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Le psoriasis

Publié le 1 juin 2024
Par Florence Dijon-Leandro
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Fréquente, cette dermatose inflammatoire chronique peut être associée à des rhumatismes et à une profonde altération de la qualité de vie. Les traitements sont à la fois locaux, oraux et injectables. Les biothérapies ont révolutionné la prise en charge des formes modérées à sévères.

La maladie

Définition

• Le psoriasis associe un dysfonctionnement du système immunitaire de la peau, conduisant à une inflammation cutanée, à un dérèglement de la prolifération et de la maturation des kératinocytes, cellules constitutives de la couche superficielle de la peau.

• La lésion élémentaire obtenue est une plaque érythémato-squameuse, c’est-à-dire une plaque rouge surmontée d’une couche de cellules mortes formant des squames blanches. La plaque de psoriasis est bien délimitée, à bords nets.

• Contrairement aux idées reçues, le psoriasis est une dermatose prurigineuse, potentiellement source de fortes démangeaisons.

Physiopathologie

Le stimulus initial aboutit à l’activation des lymphocytes T. Ceux-ci sécrètent des molécules pro-inflammatoires interférons, TNF­α (Tumor Necrosis Factor : facteurs de nécrose tumorale), facteurs de croissance, interleukines (voir Dico+ p. 30), etc. – qui recrutent d’autres cellules immunitaires responsables de l’inflammation.

La production de kératinocytes s’emballe à son tour : ils se renouvellent en 3 à 4 jours, au lieu de 28 habituellement, ce qui conduit à un épaississement de la peau et à la formation de squames. Les kératinocytes participent aussi au recrutement de cellules inflammatoires et à la persistance des lésions. Celles-ci finissent néanmoins par disparaître, sans cicatrice, sous l’action de mécanismes régulateurs.

Étiologie

Environ 30 % des patients ont des antécédents familiaux de psoriasis, ce qui suggère une origine génétique de la maladie. Le Dr Nathalie Quiles, dermatologue à l’hôpital Saint­Joseph de Marseille (13) précise : « On estime que si l’un des parents est atteint, l’enfant a environ 15 % de risque de développer la maladie. Si ce sont les deux, ce risque dépasse les 40 %. » Mais, gare aux amalgames : « On n’hérite pas directement du psoriasis. Il s’agit plutôt de la transmission de gènes de prédisposition qui, associés à des facteurs environnementaux, vont déclencher la maladie. »

Les agents potentiellement responsables des poussées sont souvent multiples, associés et variables d’un patient à l’autre : des infections bactériennes ou virales (par exemple streptocoques ou VIH) ; des médicaments (bêtabloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, lithium…) ; les conditions climatiques, comme le froid et l’humidité ; des toxiques, notamment l’alcool et le tabac ; les traumatismes cutanés (phénomène de Koebner, voir Dico+ p. 30) ; le stress. Ce dernier est souvent accusé de tous les maux « mais le psoriasis n’est pas une maladie psychosomatique ! », rappelle le Dr Quiles.

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Signes cliniques

• Le psoriasis vulgaire ou en plaques : c’est la forme classique et la plus fréquente (80 à 90 % des cas). Il se caractérise par des plaques plus ou moins symétriques essentiellement sur les zones de frottement, notamment les coudes, les genoux, la région lombo-sacrée.

Le psoriasis du cuir chevelu : présent chez 50 à 80 % des patients, il n’entraîne pas d’alopécie mais peut conduire à la formation d’un véritable casque adhérent. Les démangeaisons peuvent être particulièrement intenses à ce niveau.

• Le psoriasis unguéal : les ongles sont touchés chez près de 50 % des patients, et de façon très polymorphe avec un aspect en « dé à coudre » (petites dépressions punctiformes), un épaississement, des décollements.

• Le psoriasis en gouttes : les lésions, nombreuses et mesurant quelques millimètres, apparaissent sur un mode éruptif au niveau du tronc et du visage, surtout chez les plus jeunes, et souvent à la suite d’une infection streptococcique. Ce type de psoriasis est spontanément résolutif ou évolue vers un psoriasis en plaques dans environ un tiers des cas.

