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Le syndrome de l’intestin irritable

Publié le 20 janvier 2023
Par Nathalie Belin
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Associant des signes peu spécifiques, douleurs abdominales chroniques et troubles du transit, le syndrome de l’intestin irritable peut altérer fortement la qualité de vie. À côté des médicaments, des conseils nutritionnels et d’hygiène de vie sont indispensables.

La maladie

Définitions

• Autrefois appelé colopathie fonctionnelle, ou troubles intestinaux bénins récurrents, le syndrome de l’intestin irritable (SII) est l’un des premiers motifs de consultation en gastro-entérologie. Il associe des douleurs ou un inconfort abdominal et des troubles du transit, évoluant de façon chronique.

• Selon le type de trouble du transit prédominant (voir Diagnostic p. 37), on distingue les formes avec constipation dominante (environ 25 % des cas), avec diarrhée prédominante (environ 33 % des cas), mixtes avec alternance de diarrhée et de constipation (40 % des cas environ). Il existe aussi des formes « inclassables ».

Physiopathologie

La physiopathologie de la maladie, non élucidée, apparaît multifactorielle, impliquant facteurs périphériques et centraux, qui semblent modulés ou influencés par un terrain anxieux et l’alimentation.

Troubles de la motricité intestinale

Une irrégularité des contractions intestinales et une augmentation du péristaltisme peuvent expliquer les troubles du transit et les douleurs spasmodiques.

Hypersensibilité viscérale

Entraînant une perception inconfortable ou douloureuse de phénomènes digestifs « normaux », l’hypersensibilité viscérale est liée à une altération des échanges de l’axe intestin-cerveau. Interviennent une hypersensibilité des récepteurs périphériques à la surface de la muqueuse intestinale, une hyperexcitabilité neuronale et des anomalies des contrôles des messages douloureux au niveau de la moelle épinière et du cerveau.

Cette hypersensibilité pourrait également être extra-digestive, expliquant la présence de certaines pathologies chez les patients atteints de SII (voir Signes cliniques p. 36).

Inflammation chronique de bas grade

Une inflammation de la paroi intestinale, liée à l’infiltration de lymphocytes et mastocytes sécrétant des cytokines pro-inflammatoires, a été mise en évidence chez certains patients. Elle contribue à perturber la motricité et la sensibilité digestive.

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Dysbiose

• Des anomalies quantitatives et qualitatives du microbiote intestinal, avec réduction du nombre et de la diversité de certaines espèces bactériennes, sont observées « chez deux tiers des patients environ », précise le Pr Jean-Marc Sabaté, gastro-entérologue à l’hôpital Avicenne, à Bobigny (93). Cette dysbiose pourrait être à l’origine d’une augmentation de la perméabilité de la barrière intestinale favorisant l’entretien de l’inflammation locale.

• La prise d’antibiotiques ou une gastro-entérite aiguë pourrait être un facteur déclenchant de la maladie. « Dans environ 15 à 20 % des cas, le SII survient à la suite d’une gastro-entérite aiguë, le plus souvent bactérienne ou parasitaire. On parle de SII post-infectieux, pour lequel une amélioration des symptômes est parfois constatée avec le temps », indique le Pr Sabaté.

• Chez certains patients, une pullulation microbienne au niveau de l’intestin grêle, ou SIBO (pour Small Intestinal Bacterial Overgrowth), pourrait être impliquée dans la genèse des symptômes en stimulant les mécanismes de fermentation et en augmentant la production de gaz (voir Point de vue p. 37).

Rôle des acides biliaires

Un excès d’acides biliaires dans la lumière intestinale, du fait d’une malabsorption, pourrait expliquer l’accélération du transit chez certains patients souffrant d’un SII avec diarrhée prédominante. Un traitement séquestrant les acides biliaires s’avère efficace (voir Traitement p. 38).

Facteurs favorisants

Stress et facteurs psychologiques

Une plus forte prévalence de troubles psychologiques, notamment un terrain anxiodépressif, est retrouvée chez les patients. Certains notent un lien entre un événement stressant et l’apparition de leur maladie, ou un état anxieux et une majoration des symptômes.

