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L’épilepsie

Publié le 1 février 2007
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Les crises d’épilepsie sont dues à un fonctionnement anormal transitoire de l’activité électrique du cerveau. Elles nécessitent un traitement préventif lorsqu’elles sont fréquentes.

Définition

L’épilepsie est une maladie neurologique caractérisée par la répétition de crises « non provoquées ». Une crise épileptique est due à un fonctionnement anormal et transitoire de l’activité électrique du cerveau.

Une crise « provoquée » est une crise déclenchée par un facteur précis pouvant être isolé et unique (convulsions fébriles chez le nourrisson ou déclenchées par une déshydratation, une méningite…).

Les différentes épilepsies

Il existe de multiples épilepsies, toute atteinte du cerveau (tumeur, cicatrice, accident vasculaire cérébral, malformation…) pouvant entraîner des crises. Le pronostic et la prise en charge sont très différents et dépendent de la cause.

L’épilepsie est dite :

Généralisée si le patient fait des crises généralisées d’emblée où l’ensemble du cerveau y participe (crises généralisées tonicocloniques, absences, crises hypertoniques…).

Partielle si une seule partie du cerveau est touchée. Les symptômes varient selon la région du cerveau touchée. Les patients, même s’ils font peu de crises, vivent dans la crainte d’en faire une à tout moment.

But du traitement

Le traitement ne guérit pas la maladie. Il permet de supprimer ou d’espacer les crises.

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Le traitement médicamenteux est instauré uniquement si les crises se répètent (épilepsie chronique).

Stratégie de traitement

Stratégie thérapeutique

Le traitement fait appel à la classification des épilepsies basée essentiellement sur le récit des crises, sur l’EEG et l’IRM (crises partielles ou crises généralisées).

Dans 20 à 30 % des cas, les crises persistent malgré l’observance et tous les essais de traitement. En cas de résistance, une intervention chirurgicale visant à supprimer la zone responsable des décharges électriques peut être envisagée.

Le choix thérapeutique

Les médicaments antiépileptiques sont très nombreux et appartiennent à diverses classes chimiques. On les dits « à spectre étroit » s’ils ne sont indiqués que dans les épilepsies partielles, et « à spectre large » s’ils peuvent être administrés dans tous les types d’épilepsie. Certains aggravent les crises s’ils ne sont pas correctement prescrits.

Le choix du médicament : on commence toujours par un seul médicament choisi en fonction du type de crises. En cas d’échec, on essaie une autre molécule, ou une association.

L’initialisation de traitement : pour la plupart d’entre eux, le traitement est initié à petite dose. La posologie est augmentée très progressivement. À l’inverse, le traitement ne doit pas être interrompu brutalement mais progressivement sur plusieurs semaines, sous peine de réapparition des crises.

Les interactions médicamenteuses : presque tous les médicaments (sauf les plus récents) ont des interactions (en particulier entre eux), et leurs associations sont toujours difficiles à manier.

Les médicaments

« Première génération »

Ils peuvent tous être prescrits chez l’enfant et le nourrisson.

Phénobarbital (Gardénal…) : barbiturique aux propriétés anticonvulsivantes. Son utilisation est quasiment abandonnée (l’Afssaps recommande de ne pas débuter de nouveaux traitements). Les traitements en cours sont très difficiles à arrêter. On y rattache la primidone (Mysoline), prodrogue du phénobarbital. Administration : prise unique au coucher. Effets secondaires : sédation, troubles de la mémoire (son effet sur la vigilance s’atténue avec le temps). Rares allergies cutanées graves (syndrome de Lyell). Interactions : puissant inducteur enzymatique, le phénobarbital accélère le métabolisme de nombreux médicaments dont il diminue l’efficacité : saquinavir (association contre-indiquée), estroprogestatifs contraceptifs. Attention au risque de grossesse sous pilule chez les patientes sous Gardénal !

Phénytoïne (Di-Hydan) : son mode d’action est proche de celui des barbituriques. C’est un médicament à marge thérapeutique étroite. Administration : augmenter les posologies très progressivement. Effets secondaires : hypertrophie gingivale (chez 20 % des patients), troubles digestifs, pigmentation brune du visage, hirsutisme, acné. Les complications les plus graves (rares) sont d’ordre hématologique (chutes des plaquettes, agranulocytose…). Contre-indications : pas de contre-indications absolues. Interactions : inducteur enzymatique, il diminue notamment l’efficacité des contraceptifs. Les antibiotiques comme Ketek, Rufol, Bactrim peuvent modifier ses concentrations sanguines.

