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Le paludisme

Publié le 30 juin 2018
Par Solange Liozon
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Le paludisme est provoqué par des parasites du genre Plasmodium, transmis à l’homme par piqûre de moustique infecté. Rapidement diagnostiquée et traitée, la maladie guérit. Pour tout voyageur en zone d’endémie, un ou des médicaments préventifs et une protection anti-moustique sont indispensables.

La maladie

Définition

• Le paludisme ou malaria est une infection parasitaire à Plasmodium, transmise à l’homme par des moustiques femelles du genre Anopheles. Elle entraîne fièvre, sueurs, anémie, hépatomégalie et splénomégalie plus ou moins sévère selon l’espèce de Plasmodium incriminée.

• Les parasites en cause sont des protozoaires du genre Plasmodium. Ils se multiplient dans le foie de la personne piquée, puis envahissent ses globules rouges. Les globules rouges infectés éclatent et déclenchent les symptômes de la maladie.

• Près de la moitié de la population mondiale vit en zone d’endémie.

• Le paludisme « d’importation » correspond à une maladie contractée en zone d’endémie mais se révélant en France après le retour. En France métropolitaine, il y a eu 4 735 cas d’importation en 2016 (source BEH, 2017).

Physiopathologie

L’agent pathogène

• Il existe de nombreuses espèces de Plasmodium dont 5 sont responsables du paludisme chez l’homme : Plasmodium falciparum, Plasmodium vivax, Plasmodium ovale, Plasmodium malariae et Plasmodium knowlesi.

• Ces cinq espèces se différencient par leur répartition géographique, leur gravité potentielle et leur capacité à développer des résistances aux antipaludiques.

• Plasmodium falciparum est la plus répandue en Afrique. Elle est responsable des formes cliniques les plus graves et mortelles et développe des résistances aux médicaments antipaludéens. Hors Afrique, Plasmodium vivax prédomine en Amérique latine, en Méditerranée orientale et en Asie du Sud-Est.

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La transmission à l’homme

La maladie est transmise à l’homme par l’intermédiaire d’une piqûre de moustique infecté, l’anophèle femelle.

Une contamination directe interhumaine est possible mais exceptionnelle : de la mère à l’enfant par voie transplacentaire chez une femme enceinte infectée, par greffe d’organe ou via une transfusion non sécurisée.

Le cycle du parasite

Le cycle de Plasmodium, complexe, comporte deux étapes essentielles avec deux hôtes successifs.

• Une phase asexuée chez l’homme, elle-même divisée en phases :

→ pré-érythrocytaire ou hépatique : elle correspond à l’incubation, cliniquement asymptomatique ;

→ érythrocytaire ou sanguine : elle correspond à la phase clinique de la maladie.

• Une phase sexuée chez l’anophèle.

Chez l’homme

• Phase pré-érythrocytaire asymptomatique. Suite à une piqûre d’anophèle femelle lors de son repas sanguin, les parasites sont inoculés à l’homme sous forme de sporozoïtes, formes infectantes du parasite. Certains sont détruits par les macrophages mais la plupart migrent en quelques minutes dans les cellules du foie via la circulation sanguine.

Là, leur noyau se divise mais pas leur cytoplasme. Ils évoluent ainsi en schizontes hépatocytaires ou pré-érythrocytaires, qui sont des formes multinucléées. Ils se multiplient intensément dans les hépatocytes pendant 7 à 15 jours en fonction de l’espèce de Plasmodium. Puis ils éclatent et libèrent entre 10 000 et 30 000 parasites « fils » appelés mérozoïtes, eux uninucléés. À noter : pour les espèces de Plasmodium vivax et ovale, certains sporozoïtes restent quiescents dans le foie et ne se multiplient qu’après plusieurs mois ou années, expliquant les reviviscences tardives.

• Phase érythrocytaire ou sanguine. Chaque mérozoïte pénètre dans une hématie, s’arrondit et prend l’aspect d’une bague à chaton, et devient un trophozoïte intra-érythrocytaire qui se nourrit d’hémoglobine. À la fin de sa maturation, il devient un schizonte pigmenté, lequel se divise et prend l’aspect d’un corps en rosace formé d’un nombre variable de mérozoïtes, de12 à 18 parasites. Ces érythrocytes infectés augmentent de volume, éclatent et libèrent de nouveaux mérozoïtes. Ces derniers envahissent de nouvelles hématies et débutent un nouveau cycle de multiplication dans le globule rouge.

