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Le trouble obsessionnel compulsif
Caractérisé par des idées obsédantes et des comportements compulsifs, le trouble obsessionnel compulsif ou TOC est source de diffi cultés relationnelles et de dépression. La maladie bénéfi cie de traitements, encore faut-il la dépister et accepter de se faire aider.
La maladie
Définition
• Le trouble obsessionnel compulsif (TOC) est une maladie caractérisée par la présence d’idées obsédantes et de comportements compulsifs récurrents, avec un impact négatif parfois majeur sur le fonctionnement familial, social et professionnel.
• Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM, voir Dico+ p. 32), dans sa 5e édition(1), classe le TOC au sein d’une nouvelle famille, « TOC et troubles apparentés ». Lors de son apparition dans la 3e édition du DSM en 1980, le TOC était classé dans la catégorie des troubles anxieux.
• Les grandes lignes des critères diagnostiques sont conservées, mais le DSM-5 ajoute la distinction de différents degrés de prise de conscience, ou insight, du trouble, ainsi que la présence de tics comorbides au TOC.
Physiopathologie
Les apports de la neurobiologie
Les causes du TOC sont encore méconnues, mais l’imagerie médicale identifie plusieurs circuits cérébraux perturbés au niveau des ganglions de la base – structures nerveuses enfouies sous le cortex – impliqués dans le comportement et la motricité, et au niveau du lobe frontal, davantage concerné par la gestion des émotions.
Le mécanisme principal à la base de ces troubles(2) serait probablement un dysfonctionnement de circuits cérébraux chargés de surveiller et de réguler nos actions, nos comportements et notre environnement. Pour diverses raisons, ce système de contrôle devient trop sensible et exigeant par rapport aux imperfections et aux risques internes et externes, et envoie à la conscience des messages d’erreur sous forme de doutes excessifs et d’angoisses. Le rôle des neurotransmetteurs, particulièrement de la sérotonine, est mis en évidence par l’efficacité des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine sur les symptômes du TOC. Une prévalence augmentéechez les parents directs, et surtout chez les jumeaux homozygotes laisse supposer une composante génétique dont le rôle reste mal défini.
Remarque : pour la psychanalyse, le TOC n’est pas un trouble isolé, mais un symptôme de la névrose obsessionnelle (voir Dico+ p. 32). Le sujet est assiégé par des idées venant de son inconscient sous forme d’images et de pensées parasites, déclenchées par une recherche de plaisir. Ces pensées seraient désapprouvées par une morale et un jugement de l’individu qui ne lui autoriseraient aucun plaisir et le frustreraient trop fortement. La pulsion s’exprimerait alors sous une forme déguisée, une sorte de compromis. Par exemple, en réponse à un sentiment d’agressivité ou de destruction, l’individu sera particulièrement méticuleux, ordonné, propre. Pour le Dr Alain Sauteraud, psychiatre, spécialiste des TOC et auteur de Je ne peux pas m’arrêter de laver, vérifier, compter(3) : « Cette approche est considérée actuellement, seulement pour son intérêt historique devant l’absence d’arguments scientifiques et thérapeutiques. »
Un trouble chronique
• Le TOC apparaît parfois dans l’enfance – plus précocement chez les garçons –, mais le plus souvent à l’adolescence ou au début de l’âge adulte. Il commence soit de façon progressive, soit rapidement suite à un traumatisme ou un stress aigu. Des études épidémiologiques plaident en faveur d’une continuité du trouble, de l’enfance à l’âge adulte ; chez 30 % à 50 % des patients adultes qui ont un TOC, le trouble aurait débuté pendant l’enfance(2).
• La maladie est souvent associée à d’autres troubles psychiatriques : dépression, trouble anxieux, trouble bipolaire, troubles des conduites alimentaires ou encore phobie sociale.
• Le TOC est une maladie chronique organisée autour de quatre symptômes dont deux spécifiques, l’obsession et la compulsion, et deux non spécifiques, l’anxiété et l’évitement.
• Une multitude de thèmes soutiennent les obsessions et les rituels. La maladie est relativement stable, mais les thèmes peuvent varier chez une même personne au fil du temps.
Signes cliniques
Le trouble obsessionnel compulsif associe obsessions et compulsions. Presque tous ceux qui en souffrent tentent d’éviter les situations qui déclenchent des obsessions ou des rituels.