• Le psoriasis inversé : plus rare, il atteint les plis, notamment interfessiers, inguinaux, axillaires, sous-mammaires… Chez le petit enfant, cette forme est la plus fréquente, on parle de psoriasis des langes (qui touche la région génitale et le haut des cuisses).

• Le psoriasis palmo-plantaire, des organes génitaux externes ou du visage : ces formes apparaissent de façon isolée ou associée aux autres formes de psoriasis. La forme palmo-plantaire est invalidante et douloureuse car les lésions sont souvent très sèches et fissureuses.

• Le psoriasis pustuleux : il représente environ 5 % des cas, il est marqué par la présence de pustules ou « bulles » aseptiques, c’est-à-dire sans germe infectieux, localisées aux paumes, plantes et extrémités, ou généralisées.

• Le psoriasis érythrodermique : c’est la forme la plus rare et la plus grave de psoriasis. Il s’agit d’une atteinte généralisée au cours de laquelle 75 à 90 % de la surface corporelle est atteinte. Elle est à l’origine de handicaps fonctionnels. Elle se manifeste par un érythème généralisé associé à une desquamation et des signes généraux (fièvre, frissons, etc.). Elle apparaît parfois au début de la maladie mais plus souvent au cours de celle-ci, par exemple à l’arrêt brutal d’un traitement selon un phénomène de rebond.

Évolution

Le psoriasis est une dermatose inflammatoire chronique. Les poussées inflammatoires symptomatiques alternent avec des périodes de rémission.

L’évolution de la maladie est imprévisible. Le psoriasis peut rester stable, s’aggraver d’année en année ou au contraire disparaître définitivement sans raison précise.

Complications

Rhumatisme psoriasique

C’est un rhumatisme inflammatoire qui touche environ 25 à 30 % des malades. Le risque semble augmenter avec l’ancienneté mais pas forcément avec la sévérité de la maladie. Certaines localisations du psoriasis cutané sont plus fréquemment associées au psoriasis articulaire, et en premier lieu l’atteinte unguéale puisque 85 % des patients atteints de psoriasis des ongles ont une atteinte articulaire. L’atteinte du cuir chevelu et des plis est également un important facteur de risque. Dans 80 % des cas, le rhumatisme psoriasique apparaît après les lésions cutanées, mais peut aussi les précéder (5 %) ou se développer en même temps qu’elles (15 %). L’atteinte peut être axiale, avec douleurs de la colonne vertébrale, prédominance des symptômes la nuit et phénomène de « dérouillage matinal », et/ou périphérique, avec doigts et orteils gonflés « en saucisse », douleurs et tendinites à répétition. Le rhumatisme peut entraîner des déformations et des destructions articulaires sur le long terme.

Risque de comorbidités

Le psoriasis, notamment lorsqu’il est sévère, est plus fréquemment associé à l’obésité, au diabète, à l’hypertension artérielle… et augmente le risque d’événements cardiovasculaires. Le psoriasis sévère est plus souvent associé à des troubles anxio-dépressifs et à des conduites addictives.

Stigmatisation

Les lésions affichantes et la présence de squames entraînent la peur du regard des autres et des jugements basés sur des idées reçues (« c’est contagieux », « c’est sale », etc.), une perte de confiance en soi, des difficultés dans les relations sociales, professionnelles, amicales ou amoureuses. Le prurit ressenti a longtemps été sous-estimé, alors qu’il fait partie intégrante de la maladie et peut lui aussi avoir un impact majeur sur la qualité de vie.

Diagnostic

Essentiellement clinique, le diagnostic est complété par une évaluation objective de la sévérité de la maladie (surface corporelle atteinte, types de lésions, détérioration de la qualité de vie).

Pour le rhumatisme psoriasique, le diagnostic est lui aussi clinique, paraclinique (biologie, imagerie), mais parfois complexe car il n’existe pas de marqueur spécifique de la maladie. On estime qu’environ 15 % des patients atteints de rhumatisme psoriasique ne sont pas diagnostiqués.

