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Les conjonctivites infectieuses
Fréquentes, les conjonctivites infectieuses sont essentiellement d’origine bactérienne ou virale, bénignes le plus souvent, mais contagieuses. Leur prise en charge repose sur des mesures d’hygiène, le lavage oculaire et le bon usage des collyres.
La maladie
Rappels de physiologie
• La conjonctive est une muqueuse transparente : la conjonctive palpébrale tapisse l’intérieur des paupières ; la conjonctive bulbaire recouvre une partie de la sclère, ou « blanc » de l’œil, jusqu’au rebord de la cornée.
• La conjonctive joue le rôle de barrière protectrice de l’œil et permet le mouvement du globe oculaire. Elle est responsable de la sécrétion de mucus, essentiel pour la stabilité du film lacrymal qui recouvre la surface de l’œil et la lubrifie. Elle est richement vascularisée.
• Le cristallin et la cornée sont les deux lentilles convergentes naturelles de l’œil. La cornée se situe à l’avant de l’œil, le cristallin est à l’arrière. La cornée est non vascularisée ; son atteinte est en revanche douloureuse du fait d’une riche innervation et présente un risque pour l’acuité visuelle du fait de son rôle central dans la vision.
Définitions
• Les conjonctivites sont une inflammation de la conjonctive d’origine infectieuse allergique ou irritative. Ces pathologies d’origine infectieuse, allergique ou irritative correspondent à une atteinte superficielle et le plus souvent bénigne de l’œil mais elles peuvent parfois se compliquer et s’accompagner d’une atteinte de la cornée appelée kératite. Le terme de kératoconjonctivite est utilisé pour signifier la double atteinte. La kératite nécessite une prise en charge rapide car elle met en jeu le pronostic visuel.
• Les conjonctivites d’origine infectieuse sont dues à un agent pathogène, le plus souvent une bactérie ou un virus.
Étiologies
Virale
Les conjonctivites d’origine virale sont de loin les plus fréquentes, avec 80 % des cas, et les plus contagieuses. Les principaux virus responsables sont essentiellement des adénovirus, puis des herpès virus dont le virus varicelle-zona, ou des entérovirus. D’autres virus sont incriminés, tel Molluscum contagiosum, également responsable de lésions cutanées.
Bactérienne
Les principales bactéries responsables de conjonctivites bactériennes diffèrent notamment selon l’âge du patient.
• Chez l’adulte, il s’agit le plus souvent de staphylocoques comme S. aureus, de streptocoques comme S. pneumoniae ou d’autres bactéries comme Hœmophilus influenzae.
• Chez l’enfant, Hœmophilus influenzae et S. pneumoniae sont le plus souvent impliqués ; plus rarement Moraxella catarrhalis.
• Chez les porteurs de lentilles, d’autres bactéries peuvent être en cause, et notamment des bactéries Gram négatif comme des entérobactéries ou des pseudomonas.
• Autres bactéries impliquées. Chlamydia trachomatis et Neisseria gonorrhoeae (gonocoque) sont responsables de certaines conjonctivites bactériennes en lien avec une infection sexuellement transmissible (IST).
• À noter : d’après une méta-analyse parue dans la revue JAMA en 2022(1), les conjonctivites infectieuses seraient majoritairement bactériennes chez l’enfant et virales chez l’adulte.
Transmission
La transmission des agents pathogènes peut se faire :
• de façon directe par les mains ayant été en contact avec des sécrétions oculaires ;
• de façon indirecte par le biais d’objets contaminés comme le linge de toilette, le maquillage mais aussi les poignées de porte, mouchoirs… Ces modes de transmission conditionnent la mise en place de mesures de prévention pour limiter la contagion.
Facteurs de risque
• Certains comportements favorisent la transmission de l’infection : se frotter les yeux ou le visage, les baisers/embrassades. La promiscuité dans des lieux de vie fréquentés tels l’école ou le milieu professionnel est ainsi le premier facteur de risque de contracter l’infection.
• Des épidémies de conjonctivite virale surviennent d’ailleurs régulièrement dans des régions tropicales, chaudes, humides et à forte densité de population comme les Antilles, témoignant d’une contagiosité importante des virus de manière directe ou indirecte.