Les obsessions
Définition• Il s’agit de pensées, impulsions ou images récurrentes et persistantes, ressenties par la personne elle-même comme intrusives et inappropriées. Elles concernent la crainte de provoquer un dommage ou un malheur si la personne n’y prend pas garde. « L’obsession est une pensée qui exprime un danger. Elle concerne un évènement plus ou moins grave que l’on pourrait provoquer si on n’y fait pas attention », explique le Dr Alain Sauteraud.
• Les obsessions sont sources d’anxiété ou de détresse importante et ne se comparent pas à des préoccupations de la vie courante.
• La personne fait des efforts pour ignorer ou réprimer ces pensées, pulsions ou images, ou pour les neutraliser par d’autres pensées ou actions, c’est-à-dire en faisant une compulsion ou « rituel » (voir ci-après). Elle a conscience de ces pensées et de leur caractère absurde. Les efforts pour les ignorer sont peu efficaces et épuisants.
Leurs particularités• L’obsession est une pensée consciente qui s’impose à l’esprit, automatiquement. Ce n’est pas comme un souvenir ou quelque chose dont on fait l’effort de se rappeler. Son sens est directement compréhensible sans interprétation. « Toutes les pensées automatiques ne sont pas des obsessions mais toutes les obsessions sont des pensées automatiques », précise le Dr Alain Sauteraud.
• L’obsession a un thème qui lui donne un sens (voir Les thèmes, plus bas). La pensée obsédante a un sens jamais complètement faux ; il est banal d’avoir peur de se salir en manipulant un objet sale ou de se tromper quand on fait quelque chose.
• Le thème de l’obsession est constant. Une fois fixés, les thèmes restent les mêmes pendant des mois ou des années.
• L’obsession est plus qu’une idée fixe. Elle revient sans cesse, elle n’a pas de fin, elle concerne toujours les dangers que l’on peut soi-même susciter, elle est longue et pénible. Et quand elle s’éteint ou diminue, elle n’entraîne qu’un soulagement et jamais de plaisir. Contre-exemple : la peur de rater un concours s’arrête une fois l’examen passé.
Attention, toute pensée de danger n’est pas une obsession(3). Si vous avez peur de mourir d’un infarctus et que vous faites des tas d’examen pour vérifier votre santé, il ne s’agit pas d’un danger que vous pourriez provoquer ou dont vous pourriez vous protéger par un acte simple. Et craindre perpétuellement de mourir d’un AVC n’est pas une obsession-compulsion mais une hypocondrie ou un trouble panique !
Les principaux thèmesIl existe une grande variété de pensées obsédantes, plus de 70 selon le Dr Alain Sauteraud, mais quatre grands thèmes se dessinent.
• Les obsessions de souillure sont les plus fréquentes. Ce sont les craintes de la saleté, de la contamination ou de la maladie. Le type de maladie est influencé par l’actualité : cancer, Covid-19, sida…
• Les obsessions d’erreur et de désordre : crainte d’avoir oublié de fermer le gaz ou la porte ; d’oublier ou d’avoir mal compris ; de jeter un objet par erreur…
• Les obsessions agressives : crainte d’agresser, de violer ou de tuer un être cher ; la personne a peur de passer à l’acte sans que l’on puisse l’en empêcher ; crainte de commettre un acte violent…
• Les obsessions de malheur et de superstition : superstitions liées aux chiffres, aux formes ou aux couleurs. Dans les obsessions religieuses, il y a une crainte de provoquer le sort ou la colère de Dieu par des blasphèmes…
Les compulsions
Définition• Appelées aussi rituels, les compulsions sont des comportements répétitifs comme se laver les mains, vérifier, ordonner… ou des actes mentaux, comme prier, compter, répéter des mots en silence… que l’individu se sent poussé à accomplir, en réponse à une obsession ou selon certaines règles qui doivent être appliquées de manière inflexible. « C’est plus fort que lui. »
Les séries de comportements répétitifs ou d’actes mentaux stéréotypés sont toujours les mêmes ou presque. « La compulsion souligne que le sujet se sent forcé, tandis que le rituel souligne que l’acte accompli se présente toujours sous la même forme, mais rituel ou compulsion décrivent le même phénomène », explique le Dr Alain Sauteraud.
• Les rituels sont destinés à neutraliser ou à diminuer l’anxiété ou le sentiment de détresse lié aux idées obsédantes, en empêchant l’événement ou la situation redoutés. Ces comportements ou ces actes mentaux sont soit sans relation réaliste avec ce qu’ils proposent de neutraliser ou de prévenir, soit excessifs.