→ La durée du cycle sanguin varie selon l’espèce de Plasmodium : 24 heures pour Plasmodium knowlesi, 48 heures pour Plasmodium falciparum, Plasmodium vivax et Plasmodium ovale, et jusqu’à 72 heures pour Plasmodium malariae. Cette phase érythrocytaire ou sanguine est responsable des manifestations cliniques de la maladie.

→ Au bout de plusieurs cycles de multiplication dans le sang, certains schizontes vont se transformer en cellules sexuées mâles ou femelles, les gamétocytes. Ces éléments n’évoluent pas mais persistent dans l’organisme humain, alors « réservoir » du paludisme. En cas de piqûre de l’individu infecté par un moustique « sain », les parasites continueront leur cycle de développement chez l’insecte.

Chez le moustique

Les gamétocytes, ingérés par le moustique lors d’un repas sanguin sur un sujet infecté, se transforment en gamètes mâles et femelles qui fusionnent en un œuf libre appelé ookinète. Ce dernier se fixe ensuite à la paroi externe de l’estomac et se transforme en oocyste. Les cellules parasitaires se multiplient à l’intérieur de cet oocyste, produisant des centaines de sporozoïtes qui migrent ensuite vers les glandes salivaires du moustique. Ces sporozoïtes sont prêts à être inoculées avec la salive du moustique, lors d’un prochain repas sanguin sur un humain.

Facteurs de risque

Les personnes exposées au risque de paludisme sont celles qui séjournent ou habitent dans une région où sont présentes certaines espèces d’anophèles capables de transmettre la maladie. Le risque est plus important en zone rurale, juste après la saison des pluies, où prolifèrent les moustiques.

• Pour le paludisme d’importation, le risque est aussi lié à la zone visitée, à la durée du séjour car la majorité des cas surviennent après des séjours de plus d’un mois, et aux conditions d’hébergement, à l’hôtel, sous la tente…

• Pour les personnes vivant en zone d’endémie, une immunité s’acquiert progressivement, empêchant la survenue de formes cliniques graves après plusieurs années d’exposition. Cependant, cette protection n’est pas totale ni définitive. Ainsi sont particulièrement exposés les migrants ayant perdu leur immunité en résidant en zone non-endémique et les enfants de moins de 5 ans.

Signes cliniques

Ils varient selon le stade de la maladie.

Phase d’incubation

Elle varie de 7 à 30 jours en moyenne en fonction de l’espèce impliquée. Pour Plasmodium falciparum, l’espèce la plus fréquente, cette période est de 7 à 12 jours. Elle correspond à la phase hépatocytaire du cycle du parasite. Il n’y a aucun signe clinique.

Accès de primo-invasion

Il correspond au premier accès de paludisme. C’est la forme la plus souvent observée en France métropolitaine car elle touche les sujets non immunisés.

• Elle se manifeste par un syndrome pseudogrippal avec une fièvre pouvant aller jusqu’à plus de 40 °C, des frissons, des céphalées, des douleurs musculaires ou articulaires, parfois des signes digestifs.

• L’examen clinique peut montrer un foie sensible à la palpation et un peu augmenté de volume. Chez l’enfant, des troubles digestifs ou respiratoires sont souvent présents.

Les accès de primo-invasion de Plasmodium vivax, Plasmodium ovale ou Plasmodium malariae peuvent être asymptomatiques ou passer inaperçus.

Accès palustre ou phase de reviviscence

Il apparaît en l’absence de prise en charge de la maladie lors de la primo-invasion, donc essentiellement lors d’infestation par Plasmodium vivax, Plasmodium ovale ou Plasmodium malariae. Il se manifeste plusieurs mois ou années après la contamination, le parasite demeurant en sommeil dans le foie avant de commencer sa multiplication.

Pour Plasmodium falciparum, l’accès palustre suit immédiatement la primo-invasion.