• Les porteurs de lentilles de contact représentent une population particulièrement à risque de conjonctivite via la manipulation des lentilles. Une atteinte de la cornée est plus fréquente.
Signes cliniques
Généralités
• Une conjonctivite se caractérise par une rougeur diffuse superficielle de l’œil accompagnée d’un larmoiement, d’une augmentation de la sécrétion de mucus par la conjonctive et d’une gêne, souvent comparée à une sensation de grain de sable dans les yeux. Dans certains cas, le patient ressent aussi une légère sensibilité à la lumière appelée photophobie. La vision est parfois floue du fait des larmoiements et des sécrétions mais l’acuité visuelle reste normale.
• Il n’y a pas de données probantes qui différencient cliniquement une origine virale ou bactérienne en cas de conjonctivite infectieuse. Toutefois, deux éléments cliniques sont retenus pour en faire la distinction : l’atteinte uni ou bilatérale d’une part, et la nature des sécrétions d’autre part.
• Une kératoconjonctivite s’accompagne d’une douleur au-delà de la simple gêne ressentie lors de la conjonctivite, d’une baisse de l’acuité visuelle et d’une photophobie.
Conjonctivite virale
• Les signes. L’atteinte d’abord unilatérale se bilatéralise rapidement, la transmission se faisant très rapidement d’un œil à l’autre par frottement. Les sécrétions sont claires et limpides. Il peut exister une adénopathie prétragienne (voir Dico+ ci-contre).
Le contact récent avec une personne ayant les mêmes symptômes, yeux rouges, larmoiement…, souvent dans un contexte de rhinopharyngite ou syndrome grippal dans les jours qui précèdent, orientent vers un diagnostic de conjonctivite virale.
• Cas particuliers.
→ L’herpès oculaire. Il est lié aux récurrences du virus herpès simplex de type 1 (HSV1), le plus souvent responsable des manifestations herpétiques au niveau du visage, exceptionnellement à HSV2, responsable de manifestations génitales (voir Porphyre Patho Herpes n° 586, mai 2022). Il se manifeste par de petites vésicules sur la paupière, une conjonctivite dont les symptômes sont très proches d’une conjonctivite virale classique mais ne touchant le plus souvent qu’un seul œil. Il peut être à l’origine d’une kératite et/ou d’une uvéite (voir Dico+ ci-contre) qui en font toute la gravité.
→ Le zona ophtalmique. Lié à la réactivation du virus varicelle-zona, il se manifeste par une atteinte cutanée périoculaire douloureuse et/ou une conjonctivite et/ou une atteinte plus sévère de l’œil, dont des kératites ou des uvéites.
Conjonctivite bactérienne
• Les signes. Initialement unilatérale, une conjonctivite bactérienne peut s’étendre à l’autre œil, en général en moins d’une semaine. Les sécrétions oculaires, mélange de substances aqueuses et huileuses destinées à lubrifier l’œil, deviennent purulentes et jaunâtres du fait de l’accumulation des bactéries. Épaisses et gluantes, elles expliquent que les yeux soient collés le matin au réveil.
Chez l’enfant, l’association d’une conjonctivite purulente à une otite moyenne aiguë évoque une infection à Hœmophilus influenzae justifiant une antibiothérapie par voie générale.
• Cas particulier.
→ Conjonctivite à chlamydia. Les sérotypes D à K de la bactérie Chlamydia trachomatis sont responsables de la chlamydiose, de loin l’infection sexuellement transmissible la plus fréquente en France, et le plus souvent asymptomatique au niveau génital. Appelée aussi conjonctivite folliculaire ou conjonctivite à inclusion, la conjonctivite à chlamydia se développe à la suite d’une auto-inoculation du germe au niveau oculaire. Une transmission mère-enfant de Chlamydia trachomatis est possible au moment de l’accouchement, provoquant une conjonctivite du nouveau-né.
→ Trachome. Les sérotypes A à C de C. trachomatis sont responsables d’une atteinte ophtalmique chronique grave appelée trachome, très présente en Afrique et en Asie et correspondant à la première cause infectieuse de cécité dans le monde.
Évolution
• La plupart des conjonctivites infectieuses, bactériennes ou virales, sont spontanément résolutives au bout de quelques jours voire quelques semaines, sans séquelles.
• L’évolution vers une kératite est possible, notamment en l’absence de soins d’hygiène adéquats ou en présence de certains facteurs de risque comme le port de lentilles.