• Les rituels réduisent provisoirement l’anxiété, mais ce soulagement contribue à maintenir et renforcer la maladie.
Les principaux thèmes des compulsions« On distingue trois types principaux de rituels qui regroupent la majorité des thèmes possibles », note l’expert.
• Les rituels de lavage excessif des mains, du corps, des objets rentrant dans la maison ou de la maison elle-même… Ils s’observent le plus souvent dans les obsessions de saleté.
• Les rituels de vérification et de perfection. Vérifications exagérées de fermeture des portes, des fenêtres, du gaz, des comptes du ménage… Les rituels d’ordre et de symétrie poussent à classer, aligner, ranger, etc.
• Les rituels mentaux : ce sont des phrases ou des chiffres « magiques ». Les ruminations : dire des petites phrases, faire des prières, compter mentalement… Les répétitions de gestes : se lever et s’asseoir de façon répétitive, toucher plusieurs fois un objet, etc.
L’anxiété
L’anxiété s’entend par un sentiment de crainte, d’appréhension et de mise en alerte. Dans le trouble obsessionnel compulsif, il s’agit d’une anxiété « de fond », lancinante, mais rarement paralysante. Elle entraîne une baisse de moral, voire des moments de désespoir, même si les personnes arrivent à vivre presque normalement. Elle est aggravée par les situations de stress et calmée provisoirement par la réalisation des « rituels » (compulsions).
L’évitement
• Éviter les situations qui déclenchent les obsessions est une autre stratégie pour lutter contre les idées obsédantes. Les évitements sont caractérisés lorsqu’une personne est incapable de faire entrer quelqu’un chez elle de crainte qu’il ne « contamine » son logement ; ils sont parfois inconscients ou non reconnus par le sujet qui peut prétendre ne pas aimer le train alors qu’en réalité il refuse l’idée d’un contact « salissant » avec des inconnus.
• L’invalidité découle de l’évitement de situations sociales ou professionnelles, ce qui perturbe la vie des individus et les empêche parfois de travailler. Le soulagement apporté par l’évitement maintient les obsessions et renforce la maladie.
Chez les enfants
Un trouble précoceL’âge d’apparition du TOC se situerait entre 6 et 15 ans chez les garçons, alors que les filles seraient plus souvent affectées entre 20 et 29 ans(1). Les critères diagnostiques sont les mêmes que chez les adultes.
Tous les rituels ne sont pas des TOCUn enfant qui refuse de porter des vêtements d’une certaine couleur ou qui se lave souvent les mains ne souffre pas forcément de TOC. Comme chez les adultes, c’est le critère de la durée consacrée au trouble qui doit inciter à consulter. « Tous les enfants ont des obsessions particulièrement fortes à certains âges de leur vie, liées à leur développement. De même, des rituels normaux font partie de son développement psychomoteur », rappelle le Dr Alain Sauteraud. Les rituels du coucher sont les plus habituels chez les enfants de 2 à 5 ans. Le fait de garder avec lui un tissu ou une peluche est lié à l’anxiété de séparation, normale entre 8 mois et 6 ans. Plus tard, entre 7 et 10 ans, certains répètent des petites phrases ou des chiffres magiques, ou évitent de marcher sur des lignes sur le trottoir. Ces petits rituels rassurent l’enfant face aux épreuves de son âge, comme une interrogation écrite à l’école, par exemple. « Ces conduites magiques disparaissent comme elles sont venues. On conseille d’en parler avec l’enfant et d’observer l’évolution. Dans la grande majorité des cas, elles disparaissent toutes seules », rassure Alain Sauteraud.
Les thèmes fréquents• Les obsessions les plus fréquentes sont la contamination et les germes, la crainte de provoquer des catastrophes ou de faire du mal aux autres, les préoccupations sur ce qui est juste et faux, ou le fait d’avoir une « petite musique dans la tête ». Comme chez l’adulte, les thèmes peuvent varier dans le temps.
• Les principales compulsions sont les rituels de lavage, de répétition (s’asseoir et se lever, répéter des phrases…), de vérification (fermeture des portes et fenêtres, etc.) ou de rangement (compter, accumuler…).