Chaque accès palustre dure typiquement une dizaine d’heures et se déroule en trois phases :

→ stade de frissons avec tremblements et sensation de froid durant 1 heure ;

→ stade de chaleur avec fièvre élevée pouvant dépasser 40 °C durant 3 à 4 heures ;

→ stade de sueurs avec disparition de la fièvre, sueurs froides et fatigue importante, en 2 à 4 heures.

Évolution

En l’absence de traitement, les accès de fièvre se renouvellent une dizaine de fois de façon rythmée. Cette périodicité des cycles dépend de l’espèce du parasite en cause.

Elle est quotidienne pour Plasmodium knowlesi, tierce avec un pic thermique à J1, J3, J5… pour Plasmodium falciparum, Plasmodium vivax et Plasmodium ovale et quarte avec pic thermique à J1, J4, J7 pour Plasmodium malariae.

Ces accès de fièvre correspondent à l’éclatement des globules rouges. Ils entraînent une anémie et une splénomégalie, c’est-à-dire une augmentation du volume de la rate. À noter : une personne vivant dans une zone d’endémie stable peut souffrir de plusieurs crises de paludisme à la suite de piqûres répétées. « Cependant, la maladie étant partiellement immunisante, les symptômes sont de moins en moins sévères après 3 à 4 ans d’accès », explique le professeur Philippe Parola, spécialiste en médecine interne, pathologie infectieuse et tropicale, au CHU de Marseille Nord (13).

Complications

Il s’agit de l’accès palustre grave, lié dans la majorité des cas à l’espèce falciparum.

Les manifestations

Les formes d’accès palustre grave s’expliquent par une adhésion des hématies parasitées au niveau des capillaires sanguins, d’où une obstruction et une hypoxie des organes concernés. Différentes formes cliniques sont donc possibles dont la plus grave est l’atteinte cérébrale.

• En cas d’hypoxie cérébrale : troubles de la conscience, convulsions, prostration ;

• pulmonaire : œdème pulmonaire, détresse respiratoire aiguë ;

• rénale : insuffisance rénale aiguë.

Par ailleurs, on peut aussi observer une souffrance viscérale généralisée avec acidose, hypoglycémie, collapsus circulatoire et, liée à une lyse massive des hématies, une anémie et un ictère grave. Le décès peut survenir secondairement à la défaillance aiguë d’un ou plusieurs organes.

Personnes à risque

Ces formes graves concernent :

• les personnes n’ayant pas d’immunité vis-àvis de la maladie : enfants de moins de 5 ans vivant en zone d’endémie, expatriés ayant perdu leur immunité, et tous voyageurs n’ayant pas ou mal suivi une chimioprophylaxie adéquate ;

• les femmes enceintes du fait d’un risque plus élevé de formes graves chez la mère et du fait de complications fœtales : avortement, accouchement prématuré, faible poids de naissance ;

• les personnes âgées et les patients infectés par le VIH du fait d’une fragilité accrue et d’une diminution de la résistance aux infections.

Diagnostic

Le diagnostic du paludisme chez un voyageur est une urgence car tout accès palustre peut évoluer en quelques heures vers un paludisme grave potentiellement mortel. Ainsi toute fièvre au retour d’un voyage en zone endémique doit faire suspecter un risque de paludisme et nécessite un diagnostic parasitologique rapide.

Des troubles de la conscience même minimes comme une somnolence, des urines foncées associées à la fièvre sont des facteurs de gravité imposant l’hospitalisation.

L’interrogatoire

Il recherche le pays visité, la date et la durée du séjour, la prise d’une chimioprophylaxie adaptée.

Diagnostic biologique direct

Il met en évidence le parasite dans le sang sur un prélèvement sanguin. Deux techniques sont combinées, permettant un résultat dans les 2 heures :

• la technique de la goutte épaisse : on examine quelques gouttes de sang après avoir réalisé une hémolyse et une coloration. Cette technique détecte de faibles parasitémies de l’ordre de 10 parasites par microlitre de sang ;

• le frottis mince : après prélèvement sanguin, on observe les parasites à l’intérieur des globules rouges. Le frottis mince, moins sensible que la goutte épaisse, ne détecte que des parasitémies plus importantes, de l’ordre de 100 parasites par microlitre, mais confirme le diagnostic d’espèce plus aisément.

