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Le fentanyl

Publié le 1 avril 2010
Par Nathalie Belin
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Le fentanyl est un antalgique de palier III ou opioïde fort, indiqué dans les douleurs sévères cancéreuses, aiguës ou chroniques. Délivrance et précautions d’emploi de ce stupéfiant sont à connaître.

Stupéfiant réglementé

• Prescription. Limitée à 28 jours sur ordonnance sécurisée, avec posologie et dosage inscrits en toutes lettres. Renouvellement interdit. Présenter l’ordonnance dans les 3 jours, au-delà, délivrer la durée du traitement restant à courir.

• Délivrance.

– Voie transdermique : délivrance fractionnée de 14 jours.

– Voie transmuqueuse et nasale : délivrance fractionnée de 7 jours (sauf indication spécifique du prescripteur).

Indications et galéniques

• Dispositifs transdermiques. Indications : les douleurs chroniques sévères insuffisamment soulagées par d’autres antalgiques opioïdes. Remboursés uniquement dans les douleurs d’origine cancéreuse. Cette voie est adaptée aux patients avec douleurs stables dans le temps. Durogésic et génériques sont indiqués à partir de 2 ans, Matrifen uniquement chez l’adulte et en relais d’un traitement opioïde fort. Action antalgique : le fentanyl est délivré sur une période de 72 heures. L’effet antalgique met un certain temps à s’installer : plateau atteint entre 24 et 72 heures. Durant toute cette période, peuvent être prescrits des antalgiques à courte durée d’action (morphine orale…).

• Les autres formes. Indications : les accès douloureux aigus chez des patients recevant déjà un traitement de fond morphinique. Formes réservées à l’adulte. En cas de saignements de nez récurrents, un dispositif transmuqueux buccal est préféré à la solution nasale.

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• Action antalgique. Action puissante mais de courte durée. L’effet antalgique est obtenu en 15 à 30 minutes, 10 minutes pour la voie orale.

Effets indésirables à surveiller

• C’est un morphinique. Somnolence, confusion, nausées, vomissements (le plus souvent transitoires), constipation, cauchemars, notamment chez le sujet âgé, voire hallucinations, dépression respiratoire, urgences mictionnelles ou dysurie selon les cas. L’arrêt du traitement est progressif pour éviter un syndrome de sevrage (nausées, vomissements, diarrhée, anxiété, tremblement musculaire). Le risque de toxicomanie est quasi nul dans une utilisation correcte.

• Risque de surdosage.

– Le fentanyl est un médicament à marge thérapeutique étroite. Il existe un risque de dépression respiratoire en cas de surdosage, et chez les patients naïfs aux morphiniques. Signe : somnolence persistante. Population à risque : patient âgé, insuffisant rénal, hépatique ou respiratoire et asthmatique (si besoin, diminution de la dose).

– Toute élévation de température (fièvre, exposition solaire, bains chauds, bouillotte…) peut augmenter l’absorption du fentanyl en patch.

– Du fait de variations interindividuelles, la substitution des dispositifs transdermiques (Durogésic versus génériques ou entre génériques) impose une surveillance accrue des patients fébriles, des enfants et des plus de 65 ans. Matrifen n’est pas concerné par la substitution.

• Irritations locales

– Voie nasale : gêne possible au niveau du nez, irritation de la gorge.

– Voie transmuqueuse : irritations, voire ulcérations buccales. Dans ce cas, changer l’emplacement du dispositif. Si besoin, envisager une autre voie d’administration.

– Voie transdermique : prurit, irritations au site d’application.

Attention aux interactions

• Interactions communes.

– Risque de diminution de l’effet antalgique et de syndrome de sevrage avec les agonistes antagonistes (buprénorphine, nalbuphine) et la naltrexone (Revia, antagoniste pur).

– Risque d’augmentation des concentrations plasmatiques du fentanyl avec les inhibiteurs puissants du CYP3A4 (ritonavir, kétoconazole, macrolides…) et avec les IMAO aussi en cas d’administration concomitante (attendre 14 jours d’arrêt avant d’utiliser le fentanyl).

– Majoration de la sédation et risque de dépression respiratoire avec les dépresseurs du système nerveux central (anxiolytiques, antitussifs, anti H1 sédatif, alcool…).

• Interactions spécifiques. Ne pas utiliser de décongestionnants nasaux type oxymétazoline (Aturgyl, Déturgylone, Pernazène) en même temps que Instanyl au risque de diminuer l’efficacité antalgique. Un rhume banal n’a aucune incidence sur l’efficacité du produit.

Les modalités d’usage

• Utilisation.

– Dispositif transdermique (Durogésic, Matrifen) : appliquer sur une région glabre (éliminer les poils avec des ciseaux), sans lésions, et sur le haut du corps (thorax, dos, partie supérieure du bras). Utiliser si besoin une fixation supplémentaire. Ni lait, lotion ou crème sur la peau pour éviter toute interférence avec le dispositif. Ne pas couper le dispositif. Changer de site d’application à chaque renouvellement. Attendre 7 jours avant d’appliquer un nouveau patch sur la même zone. Possibilité de se doucher avec. Remarque : par rapport au princeps (Durogésic) et aux patchs Sandoz, ceux de Biogaran sont plus grands, ceux de Winthrop et de Ratiopharm, ainsi que Matrifen, sont un peu plus petits, ce qui peut faciliter les applications.

– Voie transmuqueuse : boire un peu d’eau pour humidifier la bouche si besoin. Ne pas mâcher, ni croquer. a. Dispositif transmuqueux (Actiq) : laisser fondre contre la joue et la gencive (dissolution en 15 minutes). b. Comprimé sublingual (Abstral) : laisser fondre sous la langue. c. Comprimé gingival (Effentora) : placer sous la langue ou entre la gencive et la joue. Après 30 minutes, les morceaux restants peuvent être avalés avec de l’eau.

– Voie nasale : la première fois et après 7 jours de non utilisation, amorcer le flacon pulvérisateur jusqu’à ce qu’une fine brume se forme (trois à quatre fois en général). Nettoyer l’embout après chaque utilisation. Le conserver verticalement. Tenir les dispositifs transmuqueux et la solution nasale hors de portée des enfants ou d’une personne naïve de traitement opioïde de fond (dose mortelle).

• Élimination. Après utilisation, stocker le patch ou le dispositif transmuqueux dans le système de récupération fourni. Si le dispositif transmuqueux est partiellement consommé, le dissoudre sous l’eau chaude. Ranger la solution nasale dans son emballage extérieur comportant une sécurité enfant.

Particularités

• Trois voies d’administration à l’officine : transdermique (patch), transmuqueuse buccale (comprimés avec applicateur, sublinguaux et gingivaux) et nasale (solution pour pulvérisation).

• Délai d’apparition de l’effet antalgique variable selon la voie d’administration.

• Aucune limite supérieure de posologie tant que les effets indésirables sont contrôlés.

• C’est un stupéfiant.

Repères

Le fentanyl est un antalgique opioïde puissant (cent fois plus que la morphine) et à marge thérapeutique étroite. Comme les autres antalgiques de palier III, il est prescrit dans les douleurs sévères.

• C’est un opioïde agoniste pur : il active les récepteurs centraux mu (comme la morphine, l’hydromorphone, l’oxycodone, la péthidine).

• Il provoque une dépression respiratoire dose-dépendante.

• L’effet antalgique est dose-dépendant sans effet plafond.