Des troubles associésJusqu’à 80 % des enfants ayant un diagnostic de TOC présenteraient un autre trouble psychiatrique(1). Les plus fréquents sont des troubles anxieux, dépressifs, des tics moteurs ou vocaux (syndrome de Gilles de la Tourette) et des troubles du comportement alimentaire.
Diagnostic
Clinique
Des symptômes obsessionnels ou compulsifs ne suffisent pas pour poser le diagnostic d’un TOC en l’absence de répercussions marquées sur la vie quotidienne. Le diagnostic est clinique. Il repose sur une liste de critères définie par les classifications internationales(1).
• Présence d’obsessions, de compulsions ou des deux (voir Signes cliniques, p. 32).
• Elles occasionnent une perte de temps considérable – plus d’une heure par jour – ou une détresse cliniquement significative, ou altèrent de façon significative les activités ou relations sociales habituelles de la personne atteinte.
• Elles ne sont pas imputables aux effets physiologiques d’une substance ou d’une autre maladie.
• La perturbation n’est pas mieux expliquée par les symptômes d’un autre trouble mental : préoccupation liée à la nourriture dans le cas d’un trouble des conduites alimentaires, ruminations de culpabilité liées à un trouble dépressif majeur… ;
Doit aussi être spécifié le niveau de prise de conscience, ou « insight ». L’insight est bon si le sujet reconnaît que les croyances concernant le TOC ne correspondent certainement ou probablement pas à la réalité ou qu’elles pourraient être vraies ou fausses ; l’insight est mauvais si les croyances correspondent probablement à la réalité ; l’insight est absent si le sujet est convaincu que ses croyances concernant le TOC sont vraies. Doit aussi être spécifiée la présence actuelle, ou dans les antécédents, de tics. Jusqu’à 30 % des sujets souffrant d’un TOC souffrent des tics pathologiques au cours de leur vie. Cela est particulièrement vrai en cas de TOC débuté dans l’enfance chez les hommes(1).
Sévérité
La sévérité du trouble peut être évaluée via l’échelle d’obsession-compulsion de Yale-Brown (Y BOCS) ou la Children’s Yale Brown Obsessive Compulsive Scale (CY-BOCS) pour les enfants. Ces échelles prennent en compte la durée quotidienne des obsessions et compulsions, la gêne et l’anxiété associées à ces symptômes, la volonté et la capacité du patient à résister aux obsessions et compulsions.
Une évaluation des symptômes de la dépression et de l’anxiété est souvent proposée en complément, ainsi qu’une évaluation psychiatrique globale afin de détecter d’autres troubles associés.
Évolution
• Non traité, le trouble est chronique mais des périodes d’atténuation ou de disparition provisoire des symptômes peuvent survenir. Les améliorations partielles laissent espérer une évolution positive, mais le trouble peut aussi s’aggraver sans causes déterminées et devenir insupportable. Une moins bonne prise de conscience ou insight est associée à un plus mauvais pronostic à long terme(1).
• Les améliorations sont parfois liées à des événements favorables ou à des changements brefs du lieu de vie, mais à plus long terme, la personne retrouve le plus souvent ses rituels. Les situations de stress augmentent les symptômes.
• La plus grave complication est la dépression majeure retrouvée chez environ 50 % des personnes au cours de leur vie, et chez plus d’un quart des enfants. Des pensées suicidaires surviennent à un moment ou un autre chez environ la moitié des personnes touchées par un TOC ; près d’un quart des sujets souffrant d’un TOC font des tentatives de suicide(1).
Suivi
Psychiatres et psychologues spécialisés en thérapie cognitivo-comportementale (TCC) assurent le plus souvent la prise en charge, mais « un généraliste motivé peut tout à fait faire le diagnostic, prescrire le médicament et le suivi ».
Son traitement
Objectif
La prise en charge d’un TOC vise soit la guérison avec un traitement maintenu, soit la rémission, c’est-à-dire l’atténuation des symptômes ou leur disparition transitoire avec un risque de récidive ou de rechute.
Stratégie thérapeutique
Les traitements
• Les deux traitements de première intention sont la thérapie comportementale et cognitive (TCC) et/ou les antidépresseurs, notamment ceux de la famille des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS).
• La prise en charge thérapeutique du trouble obsessionnel compulsif de l’enfant est la même que pour l’adulte. Trois médicaments ont une autorisation de mise sur le marché (AMM) chez l’enfant en France : la sertraline à partir de 6 ans, la fluvoxamine dès 8 ans et la clomipramine à partir de 10 ans.