Rares mais graves, des kératites d’origine fongique (Fusarium, Aspergillus, Candida, etc.) ou amibienne (voir Dico+ ci-dessous) touchent essentiellement les porteurs de lentilles. Elles sont liées au non-respect des règles d’hygiène ou de port des lentilles.
• Par ailleurs, l’utilisation d’une corticothérapie locale peut aggraver fortement une conjonctivite infectieuse et en grever le pronostic.
Diagnostic
Le diagnostic de conjonctivite infectieuse repose sur l’examen clinique et l’interrogatoire qui orientent vers une étiologie virale ou bactérienne.
Les signes n’étant pas toujours spécifiques d’une atteinte infectieuse, des diagnostics différentiels sont à éliminer. Par ailleurs, il existe des signes d’alerte pour lesquels une consultation médicale est nécessaire, parfois en urgence.
Diagnostics différentiels
• Une conjonctivite allergique se manifeste par une atteinte bilatérale associée à d’importants larmoiements et à des démangeaisons. Ces symptômes oculaires sont souvent accompagnés d’une rhinite avec picotement nasal, rhinorrhée, congestion. Une saisonnalité des symptômes ou un terrain atopique orientent le diagnostic.
• Les conjonctivites allergiques de contact sont liées à des allergènes présents dans des collyres, des produits d’entretien des lentilles ou des cosmétiques. Elles sont fréquemment associées à un eczéma des paupières.
• Les conjonctivites irritatives, uni ou bilatérales, sont associées à une forte sensation de picotements voire de corps étranger dans l’œil, et à des larmoiements. Les facteurs irritants sont variés, parfois ponctuels – climatisation, vent, poussière, piscine, etc. – ou le plus souvent chroniques, essentiellement en lien avec une sécheresse oculaire liée à l’âge, le port de lentilles, parfois une maladie auto-immune ou certains médicaments. Parmi eux, citons l’isotrétinoïne, les atropiniques tels que les antihistaminiques de 1re génération, antidépresseurs imipraminiques, nombre d’antipsychotiques, médicaments de l’incontinence urinaire, etc.
Signes d’alerte
Si l’automédication est le plus souvent possible devant des signes de conjonctivite infectieuse, un avis médical s’impose devant certains symptômes ou contextes. Orienter vers :
• un médecin généraliste en cas de port de lentilles si les symptômes ne s’améliorent pas dans la journée après leur retrait (voir Conseils aux patients p. 39), si l’écoulement oculaire et la gêne persistent malgré les lavages oculaires, ou en cas de sécrétions purulentes importantes ou de larmoiement important, d’œdème palpébral ou de chémosis (voir Dico+ p. 36) ;
• un ophtalmologue en cas de baisse de l’acuité visuelle, même modérée, de photophobie et/ou douleur. Ces différents symptômes peuvent signer une atteinte plus sérieuse de l’œil, et notamment une kératite. De même, un herpès oculaire ou un zona ophtalmique ou l’utilisation éventuelle d’une corticothérapie locale pouvant aggraver fortement le pronostic d’une conjonctivite infectieuse nécessitent l’avis d’un spécialiste ;
• les urgences à l’hôpital ou un cabinet d’ophtalmologie dans un contexte postopératoire (chirurgie oculaire ou injection intraoculaire récente), d’œil intensément douloureux et/ou de baisse d’acuité visuelle brutale.
Examens ophtalmologiques
L’ophtalmologue effectue un examen précis de l’œil grâce à une lampe à fente (microscope binoculaire) et à un test à la fluorescéine mettant notamment en évidence des lésions de la cornée, voire pratique un prélèvement à des fins d’analyse microbiologique des sécrétions si nécessaire.
Son traitement
Objectifs
Le traitement vise le soulagement des symptômes, la guérison de l’infection, la prévention des complications, notamment de l’atteinte cornéenne, et la transmission à l’entourage.
Une prise en charge à l’officine est possible sous réserve d’avoir éliminé des critères de gravité (voir ci-dessus) et de donner des conseils d’hygiène systématique (voir Conseils aux patients p. 39).
