnelle non salariée.

→ Les horaires journaliers : leur changement relève en principe du pouvoir de direction de l’employeur. Toutefois, en cas de retentissement excessif sur la vie personnelle et familiale, par exemple la nécessité d’engager des frais supplémentaires de garde d’enfant, la modification des horaires s’analyse en une modification contractuelle soumise à l’accord du salarié.

Les limites contractuelles aux changements d’horaires

Que le salarié travaille à temps plein ou à temps partiel, le contrat peut exclure le travail un jour de la semaine, par exemple le mercredi. Un tel élément contractuel est alors qualifié d’essentiel et ne peut être modifié sans l’accord des deux parties. Le salarié a ainsi la garantie de ne pas être mobilisable un jour de la semaine exclu par son contrat.

Cas pratique

Cumul d’emplois

Laure, préparatrice, cumule deux emplois à temps partiel dans deux pharmacies. L’un de ses patrons lui demande de venir exceptionnellement un samedi matin alors qu’elle est censée travailler dans l’autre officine.

Ses deux employeurs doivent tenir compte de sa situation pour éviter tout chevauchement de ses emplois du temps. Ainsi, aucun changement d’horaires ne peut être imposé à Laure dès lors qu’il est incompatible, ne serait-ce que partiellement, avec les horaires pratiqués chez l’autre employeur.

Cas pratique

Heures complémentaires

À temps partiel, Dominique effectue parfois des heures complémentaires. Son patron peut-il remplacer leur paiement par un repos compensateur ?

Non. Le paiement est obligatoire. De plus, l’employeur de Dominique doit appliquer le taux de majoration en vigueur, qui est de 15 % sur chaque heure complémentaire. Ce salaire majoré ne peut pas être remplacé par un repos compensateur, même bonifié.

Cas pratique

Heures supplémentaires

L’employeur peut-il payer les heures supplémentaires sous forme d’une prime ?

Non. Les heures supplémentaires et leur majoration, de salaire ou de repos, doivent clairement figurer sur les bulletins de paie. Les heures supplémentaires rémunérées mais « cachées », par exemple sous le libellé de « prime » sur le bulletin de salaire, relèvent du travail dissimulé.

Cas pratique

Difficultés économiques de l’officine

À temps partiel, Sophie travaille 30 heures par semaine. En raison de turbulences économiques, son employeur souhaite la faire passer à 25 heures. Peut-il imposer cette réduction du temps de travail ?

Non. Il doit recueillir l’accord de Sophie selon une procédure stricte : proposer la modification envisagée par lettre recommandée avec accusé de réception et laisser à Sophie un délai de réflexion d’un mois. À l’issue de ce délai, si Sophie accepte, le contrat de travail est modifié par un avenant. Si elle refuse, elle s’expose éventuellement à une mesure de licenciement économique.

Cas pratiques

Modifications de planning

À chaque période de vacances scolaires, la titulaire modifie le planning de l’équipe afin que nous assurions son remplacement. Cela m’oblige à faire garder mes enfants sur mes jours habituels de repos. Puis-je refuser ces changements ?

Tout dépend de l’impact de la modification de planning.

En principe, votre titulaire doit obtenir votre accord si elle change un élément essentiel de votre contrat de travail ou si la modification entraîne un bouleversement important de votre organisation familiale.

L’emploi du temps de Sandrine, préparatrice à temps plein, est modifié tous les quinze jours.

Son titulaire lui fournit son planning deux semaines à l’avance. Ayant des difficultés pour s’organiser avec ses enfants, Sandrine peut-elle refuser ces modifications ?

En principe, Sandrine ne peut pas les refuser sauf si ces perpétuels changements d’emploi du temps portent une atteinte excessive à sa vie personnelle et familiale.

Le repos

Pour éviter le jet lag, le cadran de la législation du travail fixe des durées impératives et non négociables.

Les pauses

Dès six heures de travail continu, chaque salarié, à temps plein ou à temps partiel, bénéficie d’une pause d’au moins 20 minutes. Les pauses ne sont pas comptabilisées comme du temps de travail effectif et ne sont pas rémunérées, dès lors que le salarié est libre de vaquer à ses occupations personnelles.

La coupure quotidienne

Elle coïncide le plus souvent avec la pause déjeuner. Sa durée est plafonnée à :

→ 2 heures maximum pour les salariés à temps partiel ;

→ 3 heures maximum pour les salariés à temps plein, sauf accord exprès de l’employeur et du salarié d’aménager une durée plus importante.

Le repos hebdomadaire

Il doit être au minimum d’un jour et demi consécutif, dont une demijournée accolée au dimanche. Cette disposition de la convention collect ive de la pharmacie (ar t. 13) concerne tous les salariés, qu’ils soient à temps plein ou partiel.