• La psychochirurgie fonctionnelle est validée par la Haute autorité de santé pour des cas sévères et résistants(4).
• Les psychothérapies de type psychanalytique ne sont pas conseillées car leur efficacité n’a jamais été démontrée. Les psychanalystes proposent néanmoins une prise en charge du TOC sous forme de cure analytique, associée ou pas à un antidépresseur prescrit par un médecin, sans que les résultats ne soient évalués.
Le choix
• Le choix du traitement tient compte de la sévérité de la maladie, de l’existence de troubles associés, de la demande du patient et de la disponibilité d’un thérapeute comportementaliste. Les traitements combinant antidépresseurs et psychothérapie présentent l’intérêt d’alléger les exercices de TCC et de diminuer les dosages médicamenteux. Dans ce cas, l’instauration successive des deux traitements permet de mesurer leurs effets respectifs.
• En cas de TOC résistant. Lorsque le trouble a résisté au moins à deux antidépresseurs et à une thérapie comportementale d’au moins 12 heures en séance, d’autres stratégies spécialisées peuvent être utilisées, comme de faibles doses de neuroleptiques ou un thymorégulateur. « La prise des antidépresseurs se fait par cures le plus souvent, mais en continu en cas de troisième épisode (deuxième rechute) », indique le Dr Alain Sauteraud.
• En cas de comorbidité associée. En présence d’un autre trouble anxieux, des anxiolytiques de type benzodiazépines sont parfois associés à l’antidépresseur. En cas de trouble bipolaire, un régulateur de l’humeur sera préféré aux antidépresseurs.
La durée
Le patient doit accepter un traitement long, voire à vie, malgré des réticences à accepter des traitements psychotropes au long cours. Souvent, il prend le traitement en fonction de l’intensité de ses troubles, alternant arrêt, reprise et diminution des doses.
Les thérapies cognitivo comportementales
La thérapie comportementale agit directement sur les comportements problématiques, et cherche à modifier les pensées et les émotions associées au trouble.
Avec l’aide du psychothérapeute, le patient s’expose de façon progressive, prolongée et répétée aux situations déclenchant l’anxiété, sans faire de rituel ou en faisant moins de rituels que d’habitude. Le patient répète cet exercice jusqu’à une « habituation » qui correspond à une disparition de l’anxiété. Les obsessions s’abaissent dans le même temps quand le patient se rend compte qu’il peut diminuer ses rituels.
La durée habituelle est d’un à deux ans, 6 mois minimum, à raison de 20 à 40 séances d’une demi-heure, avec environ une heure d’exercice dans la vie quotidienne du patient.
Les médicaments
Les antidépresseurs
Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) sont recommandés en première intention. La posologie est augmentée par paliers de 4 semaines si nécessaire. Si la réponse est insuffisante, un deuxième ISRS est essayé, puis un troisième.
La clomipramine (Anafranil), antidépresseur tricyclique inhibiteur non sélectif de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, est réservée en deuxième intention après l’échec de 2 à 3 ISRS, en raison d’effets indésirables plus gênants. Pour information, la venlafaxine (Effexor), inhibiteur non sélectif de la sérotonine et de la noradrénaline, est parfois utilisée hors AMM, de 75 à 400 mg/jour.
• Mode d’action : en bloquant la recapture de la sérotonine – et un peu celle de l’adrénaline pour la clomipramine –, ils en augmentent la concentration au niveau synaptique. L’amélioration des symptômes est obtenue avec des posologies supérieures à celles utilisées dans la dépression (voir tableau ci-contre), après un délai de 4 à 12 semaines, également supérieur à celui connu dans la dépression (2 à 4 semaines).
• Principaux effets indésirables. ISRS : céphalées, nausées, diarrhée, constipation, sécheresse buccale, hypersudation, prise ou perte de poids, état fébrile, asthénie, anxiété, agitation, insomnie, cauchemars, troubles de la libido, pharyngite avec la sertraline, sinusite avec l’escitalopram… Clomipramine : sécheresse buccale, constipation, trouble de la miction, de l’accommodation visuelle, bouffées de chaleur, sueurs, somnolence ou sédation liée à l’effet antihistaminique, asthénie, hypotension orthostatique, impuissance, troubles de la libido. « En cas d’excès de dose, on observe un syndrome sérotoninergique, qui est un état d’hyperexcitabilité neurologique avec des impatiences et des sursauts pouvant aller jusqu’à un état grave », pointe le Dr Alain Sauteraud.