• Autres moyens de diagnostic

→ Des tests de diagnostic rapide (TDR) sont désormais disponibles dans les zones d’endémie où la microscopie n’est pas accessible. Le TDR est basé sur la reconnaissance immunoenzymatique d’une protéine spécifique du genre Plasmodium ou d’une espèce bien particulière. Il consiste à déposer une goutte de sang sur une bandelette qui, à l’aide d’un réactif, va mettre en évidence en 15 minutes certaines protéines spécifiques du parasite.

→ Des techniques de biologie moléculaire sont maintenant réalisées dans certains laboratoires hospitaliers ou centres spécialisés. Ils permettent d’identifier les infections à très faible nombre de parasites et celles associant plusieurs espèces de Plasmodium.

Biologie et sérologie

• Les signes biologiques peuvent être utiles devant une forte présomption clinique mais en cas de négativité des tests de détection directs. Ils sont liés à l’hémolyse, telles hyperbilirubinémie, thrombopénie, anémie…

• L’examen sérologique n’est pas utilisé pour un diagnostic d’urgence, mais uniquement pour le diagnostic de certaines formes chroniques.

Son traitement

Objectif

Le traitement vise la guérison, c’est-à-dire l’élimination rapide et totale des parasites dans le sang humain, pour éviter qu’un paludisme non compliqué évolue vers une forme grave potentiellement mortelle ou vers une infection chronique source d’anémie. « Un traitement précoce permet le plus souvent de guérir du paludisme, cependant il y a des échecs car certaines espèces sont résistantes aux médicaments », explique le professeur Parola. En zone d’endémie, le traitement réduira aussi la transmission de l’infection en diminuant le réservoir infectieux.

Stratégie thérapeutique

Le choix de la(des) molécule(s) dépend de la forme clinique du paludisme.

Une hospitalisation est notamment nécessaire en cas de troubles digestifs tels vomissements, diarrhées empêchant ou limitant l’action d’un traitement oral, ou de troubles neurologiques faisant suspecter l’évolution vers une forme grave, d’ictère.

• Accès palustre simple à Plasmodium non-falciparum : la chloroquine est indiquée en première intention. Un dérivé de l’artémisinine en association peut être prescrit, en particulier en cas d’infection mixte ou de paludisme à Plasmodium vivax survenant au retour d’une zone de résistance à la chloroquine.

• Accès de reviviscence à Plasmodium vivax ou Plasmodium ovale : elle repose sur la primaquine, disponible en autorisation temporaire d’utilisation nominative (ATUn, voir Dico+) et dont la demande doit être formulée auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

• Accès palustre simple à Plasmodium falciparum non-compliqué : bithérapie en 1re intention dont les dérivés de l’artémisinine, pour éviter les résistances et qui ont en outre une action rapide tels artéméther-luméfantrine, arténimol-pipéraquine ou atovaquone-proguanil. En cas de contre-indication ou d’échec, la méfloquine ou la quinine, parfois associée à la doxycycline, peuvent être utilisées.

• Accès palustre simple non-compliqué à Plasmodium falciparum avec vomissements : quinine IV relayée au plus tôt par un traitement oral.

• Dans les formes graves (neurologiques…) : une prise en charge en réanimation est nécessaire avec prescription d’artésunate en IV sous ATUn avec relais par voie orale dès que possible, avec un dérivé de l’artémisinine en association.

• Voyages fréquents et répétés en zone d’endémie : ils ne peuvent donner lieu à chaque fois à un traitement préventif. On préfère traiter précocement toute crise supposée de paludisme en proposant la prescription d’un traitement présomptif dit de réserve. Ce traitement pris en cas d’apparition de fièvre sur place doit être associé à une consultation médicale. Dans ce contexte, des associations de molécules différentes de celles utilisées en chimioprophylaxie, renfermant un dérivé de l’artémisinine, sont privilégiées : arténimol-pipéraquine (Eurartesim), artéméther-luméfantrine (Riamet).

