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Les antiagrégants plaquettaires

Publié le 28 mars 2015
Par Nathalie Belin
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Ils ont des mécanismes d’action différents, mais aboutissent tous à l’inhibition de l’agrégation des plaquettes. Les antiagrégants plaquettaires s’opposent à la formation d’un thrombus. Leur délivrance nécessite de connaître leurs interactions, associations et précautions d’emploi.

Qu’est-ce que l’agrégation ?

À l’occasion d’une lésion de la paroi vasculaire ou d’une altération de l’endothélium vasculaire (diabète ou HTA non équilibré, tabagisme…), les plaquettes peuvent s’agréger. Elles sécrètent des facteurs inflammatoires, tels que thromboxane A2, adénosine diphosphate (ADP)…, qui favorisent leur recrutement et leur agrégation au niveau de l’endothélium lésé et stimulent également la coagulation. Ce qui aboutit à la formation d’un thrombus qui va gêner le flux sanguin, voire obturer un vaisseau.

Et un antiagrégant ?

Les antiagrégants plaquettaires inhibent l’agrégation des plaquettes en bloquant les médiateurs inflammatoires qu’elles sécrètent.

• L’aspirine inhibe irréversiblement la cyclo-oxygénase de type 1 qui induit la synthèse de thromboxane A2. Le fonctionnement des plaquettes est donc modifié pour le reste de leur durée de vie, environ sept à dix jours. À l’arrêt du traitement, l’activité plaquettaire reprend au fur et à mesure du renouvellement des plaquettes. La dose antiagrégante, de 75 à 325 mg par jour, est inférieure à la dose anti-inflammatoire.

• Clopidogrel, prasugrel, ticagrelor et ticlopidine agissent en se liant aux récepteurs de l’ADP, et donc en bloquant son action indispensable à l’agrégation. La ticlopidine est peu utilisée en raison d’effets indésirables graves. Clopidogrel et prasugrel sont des prodrogues converties en métabolites actifs par des enzymes du cytochrome P450. Pour le clopidogrel, il existe une grande variabilité individuelle des enzymes de son métabolisme, ce qui explique que certains patients soient insuffisamment répondeurs.

• Le dipyridamole agit essentiellement en inhibant la recapture d’adénosine par les plaquettes. Il a également des propriétés vasodilatatrices coronariennes. Son activité antiagrégante est faible par rapport aux autres molécules.

• Le flurbiprofène est le seul AINS avec l’indication antiagrégant. Il agit selon le même mécanisme que l’aspirine mais son action est réversible en 24 heures. Il est indiqué quand l’aspirine est temporairement contre-indiquée (intervention chirurgicale programmée).

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Pour quelles indications ?

Ces médicaments sont indiqués en prévention des événements thrombotiques artériels favorisés par l’agrégation des plaquettes : HTA, diabète, dyslipidémies, prothèses valvulaires… Ils sont prescrits soit en prévention primaire chez un patient à risque vasculaire élevé, soit en prévention secondaire après un premier accident ischémique (infarctus du myocarde, angor, AVC…). Ils sont également employés lors des angioplasties vasculaires et des poses de stent (voir Vocabulaire). Ticagrelor (Brilique) et prasugrel (Efient) s’emploient associés à l’aspirine.

Quels effets indésirables ?

Communs

• Risque hémorragique : hématomes, épistaxis, gingivorragies, contusions, saignements gastro-intestinaux. Aspirine et clopidogrel ont un risque hémorragique équivalent en monothérapie, mais l’aspirine est plus pourvoyeuse d’hémorragies digestives. Le prasugrel a un risque hémorragique plus élevé que le clopidogrel.

• Troubles hématologiques : peu fréquents, sauf avec la ticlopidine.

• Rares réactions d’hypersensibilité : angiœdèmes, rash… ; purpura thrombopénique thrombotique (voir Vocabulaire), sauf flurbiprofène (rare).

Selon les molécules

• Aspirine : bourdonnements d’oreille, céphalées en cas de fortes doses.

• Dipyridamole : troubles gastro-intestinaux, céphalées, hypotension, tachycardie réflexe car la molécule a des propriétés vasodilatatrices.

• Flurbiprofène : hausse du risque cardio-vasculaire au long cours, risque d’insuffisance rénale fonctionnelle, rétention hydrosodée.

• Ticagrélor : dyspnées, troubles du rythme.

• Ticlopidine : diarrhées pouvant nécessiter l’arrêt, troubles hépatiques (jaunisse, selles décolorées, urines foncées doivent alerter), neutropénie, agranulocytose dans les trois premiers mois de traitement justifiant une surveillance (NFS).

Chez les personnes âgées

Les effets indésirables des antiagrégants sont potentiellement majorés du fait d’un risque de chute, de maladies associées et d’interactions.