Les neuroleptiques
Certains neuroleptiques sont utilisés hors AMM dans les TOC.
La rispéridone (Risperdal) ou l’aripiprazole (Abilify) sont associées aux ISRS chez les patients qui ne répondent pas aux sérotoninergiques seuls, pour leur effet sur la dopamine. Seuls, ils n’ont pas d’effet spécifique sur les TOC. Ils sont administrés avec prudence si le patient consomme de l’alcool ou prend des opiacés, des antihistaminiques et les benzodiazépines du fait d’une augmentation de l’effet sédatif.
La psychothérapie analytique
Certains patients envisagent une psychanalyse classique pour tenter de comprendre le sens des symptômes, remonter à leur source et démêler les significations.
Une prise en charge précoce est souhaitable, dès l’enfance, l’adolescence ou le jeune adulte, avant que les mécanismes ne soient figés dans des systèmes rigides.
Le but est de permettre à l’individu de prendre conscience progressivement de ses désirs et émotions enfouis contre lesquels il lutte et tente de trouver, par les TOC, des solutions mal adaptées.
Le Dr Sauteraud regrette « que certains patients souffrant de TOC entreprennent ce “traitement” psychanalytique. Il s’agit d’une fausse piste qui, en 120 ans d’existence de la psychanalyse, n’a jamais guéri ou amélioré un patient de façon scientifiquement crédible. Les patients ainsi orientés diminuent leurs chances d’aller mieux dans des délais raisonnables. »
La psychochirurgieI fonctionnelle
Elle consiste en la stimulation électrique profonde d’une zone cérébrale, comme elle est réalisée dans la maladie de Parkinson.
• Comment ? L’intervention consiste à implanter chirurgicalement deux électrodes cérébrales reliées à un neuro-stimulateur sous-cutané, à la façon d’un pacemaker.
Le neurostimulateur délivre des impulsions électriques à haute fréquence, de manière à modifier l’activité neuronale dans une structure bien ciblée du cerveau.
• Pour qui ? Elle est réservée à des cas graves avec des indications précises, dont une évolution du TOC depuis au moins 5 ans ; un traitement depuis au moins 5 ans par médicaments et TCC sans amélioration significative, ou bien interrompu à cause d’effets indésirables intolérables ; un pronostic considéré comme mauvais en l’absence d’intervention.
Les conseils aux patients
Observance
La régularité du suivi et la pratique journalière des exercices de TCC sont parfois difficiles à observer. Rappeler qu’une thérapie bien suivie est gage de diminution des symptômes, voire de leur disparition.
Automédication
En cas de demande de produits pour améliorer le sommeil ou diminuer l’anxiété, conseillez de revoir le médecin. D’autres facteurs de stress peuvent aggraver les symptômes et requérir un ajustement de la prise en charge.
Vie quotidienne
Normal ou pas
Il faut distinguer le normal du pathologique dans le comportement (voir tableau p. 36).
Oser consulter
Lever les obstacles à la consultationLa honte d’évoquer des pensées est à surmonter pour pouvoir se confier à un professionnel de santé qui ne les jugera pas. La peur d’être considéré fou et d’être « interné » est un frein alors que le traitement d’un TOC n’implique pas une hospitalisation sauf situation très grave ou idées suicidaires comme parfois dans le trouble bipolaire. La culpabilité de ne pouvoir interrompre soi-même les pensées et les rituels alors qu’il s’agit d’une maladie contre laquelle le sujet ne peut pas lutter, ainsi que l’idée que le trouble passera avec le temps alors qu’il est chronique, sont des obstacles pour consulter.
Qui consulter ?Le médecin traitant qui le traitera lui-même ou l’orientera vers un spécialiste, ou s’adresser directement à un spécialiste (voir En savoir+ ci-contre).
Conseils aux proches
Deux attitudes à proscrire• Une opposition ferme aux symptômes. Les réprimandes par la colère ou la critique du style « Il faut te secouer », « Aie un peu de volonté », etc. ont pour conséquence des conflits familiaux et une tension qui aggravent le TOC.