Les médicaments

Artéméther-luméfantrine

• Mode d’action : schizonticide associant 2 molécules qui s’accumulent dans la vacuole digestive du parasite et induisent la formation de composés toxiques.

• Effets indésirables : troubles du sommeil, troubles cardiaques avec allongement de l’intervalle QT et palpitations, céphalées, vertiges, douleurs abdominales, nausées, vomissements, arthralgies, myalgies, asthénie, toux.

• Précaution : ECG avant le traitement pour éliminer un QT long.

Arténimol-pipéraquine

• Mode d’action : idem ci-dessus. L’arténimol s’appelle aussi la dihydroartémisinine.

• Effets indésirables : céphalées, tachycardie, allongement de l’intervalle QT, asthénie, fièvre, anémie, toux surtout chez l’enfant, douleurs abdominales.

Quinine

• Mode d’action : schizonticide s’accumulant dans la vacuole digestive du parasite avec formation de composés toxiques.

• Effets indésirables : hypoglycémie, manifestations allergiques cutanées tels prurit, urticaire, éruptions cutanées, thrombopénie, cinchonisme associant acouphènes, hypoacousie, troubles visuels, vertiges, céphalées, nausées, vomissements, diarrhées et gastralgies. Convulsions à forte dose, possible cardiotoxicité.

• Surveillance : de la glycémie lors du traitement.

Atovaquone-proguanil, méfloquine et chloroquine

Ces trois schizonticides présents dans les spécialités Malarone, Lariam et Nivaquine sont aussi utilisés en traitement préventif et seront traités dans la partie Chimioprophylaxie dans les pages suivantes.

Sa prévention

Deux volets

Le non-respect des recommandations de prévention est à l’origine de la plupart des cas de paludisme d’importation.

La prévention du paludisme chez le voyageur comporte deux volets : la protection personnelle antivectorielle (PPAV) contre les piqûres de moustique et, pour les zones à risque élevé de paludisme, la chimioprophylaxie antipaludique (CPAP). « Aucune protection n’est fiable à 100 % », prévient le professeur Parola.

Protection personnelle antivectorielle

Elle est systématique, même si le risque de paludisme est peu important.

• Les anophèles piquent surtout entre le coucher et le lever du soleil mais des piqûres diurnes étant possibles, il est recommandé de se protéger de jour comme de nuit, ce qui protégera aussi contre d’autres types de moustiques qui transmettent d’autres maladies tels le chikungunya, la dengue…

• La protection repose sur l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticides, de répulsifs cutanés et sur le port de vêtements longs et couvrants imprégnés d’insecticides (voir Au comptoir page 42), qui sont les meilleurs moyens de protection possibles.

→ Les 4 molécules répulsives recommandées en application cutanée sont le DEET, l’icaridine, l’IR3535 et le PMD (pour plus d’infos, voir Au comptoir page 42).

→ Les sprays vêtements doivent renfermer de la perméthrine (certaines formules renferment du géraniol ou de l’icaridine), une molécule à la fois répulsive et insecticide.

→ Dans les habitations, la climatisation diminue les risques de piqûres. Les diffuseurs électriques constituent aussi des mesures d’appoint.

En revanche les huiles essentielles, les bracelets, les ultrasons n’ont pas d’efficacité suffisante et ne sont pas recommandés.

Chimioprophylaxie antipaludique

Objectif

La chimioprophylaxie vise essentiellement à prévenir les infections à Plasmodium falciparum.

Les différentes molécules disponibles ne préviennent qu’imparfaitement les accès de reviviscence liés aux autres Plasmodium car ils agissent sur les formes parasitaires intra-érythrocytaires et peu ou pas sur les formes intrahépatiques.

Les critères de choix

Ainsi, et du fait des potentiels effets indésirables des molécules, la balance bénéfice/risque doit être appréciée avant toute prescription. Elle tient compte des zones visitées et de la présence de Plasmodium falciparum, de la saison avec prolifération des moustiques en saison des pluies, des conditions d’habitat, de la durée du séjour, du risque de chimiorésistance et de la personne…

Le traitement est toujours prescrit pour un séjour de plus de 7 jours et ne doit pas dépasser 6 mois.