Alimentation

• De véritables allergies alimentaires, comme la maladie cœliaque, ne sont pas plus fréquentes qu’en population générale. En revanche, une intolérance au gluten sans maladie cœliaque, en quelque sorte, une « sensibilité » au gluten se manifestant par des ballonnements, un inconfort intestinal et de la diarrhée est possible et expliquerait le bénéfice de l’éviction du gluten (blé, seigle, orge, avoine) chez certains.

• Un déficit en lactase à l’origine d’une intolérance au lactose (lait, yaourts, desserts lactés…) est possible.

• Certains sucres dits fermentescibles (fermentable oligo-, di-, monosaccharides and polyols, ou FODMAPs, voir encadré) pourraient favoriser les douleurs et ballonnements par production de gaz par les bactéries coliques.

Autres

Plusieurs cas de SII sont parfois présents au sein d’une famille (parents, enfants, frères, sœurs) sans qu’un lien direct avec la génétique n’ait été découvert. « L’explication pourrait aussi être en lien avec des facteurs d’environnement commun, une “éducation aux symptômes” transmise par exemple de la mère à l’enfant ou l’alimentation », avance le Pr Sabaté.

Signes cliniques

Douleur abdominale, troubles du transit et ballonnements sont fréquemment associés.

Douleur abdominale

Concernant tout l’abdomen ou les fosses iliaques, elle est d’intensité variable, souvent spasmodique, et évolue par crises de quelques heures à quelques jours.

Troubles du transit

Il peut s’agir de constipation (= moins de trois selles par semaine et/ou difficultés d’exonération par rapport à l’accoutumée), de diarrhée avec des selles plus ou moins liquides plusieurs fois par jour, souvent le matin ou en postprandial, ou d’une alternance d’épisodes de constipation et de diarrhée. Ces troubles s’intercalent entre des périodes de transit normal.

Ballonnements

Fréquents, ils peuvent être au premier plan. De la simple gêne à une tension abdominale douloureuse, ils sont en général soulagés par l’émission de gaz ou de selles.

Pathologies associées

Certaines pathologies semblent plus fréquentes chez les patients : la fibromyalgie, la cystite à urines claires, ou cystite interstitielle (voir Dico+ p. 37), une dyspepsie et/ou un reflux gastro-œsophagien (RGO). Céphalées et syndrome de fatigue chronique sont aussi très fréquents.

Diagnostic

• Le diagnostic est difficile car les symptômes sont peu spécifiques et subjectifs. Les critères diagnostiques de Rome IV (voir ci-dessous) ne prennent pas en compte les ballonnements mais guident l’interrogatoire. Des questionnaires standardisés, tel le score de Francis, évaluent la sévérité de la maladie : formes minimes, modérées ou sévères.

• Malgré des symptômes très gênants, l’examen clinique est normal et l’état général, conservé. « Le SII reste le plus souvent pour les médecins un diagnostic d’exclusion. La présence de signes d’alarme doit faire rechercher une pathologie organique sous-jacente », indique le Pr Sabaté.

Critères diagnostiques de Rome

• Les symptômes douleurs et troubles du transit doivent être présents depuis au moins six mois et les douleurs abdominales survenir au moins un jour par semaine au cours des trois derniers mois, en lien avec au moins deux des critères suivants : être en relation avec la défécation (soulagement ou aggravation des douleurs), être en lien avec un changement de la fréquence des selles ou de leur consistance.

• En fonction de la consistance des selles, évaluée selon l’échelle de Bristol, avec sept catégories de selles, selon qu’elles sont dures et morcelées à totalement liquides, quatre formes de la maladie sont distinguées : SII avec constipation dominante (SII-C), diarrhée dominante (SII-D), avec alternance de diarrhée et de constipation (SII-M) ou SII non spécifié lorsque les critères ne permettent pas de classer le patient dans les groupes précédents.

Signes d’alarme

Ils nécessitent la réalisation d’examens complémentaires : patient âgé de 50 ans ou plus, sang dans les selles ou signes d’anémie, symptômes nocturnes, amaigrissement, apparition ou modification récente des symptômes.

Examens complémentaires

Réalisés selon le contexte, ces examens visent à éliminer des diagnostics différentiels ou à rechercher une comorbidité. Il n’y a pas lieu de les répéter en l’absence de signes nouveaux d’appel.