Stratégie thérapeutique
Généralités
• Les mesures d’hygiène sont essentielles pour limiter la contagion, tout particulièrement pour une conjonctivite présumée d’origine virale. Elles comprennent notamment le lavage minutieux et régulier des mains, la limitation des contacts avec l’entourage et l’utilisation d’un linge de toilette personnel. Une éviction scolaire ou un arrêt de travail sont parfois justifiés.
• Afin de limiter le risque de résistance bactérienne dans une infection qui évolue le plus souvent favorablement grâce à des soins locaux, l’usage des collyres antibiotiques n’est pas automatique en cas de conjonctivite bactérienne.
Lavage oculaire et antiseptique
• Le lavage oculaire au sérum physiologique ou avec une solution de lavage oculaire élimine les sécrétions en excès et améliore le confort du patient.
• L’association à un collyre antiseptique est recommandée durant 7 à 10 jours(2), même en cas de suspicion d’origine virale, bien que les antiseptiques ne soient pas efficaces sur les virus, car une origine bactérienne ne peut être complètement écartée.
Par ailleurs, les antiseptiques pourraient prévenir une surinfection bactérienne, sans générer de résistances comme c’est parfois le cas avec les collyres antibiotiques. « En pratique, on ne connaît toutefois pas vraiment leur niveau de preuve d’efficacité en cas de conjonctivite », note le Dr Serge Doan, ophtalmologue à Paris (75). Le céthexonium en monodose est remboursé et fréquemment prescrit lors de conjonctivite infectieuse.
En conseil, plusieurs collyres antiseptiques peuvent être proposés.
• En cas de conjonctivite bactérienne sans critères de gravité, cette prise en charge suffit et permet la guérison en une semaine environ sans recourir aux antibiotiques.
Antibiothérapie locale
Généralités
• En cas de conjonctivite bactérienne, les antibiotiques locaux réduisent la durée des symptômes mais leur effet à 8 jours n’est pas supérieur à un placebo. Le risque de sélection de souches résistantes explique aussi qu’ils soient réservés aux conjonctivites bactériennes présentant des signes de gravité tels que sécrétions purulentes ou larmoiements importants, chémosis, œdème palpébral (voir ci-dessus)… ou survenant sur un terrain à risque tel que diabète, immunodépression, pathologie oculaire associée, chirurgie oculaire récente, porteurs de lentilles de contact.
• Les antibiotiques locaux sont également systématiques en cas de conjonctivite du nourrisson (voir encadré ci-contre).
En première intention
• Tobramycine, chlortétracycline, acide fusidique, rifamycine ainsi que l’azithromycine sont des antibiotiques de première intention. Indiquée en cas de conjonctivite bactérienne purulente et de conjonctivite due à Chlamydia trachomatis, l’azithromycine a l’avantage d’une durée d’administration courte, sur trois jours, et d’être disponible en dosettes, donc exempte de conservateurs potentiellement irritants.
• Chez l’enfant, la rifamycine ou l’azithromycine sont utilisables dès la naissance. La chlortétracycline est à éviter chez les enfants de moins de 8 ans en raison d’un risque de dyschromie dentaire (variation de la coloration des dents). À savoir : éviter aussi la chlortétracycline chez la femme enceinte ou allaitante en raison d’un risque d’anomalie du bourgeon dentaire ou de dyschromie dentaire chez l’enfant.
En deuxième intention
• Les fluoroquinolones et les associations d’antibiotiques constituent des traitements de seconde intention, réservés aux échecs d’une antibiothérapie de première intention ou en cas de kératite « qui doit avoir été authentifiée », précise le Dr Doan
• Les corticoïdes, y compris associés aux antibiotiques, ne sont pas recommandés(3) car susceptibles d’aggraver l’infection. « Les associations antibiotiques et corticoïdes sont plutôt utilisées dans les pathologies inflammatoires ou en post-chirurgie et n’ont pas d’indication dans les conjonctivites bactériennes. On les prescrit parfois dans les formes très inflammatoires de conjonctivites virales. Elles sont contre-indiquées en cas d’herpès », précise l’expert.
Cas particuliers
• Herpès oculaire. L’aciclovir en pommade ophtalmique (Aciclovir Agepha), le ganciclovir en gel ophtalmique (Virgan) ou la trifluridine en collyre (Virophta) sont recommandés et parfois associés à des antiviraux per os. Pour le Dr Doan, « il n’existe aucun critère de choix entre la voie locale ou générale. Le traitement local est aussi efficace que le traitement général ».