Suivi

Du fait de sa double expression cutanée et articulaire, le psoriasis est une maladie essentiellement suivie par un dermatologue et/ou un rhumatologue, en ville ou à l’hôpital. La mise en affection de longue durée (ALD) est possible, notamment en cas de rhumatisme psoriasique (ALD 27 des spondylarthrites graves). « Le psoriasis cutané ne relève d’une ALD qu’en cas d’atteinte rhumatismale ou de comorbidités très sévères », explique le Dr Quiles.

Les services hospitaliers proposent parfois des séances d’éducation thérapeutique faisant partie intégrante du parcours de soins du patient.

Son traitement

Stratégie thérapeutique

Psoriasis cutané

Le traitement est symptomatique et vise à obtenir le contrôle, voire la disparition ou le blanchiment des lésions, et à améliorer la qualité de vie du patient. Il est suspensif et non curatif.

Le traitement du psoriasis en plaques de l’adulte est individualisé, discuté avec le patient, et réajusté dans le temps, en fonction de l’évolution de la maladie, des comorbidités, de l’efficacité et de la tolérance, « mais aussi du parcours de vie comme du désir d’enfant », précise Nathalie Quiles. L’observance, en particulier celle des traitements locaux, doit être évaluée avant de parler d’échec et de changer de traitement. Dans les formes légères, c’est-à-dire peu étendues et/ou à faible impact sur la qualité de vie, l’abstention thérapeutique est possible. Un traitement topique avec essentiellement des dermocorticoïdes et des dérivés de la vitamine D3, traitements locaux de référence du psoriasis, voire une association des deux, peut être envisagé.

Dans les formes modérées à sévères (plus de 10 % de la surface corporelle touchée avec des manifestations cliniques importantes et une forte altération de la qualité de vie) incluant les formes localisées mais difficiles à traiter et/ou à vivre au quotidien (notamment ongles, cuir chevelu, mains et pieds, etc.) ou en cas d’échec des thérapies locales, un traitement systémique est mis en place. La première ligne de traitement comprend le méthotrexate (traitement de référence), la ciclosporine (alternative intéressante pour passer un cap inflammatoire ou en cas de grossesse, mais avec une toxicité qui impose une durée maximale de traitement de 2 ans), l’acitrétine (non immunosuppressive donc utile en cas de risque tumoral voire de cancer évolutif) et la photothérapie. La seconde ligne de traitement comprend les biothérapies (anti­TNF et anti-interleukine) et l’aprémilast. Les biothérapies sont désormais accessibles plus rapidement car il suffit d’un seul traitement systémique non biologique en situation d’échec (efficacité insuffisante, contre-indication ou intolérance) pour les mettre en place, au lieu de deux auparavant (Haute Autorité de santé, 2022). En outre, la prescription des biothérapies n’est plus soumise à une prescription initiale hospitalière depuis avril 2024.

Rhumatisme psoriasique

Le traitement est personnalisé et progressif selon la réponse.

Le traitement symptomatique du rhumatisme comprend des antalgiques avec des propriétés anti-inflammatoires (AINS, infiltrations de corticoïdes).

Dans le traitement de fond, certains médicaments possèdent la double indication dans le psoriasis cutané et le rhumatisme psoriasique, notamment le méthotrexate (traitement de référence), l’aprémilast et la plupart des biothérapies (voir Tableau p. 35), seules ou en association au méthotrexate.

Des médicaments ciblés non biologiques sont également utilisés, seuls ou en association au méthotrexate. Il s’agit des anti­JAK (voir Dico+ p. 30 et Info+ ci-contre) : tofacitinib (Xeljanz) et upadacitinib (Rinvoq). Les anti­JAK ne sont en revanche pas indiqués dans le psoriasis cutané. Le léflunomide (Arava) est un immunosuppresseur indiqué dans le rhumatisme psoriasique.

Un traitement non médicamenteux complète la prise en charge : kinésithérapie, port d’attelle, ergothérapie, voire chirurgie.

Médicaments

Les topiques

Dermocorticoïdes

Molécules : désonide (Tridésonit, Locatop, Locapred), bétaméthasone (Betneval, Diprosone), hydrocortisone (Efficort, Locoïd, etc.), fluticasone (Flixovate), etc.

Mode d’action : ils présentent des propriétés anti-inf lammatoires, immunosuppressives et antiprolifératives sur tous les composants cellulaires de la peau.