• Bilan sanguin : numération formule sanguine (NFS) à la recherche d’une anémie, protéine C réactive pouvant révéler un syndrome inflammatoire, TSH et/ou anticorps Ig A anti-transglutaminases en cas de SII-D pour éliminer une hyperthyroïdie ou identifier une maladie cœliaque (douleurs abdominales, diarrhée chronique, amaigrissement).

• Examen parasitologique des selles : proposé en cas de SII-D à début brutal et retour de voyage en zone à risque par exemple.

• Dosage de la calprotectine fécale (non remboursé, voir Dico+) : pour éliminer une pathologie inflammatoire dans les formes avec diarrhée, notamment une maladie chronique inflammatoire de l’intestin (MICI) ou une colite microscopique souvent secondaire à la prise de certains médicaments et induisant une inflammation locale responsable de la diarrhée. La calprotectine fécale est élevée en cas de MICI en poussée alors qu’elle est normale (inférieure à 50 µg/g) ou peu élevée en cas de SII.

• Autres : éventuellement coloscopie (âge supérieur à 50 ans…) pour rechercher des lésions cancéreuses, fibroscopie en cas de dyspepsie ou de suspicion de maladie cœliaque avec, dans ce cas, des biopsies duodénales.

Évolution

• Les symptômes varient selon les patients, avec une constance pour les douleurs abdominales. Ils sont plus ou moins sévères, évoluent sur un mode chronique ou parfois alternant crises et accalmies. Ils peuvent s’aggraver, s’améliorer ou encore changer, passant d’un trouble du transit à un autre.

• En cas de symptômes sévères, le SII est très invalidant, avec des répercussions familiales, sociales et professionnelles. À côté de ces formes sévères, c’est souvent le caractère récurrent et chronique des symptômes qui affecte le plus les patients. Ces derniers restent souvent en attente d’un diagnostic durant des années, source d’inquiétude et d’angoisse.

• La présence de comorbidités est corrélée à une plus forte sévérité du SII et à des taux plus élevés de troubles anxiodépressifs se traduisant par une plus forte altération de la qualité de vie.

• Quel que soit sa sévérité, un SII est bénin. Rassurer sur des craintes fréquentes, comme le risque de développer un cancer ou une maladie chronique inflammatoire de l’intestin.

Son traitement

Objectif

Difficile, la prise en charge vise à diminuer l’intensité et la fréquence des épisodes symptomatiques et à améliorer la qualité de vie.

Stratégie thérapeutique

Principe

• Les conseils nutritionnels et diététiques tiennent une place très importante et sont à mettre en place au préalable, puis si besoin en plus des médicaments (voir Vie quotidienne p. 41).

• Les traitements se prennent à la demande le plus souvent, voire au long cours, pour les antispasmodiques notamment.

• Une molécule qui ne fonctionne pas ne doit pas être poursuivie et un traitement qui marche peut perdre de son efficacité par la suite, du fait d’une évolution des symptômes. Il est donc nécessaire de réévaluer régulièrement les prescriptions. L’effet placebo est élevé.

En première intention

• Pour les douleurs et ballonnements. Les anti-spasmodiques musculotropes sont indiqués. Certains renferment de la siméticone, associant silice et diméticone, un topique couvrant, intéressante sur les ballonnements. L’huile essentielle de menthe poivrée en gélules gastro-résistantes est une alternative. Des essais cliniques randomisés versus placebo prouvent son efficacité dans le SII. La montmorillonite beidellitique s’est montrée, elle, efficace pour réduire les douleurs et les ballonnements dans les SII-C.

• Pour les troubles du transit. En cas de constipation prédominante, les laxatifs osmotiques sont proposés en première intention en préférant les macrogols aux polyols qui, métabolisés par le microbiote intestinal, exposent davantage aux ballonnements. Les laxatifs de lest type mucilage, riches en fibres solubles (ispaghul, gomme de sterculia), peuvent convenir. En cas de diarrhée, le lopéramide est le plus souvent proposé mais racécadotril et diosmectite peuvent être utilisés.