• Zona oculaire. Le traitement antiviral précoce, dans les 72 heures suivant le début de l’éruption, typiquement à base de valaciclovir per os, à raison de 2 comprimés de 500 mg 3 fois par jour pendant 7 jours, aide à réduire la durée des symptômes mais limite surtout le risque d’algie post-zostérienne.
• Conjonctivite à Chlamydia trachomatis. Le traitement minute par azithromycine orale en dose unique d’1 g, soit 4 comprimés de 250 mg en une seule prise, est le traitement de référence, très souvent associé à de l’azithromycine en collyre.
En cas de grossesse ou d’allaitement
• Le lavage oculaire est réalisé de préférence au sérum physiologique. Selon le RCP (résumé des caractéristiques du produit), le céthexonium peut être utilisé dans ces situations. Les autres antiseptiques s’utilisent avec prudence faute de données cliniques exploitables.
• Selon leur RCP, les fluoroquinolones sont contre-indiqués pendant l’allaitement. En pratique, selon le Crat (Centre de référence sur les agents tératogènes), tous les collyres antibiotiques cités sont utilisables pendant l’allaitement et la grossesse, y compris au premier trimestre, à l’exception des cyclines en raison du risque de dyschromie dentaire chez l’enfant à naître (coloration des dents de lait).
Médicaments et dispositifs médicaux
Solutions de lavage
• Molécules. Il s’agit de sérum physiologique en dosettes (Physiodose, Babysoin, etc.) ayant le statut de dispositif médical ou de médicaments unidoses à base d’acide borique (Dacryoserum et génériques, Dacudoses, etc.) ou d’acide salicylique (Ciella).
• Mode d’action. Essentiellement mécanique, permettant l’élimination des particules infectieuses et des résidus présents à la surface de l’œil ; action légèrement antiseptique et astringente pour l’acide borique et l’acide salicylique.
• Effets indésirables. Hors sérum physiologique, possible intolérance à l’un des constituants de la solution.
Antiseptiques locaux
• Molécules : céthexonium, cétylpyridinium, hexamidine, picloxydine.
• Mode d’action : bactériostatique (diminuant la prolifération des bactéries) voire bactéricide dans certains cas en induisant des lésions dans les membranes cellulaires et in fine la destruction des cellules.
• Effets indésirables : risque de sensibilisation et d’allergie avec les ammoniums quaternaires.
Antibiotiques locaux
Macrolides
• Molécule : azithromycine.
• Mode d’action : inhibition de la synthèse des protéines bactériennes en se liant à la sous-unité 50S du ribosome et en empêchant la translocation peptidique. Le traitement par azithromycine locale dure trois jours du fait de sa demi-vie longue.
• Effets indésirables : gêne oculaire à l’instillation avec prurit, brûlures, picotements.
Pour éviter ce désagrément, notamment chez les enfants, placer les dosettes au frais avant administration.
Cyclines
• Molécule : chlortétracycline.
• Mode d’action : inhibition de la synthèse protéique, à la suite du blocage de la sous-unité ribosomale 30S.
• Effets indésirables : risque de réaction d’hypersensibilité ou d’eczéma de contact en cas d’application prolongée liée à la présence de lanoline dans la pommade ; pommade indiquée à partir de 8 ans en raison du risque de dyschromie dentaire (coloration définitive des dents).
Aminosides
• Molécules : tobramycine, néomycine.
• Mode d’action : interférence avec la synthèse des protéines des cellules bactériennes, en bloquant la sous-unité ribosomale 30S.
• Effets indésirables : risque de gêne oculaire et d’hyperémie (voir Dico+ page ci-contre) à l’instillation ; risque d’irritation des yeux en raison du chlorure de benzalkonium, ammonium quaternaire jouant ici le rôle de conservateur dans le collyre Tobrex et son générique Tobrabact.
Rifamycine
• Mode d’action : inhibition de la transcription via la formation d’un complexe stable au niveau de l’ARN polymérase ADN dépendante.
• Effets indésirables : irritations transitoires possibles ; coloration jaune-orangé des sécrétions lacrymales et nasales ; risque allergique avec le collyre du fait de deux conservateurs : le thiomersal, composé organomercuriel, et le disulfite de potassium, un sulfite. La molécule peut tacher les vêtements et lunettes.
