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Les agonistes de la GnRH

Publié le 26 avril 2021
Par Nathalie Belin
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Principalement utilisés en gynécologie et en cancérologie, les agonistes de la GnRH visent à inhiber la production hypophysaire de FSH et LH. Connaître leur mécanisme d’action permet de mieux les délivrer.

De quoi s’agit-il ?

• La gonadolibérine ou GnRH (gonadotropinreleasing hormone), encore appelée LHRH (luteinizing hormone-releasing hormone), est secrétée de façon pulsatile par l’hypothalamus. Elle régule les sécrétions hypophysaires de LH (luteinizing hormone) et FSH (follicle-stimulating hormone), qui induisent la synthèse des estrogènes, de la progestérone et de la testostérone. La testostérone, l’œstradiol et la progestérone exercent un rétrocontrôle négatif sur la sécrétion de FSH et LH (voir schéma).

→ Chez l’homme, la LH est indispensable pour générer la testostérone testiculaire. En l’absence de LH, les surrénales continuent la production d’androgènes. La FSH stimule la fabrication des spermatozoïdes.

→ Chez la femme, FSH et LH stimulent la production d’estradiol.

• Les analogues de la GnRH sont des dérivés synthétiques qui se fixent sur les récepteurs de la GnRH. S’ils les stimulent, ce sont des agonistes, s’ils les bloquent, ce sont des antagonistes de la GnRH, non détaillés ici (voir Info+).

Comment ça marche ?

• Les agonistes de la GnRH vont saturer les récepteurs hypophysaires. Administrés en continu via des injections quotidiennes ou sous forme à libération prolongée, les agonistes de la GnRH provoquent dans un premier temps une hausse des taux de FSH et LH, ce qui entraîne une augmentation des hormones gonadiques circulantes, testostérone et œstradiol. C’est l’effet « flare up ». Puis, suite à la saturation permanente des récepteurs avec la poursuite de l’administration des agonistes, l’hypophyse va se mettre au repos. Après deux à quatre semaines d’administration, on assiste à une chute de ces hormones. Cette diminution est réversible à l’arrêt des traitements.

• Suite à la chute des hormones, il en résulte :

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→ une atrophie endométriale, bénéfique lors d’une endométriose ou d’hémorragies endométriales liées à un fibrome utérin ;

→ une atrophie des tissus tumoraux hormonodépendants du cancer du sein ou de la prostate ;

→ une mise au repos des sécrétions hypophysaires et gonadiques, recherchée en cas de puberté précoce ou au cours d’un protocole de fécondation in vitro.

• Pour réaliser un blocage androgénique complet et lutter contre l’augmentation de la testostérone dans le cadre d’un cancer de la prostate, un anti-androgène est prescrit en début de traitement (voir plus loin).

• L’administration pulsatile de GnRH, environ toutes les 90 minutes, provoque la synthèse et la libération de FSH et de LH dans le but d’induire l’ovulation. Seule la gonadoréline est employée de cette façon (Lutrelef).

Quels traitements associer ?

• Dans l’endométriose. Pour limiter les effets indésirables liés à la castration estrogénique et améliorer la qualité de vie, une « add-back thérapie » est préconisée, c’est-à-dire un traitement compensateur par estrogène. Souvent associé à un progestatif, il est instauré avant le troisième mois du traitement par agoniste. L’AMM de la leuproréline en précise les modalités : valérate d’estradiol micronisé (Progynova, 2 mg par jour) et promégestone (Surgestone, 0,5 mg par jour). La durée du traitement par agoniste de la GnRH est limitée à six mois, ou douze mois pour la leuproréline, même sous add-back thérapie.

• Dans le cancer de la prostate. Un antiandrogène non stéroïdien (bicalutamide, nilutamide) peut être associé à l’agoniste le premier mois de traitement pour pallier la phase initiale de stimulation, à l’origine d’une hausse de la testostéronémie.

Quelles indications ?

Elles diffèrent selon les spécialités.

• Principales : cancer de la prostate ou du sein, endométriose, infertilité en association aux gonadotrophines (LH, FSH, hCG) dans le cadre des protocoles de fécondation in vitro, fibrome utérin, puberté précoce chez les filles ou les garçons.