En deuxième intention

• En cas d’échec des antispasmodiques. Des antidépresseurs à faible dose, tricycliques surtout (amitriptyline, imipramine…), ou des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (paroxétine, fluoxétine, citalopram…), voire des anti-épileptiques (prégabaline, gabapentine…), sont proposés hors AMM. Ils exercent une action antalgique démontrée dans le SII via une action sur les récepteurs neuronaux périphériques et centraux de la douleur. Pour les antidépresseurs, les doses utilisées, atteintes progressivement pour limiter les effets indésirables, sont plus faibles que dans la dépression. « L’efficacité n’apparaît que quinze jours ou trois semaines après qu’une posologie potentiellement efficace a été atteinte », note l’expert. Les tricycliques sont susceptibles d’aggraver une constipation chez les patients SII-C.

• En cas de diarrhée postprandiale invalidante. La cholestyramine (Questran), chélateur des sels biliaires, est essayée, avec une bonne efficacité lorsque la diarrhée est liée à une malabsorption des sels biliaires.

Autres

• Probiotiques. Leur efficacité est variable et globalement modeste. « Je ne recommande que ceux ayant fait l’objet d’études cliniques randomisées contre placebo positives », indique le Pr Sabaté. Citons Lactibiane Référence, Probiolog Florvis, Smebiocta Confort, Symbiosys Alflorex, Kijimea… Bien tolérés, ils sont souvent proposés et/ou utilisés spontanément par les patients en première intention et/ou en complément des traitements prescrits.

• Glutamine, un acide aminé, et xyloglucane-protéines végétales-prébiotiques (Gelsectan). Des études cliniques montrent leur intérêt dans le SII-D notamment (voir Point de vue p. 37).

Alternatives non médicamenteuses

Du fait du rôle potentiel des émotions et du stress vis-à-vis des symptômes, des thérapies psycho-comportementales peuvent être bénéfiques. Les thérapies cognitivo-comportementales centrées sur les émotions et leurs relations avec les symptômes ont prouvé leur efficacité dans le SII, mais restent peu développées en France. L’hypnose, option bien validée, améliore les symptômes, avec une efficacité maintenue sur le long cours chez les patients répondeurs, et la qualité de vie, et diminue les symptômes extra-digestifs. « La méditation de pleine conscience a aussi fait plus récemment les preuves de son efficacité », précise le Pr Sabaté. L’ostéopathie et le yoga sont à l’étude. En revanche, l’acupuncture s’avère inefficace.

Médicaments

Antispasmodiques musculotropes

• Molécules avec essais cliniques contrôlés dans le SII : alvérine, mébévérine, phloroglucinol, trimébutine, huile essentielle de menthe poivrée.

• Mode d’action. Ils agissent sur le muscle lisse du tractus gastro-intestinal, sans action sur le système nerveux autonome. La siméticone associée à certains antispasmodiques modifie la tension superficielle des bulles de gaz favorisant leur élimination.

• Effets indésirables. Réactions d’hypersensibilité (prurit, urticaire…), dont certaines rares mais graves (œdème de Quincke, choc anaphylactique). Pinavérium : risque de lésions et ulcérations œsophagiennes justifiant le respect des modalités de prise. Alvérine et mébévérine : rares nausées, céphalées ; l’alvérine peut être à l’origine de très rares atteintes hépatiques et de vertiges. Huile essentielle de menthe poivrée en gélules gastro-résistantes : brûlures épigastriques, pyrosis, gêne ano-rectale possibles.

« Protecteurs » intestinaux

Avec indication dans les manifestations fonctionnelles intestinales.

• Molécules. Avec étude dans le SII : montmorillonite beidellitique (Bedelix). Autres : diosmectite (Smecta, Smectalia…).

• Mode d’action. Argiles naturelles tapissant la muqueuse digestive avec un pouvoir adsorbant puissant. La diosmectite a des propriétés antidiarrhéiques.

• Effets indésirables. Urticaire, réactions d’hypersensibilité possibles. Risque de constipation pour la diosmectite.

Laxatifs

• Osmotiques. Macrogols ou PEG (polyéthylène glycol) : Forlax, ForlaxLib, Movicol, Transipeg, TransipegLib…

• De lest. Ispaghul : Psylia, Transilane, Spagulax… Gomme de sterculia : Normafibe…

• Mode d’action. Macrogols : augmentation de l’hydratation des selles par appel d’eau dans la lumière intestinale, sans effet de fermentation colique. De lest : augmentation du volume des selles et en les hydratant, sous réserve de boire suffisament.