Indications : les dermocorticoïdes d’action modérée (ex : désonide dans Tridésonit) et forte (ex : bétaméthasone dans Diprosone) sont utilisées sur les plis, le visage ou les régions pileuses. Les dermocorticoïdes d’action très forte (ex : clobétasol dans Dermoval) sont prescrits sur les coudes, les genoux, le cuir chevelu, la paume des mains ou la plante des pieds.

Galéniques : la forme crème est préférable sur les lésions peu squameuses et dans les plis. Les formes pommade et crème lipophile s’utilisent sur les lésions hyperkératosiques. Les lotions ou gels s’emploient sur toutes les régions pileuses. Il existe également des formes spécifiques pour le cuir chevelu (shampooing : Clobex ; mousse : Clarelux) ou les zones difficiles à traiter (emplâtre : Bétésil).

Posologie : une application par jour, de préférence le soir, sur une peau humide pour faciliter l’application, jusqu’au blanchiment des lésions. Pour le Dr Quiles, « la décroissance a peu d’intérêt, il faut plutôt proposer un traitement d’entretien deux fois par semaine ».

Effets indésirables : principalement locaux, et observés pour des applications importantes et prolongées avec acné et rosacée, défauts de pigmentation de la peau, atrophie cutanée, vergetures, infections cutanées, possible rebond de la dermatose en cas d’arrêt brutal… Les effets indésirables systémiques restent très rares.

Analogues de la vitamine D3

Molécules : calcipotriol seul (Daivonex) ou associé à la bétaméthasone (Daivobet et génériques, Enstilar, Xamiol) ; calcitriol (Silkis).

Mode d’action : inhibition de la prolifération des kératinocytes.

Indications : en raison de leur effet moins rapide que les dermocorticoïdes, de leur bonne tolérance au long cours et de l’absence de rebond à l’arrêt, les analogues de la vitamine D sont intéressants en traitement d’entretien.

Galéniques : crème, pommade, gel ou mousse. Ces deux dernières formes galéniques s’utilisent aussi bien sur la peau que sur le cuir chevelu.

Posologie : une à deux fois par jour en fonction des spécialités.

Effets indésirables : irritation cutanée avec prurit, sensation de brûlure…, notamment en début de traitement. Pour des doses élevées et/ou en cas de surdosage, une hypercalcémie est possible, réversible à l’arrêt du traitement.

Autres topiques

Les kératolytiques : l’acide salicylique est associé à la bétaméthasone dans Diprosalic en lotion ou en pommade, indiqué en cas de lésions hyperkératosiques. Il peut également être incorporé à des préparations magistrales. L’urée, kératolytique à partir de 10 %, entre dans la composition de nombreux dermocosmétiques.

Le recours à des émollients (substances qui amollissent, détendent et adoucissent les tissus), en association et en relais des différents traitements, est recommandé (voir Les conseils aux patients p. 34).

Traitements systémiques non biologiques

Acitrétine

Spécialité : Soriatane.

Mode d’action : analogue de synthèse de l’acide rétinoïque (vitamine A) aux propriétés kératolytiques, qui normalise des processus de prolifération cellulaire, de différenciation et de kératinisation de l’épiderme.

Effets indésirables : essentiellement cutanéomuqueux, en général réversibles à l’arrêt du traitement mais pouvant altérer la qualité de vie. Il s’agit de chéilite (inflammation des lèvres) et fissures des commissures labiales, desquamations cutanées, sécheresse des muqueuses, chute de cheveux, fragilité des ongles, dermites. Atteinte hépatique, élévation des triglycérides et du cholestérol sont aussi observées.

Surveillance : biologique (transaminases, cholestérol et triglycérides). Consulter en cas d’apparition de troubles psychiatriques comme des changements d’humeur ou de l’anxiété.

Interactions médicamenteuses contre-indiquées : autres rétinoïdes oraux et vitamine A (risque d’hypervitaminose A), tétracyclines (risque d’hypertension intracrânienne).

Législation : prescription initiale annuelle réservée aux dermatologues et à surveillance particulière pendant le traitement. Renouvellement possible par tout médecin.

Méthotrexate

Spécialités par voie orale : Imenor, Metotab, Novatrex, Méthotrexate Accord.