• Autres. Salvacyl LP 11,25 mg (triptoréline) réduit les taux de testostérone afin de diminuer les pulsions sexuelles chez l’homme ayant des déviances sexuelles sévères. LHRH Ferring (gonadoréline) est à usage diagnostique pour explorer les fonctions gonadotropes : précocité sexuelle, retard pubertaire, anovulations…

Comment les administrer ?

• Par voie nasale pour la nafaréline (Synarel), seul agoniste de la GnRH utilisé par cette voie.

• Par voie injectable SC et/ou IM pour les autres. Les rythmes d’administration dépendent des dosages et galéniques (voir tableau ci-contre). Certaines spécialités se présentent sous la forme d’implants (Zoladex, Leptoprol) injectés dans la paroi abdominale antérieure. Suite à des erreurs de manipulation des spécialités à base de leuproréline, il n’est pas recommandé que les patients s’injectent ces médicaments eux-mêmes.

Lutrelef (gonadoréline) s’utilise à l’aide d’un système de pompe (Lutrepulse) permettant son injection de façon pulsatile par voie sous-cutanée. Elle induit ainsi une libération physiologique de FSH et LH.

• Une observance rigoureuse est nécessaire afin de maintenir la privation en hormones hypophysaires et gonadiques. Sous Synarel, ne pas interrompre le traitement en cas de rhume.

Quelle délivrance ?

• La prescription de Salvacyl est réservée aux spécialistes en psychiatrie.

• Eligard nécessite de doser la testostéronémie tous les trois mois. Le prescripteur doit indiquer sur l’ordonnance que ce dosage a été réalisé.

• Chez l’enfant/adolescent, la prescription des agonistes de la GnRH se fait sous la surveillance d’un pédiatre ou endocrinologue, expert du traitement des pubertés précoces.

Quels effets indésirables ?

• En début de traitement, et de façon transitoire du fait de l’augmentation des taux d’estrogènes ou de testostérone : risque d’exacerbation des symptômes de l’endométriose ou d’une tumeur, métrorragies.

• Une fois la castration induite : bouffées de chaleur chez l’homme ou la femme, dysfonction érectile et diminution de la libido, nausées et fatigue, prise de poids et, chez la femme, aménorrhée (recherchée dans l’endométriose) et sécheresse vaginale. Céphalées, troubles du sommeil et de l’humeur, myalgies et arthralgies sont rapportés. Au long cours, la réduction des taux d’estrogènes et de testostérone est associée à un risque de perte osseuse et d’ostéoporose, à un risque de modification métabolique, avec diabète ou aggravation d’un diabète, et à un risque cardio-vasculaire accru. Les traitements par privation androgénique peuvent allonger l’intervalle QT.

• Spécifiques : réactions transitoires au site d’injection, rhinite pour la nafaréline.

Quelles interactions ?

• La prudence s’impose avec les médicaments connus pour allonger l’intervalle QT ou induisant des torsades de pointes : antiarythmiques, dompéridone, hydroxyzine, escitalopram, etc.

• Un décongestionnant nasal réduit l’efficacité de la nafaréline par voie nasale. L’administrer au moins 30 minutes après la nafaréline.

Quelle surveillance ?

• Cancer de la prostate : une surveillance régulière de la testostéronémie est recommandée.

• Infertilité : un monitorage est réalisé afin de suivre la croissance folliculaire, avec échographies visualisant les ovaires et l’endomètre, dosages hormonaux.

• Dans tous les cas pour un traitement prolongé : surveillance de la masse osseuse.

Info +

→ Les antagonistes de la GnRH bloquent directement les récepteurs hypophysaires de la GnRH sans induire de « flare up », d’où une suppression rapide des sécrétions de FSH et LH sans stimulation initiale à la différence des agonistes. Ils sont indiqués dans l’infertilité pour le cétrorélix (Cetrotide) et le ganirélix (Orgalutran et Fyremadel), et le cancer de la prostate pour le dégarélix (Firmagon).