Le repos quotidien

Il doit être au minimum de onze heures consécutives. Par exemple, un salarié qui participe à une garde de nuit jusqu’à 23 heures ne peut reprendre son poste le lendemain matin avant 10 heures.

Cas pratique

Pause café

Entre deux clients, lorsqu’il n’y a pas d’affluence au comptoir, Gaëlle boit un thé dans le backoffice. Est-ce une pause rémunérée ?

Les pauses thé ou café, discussions privées, toilettes, etc. pendant lesquelles Gaëlle est susceptible d’être interrompue sont considérées comme du temps de travail effectif rémunéré.

Cas pratique

Emploi du temps carré

Antoine, pharmacien adjoint à temps plein, est présent à la pharmacie du lundi au vendredi. Et un samedi sur deux. Son emploi du temps est-il conforme ?

Non. Antoine ne peut pas travailler, même exceptionnellement, le samedi et le lundi. Il doit obligatoirement avoir soit son samedi après-midi, soit son lundi matin.

Cas pratique

Formations pendant le déjeuner

Le titulaire organise régulièrement des formations labo entre midi et deux. Nous avons des plateaux-repas offerts. Pouvons-nous également réclamer un paiement ou une récupération pour le temps consacré à ces formations hors temps de travail ?

Outre les frais pédagogiques et de restauration à la charge de l’employeur ou du laboratoire partenaire, chaque salarié présent doit percevoir une allocation de formation égale à 50 % de sa rémunération nette moyenne. Ce paiement est impératif et ne peut pas être remplacé par un repos compensateur. Si votre titulaire ne s’acquitte pas de cette obligation, vous pouvez légitimement refuser d’assister à la formation.

Cas pratique

Gestion du temps de trajet

Mon employeur me demande d’assister à une journée de formation à une heure de voiture de chez moi. Le temps de trajet sera-t-il indemnisé au même titre que le temps passé en formation ?

Lorsque le temps de trajet a lieu en dehors des horaires habituels de travail, il n’est pas indemnisé comme du temps de travail effectif. Toutefois, lorsque le temps de déplacement dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l’objet d’une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière.

Les retards

Le salarié est tenu de respecter ses horaires, même s’il habite loin de l’entreprise ou dans une zone mal desservie par les transports en commun. Parce que les retards peuvent perturber l’organisation du travail et entraîner des dysfonctionnements, le titulaire peut réagir pour rappeler l’importance de la ponctualité. Quels sont les risques pour le salarié ?

Une retenue sur salaire

Cette méthode est licite à condition que la retenue soit proportionnelle au temps de retard. En respectant cette stricte proportion, l’employeur ne commet pas d’abus. À défaut, il s’expose à une condamnation devant les prud’hommes pour atteinte à l’article L. 1331-2 du Code du travail, qui interdit « les sanctions pécuniaires ».

Un avertissement

Des retards occasionnels et sans conséquence sur l’organisation du travail peuvent être considérés comme une faute légère justifiant éventuellement un avertissement. L’avertissement est une mesure disciplinaire, formalisée par écrit, plus forte que le simple rappel à l’ordre fait de façon orale.

Une mesure de licenciement

Si les retards sont fréquents, persistants et perturbent le bon fonctionnement de l’entreprise, le titulaire dispose de raisons suffisantes pour rompre le contrat de travail du salarié peu ponctuel. En revanche, un simple retard isolé, sans conséquence, ne peut être sanctionné par un licenciement.

Cas pratique

Passage au vestiaire

Justine arrive à la pharmacie le matin à 9 h. Elle passe au vestiaire, dépose ses affaires et enfile sa blouse. Le temps de se recoiffer et de faire une retouche maquillage, elle est opérationnelle à 9 h 10. Sa patronne l’a prévenue : si ça continue, elle retranchera de son salaire les 10 minutes quotidiennes passées au vestiaire.

La patronne de Justine ne pourra légitimement pas appliquer cet ultimatum. Car dès lors que le port d’une tenue est imposé, le temps passé au vestiaire doit faire l’objet d’une contrepartie, en temps ou en argent. À charge toutefois pour Justine de ne pas commettre d’abus en prenant largement son temps.

Jeunes de moins de 18 ans

Des dispositions spécifiques s’appliquent pour eux :

→ 8 heures de travail maximum par jour ;

→ 35 heures maximum par semaine ;

→ 30 minutes de pause dès 4,5 heures de travail ininterrompues ;

→ 2 jours consécutifs de repos par semaine, dont obligatoirement le dimanche.