• Trop de complaisance. Lorsque l’entourage participe ou assiste aux rituels, il devient complice sans le vouloir. Cette attitude peut maintenir la personne dans un engrenage. « L’entourage peut aider certains rituels à la condition de toujours signifier au patient son exagération et l’inciter à résister et à se soigner. »
Préserver la libertéEn cas d’envahissement tyrannique des rituels, les limites doivent être posées clairement : « Je comprends que ta maladie est douloureuse mais je ne peux pas me permettre d’accepter… »
Admettre les situations stressantesChangements des habitudes de vie (déménagement, départ en vacances), changements familiaux (naissance, mariage ou deuil) ou professionnels (perte d’emploi, promotion, etc.) sont des situations stressantes. En cas de fatigue, d’énervement ou d’abattement, la lutte contre les rituels est plus difficile. L’entourage doit alors être plus tolérant
Reconnaître et encouragerMême lorsque le traitement ne repose que sur les médicaments, le patient est toujours attentif aux phénomènes obsessionnels et s’efforce d’y résister. Encourager les progrès est très utile.
En cas de refus de soinsConserver les habitudes familiales et sociales et les activités de loisir. Confronter la personne souffrant de TOC aux besoins et aux nécessités des autres membres de la famille. Lui rappeler que le TOC est une maladie qui se soigne peut l’amener à consulter.
Avec l’aimable participation et relecture du Docteur Alain Sauteraud, psychiatre, enseignant chercheur, spécialiste des troubles obsessionnels compulsifs.
(1) DSM -5, manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 5e édition, traduction française. Édition Elsevier Masson, 2015.
(2) Troubles obsessionnels compulsifs. Une prise en charge le plus souvent efficace, Inserm, 2021.
(3) Je ne peux pas m’arrêter de laver, véri er, compter. Mieux vivre avec un TOC, Docteur Alain Sauteraud. Éditions Odile Jacob, 334 pages, 2000, 2e édition, 2002.
(4) Troubles obsessionnels compulsifs résistants : prise en charge et place de la neurochirurgie fonctionnelle, HAS, mai 2005.
Dico+
→ Le DSM pour « Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders » (DSM) est le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’Association américaine de psychiatrie reconnu comme classification internationale. Le chiffre 5 dans DSM-5 désigne la 5e version datée de 2013 (version américaine) traduite en France en 2015.
→ Une névrose : affection caractérisée par des troubles affectifs et émotionnels (angoisse, phobies, obsessions, asthénie), dont le sujet est conscient, mais ne peut se débarrasser, et qui n’altèrent pas l’intégrité de ses fonctions mentales.
→ Obsession vient du latin obsidere qui signifie assiéger.
→ Compulsion vient du latin compulsare qui veut dire contraindre.
Motifs de consultation chez les enfants
→ Des lavages de mains exagérés.
→ L’usage trop fréquent de pense-bêtes.
→ Une augmentation incompréhensible du linge sale ou des serviettes qui ne sont utilisées qu’une seule fois.
→ Une difficulté à porter certains vêtements.
→ Des vérifications interminables : devoirs du soir, cartable, lampe de chevet.
→ Des stations très prolongées aux toilettes ou dans la salle de bains, une utilisation exagérée du papier toilette.
→ Des difficultés à quitter la maison.
→ Des rituels de coucher trop longs, en décalage avec l’âge de l’enfant.
→ Des demandes de réassurance exagérées qui ne s’améliorent pas avec l’âge.
→ Des collections inhabituelles d’objets comme des coupons de réduction, des canettes de jus de fruits vides ou des sachets de supermarché.
→ Des façons de marcher particulières.
→ Une lenteur caractérisée par des heures occupées à des activités apparemment improductives comme la lecture répétée du même texte, ou un lever de plus en plus tôt pour se préparer.
Exemples tirés de Je ne peux pas m’arrêter de laver, vérifi er, compter. Mieux vivre avec un TOC, Alain Sauteraud, Éditions Odile Jacob, Paris, 2002.
Info+
→ La famille « TOC et troubles apparentés » comprend également l’obsession de la dysmorphie corporelle, la trichotillomanie et la dermatillomanie. L’accumulation ou thésaurisation pathologique, qui faisait partie auparavant du TOC, est devenue une catégorie séparée du TOC mais présente dans les troubles apparentés.
Avis de spé“Les médicaments ne sont pas obligatoires, mais seuls 10 % des patients pourront s’en passer”
Dr Alain Sauteraud, médecin psychiatre à Bordeaux (33), enseignant chercheur, spécialisé dans les troubles anxieux et dépressifs et dans la thérapie comportementale et cognitive. Un des principaux spécialistes français du Trouble obsessionnel compulsif et de ses traitements avec plus de 1 000 patients soignés. Auteur de Je ne peux pas m’arrêter de laver, vérifier, compter. Mieux vivre avec un TOC, et du Trouble obsessionnel compulsif. Le manuel du thérapeute, aux Éditions Odile Jacob.