• Effets indésirables. Douleurs et ballonnements, notamment avec les laxatifs de lest, limités par une augmentation posologique progressive.

Antidiarrhéiques

• Molécules. Lopéramide : Imodium, Diaretyl… Racécadotril : Tiorfan, Tiorfanor, Diarfix…

• Mode d’action. Lopéramide : antisécrétoire intestinal et ralentisseur du transit. Racécadotril : antisécrétoire sans modification du temps de transit.

• Effets indésirables. Lopéramide : flatulences, constipation. Racécadotril : augmentation du risque d’angio-œdème avec d’autres médicaments accroissant ce risque (IEC, sartans, gliptines).

Vie quotidienne

Observance

• Les antispasmodiques et régulateurs du transit se prennent à la demande, mais aussi de façon quotidienne sur quelques semaines pour un soulagement durable. S’ils semblent sans effet après quelques jours, inutile de les poursuivre, mais refaire le point avec le médecin.

• Prévenir les effets indésirables. Ne pas s’allonger après la prise de pinavérium. Augmenter progressivement les doses des laxatifs de lest pour limiter les ballonnements, boire à chaque prise et régulièrement dans la journée. Prendre le lopéramide après chaque selle liquide « mais certains patients ayant des symptômes invalidants le prennent en préventif », souligne l’expert. La dose minimale efficace doit toujours être recherchée.

• Expliquer l’intérêt de l’antidépresseur, « utilisé pour son action antalgique et non antidépressive », et que l’effet n’apparaît qu’après plusieurs semaines à dose efficace.

Automédication

• Fréquente, l’automédication fait souvent appel aux probiotiques. Il est souvent nécessaire d’en essayer plusieurs, en se donnant quatre à six semaines pour tester leur efficacité. S’ils fonctionnent, ils peuvent être poursuivis aussi longtemps que nécessaire.

• Le charbon dispose de peu d’études dans l’intestin irritable et les ballonnements en général. S’il est essayé, il doit être utilisé à distance des autres médicaments, comme les argiles.

Alimentation

• Du bon sens en première ligne. Pour limiter les douleurs et ballonnements, respecter trois repas par jour à des heures régulières, ni trop légers ni trop riches pour éviter d’avoir faim ou de se sentir « lourd » ; manger lentement en mâchant bien ; réduire les aliments gras, épicés, les boissons gazeuses, le café, l’alcool, les oignons, les choux, les chewing-gums et confiseries. Si ce n’est pas suffisant, un régime pauvre en FODMAPs peut être tenté, en orientant idéalement vers une diététicienne. « De nombreux patients tentent ce régime seul. Je leur recommande alors l’application de l’université Monash, en Australie, qui a été la première à mettre au point ce régime », précise le spécialiste.

• Un régime strict n’est pas recommandé en l’absence de maladie cœliaque avérée. Chez les patients ayant une sensibilité au gluten sans maladie cœliaque, le régime pauvre en gluten peut être testé. Il consiste à réduire ses apports en céréales type blé, seigle et orge notamment. « Il peut donner de bons résultats sans que l’on sache si l’effet bénéfique constaté vient de la réduction du gluten ou de la diminution involontaire des FODMAPs présents dans ces céréales », note le Pr Sabaté.

• Une alimentation riche en fibres améliore la fréquence et la viscosité des selles en cas de SII à constipation prédominante. Les fibres solubles psyllium – ou ispaghul –, avoine, orge, carottes, courgettes… sont mieux tolérées que les fibres insolubles (son de blé, graines, farines complètes, légumineuses…). La réduction de ces dernières peut limiter l’inconfort abdominal. Recommander une introduction progressive et de les répartir dans la journée.

• En l’absence d’efficacité après trois semaines, il est inutile de poursuivre un régime quel qu’il soit. « Il faut également éviter les régimes chez les patients avec troubles du comportement alimentaire, qui peuvent représenter jusqu’à 25 % des patients avec SII selon une étude française », met en garde l’expert.