Spécialités par voie sous-cutanée : Imeth, Izixate, Metoject, Nordimet, Méthotrexate Accord

Mode d’action : antifolique inhibant la synthèse d’ADN, et donc la prolifération cellulaire.

Effets indésirables : risque infectieux, hématotoxicité (cytopénies, agranulocytose), hépatotoxicité, risque cancérigène, notamment lymphomes cutanés, troubles digestifs, aphtes, alopécie, réactions cutanées parfois graves, fibrose pulmonaire.

Attention : le traitement est à prise hebdomadaire. La prise d’acide folique (Spéciafoldine et génériques) ou folinique (Folinoral, Lederfoline), destinée à limiter les effets indésirables, intervient généralement 24 à 48 heures après la prise de méthotrexate.

Surveillance : bilan préthérapeutique complet comprenant notamment un bilan rénal. Surveillance essentiellement hépatique et hématologique.

Interactions médicamenteuses contre-indiquées : probénécide, triméthoprime, aspirine à doses anti-inflammatoires, antalgiques et antipyrétiques (uniquement si posologie supérieure à 20 mg par semaine), vaccins vivants atténués.

Ciclosporine

Spécialité : Néoral.

Mode d’action : immunosuppresseur du groupe des inhibiteurs de la calcineurine qui limite, en particulier, la production d’interleukine 2, et donc de la réponse lymphocytaire T.

Effets indésirables : le plus souvent dose dépendant. Néphrotoxicité, hypertension artérielle, hirsutisme, hyperplasie gingivale, troubles digestifs, fatigue, céphalées, myalgies, tremblements, hépatotoxicité, hyperglycémie, risque infectieux. Augmentation potentielle du risque de cancers, donc à éviter chez les patients ayant reçu de fortes doses de photothérapie.

Surveillance : fonctions rénale et hépatique, mesure de la pression artérielle.

Interactions médicamenteuses contre-indiquées : bosentan (à l’hôpital), dabigatran, rosuvastatine, simvastatine, stiripentol (Diacomit), vaccins vivants atténués.

Législation : prescription initiale hospitalière semestrielle.

Aprémilast

Spécialité : Otezla.

Mode d’action : inhibition de la phosphodiestérase 4, une enzyme prédominante dans les cellules inflammatoires.

Effets indésirables : essentiellement digestifs, avec diarrhées, nausées, céphalées, perte de poids. Idées et comportements suicidaires ont été rapportés (ANSM, 2016).

Législation : prescription réservée aux dermatologues, internistes et rhumatologues.

Biothérapies ou médicaments ciblés biologiques

Médicaments d’exception à prescription (initiale ou en renouvellement) réservée à certains spécialistes, et notamment dermatologues et/ou rhumatologues. Ils se conservent entre + 2 °C et + 8 °C (certaines spécialités peuvent être conservées plusieurs jours à température ambiante). Certains princeps ont des biosimilaires. Toutes les biothérapies indiquées dans le psoriasis et le rhumatisme psoriasique disponibles en officine s’administrent par voie sous-cutanée.

Anti-TNF-α

Spécialités : voir tableau.

Mode d’action : ce sont des anticorps monoclonaux (voir Dico+ p. 32) se liant au TNF­α et l’empêchant d’agir, sauf l’étanercept qui est une protéine de fusion (voir Dico+ p. 32) fixant le TNF­α circulant et l’empêchant de se fixer sur ses récepteurs membranaires.

Effets indésirables : augmentation du risque infectieux, réactions au point d’injection, douleurs musculosquelettiques, réactions allergiques, vertiges, fatigue, céphalées, prise de poids, risque de lymphome ou de cancer cutané, troubles hématologiques (neutropénie, anémie…), maladie interstitielle pulmonaire. Tout signe infectieux, neurologique (confusion, fourmillements, faiblesse musculaire…) ou de décompensation d’une insuffisance cardiaque (œdème, essoufflement…) impose l’arrêt du traitement et la consultation d’un spécialiste. Il existe également des cas de psoriasis induit par les anti-TNF, on parle alors de psoriasis paradoxal.