• Par exemple, dans les situations de faible risque palustre ou de risque lié à des Plasmodium autres que falciparum, la balance bénéfice/risque de la chimioprophylaxie n’est pas favorable. Idem pour les séjours de moins de 7 jours.

• À l’inverse, des séjours supérieurs à un mois avec des nuitées en zone rurale ou en hébergement précaire dans une tente, une habitation non protégées… en zone de Plasmodium falciparum sont particulièrement à risque.

• Le choix de la molécule tient compte du risque de chimiorésistance du Plasmodium et de la personne : âge, antécédents médicaux, intolérance éventuelle à un précédent antipaludique, interactions médicamenteuses possibles, grossesse.

• Les trois antipaludiques utilisés en prévention de l’infection à Plasmodium falciparum sont l’association atovaquone-proguanil (Malarone), la doxycycline et, en dernière intention, la méfloquine (Lariam), en raison des effets indésirables.

L’association chloroquine-proguanil, moins efficace, est utilisée en cas de contre-indications à ces molécules. La chloroquine est réservée aux rares pays sans chloroquinorésistance.

Les médicaments

Atovaquone-proguanil (Malarone)

• Mode d’action : schizonticide associant l’atovaquone, qui inhibe la biosynthèse des pyrimidines, et le proguanil, un antifolinique, inhibant la synthèse des folates.

• Effets indésirables : nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhées, céphalées, vertiges, fièvre, insomnie, éruptions cutanées, toux ; liés au proguanil : dépigmentation de la peau, perte des cheveux.

Méfloquine (Lariam)

• Mode d’action : action schizonticide par accumulation dans la vacuole digestive du parasite d’un composé toxique.

• Effets indésirables : nausées, vomissements, gastralgies et diarrhées très fréquents, troubles psychiatriques avec dépression, anxiété généralisée, paranoïa, hallucinations, psychose, insomnie, cauchemars, troubles de l’attention, idées suicidaires pouvant survenir plusieurs mois après l’arrêt du traitement, risque de convulsions en cas d’antécédents d’épilepsie, toxicité cardiaque, céphalées, vertiges, anorexie.

• Surveillance : prévenir les patients et leur entourage de la survenue de troubles psychiatriques qui imposent l’arrêt immédiat du traitement et la consultation d’un médecin pour une alternative médicamenteuse.

Doxycycline

• Mode d’action : antibiotique à l’action schizonticide inhibant la synthèse de protéines mitochondriales.

• Effets indésirables : photosensibilisation, nausées, vomissements, gastralgies, diarrhées, ulcérations œsophagiennes, stomatites, candidoses digestives.

Chloroquine-proguanil (Savarine)

• Mode d’action : association d’un schizonticide, la chloroquine, qui s’accumule dans les globules rouges du parasite et forme un complexe toxique, et d’un antifolinique, le proguanil.

• Effets indésirables : intolérance gastrique modérée et transitoire, plus rarement éruptions cutanées, prurit, troubles oculaires en général transitoires avec accommodation, vision floue, opacification de la cornée, risque de torsades de pointe ; liés au proguanil : dépigmentation de la peau, perte des cheveux.

• Surveillance : la survenue de troubles ophtalmologiques doit être signalée au médecin.

Chloroquine (Nivaquine)

• Mode d’action : s’accumule dans les globules rouges du parasite et y forme un complexe toxique.

• Effets indésirables : prurit, éruptions cutanées, troubles visuels, risque de torsades de pointe.

Conseils aux patients

Observance

• Insister sur le respect du schéma thérapeutique pour avoir une protection maximale. Le non-respect des modalités de prise de la chimioprophylaxie est souvent à l’origine des échecs de traitement.

Le traitement doit débuter le jour du départ ou 10 jours avant pour la méfloquine, et se poursuivre 3 à 4 semaines au retour du voyage ou 7 jours pour la Malarone afin de couvrir le risque d’apparition de la maladie du fait des formes latentes hépatiques.

• Pour limiter les troubles digestifs, très fréquents, prendre systématiquement le traitement au cours ou à la fin d’un repas.