Fluoroquinolones
• Molécules : ciprofloxacine, norfloxacine, ofloxacine.
• Mode d’action : inhibition de l’ADN-gyrase bactérienne empêchant la synthèse de l’ADN chromosomique bactérien, donc la réplication.
• Effets indésirables locaux : gêne oculaire avec sensations de brûlure ou de picotement local, hyperémie oculaire, voire dépôts cornéens et dysgueusie (goût amer après l’instillation) ; présence de chlorure de benzalkonium potentiellement irritant dans les collyres Exocine, Chibroxine et Ciloxan. Les effets indésirables généraux sont potentiellement les mêmes que ceux des fluoroquinolones par voie orale avec allongement de l’espace QT, tendinites, etc., mais le passage systémique est minime, surtout si les règles de bon usage des collyres sont appliquées (voir Conseils aux patients page ci-contre).
Polypeptides
• Molécule : polymyxine B.
• Mode d’action : désorganisation puis lyse de la membrane bactérienne.
• Effets indésirables : possible irritation transitoire. Présence de chlorure de benzalkonium potentiellement irritant.
Acide fusidique
• Mode d’action : inhibition de la synthèse protéique et de l’ARN messager.
• Effets indésirables : gêne, picotements à l’application voire réaction d’hypersensibilité. Présence de chlorure de benzalkonium potentiellement irritant.
Suivi
Quel que soit le traitement conseillé par la pharmacie ou prescrit par le médecin, un avis médical et/ou une nouvelle consultation sont recommandés en l’absence d’amélioration dans les 48 à 72 heures. « En cas d’aggravation avec des signes de kératite tels que douleur, photophobie ou baisse de vision, une consultation immédiate en urgence est nécessaire », rappelle le Dr Doan.
Les conseils aux patients
Observance
Généralités
• Rappeler de bien suivre le traitement jusqu’au bout même si les symptômes s’améliorent et au risque, en cas d’antibiothérapie locale, de favoriser des résistances bactériennes.
• La plupart des ordonnances prévoit solutions de lavage et compresses stériles non tissées, sinon s’assurer que le patient a ce qu’il faut chez lui.
Le bon usage
• Se laver les mains avant chaque instillation.
• Effectuer un lavage oculaire avant chaque instillation de collyre ou application d’une pommade en respectant un délai de cinq minutes entre les deux, et jusqu’à trois à six fois par jour voire plus selon les prescriptions. Il s’effectue avec la totalité de la dosette « en jet ».
• Collyres et pommades ophtalmiques.
→ Instiller un collyre : tirer la paupière inférieure, regarder vers le haut en instillant une goutte dans l’œil, cligner des yeux pour permettre une bonne répartition du produit, obstruer les points lacrymaux de part et d’autre du nez avec un doigt afin de limiter la perte de produit et surtout le passage systémique. Inutile de verser plus d’une goutte à la fois, car l’œil ne peut recevoir davantage. Le reste coule sur la joue.
→ Appliquer une pommade : soit l’équivalent d’un grain de riz au niveau du cul-de-sac conjonctival ou du bord libre de la paupière, plutôt le soir car la vue peut être troublée après l’application. Les pommades ont l’avantage de rester plus longtemps au contact de l’œil.
• Dans tous les cas : ne pas toucher l’œil ou la paupière avec l’embout du flacon ou de la dosette.
• Chez un bébé : coucher l’enfant sur le dos, par terre, et s’agenouiller derrière lui de façon à lui maintenir la tête avec ses genoux. Poser une main sur le front permet de tirer la paupière inférieure vers le bas afin d’instiller le collyre.
• Autres conseils : prendre son temps et respecter un délai de 5 minutes entre chaque administration. Terminer le cas échéant par la pommade, plus visqueuse. Vérifier et indiquer systématiquement les durées et modalités de conservation (voir tableau p. 38). Ne pas jeter les flacons et pommades entamées dans la poubelle pour éviter de contaminer l’environnement mais les rapporter à la pharmacie. Ne pas partager les traitements prescrits avec une autre personne qui aurait les mêmes symptômes mais dont le diagnostic peut être différent !