Surveillance : avant la mise en route du traitement, recherche et traitement de toute infection dont la tuberculose, sérologies virales, mise à jour des vaccinations. Ensuite, la surveillance clinique et biologique est centrée sur le risque infectieux mais aussi cancéreux (examen cutané).

Inhibiteurs d’interleukines

Spécialités : voir tableau page ci-contre.

Mode d’action : inhibition des interleukines pro-inflammatoires.

Effets indésirables et surveillance : ils sont globalement similaires à ceux des anti-TNF­α.

Photothérapie

L’exposition au soleil a tendance à améliorer la majorité des patients atteints de psoriasis, notamment grâce aux vertus anti-inflammatoires et immunosuppressives des UV.

La photothérapie est un traitement loco-régional parfois proposé aux patients. L’irradiation se fait avec des UVB à spectre étroit ou des UVA après administration d’une molécule photosensibilisante de la famille des psoralènes, le méthoxsalène (Méladinine par voie orale ou cutanée) : on parle alors de puvathérapie.

Chaque cure comprend une dizaine voire une vingtaine de séances selon le cas. Le vieillissement cutané, les atteintes oculaires et l’augmentation du risque de cancer cutané sont les principaux éléments limitant la répétition des cures chez un même patient.

Cures thermales

Les cures thermales peuvent être prescrites, pour le versant dermatologique ou rhumatologique de la maladie, ou les deux, car certaines stations thermales possèdent la double orientation (comme Uriage-les-Bains). Les cures thermales durent 21 jours, dont 18 dédiés aux soins thermaux.

Les conseils aux patients

Traitements

Traitements locaux

L’observance des traitements locaux est souvent difficile à obtenir, par lassitude, par manque de temps, à cause de textures pas toujours agréables et des effets indésirables réels ou supposés. La corticophobie (la peur des dermocorticoïdes) est très présente chez les patients. L’application se fait de préférence le soir, sur les lésions uniquement, en massant légèrement pour faire pénétrer.

Traitements oraux

Attention au méthotrexate : la posologie est d’une seule prise par semaine ! Des erreurs de prise (quotidienne au lieu d’hebdomadaire) ont été à l’origine de plusieurs décès (ANSM, 2020). Confirmer le jour de prise avec le patient et le noter sur la boîte. En cas d’oubli, prendre le traitement le plus vite possible et décaler le jour de prise hebdomadaire.

Sous immunosuppresseurs oraux ou injectables

Prévenir le risque infectieux. Appliquer les règles de bon sens : bien se laver les mains, bien désinfecter une plaie… Informer l’ensemble des professionnels de santé du traitement en cours. Recommander de bien faire cuire les viandes et de respecter la chaîne du froid. Tout symptôme évocateur d’une infection, tel que fièvre, mais également toux, mal de gorge, rhume, signes urinaires, impose de consulter rapidement le médecin. Suspendre les injections de biothérapies en attendant d’avoir un avis médical. Enfin, un bilan bucco-dentaire est recommandé avant la mise en route du traitement.

Tous les vaccins vivants atténués sont contre-indiqués durant ces traitements. Le calendrier vaccinal doit être mis à jour avant le début du traitement. Les vaccinations contre la grippe, le Covid et le pneumocoque sont par ailleurs recommandées.

Les injections de médicaments peuvent être pratiquées par le patient après formation. Les biomédicaments et leurs biosimilaires ont parfois des modes d’emploi différents. S’assurer, lors du passage d’une spécialité à une autre, que le patient est bien informé et éduqué.

Automédication

L’alcool est à proscrire chez la femme en âge de procréer qui prend de l’acitrétine. En effet, l’alcool favorise la transformation de l’acitrétine en étrétinate, composé dont la demi-vie est de 120 jours, exposant à un risque tératogène prolongé. Il faut proscrire les aliments et les médicaments contenant de l’alcool, pendant le traitement et jusqu’à deux mois après l’arrêt.