Hygiène de vie

• L’activité physique aide à la gestion du stress et à la régulation du transit. Elle peut diminuer la sévérité de la maladie.

• L’hypnose, l’auto-hypnose et la méditation de pleine conscience ont prouvé leur efficacité mais des pratiques psycho-corporelles favorisant le lâcher-prise peuvent aussi être essayées : yoga, qi gong, tai chi, sophrologie… Des états anxieux et dépressifs peuvent sans doute déclencher une poussée de SII ou l’aggraver. Inversement, les symptômes sévères génèrent du stress et de l’anxiété. La gestion de ce stress peut être une composante importante de la prise en charge.

• L’Association des patients atteints du SII (APSSII) propose des séances de relaxation, méditation ou auto-hypnose en présentiel et en visio orientées pour les patients atteints de SII et réalisées en partenariat avec l’Institut français des pratiques psycho-corporelles (IFPPC, ifppc.eu).

Psychologie

• Les idées fausses sur la maladie et son évolution (peur du cancer…) majorent l’anxiété et peuvent aggraver les symptômes. Informez sur la bénignité de la maladie.

• Ne pas minorer les symptômes, qui sont une vraie pathologie et non imaginaires, même si les examens médicaux sont normaux.

Avec l’aimable participation du Pr Jean-Marc Sabaté, gastro-entérologue à l’hôpital Avicenne, à Bobigny (93).

Info+

→ Le gluten, constitué de deux types de protéines, est présent dans certaines céréales (blé – dont épeautre, kamut –, seigle, orge) et produits dérivés de ces céréales (épaississants, certaines viandes hachées ou charcuteries…).

Que sont les FODMAPs ?

Les FODMAPs (Fermentable oligo-, di-, mono saccharides and polyols) sont des glucides à chaîne courte normalement absorbés dans la partie haute de l’intestin grêle. En cas de malabsorption ou trop nombreux, ils peuvent provoquer une diarrhée par effet osmotique. Lors de leur progression, leur fermentation par les bactéries coliques peut produire des gaz entraînant distension abdominale, flatulences et douleurs.

→ Intérêt d’un régime appauvri en FODMAPs ? Des études ont montré un bénéfice de la réduction de ces sucres sur les symptômes du SII, de 19 g par jour (moyenne en France) à 3 à 9 g par jour maximum. Leur présence dans de nombreux aliments rend ce régime difficile. De plus, des études comparant régime appauvri en FODMAPs et conseils diététiques standard sur les ballonnements et troubles gastro-intestinaux (pas de repas copieux, gras, épicés…) n’ont pas retrouvé de différence significative à un mois pour soulager les symptômes du SII.

→ En pratique ? Éliminer au maximum les FODMAPs durant trois à quatre semaines, puis en cas d’efficacité, réintroduire progressivement ces aliments pour déterminer lesquels poursuivre et à quelle dose, de façon à rendre les symptômes tolérables. « Les deux premières étapes, éviction puis réintroduction progressive, devraient idéalement être supervisées par une diététicienne », souligne le Pr Sabaté.

→ Quels risques ? Un régime strict peut entraîner une carence en calcium ou en fer. Réduire l’apport en fibres prébiotiques, et donc le risque d’appauvrissement de certaines espèces du microbiote intestinal, interroge, comme ses effets au long cours.

Point de vue

“La transplantation fécale, toujours en cours d’évaluation, a des résultats discordants”

La recherche d’une pullulation microbienne intestinale (SIBO) doit-elle être proposée aux patients avec un syndrome de l’intestin irritable ?

C’est un point discuté et controversé. Une SIBO peut parfois être responsable d’un syndrome de l’intestin irritable à prédominance diarrhéique mais, même si celle-ci est mise en évidence par un test respiratoire au glucose(1), référence pour ce diagnostic, le traitement prescrit ensuite ne fait pas consensus. Un antibiotique non absorbable, la rifaximine, hors AMM et à délivrance hospitalière, a montré une certaine efficacité dans les formes sans constipation. Des cures alternées de plusieurs antibiotiques peuvent aussi améliorer les symptômes mais, souvent, temporairement. Se pose alors la question de répéter les cures, avec le risque théorique de sélection de bactéries résistantes.

Quelles alternatives aux probiotiques ?