• Prévoir systématiquement une crème solaire haute protection en cas de prise de doxycycline en complément de vêtements couvrants.

Automédication

Des interactions avec les médicaments antipaludéens sont possibles. Signaler tout traitement éventuel au médecin avant prescription et éviter toute automédication en dehors des médicaments prescrits par le médecin pour le voyage : antiémétiques, antidiarrhéiques, anti-infectieux, antalgiques…

Vie quotidienne

Protection antivectorielle indispensable

Elle est systématique ! La prise d’une chimioprophylaxie n’est pas efficace à 100 %.

Les anophèles piquent généralement entre le coucher et le lever du soleil mais il est recommandé de se protéger aussi pendant la journée.

Le port de vêtements longs et couvrants imprégnés de perméthrine est à privilégier dans les zones à haut risque, en complément du répulsif cutané. Pour les modalités d’application des répulsifs cutanés, voir Au comptoir page 43.

Avec la collaboration du professeur Philippe Parola, spécialiste en médecine interne, pathologie infectieuse et tropicale, CHU Marseille Nord, et de Bruno Pradines, pharmacien militaire, chef de l’unité parasitologie et entomologie de l’Institut de recherche biomédicale des armées à l’IHU Marseille.

Dico+

→ Protozoaire : organisme unicellulaire eucaryote.

→ Les parasites se développent dans chaque hôte selon le mécanisme de schizogonie (du grec schizo : diviser, fendre et gonos : procréation), une forme de division cellulaire où une série de plusieurs divisions nucléaires sont réalisées avant la segmentation du cytoplasme.

Info+

→ La répartition des espèces et les risques selon les pays sont consultables sur le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH), « Recommandations sanitaires pour les voyageurs », publiées chaque année début juin. Sur invs.sante publiquefrance.fr

→ Les moustiques ne sont habituellement pas présents en altitude, au-dessus de 1500 m en Afrique, 2500 m en Amérique ou en Asie.

Info+

→ En Afrique, le paludisme représente la première cause de mortalité des enfants de moins de 5 ans dans les zones tropicales et subtropicales.

→ Plasmodium knowlesi est une espèce plus rare mais qui peut aussi entraîner, comme P. falciparum, des formes sévères de paludisme.

Contre-indications médicales

→ Chloroquine : rétinopathie.

→ Proguanil-atovaquone : insuffisance rénale sévère pour une utilisation en chimioprophylaxie.

→ Proguanil-chloroquine : rétinopathie.

→ Méfloquine : en prophylaxie, dépression ou antécédents de troubles psychiatriques ou de convulsion ; insuffisance hépatique sévère.

→ Doxycycline : enfant de moins de 8 ans, 2e et 3e trimestres de la grossesse.

→ Artéméther-luméfantrine : 1er trimestre de la grossesse, allaitement, antécédents de cardiopathie, bradycardie, insuffisance cardiaque ou arythmie, hypokaliémie, hypomagnésémie, facteurs de risque d’allongement du QT.

→ Arténimol-pipéraquine : syndrome du QT long congénital ou pathologie prolongeant l’intervalle QT, antécédents d’arythmie cardiaque ou bradycardie significative, affections cardiaques prédisposant aux arythmies, hypokaliémie, hypocalcémie, hypomagnésémie.

→ Quinine : troubles de la conduction intraventriculaire.

Dico+

→ ATUn : autorisation temporaire d’utilisation (ATU) nominative (n). Correspond à une utilisation exceptionnelle d’un médicament ne bénéficiant pas d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). Elle s’adresse à un seul patient à la demande et sous la responsabilité du médecin prescripteur dès lors que le rapport bénéfice/risque est jugé favorable pour le patient.

Interview

“Pour l’instant, un vaccin est testé mais seulement en zone d’endémie.”

Bruno Pradines, pharmacien militaire, chef de l’unité parasitologie et entomologie de l’Institut de recherche biomédicale des armées à l’Institut hospitalouniversitaire (IHU) de Marseille (13)

Quels répulsifs privilégier en zone de forte endémie de paludisme ?

À l’heure actuelle, la molécule de référence reste le DEET à une concentration minimum de 30 %.