Contre les effets indésirables cutanéo-muqueux de l’acitrétine, conseiller des larmes artificielles, un spray isotonique à l’eau de mer, un baume pour les lèvres, un vernis fortifiant… Attention aux nombreuses interactions médicamenteuses de la ciclosporine, molécule à la fois substrat et inhibiteur du cytochrome P450 3A4 et de la glycoprotéine P. En vente libre, le millepertuis, puissant inducteur enzymatique est à proscrire, mais également les AINS en raison d’un risque majoré de néphrotoxicité. Ne pas consommer de pamplemousse sous forme de jus ou de fruit. Ne pas négliger le phénomène de nomadisme médical et la recherche, parfois intense, de thérapeutiques alternatives.

Vie quotidienne

Hygiène et soins de la peau

Prendre des douches rapides et tièdes, avec des produits adaptés aux peaux pathologiques, sans parfum, sans colorant, sans alcool… et surgras, pour ramollir les squames et favoriser leur élimination. Éviter les gommages. Un rasage très doux – manuel ou électrique – semble la meilleure solution pour ne trop agresser la peau. Sécher la peau en douceur par tamponnement, sans arracher les squames.

En cas de psoriasis du cuir chevelu, conseiller des shampooings et des soins riches en agents kératolytiques, tels que Kertyol PSO de Ducray, Nodé K de Bioderma, etc.

Appliquer quotidiennement un émollient sur la peau légèrement humide, idéalement le soir après la douche. Certains produits sont enrichis en agents kératolytiques et s’appliquent directement sur les plaques : Xérial DM Psoriasis chez SVR, Urelia 50 chez Isis Pharma, etc.

Le soleil et la mer tendent à améliorer le psoriasis de certains patients. Cependant, cela ne dispense pas de recourir à une protection solaire adaptée, notamment sous traitement à risque tumoral et pour éviter un rebond en fin d’été. Après la plage, bien se rincer et appliquer une crème hydratante.

En cas de rhumatisme

Une activité physique, même modérée, permet de garder la mobilité des articulations et peut même avoir un effet antalgique.

Psychologie

Le psoriasis est une maladie affichante et de nombreuses idées reçues existent à son sujet. Le patient peut avoir l’impression de devoir se justifier, ou au contraire de se cacher.

Certaines situations deviennent problématiques : sports collectifs, famille, sexualité… Le patient doit être encouragé à consulter un spécialiste en cas de mal-être trop important. Orienter si possible vers une association de patients (voir En savoir + p. 34) et/ ou un programme d’éducation thérapeutique.

avec l’aimable participation et relecture du Dr Nathalie Quiles, dermatologue à l’hôpital Saint.Joseph de Marseille (13).

Dico +

→ Les interleukines sont des protéines produites par les cellules du système immunitaire qui jouent le rôle de messager ou de médiateur chimique de l’inflammation.

→ Le phénomène de Koebner est le développement d’une plaque de psoriasis à l’endroit d’un traumatisme cutané, même minime : égratignure, plaie, irritation…

→ Les anti-JAK sont de petites molécules qui agissent comme des inhibiteurs sélectifs et réversibles des enzymes JAK (Janus Kinases), des tyrosines kinases impliquées dans l’inflammation. Par rapport aux biothérapies, les anti-JAK présentent l’avantage d’une prise orale quotidienne et d’une action plus rapide pour une efficacité souvent équivalente.

Témoignage de patient

Zoé, 32 ans : « Il ne faut pas hésiter à parler de la maladie autour de soi »

« Mon psoriasis en plaques a démarré quand j’avais 18 ans, d’abord au niveau du cuir chevelu, avec d’importantes démangeaisons, puis sur les coudes, les mains et les ongles. J’ai également fait un peu de psoriasis en gouttes sur les jambes. Je pense avoir essayé tous les traitements locaux. Ils ne sont pas du tout agréables à appliquer. Heureusement que mon mari était là pour me les appliquer derrière la tête ! En plus des traitements, j’ai tenté des régimes, consulté un psychologue, un magnétiseur, etc. Puis, mon psoriasis a soudainement disparu. Je n’ai plus de lésions depuis environ deux ans. Pour le moment je n’ai pas de douleurs articulaires, mais je sais que je risque d’en développer. Cela m’inquiète un peu. J’ai une petite fille qui sera peutêtre atteinte, ça ne me fait pas spécialement peur car je sais que je serai là pour l’accompagner. Pour moi, l’essentiel est de bien s’entourer. Il existe une véritable communauté, aussi bien du côté des dermatologues que des patients. Il ne faut d’ailleurs pas hésiter à parler de la maladie autour de soi. C’est fou le nombre de gens qui en souffre, même Kim Kardashian en a ! »