Alerter sur les effets indésirables
• Une possible irritation et une gêne passagère au moment de l’administration des traitements locaux ne doivent pas inquiéter. Ce désagrément est fréquent avec l’azithromycine, notamment chez l’enfant, et peut être limité en plaçant le collyre au réfrigérateur.
• Attention à la rifamycine susceptible de tacher les vêtements et les lunettes.
Automédication
• Orienter de préférence vers des collyres sans conservateurs, par exemple des unidoses ; pour les flacons, noter la date d’ouverture et la date à laquelle le flacon doit être jeté.
• Ne pas réutiliser des unidoses éventuellement conservées en cas de récidive des symptômes sans un avis pharmaceutique ou médical (voir signes d’alerte ci-dessous).
• Ne jamais utiliser de collyre renfermant un corticoïde au risque d’aggraver l’infection !
• Reconnaître les signes d’alerte spécifiques. Les porteurs de lentilles doivent consulter un médecin dès lors que les symptômes ne s’améliorent pas par le retrait des lentilles et un lavage oculaire !
Larmoiement important, sécrétions purulentes importantes, œdème palpébral, baisse de l’acuité visuelle, photophobie, douleurs imposent un avis médical.
• Prendre un avis médical en urgence à l’hôpital ou en cabinet d’ophtalmologie en cas de traumatisme de l’œil, de chirurgie oculaire ou d’injection intraoculaire récente, d’immunodépression et/ou de baisse d’acuité visuelle brutale.
• Avoir sous la main les coordonnées des ophtalmologistes de son secteur et connaître les urgences ophtalmologiques les plus proches.
Vie quotidienne
Prévention de la transmission
• Insister sur des gestes d’hygiène qui limitent la transmission à l’entourage, particulièrement en cas d’origine virale. La contamination se faisant souvent via les mains, se laver fréquemment les mains et le visage, ne pas se toucher ou se frotter les yeux.
Attention aussi aux objets qui peuvent être contaminés, en particulier le maquillage ; conseiller de jeter le maquillage potentiellement contaminé comme le mascara, et nettoyer minutieusement et régulièrement le matériel réutilisable comme les pinceaux ou le recourbecil. Le linge de toilette doit être individuel.
• Maintenir une distanciation sociale tant qu’il y a des larmoiements et des sécrétions ; par exemple éviter de faire la bise à l’entourage.
Gestion des lentilles de contact
• En cas de port de lentilles de contact, recommander de retirer impérativement les lentilles de contact dès les premiers signes de gêne oculaire et jusqu’à guérison afin d’éviter une irritation voire une infection supplémentaire et une dégradation des lentilles au contact des collyres.
• Au quotidien, rappeler des conseils simples pour limiter le risque infectieux : se laver les mains avant toute manipulation des lentilles ; éviter leur contact avec l’eau, donc prudence lors des baignades et des douches notamment ; respecter les temps de portage et les délais de renouvellement.
En extérieur
• Conseiller le port de lunettes de soleil durant le traitement, pour protéger du soleil en cas de photophobie, mais aussi vis-à-vis du vent, des irritants, etc.
• Attention en cas de conduite automobile. La vision peut être brouillée quelques instants voire plusieurs minutes après instillation d’un traitement local. En tenir compte en cas de nécessité de conduire une voiture, une moto ou tout autre engin.
(1) Johnson et al. Does This Patient With Acute Infectious Conjunctivitis Have a Bacterial Infection ? The Rational Clinical Examination Systematic Review. JAMA 2022. https:// jamanetwork.com/journals/ jama/article-abstract/2793248
(2) Afssaps, Collyres et autres topiques antibiotiques dans les infections oculaires supercielles, juillet 2004.
(3) Rapport d’évaluation des spécialités ophtalmiques associant un corticoïde à un (des) antibiotique (s), HAS février 2021.
avec l’aimable participation du Dr Serge Doan, ophtalmologue à l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild et à l’Hôpital Bichat à Paris (75), et la coordination de Nathalie Belin.
Dico +
→ Zone prétragienne : zone située en avant du tragus proprement dit. Le tragus est situé en avant de l’orifice du conduit auditif externe, à l’opposé de l’anthélix, relief en forme d’arc qui correspond au bord externe de l’oreille proprement dit.
> Adénopathie prétragienne : gonflement ganglionnaire en avant de l’oreille. Présent surtout en cas de conjonctivite virale, il est sensible voire douloureux à la palpation.