Quelles interactions ?

Communes

L’association de deux antiagrégants ou d’un antiagrégant et d’un anticoagulant est possible mais majore le risque hémorragique. C’est aussi le cas des associations suivantes, qui doivent être évitées si possible ou se faire avec prudence.

• Avec les AINS : augmentation du risque de saignements digestifs. Si l’AINS est nécessaire, l’ajout d’un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) est recommandé pour prévenir des complications ulcéreuses. L’AINS doit être prescrit pour la durée la plus courte possible.

• Avec les antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (paroxétine, sertraline, citalopram) : sauf pour le flurbiprofène, ils peuvent accroître le risque de saignements.

Spécifiques

• Aspirine à dose antiagrégante. Association contre-indiquée : méthotrexate > 15 mg par jour. Association déconseillée : anticoagulants oraux en cas d’antécédents d’ulcères gastro-intestinaux, probénécide, AINS ou aspirine à dose antalgique ( ≥ 1 g par prise et/ou ≥ 3 g par jour) ou anti-inflammatoire ( ≥ 500 mg par prise et/ou < à 3 g par jour).

• Clopidogrel. Association déconseillée : carbamazépine (risque de diminution de l’efficacité du clopidogrel), ciprofloxacine, fluconazole, fluoxétine, fluvoxamine, oméprazole et ésoméprazole (choisir un autre IPP).

• Flurbiprofène. Association déconseillée : méthotrexate > 20 mg par semaine, lithium, autres AINS ou aspirine à dose anti-inflammatoire ou antalgique.

• Ticagrélor. Association contre-indiquée : inhibiteurs puissants du CYP 3A4 en raison d’une hausse du risque de saignement (clarithromycine, kétoconazole, ritonavir…). Association déconseillée : inducteurs puissants du CYP 3A4 (rifampicine, phénytoïne, carbamazépine…), ciclosporine, cisapride, alcaloïdes de l’ergot de seigle, simvastatine > 40 mg par jour (augmentation de la toxicité de la statine).

Comment les administrer ?

Moment de prise

• Aspirine, clopidogrel, dipyridamole, ticagrélor : au cours ou en dehors d’un repas. Les comprimés de ticagrélor peuvent être écrasés et mélangés dans un demi-verre d’eau, bus immédiatement ; rincer le verre et boire le reste.

• Prasugrel : de préférence à jeun pour la dose de charge de 60 mg, puis indifféremment.

• Ticlopidine : lors du repas.

En cas d’oubli

• Clopidogrel : oubli < à 12 heures, prendre la dose oubliée puis la suivante à l’horaire habituel. Au-delà de 12 heures, ne pas rattraper, prendre la prochaine dose à l’horaire habituel.

• Prasugrel, ticagrélor : ne pas rattraper la prise.

Que dire aux patients ?

Repérer les signes

• Tout saignement inhabituel et/ou prolongé ou important impose un avis médical rapide. Repérer des signes d’hémorragie non visibles : malaise, hypotension, fatigue inhabituelle….

• Sous ticlopidine. Jaunisse, selles décolorées, urines foncées nécessitent de contacter le médecin. Idem en cas de fièvre, angine, ulcères buccaux afin de faire une NFS en urgence.

En cas d’intervention chirurgicale

En général, il n’est pas nécessaire d’arrêter le traitement pour des gestes à l’origine de saignements mineurs. En cas d’intervention programmée ou de geste invasif, toujours mentionner l’antiagrégant, la décision de le suspendre étant évaluée au cas par cas. L’arrêt éventuel se fait au moins trois jours avant pour l’aspirine et cinq à sept jours avant pour clopidogrel, ticagrelor et prasugrel.

Y a-t-il un suivi ?

Non, contrairement aux AVK.

Antiagrégants hospitaliers Eptifibatide (Intégrilin), tirofiban (Agrastat), abciximab (Réopro) sont des inhibiteurs du récepteur GPIIb/IIIa. Utilisés à l’hôpital en perfusion, ils agissent sur la dernière étape de l’agrégation plaquettaire. La glycoprotéine membranaire plaquettaire IIb-IIIa (GPIIb-IIIa) est un récepteur des protéines d’adhésion. Elle est impliquée dans les phénomènes d’adhésion et d’agrégation plaquettaire.

Vocabulaire

Angioplastie : intervention qui consiste à introduire dans une artère, sous contrôle radiographique, un cathéter muni d’un ballonnet gonflable pour améliorer le flux sanguin.

Stent : ressort en métal qui maintient le diamètre de l’artère après angioplastie.

Purpura thrombopénique thrombotique : rare mais potentiellement mortelle, cette affection est caractérisée par une thrombopénie, une anémie hémolytique, des troubles neurologiques et de la fonction rénale ou de la fièvre.