Valproate de sodium (Dépakine…) : c’est un médicament à marge thérapeutique étroite et à spectre d’action particulièrement large. Administration : de préférence au cours des repas. Attention aux formes buvables ! Il existe une forme sirop dosée à 57,64 mg/ml et une forme gouttes quatre fois plus dosée (200 mg/ml). Chaque présentation est fournie avec une seringue doseuse. Les granulés de Micropakine sont à saupoudrer sur un aliment mou (yaourt, compote) ou à mettre dans une boisson froide ou à température ambiante. Effets secondaires : toxicité hépatique surtout en début de traitement, surveillée par le dosage des transaminases. Parfois prise de poids, somnolence. Contre-indications : hépatite active ou antécédents d’hépatite sévère. À éviter lors d’une grossesse. Interactions : inhibiteur enzymatique, le valproate de sodium retarde le métabolisme d’autres médicaments : il tend à augmenter leur taux sanguin, donc leur toxicité. C’est le cas avec certains autres anticonvulsivants comme la lamotrigine (association déconseillée car majoration du risque de réaction cutanée grave). L’association avec la méfloquine (Lariam) est contre-indiquée car elle diminue le taux sanguin du valproate avec un risque de survenue de crises épileptiques, d’autant que la méfloquine a elle-même un effet proconvulsivant.

Carbamazépine (Tégrétol) : c’est un médicament à marge thérapeutique étroite. Administration : ne pas prendre à jeun. Effets indésirables : nausées, vomissements, sécheresse de la bouche, vertiges, somnolence, fatigue, prise de poids sont fréquents (10 % des patients). Contre-indications : certaines pathologies cardiaques. Interactions : puissant inducteur enzymatique, d’où de nombreuses interactions : éthosuximide, lithium, valpromide, tramadol, clozapine, estroprogestatifs, dextropropoxyphène, saquinavir… Le jus de pamplemousse est déconseillé car il augmente les concentrations plasmatiques de carbamazépine (risque de surdosage).

« Deuxième génération »

D’efficacité comparable à ceux de première génération, ils ont moins d’effets secondaires.

Oxcarbazépine (Trileptal) : c’est un précurseur de la carbamazépine. Administration : posologie progressive, en deux prises par jour. Effets indésirables : effets graves moins fréquents qu’avec la carbamazépine. Interactions : c’est un inducteur enzymatique. Attention en cas de contraception orale !

Lamotrigine (Lamictal). Administration : la présentation Lamicstart est réservée aux initiations de traitement en association avec un autre épileptique, chez l’adulte et l’enfant de plus de 12 ans. Lamicstart 25 mg et Lamicstart 50 mg s’utilisent selon l’antiépileptique associé et non suivant le poids ou l’âge du patient. Chez le nourrisson, on utilise Lamictal 2 mg et 5 mg, en fonction du poids. Effets indésirables : possibles éruptions cutanées graves (syndrome de Lyell), parfois fatales, au cours des deux premiers mois de traitement, notamment si la posologie est trop forte d’emblée ou augmentée trop rapidement ; troubles de la vision, céphalées, insomnies. Contre-indications : allaitement. Interactions : déconseillé avec le valproate de sodium (augmentation du risque cutané). Si l’association est inévitable, elle doit se faire à posologies très lentement progressives.

Gabapentine (Neurontin) : il n’est efficace que sur les crises partielles et peut aggraver les « absences ». Effets indésirables : excellente tolérance. Parfois, somnolence et prise de poids. Contre-indications : pas de contre-indication absolue. Interactions : aucune, même avec le millepertuis.

Topiramate (Épitomax). Administration : commencer à faibles doses et respecter des paliers d’une semaine au minimum entre chaque augmentation. Effets indésirables : fatigue, perte de poids, nausées, douleurs abdominales. Contre-indications : hypersensibilité aux sulfamides. Interactions : inducteur enzymatique. Déconseillé avec la contraception orale si les doses sont supérieures à 200 mg/jour.

Éthosuximide (Zarontin) : il est presque exclusivement utilisé dans le traitement des épilepsies d’absence. Administration : deux prises par jour, au cours des repas. Effets indésirables : troubles digestifs, somnolences céphalées. Rarement, troubles graves de la formule sanguine. Contre-indications : pas de contre-indication absolue. Interactions : contre-indiqué avec le millepertuis.

Tiagabine (Gabitril) : prescrit en complément d’un autre traitement antiépileptique, chez l’adulte et l’enfant de plus de 12 ans. Administration : trois prises par jour, au cours des repas. Effets indésirables : vertiges, somnolence, céphalées. Contre-indications : insuffisance hépatique sévère. Interactions : en cas d’association avec un inducteur enzymatique (phénytoïne, carbamazépine, phénobarbital, primidone), ses posologies doivent être augmentées.

Vigabatrine (Sabril) : en raison des effets secondaires graves, il nécessite une surveillance particulière pendant le traitement. Sa prescription initiale est réservée aux neurologues, pédiatres ou neuropsychiatres. Le renouvellement peut être effectué par tout médecin. Administration : posologie progressive. Effets indésirables : anomalies fréquentes du champ visuel, irréversibles, pouvant apparaître plusieurs mois voire plusieurs années après l’instauration du traitement. Une surveillance du champ visuel doit être pratiquée tous les six mois. Contre-indications : pas de contre-indication absolue. Interactions : pas d’interactions majeures .

« Troisième génération »

Leur tolérance est meilleure, avec aucune interaction médicamenteuse recensée.