Info +

→ Gare aux anti-JAK. Face au risque de survenue d’effets indésirables graves (troubles cardiovasculaires majeurs, infections graves, cancers notamment), l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) place les anti-JAK comme traitement de dernier recours chez les patients présentant certains facteurs de risque (65 ans et plus, tabagisme présent ou passé, facteurs de risque de cancer ou d’événements cardiovasculaires), éventuellement à posologie réduite, et recommande la prudence chez les patients présentant des facteurs de risque de thromboembolie veineuse.

Source : ANSM, avril 2023.

Dico +

→ Un anticorps monoclonal (suffixe -mab : « monoclonal antibody ») est un groupe homogène d’anticorps issus d’un seul clone de lymphocytes B et dirigés contre un antigène unique.

→ Une protéine de fusion est une protéine artificielle obtenue par la combinaison ou « fusion » de plusieurs protéines ou parties de protéines. Dans le psoriasis, les molécules utilisées sont l’étanercept et l’abatacept (Orencia, indiqué dans le rhumatisme psoriasique mais non remboursé dans cette indication).

Psoriasis et grossesse

Le psoriasis a tendance à se stabiliser voire à s’améliorer pendant la grossesse, mais de nombreuses patientes ont toujours besoin d’un traitement. Celui-ci comprend alors des soins locaux (émollients, dermocorticoïdes, analogues de la vitamine D), de la photothérapie (UVB) voire de la ciclosporine ou du certolizumab (biothérapie ayant fait preuve de sa non-toxicité chez la femme enceinte).

L’acitrétine et le méthotrexate sont tératogènes

L’acitrétine est soumise à un programme de prévention de la grossesse. Chez la femme en âge de procréer, une contraception est obligatoire (y compris en cas d’infertilité ou d’absence d’activité sexuelle) au moins 4 semaines avant le début du traitement, pendant le traitement et jusqu’à 3 ans après l’arrêt du traitement. La prescription est subordonnée à la signature d’un accord de soins et à la réalisation mensuelle d’un test de grossesse. La prescription est mensuelle (maximum 3 jours après le test de grossesse négatif) et la délivrance se fait au maximum 7 jours après la prescription. Le carnet-patiente doit être complété tous les mois par le médecin et par le pharmacien. Sous méthotrexate, la patiente doit mettre en place une contraception efficace durant le traitement et 6 mois après l’arrêt (3 mois en cas de traitement chez l’homme). Le Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat) considère que la contraception peut s’arrêter à la fin du traitement chez une femme, mais préconise d’attendre 3 mois chez un homme. Le léflunomide (Arava) est également contre-indiqué au cours de la grossesse. Le risque de malformations fœtales, y compris après traitement du père, impose une contraception jusqu’à 2 ans après l’arrêt du traitement, ou seulement 11 jours si une procédure d’élimination par colestyramine ou charbon actif (washout) a été mise en place.

Les biothérapies passent la barrière placentaire

De façon générale, il est recommandé de ne pas poursuivre les biothérapies pendant la grossesse (certaines monographies contreindiquent leur usage au cours de la grossesse) car elles exposent le nouveau-né à un risque d’immunosuppression. Cependant, les données sont rassurantes et le Crat indique que la poursuite du traitement, si elle est nécessaire, reste possible mais impose une surveillance particulière.

En savoir +

• L’association France Psoriasis aide les patients et les familles à mieux vivre leur maladie au quotidien et informe sur le fardeau de la maladie psoriasique : francepsoriasis.org

• Réso est un réseau de professionnels de santé ayant pour but d’améliorer la prise en charge des principales dermatoses. Leur site propose des informations pour les soignants comme pour les soignés : reso-dermatologie.fr

• Dans Histoire de ma peau, l’écrivain espagnol Sergio del Molino aborde ses difficultés liées à la maladie en même temps qu’il convoque d’autres personnalités atteintes de psoriasis, comme Joseph Staline ou Pablo Escobar. Éditions du Sous-Sol, 2023, 230 pages