La sévérité du TOC doit-elle être évaluée ?
Oui, c’est le nombre d’heures d’obsessionscompulsions qui compte. Le patient n’est pas bien dès 3 heures par jour, il est très gêné dès 5 heures, il ne peut plus faire grand-chose dès 8 heures par jour. Dans certains cas, c’est l’évitement qui crée l’essentiel du handicap. Ne plus pouvoir aller aux toilettes ailleurs que chez soi ou sortir de chez soi sans passer 5 heures à vérifier les portes ont pour conséquence de rester chez soi.
Est-il exact que les obsessions et les compulsions regroupent peu ou prou les mêmes thèmes partout sur le globe ?
Oui. Probablement parce que c’est une fonction psychologique adaptative de l’Homo sapiens qui est déréglée. On considère qu’il a survécu parce qu’il a une forte charge d’obsessionnalité sur les dangers qu’il peut rencontrer. Le caractère obsessionnel de l’Homo sapiens a probablement protégé l’humanité… en vérifiant et en lavant avant même qu’il ne sache ce qu’était qu’un microbe !
Comment décider de la prise en charge ? Les médicaments sont-ils « obligatoires » ?
Dès que le patient est gêné, et le plus jeune possible. Les médicaments ne sont pas obligatoires mais seulement 10 % des patients pourront s’en passer au cours de leur vie. Ce sont ceux qui ont été guéris de façon stable par la TCC isolée. La grande problématique reste la difficulté d’accès aux soins…
Les thérapies de groupe ont-elles un rôle ?
Oui, elles déculpabilisent le sujet en lui montrant des « congénères » qui le déstigmatisent. Lors de groupes que j’ai animés, j’ai observé que la parole des malades portait parfois plus que la mienne. Elles sont très utiles en cas de TOC résistant.
Peut-on envisager une prise en charge « par période » ou est-elle « à vie » ?
C’est une question complexe. La maladie est à vie, mais oui, il y a des fenêtres sans traitements dans les bonnes phases de la maladie. Mais les patients espèrent toujours pouvoir s’en passer comme si l’on pouvait se débarrasser de la maladie…
À quel moment parler de TOC résistant ?
Au bout de 3 essais d’ISRS (voir plus bas) dont une association de deux ISRS et de deux essais de TCC par des thérapeutes différents.
Votre avis sur la neurostimulation cérébrale profonde (SCP) ?
La SCP est réservée aux formes résistantes et graves. Tous les TOC résistants ne sont pas graves. 1 % des TOC sont éligibles à la psychochirurgie et la majorité des patients la refuse. J’ai eu une dizaine d’indications dans ma patientèle et un seul opéré. Il faut réserver la SCP à ces cas graves et résistants dont c’est le seul espoir d’amélioration, mais il est très difficile de faire opérer un patient en France du fait de la pénurie de centres et de moyens.
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ADRESSES UTILES
→ Pour trouver un spécialiste des thérapies cognitivo-comportementales :
• Association française de thérapie comportementale et cognitive (AFTCC) www.aftcc.org, rubrique contacts- Carte des membres.
• Association francophone de formation et de recherche en thérapie comportementale et cognitive www.afforthecc.org, rubrique Membres. Tél. : 04 50 33 52 33.
• Institut de recherche comportementale et cognitive sur l’anxiété et la dépression (Irccade) www.irccade.com/
→ Pour des renseignements sur le TOC :
• Association française des personnes ayant un TOC (Aftoc) www.aftoc.org Tél. : 01 39 56 67 22
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LIVRES
→ Trois ouvrages pour mieux comprendre les TOC
Je ne peux pas m’arrêter de laver, vérifier, compter. Mieux vivre avec un TOC, Docteur Alain Sauteraud, Éditions Odile Jacob, 334 p., 2e édition, 2002. TOC, vivre avec et s’en libérer, Docteur Elie Hantouche et Vincent Trybou, psychologue, Éditions J. Lyon, 244 p., 2011. TOC ou pas TOC ? : reconnaître un trouble obsessionnel compulsif et le guérir, Docteur Franck Lamagnère, Éditions Odile Jacob, 328 p., 2016.
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