Lévétiracétam (Keppra) : indiqué seul ou en association dans les épilepsies partielles. Administration : posologie augmentée et diminuée progressivement, par paliers toutes les deux à quatre semaines. Répartir en deux prises égales matin et soir à la même heure. Effets indésirables : somnolence, troubles psychiques. Rarement, troubles graves de la formule sanguine. Contre-indications : pas de contre-indication absolue. • Prégabaline (Lyrica) : Administration : posologie croissante sur quinze jours. Moment de prise indifférent. Effets indésirables : étourdissements et somnolence chez plus d’un patient sur dix. Contre-indications : pas de contre-indication absolue.

Hygiène de vie

Sommeil

La « dette de sommeil » peut déclencher une crise, d’où la nécessité d’avoir des horaires de coucher et de lever réguliers et un nombre d’heures de sommeil suffisant. Si le coucher est tardif, prévoir une sieste dans l’après-midi.

Lumière

Certaines épilepsies sont photosensibles : chez certains (5 % des patients), les crises peuvent être déclenchées par un excès de lumière ou une lumière intermittente, notamment avec l’ordinateur et la télévision. Ne pas se mettre trop près, travailler dans une pièce éclairée et faire des pauses régulières.

Alcool

L’excès d’alcool peut déclenchant des crises, mais un verre de vin est tout à fait possible.

Sport

La plupart des sports sont possibles et conseillés afin de mener la vie la plus normale possible. Éviter cependant les activités durant lesquelles la survenue d’une crise serait dangereuse (plongée sous-marine, escalade, aviation…).

Toilette

Privilégier la douche au bain en raison du risque de noyade en cas de crise. En effet, la noyade, même en baignoire, est la cause accidentelle de mort la plus fréquente chez les épileptiques.

Conduite automobile

L’obtention du permis de voiture est possible, mais l’épilepsie doit être déclarée à la commission médicale du permis de conduire qui peut solliciter l’avis d’un neurologue agréé.

Grossesse

Environ 80 à 85 % des grossesses se déroulent sans problèmes, mais le risque de malformations est un peu plus élevé que dans la population générale (cardiopathies congénitales, non-fermeture du tube neural, fente palatine), avec un risque accru d’avortement spontané. La femme épileptique doit consulter avant la conception pour adapter le traitement. Une prise quotidienne d’acide folique au minimum un mois avant la date de conception est conseillée.

Soutien psychologique

L’épilepsie est responsable de troubles cognitifs chez les enfants, dont un tiers nécessitent une scolarité aménagée ou un soutien scolaire important. Certaines épilepsies peuvent entraîner un retard mental. Chez les adultes, les troubles de la mémoire sont fréquents. Le soutien psychologique est essentiel, notamment chez l’enfant et pour sa famille pour éviter la surprotection et favoriser l’intégration scolaire et sociale de l’enfant. •

En cas de crise

Que faire ?

• Protéger le patient des chocs pour éviter les blessures.

• Le placer en position latérale de sécurité à la fin de la crise.

• Rester avec lui jusqu’à disparition des troubles (désorientation, confusion…).

À éviter

• Tenter de modifier le cours de la crise (c’est impossible).

• Mettre un objet entre ses dents pour prévenir la morsure de la langue.

•Appeler le SAMU (composer le 15), sauf s’il s’agit d’une première crise.

Qu’est-ce que l’électroencéphalogramme ?

L’électroencéphalogramme (EEG) permet de diagnostiquer une épilepsie ou de suivre l’efficacité d’un traitement.

Principe

Des électrodes placées sur le crâne sont reliées à un appareil qui mesure l’activité électrique cérébrale et qui peut déceler une éventuelle anomalie.

Le signal enregistré est amplifié et retranscrit sous forme d’un tracé papier.

En pratique

Aucune préparation nécessaire. Ne pas arrêter son traitement avant.

Examen réalisé à l’hôpital ou dans un cabinet de radiologue.

Électrodes maintenues sur le cuir chevelu grâce à un casque, une colle adhésive, du collodion. Leur nombre varie en fonction de l’âge du patient (jusqu’à 20 chez l’adulte).

Activité cérébrale enregistrée dans différentes situations : yeux fermés et ouverts, lors de stimulation soit par hyperpnée (inspiration et expiration profonde pendant plusieurs minutes), soit par stimulation lumineuse de différentes fréquences.

Chez le jeune enfant, examen réalisé si possible lors de l’endormissement.

Durée

15 mn en général.

En l’absence d’anomalie franche au tracé, on peut pratiquer un EEG de 24 heures grâce à un enregistreur porté à la ceinture.

Interprétation

L’analyse du tracé par un spécialiste est délicate, les résultats peuvent demander plusieurs jours.

Où adresser les familles ?

Les associations de patients sont à conseiller pour se documenter et échanger :

Ligue française contre l’épilepsie (LFCE) :

hôpital Pasteur,

Dr P. Thomas,

service de neurologie,

BP 69, 06002 Nice Cedex 01.

Agir, informer, sensibiliser le public pour améliorer la connaissance des épilepsies (AISPACE) :

11, avenue Kennedy,

59000 Lille.

Tél. : 03 20 57 19 41.

Bureau français de l’épilepsie (BFE) :

236 bis, rue de Tolbiac, 75013 Paris.

Tél. : 01 53 80 66 04.