→ Uvéite : inflammation de l’uvée, tunique vasculaire de l’œil assurant sa protection et sa nutrition.
Info +
→ Le gonocoque (Neisseria gonorrhoeae), responsable d’une infection sexuellement transmissible parmi les plus fréquentes, peut également être à l’origine d’une conjonctivite grave.
L’avis du spécialiste
“Avec lentilles, la kératite est une urgence”
Dr Serge Doan, ophtalmologue à l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild et à l’Hôpital Bichat à Paris (75)
Comment prendre en charge les patients porteurs de lentilles à l’officine ?
Si les symptômes sont légers, enlever les lentilles est le premier réflexe à avoir, à associer à un lavage oculaire et à un antiseptique. L’amélioration doit être rapide, dans la journée. Sinon, il faut orienter vers un médecin pour se faire éventuellement prescrire un antibiotique de type aminoside ou azithromycine, par exemple. Au moindre signe d’une kératite – essentiellement douleur, photophobie ou baisse de vision -, orienter en urgence vers un ophtalmologue car les kératites chez des porteurs de lentilles peuvent être graves.
Quid du risque d’antibiorésistance pour la voie ophtalmologique ?
Il est à relativiser car les concentrations de l’antibiotique sur la surface oculaire sont en général bien supérieures aux CMI – concentration minimale inhibitrice – et CMB – concentration minimale bactéricide – des molécules. En revanche, il est certain qu’il y a probablement une prescription inadéquate d’antibiotiques en cas de conjonctivite. Notamment dans les conjonctivites pour lesquelles on le prescrit en prophylaxie même en étant à peu près certain de l’origine virale. Ensuite, il y a sans doute une surutilisation des antibiotiques réservés aux infections oculaires sévères, comme notamment les fluoroquinolones.
Dico +
→ Les amibes sont des organismes unicellulaires qui vivent surtout dans l’eau et dans les sols humides.
Dico +
→ Chémosis : œdème de la conjonctive déformant la surface oculaire
La conjonctivite néonatale
→ L’instillation d’une goutte de rifamycine dans chaque œil à la naissance n’est plus systématique mais réservée à des cas particuliers : antécédents ou facteurs de risque d’IST chez les parents(4).
→ Chez le nouveau-né, les principales conjonctivites rencontrées sont d’origine :
• gonococcique dès les premiers jours de vie ;
• chlamydienne au bout de la première semaine environ ;
• herpétique au bout de la deuxième semaine environ à la suite d’une contamination par la mère au moment de l’accouchement. La conjonctivite herpétique est alors due au virus HSV2, responsable de l’herpès génital chez la mère.
→ Prenant volontiers la forme d’une kératoconjonctivite, la conjonctivite nécessite la mise en place en urgence d’un traitement adapté par voie locale (collyres antibiotiques si gonocoque ou chlamydia, antiviraux si herpès) et générale : ceftriaxone ou céfotaxime en intramusculaire en cas de gonocoque, azithromycine durant 3 jours ou 14 jours d’érythromycine en cas de chlamydiose, 14 voire 21 jours d’aciclovir intraveineux en cas d’herpès.
(4) HAS, fiche mémo sur l’accueil du nouveau-né en salle de naissance, décembre 2017.
En savoir +
→ Haute autorité de santé
Le rapport d’évaluation des spécialités ophtalmiques associant un corticoïde à un (des) antibiotique (s) de 2021.
→ https://santebd.org/ SantéBD, de l’association CoActis en faveur du handicap, est une boîte à outils pédagogiques pour comprendre et expliquer la santé avec des images et des mots simples, et notamment une BD pour apprendre à bien mettre ses gouttes.
Dico +
→ Hyperémie oculaire ou hyperémie conjonctivale : dilatation excessive des capillaires sanguins de la conjonctive, ce qui conduit à un œil rouge et à des vaisseaux apparents.
En savoir +
→ Assurance maladie
Un dossier complet sur les conjonctivites à destination des patients.
https://www.ameli.fr/ assure/sante/themes/ conjonctivite
→ Société française d’ophtalmologie Le rapport de 2015 « Surface oculaire » comporte notamment un chapitre sur les infections de la surface oculaire et un autre sur les anti-infectieux.
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