On parle depuis plusieurs années d’un vaccin antipaludique. Où en est-on ?

Des premiers essais de phase III ont été réalisés en Afrique, sur des enfants de moins d’un an avec le vaccin RTS,S (laboratoire GSK) mais la protection n’a couvert que 45 % des enfants vaccinés sur une durée limitée d’un an. Pour l’instant, ce vaccin n’est testé qu’en zone d’endémie, dans certains pays d’Afrique et seulement chez les enfants, les plus à risque de formes graves. On ne peut à proprement parler d’un vaccin car il n’y a pas acquisition d’une immunité durable. Dans tous les cas, ce « vaccin » doit être associé à la protection personnelle antivectorielle.

En savoir+

→ Informations aux voyageurs, site de l’OMS : www.who.int Permet à tous les voyageurs se déplaçant dans une zone endémique au paludisme de consulter l’ensemble des recommandations de l’OMS avec une mise à jour mensuelle.

→ Le site de l’institut Pasteur : www.pasteur.fr Propose une « fiche maladie » sur le paludisme avec des actualités sur la recherche en matière de lutte contre le paludisme.

À RETENIR

→ Le paludisme reste la première endémie parasitaire mondiale et la plus meurtrière. Il sévit en zone intertropicale. Il est dû à des protozoaires du genre Plasmodium, transmis par piqûre de moustique du genre Anopheles, et dont cinq espèces sont pathogènes pour l’homme : P. falciparum, P. vivax, P. ovale, P. malariae et P. knowlesi. P. falciparum est le plus répandu (Afrique subsaharienne) et responsable des formes mortelles. Il est à l’origine de résistances aux antipaludiques.

→ Dans le cas des voyageurs, un accès palustre à P. falciparum peut évoluer en quelques heures vers un accès grave et entraîner la mort du patient. Le diagnostic du paludisme est donc une urgence médicale. En conséquence, toute fièvre survenant au retour d’une zone d’endémie palustre doit faire suspecter la maladie et conduire rapidement à une consultation médicale. Un traitement oral sur 3 jours est recommandé avec artéméther-luméfantrine, arténimolpipéraquine ou atovaquone-proguanil sauf en cas d’accès grave où l’hospitalisation et la voie intraveineuse sont nécessaires.

→ La prophylaxie individuelle du paludisme pour les voyageurs repose sur l’association d’une protection contre les moustiques (vêtements adaptés, insecticides et répulsifs, moustiquaires imprégnées) et d’une chimioprophylaxie : essentiellement atovaquone-proguanil, doxycycline et, en dernière intention du fait de ses effets indésirables psychiatriques, méfloquine.

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La sclérose en plaques

La sclérose en plaques

Décrite pour la première fois par le neurologue français Jean-Martin Charcot, en 1868, la sclérose en plaques est une maladie auto-immune et inflammatoire du système nerveux central, qui constitue la première cause non traumatique de handicap chez l’adulte jeune. La SEP est une maladie auto-immune faisant intervenir des lymphocytes B et T qui libèrent des cytokines pro-inflammatoires dans le système nerveux central. Il en résulte une démyélinisation et l’apparition de lésions scléreuses (ou plaques). Le traitement de fond fait appel à des immunomodulateurs ou des immunosuppresseurs. L’expression clinique polymorphe de la SEP impose une prise en charge multidisciplinaire combinant un traitement de fond à des traitements symptomatiques médicamenteux et non médicamenteux. Marie V., 32 ans, est traitée depuis 4 ans par tériflunomide pour une sclérose en plaques. Elle est par ailleurs sous contraceptif hormonal œstroprogestatif (Leeloo). Elle n’a pas eu de poussée depuis plus d’un an. Elle a pris rendez-vous avec son neurologue et présente au pharmacien son ordonnance. Elle explique qu’elle a fait part d’un projet de grossesse à son médecin qui a arrêté son traitement. Ordonnance 1 Pour soutenir le patient et lui apporter des conseils adaptés, il est nécessaire de connaître l’impact de la maladie et des traitements sur la vie quotidienne, et de cerner les problèmes susceptibles de se présenter pour savoir les prévenir et les gérer.
Les aoûtats