Deux traitements ciblant la perméabilité intestinale ont montré un intérêt. Le Gelsectan (voir Traitements p. 39) vise à réduire l’hyperperméabilité intestinale et la dysbiose.

Il a montré une efficacité sur la diarrhée, les douleurs et les ballonnements chez des patients SII-D. Il faut l’essayer un mois pour se rendre compte de ses bénéfices. La glutamine, à raison de 5 g trois fois par jour, a diminué le nombre de selles et amélioré leur consistance chez des patients avec un SII post-infectieux associé à de la diarrhée. Pour atteindre ces doses, il faut recommander de la glutamine pure, à essayer sur huit semaines. Si cela fonctionne, on peut tenter de réduire les posologies pour prolonger le bénéfice.

Où en est la transplantation fécale(2) ?

Elle est toujours en cours d’évaluation, avec pour l’instant des résultats discordants, y compris lorsque le microbiote s’est bien implanté chez le receveur. Les symptômes du SII réapparaissent après plusieurs semaines ou mois, ce qui montre que la transplantation ne modifie sans doute pas durablement le microbiote. Une seule étude, réalisée avec un donneur unique, a montré des résultats très positifs, même trois ans après une seule transplantation fécale.

(1) Le test respiratoire au glucose consiste à mesurer le taux d’hydrogène et parfois de méthane dans l’air expiré à des temps successifs après ingestion de glucose. Ces gaz sont issus de la fermentation bactérienne des glucides, qui s’effectue normalement au niveau du côlon, mais aussi de manière plus précoce dans l’intestin grêle en cas de pullulation anormale.

(2) Elle consiste à éliminer le microbiote du patient via une préparation de type coloscopie, avant d’implanter dans son côlon le microbiote d’un sujet sain.

Dico+

→ Cystite interstitielle : inflammation de la vessie avec envie fréquente et impérieuse d’uriner sans cause infectieuse.

Dico+

→ Calprotectine fécale : protéine liée au calcium surtout présente dans les polynucléaires neutrophiles, marqueur de l’inflammation intestinale dosé dans les selles. Sa concentration y est proportionnelle au niveau d’infiltration de la muqueuse intestinale par les neutrophiles.

Principales contre-indications ou précautions

→ Mébévérine, montmorillonite, macrogols, laxatifs de lest : ileus paralytique (arrêt du transit intestinal) ou syndrome occlusif.

→ Huile essentielle de menthe poivrée : non recommandée au cours de la grossesse et de l’allaitement.

→ Argiles (montmorillonite, diosmectite) : non recommandées en cas de grossesse ou d’allaitement en raison de traces possibles, même infimes, de plomb.

→ Lopéramide : diarrhée hémorragique et/ou fièvre importante.

En savoir +

→ Société nationale française de gastro-entérologie (SNFGE)

snfge.org

Conseils de pratique de 2016 sur la Prise en charge de l’intestin irritable, ainsi que de nombreux articles et documents sur la pathologie et sa prise en charge.

→ Association française de formation médicale continue en hépato-gastro-entérologie

fmcgastro.org

Nombreuses publications sur le SII, dont une synthèse des recommandations américaines de 2020 sur la pathologie, évaluant l’intérêt des régimes, des thérapies non médicamenteuses…

Info+

→ Le clidinium, antispasmodique atropinique associé à une benzodiazépine dans Librax, dont le rapport bénéfice/risque est médiocre, n’est pas cité dans les recommandations.

En savoir+

→ Association des patients souffrant du symptôme de l’intestin irritable (Apssii)

apssii.org Informations, témoignages, forum sur la pathologie, l’alimentation… ainsi que les coordonnées des bénévoles régionaux qui peuvent orienter les patients vers les structures ou soignants spécialisés dans la prise en charge du SII.

→ Ouvrages

Le syndrome de l’intestin irritable-La santé sans tabou, Dr François Mion, éd. Mango 2019.

Intestin irritable-Équilibrez votre microbiote et faites la paix avec votre côlon, Pr Jean-Marc Sabaté, éd. Larousse 2020.

À destination des patients mais aussi très complets et informatifs pour les soignants, ces deux livres permettent de comprendre la maladie et de mieux la vivre.