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Le cancer colorectal
Le cancer colorectal est un cancer curable à un stade précoce mais de mauvais pronostic à un stade avancé. Le traitement repose, lorsque c’est possible, sur l’exérèse chirurgicale de la tumeur éventuellement associée à la chimiothérapie
La maladie
Définition
Dans la grande majorité des cas, le cancer colorectal est un adénocarcinome, c’est-à-dire une tumeur maligne qui se développe à partir des cellules épithéliales de la muqueuse. La lésion pré-cancéreuse est le plus souvent un polype bénin. Il existe différents types de polypes et tous ne dégénèrent pas en cancer. L’incidence du cancer colorectal augmente avec l’âge. L’âge moyen du diagnostic se situe vers 70 ans. Compte tenu de sa fréquence (troisième cancer après la prostate et le sein), un test de dépistage de « masse » (Hémocult II) est proposé entre 50 et 74 ans (voir encadré p. 24).
Évolution
Le cancer colorectal peut évoluer des années sans signes cliniques. Les symptômes éventuels sont peu spécifiques : douleurs abdominales, constipation et/ou diarrhées, fatigue et présence de sang dans les selles. L’évolution dépend du stade de la maladie au moment du diagnostic. La présence de métastases est un facteur de mauvais pronostic. Les métastases sont des tumeurs secondaires suite à la dissémination des cellules cancéreuses dans l’organisme ; elles sont fréquemment localisées au niveau du foie, des poumons et du péritoine.
Stratégie thérapeutique
Principe
La prise en charge thérapeutique est multidisciplinaire (hépatogastroentérologues, chirurgiens, cancérologues, radiothérapeutes, anatomopathologistes…). Précoce, elle permet le plus souvent d’opérer à visée curative la tumeur primitive. Si c’est impossible (maladie localement avancée) ou s’il existe déjà des métastases, l’objectif est de freiner la progression par un traitement adapté, en préservant la qualité de vie du patient.
• En l’absence de métastases. Le traitement repose en premier lieu sur l’exérèse de la tumeur et de la partie du côlon ou du rectum atteinte. En fonction de certains critères histologiques (envahissement ganglionnaire notamment) et du risque théorique de récidive, une chimiothérapie adjuvante peut être réalisée pour détruire d’éventuelles cellules tumorales déjà disséminées dans l’organisme, mais non visibles avec les examens d’imagerie. Elle débute généralement cinq à six semaines après l’intervention.
• En présence de métastases. Si la tumeur est peu symptomatique, les recommandations actuelles sont de débuter par une chimiothérapie et de ne pas réséquer (enlever) la tumeur primitive, afin d’être tout de suite efficace sur la maladie métastatique qui conditionne la survie. Dans un deuxième temps, l’intérêt de retirer la tumeur primitive et les métastases (lorsqu’elles sont résécables) est évalué en fonction de l’évolution des lésions et des symptômes. Dans le cas du cancer du rectum, une radiothérapie peut être associée à la chimiothérapie avant l’intervention. Elle vise à diminuer le risque de récidive local et permet, dans certains cas, de diminuer le volume tumoral et d’éviter une stomie définitive (anus artificiel). Si la tumeur est symptomatique, la chirurgie est indiquée d’emblée pour améliorer la qualité de vie du patient.
Protocoles
• En traitement adjuvant. Le schéma Folfox 4 : c’est actuellement le protocole de référence. Il associe des traitements de chimiothérapie cytostatique qui empêchent les cellules tumorales de se multiplier : le 5-fluorouracile (5FU), l’acide folinique et l’oxaliplatine. Le traitement est administré sur une durée de 48 heures en perfusion intraveineuse toutes les deux semaines. Le patient est hospitalisé une demi-journée, puis retourne à son domicile avec le système de perfusion qui sera enlevé un peu plus tard. Le protocole Xelox (capécitabine + oxaliplatine) : le 5FU peut être remplacé par son équivalent par voie orale, la capécitabine (Xeloda). Dans ce cas, l’oxaliplatine est administrée toutes les trois semaines à l’hôpital et le patient gère son traitement oral de Xeloda. Autres protocoles : en cas d’intolérance ou de contre-indication à ces traitements, il est possible de recourir à l’association 5FU et acide folinique seule (protocole LV5-FU2) ou aux dérivés oraux du 5FU employés seuls (capécitabine ou tégafur).
• En situation métastatique. Tous les protocoles de chimiothérapie cytostatique peuvent être utilisés : LV5-FU2, Xelox, Folfox, Folfiri (5FU + acide folinique + irinocétan),capécitabine ou tégafur. Des thérapies ciblées avec des anticorps monoclonaux (bevacizumab, cétuximab, panitumum) qui agissent spécifiquement sur les facteurs de croissance cellulaires, peuvent être utilisées en association aux chimiothérapies cytostatiques pour augmenter leur efficacité (bevacizumab et cetuximab) ou en monothérapie (panitumumab), après progression sous Folfox et Folfiri).
Adaptations
L’efficacité d’une chimiothérapie (clinique, biologie et imagerie) est évaluée au bout de deux à trois mois. Le traitement peut être interrompu en raison d’une chirurgie (métastases et/ou la tumeur primitive) ou en cas d’intolérance. En cas de « bon » contrôle de la maladie, des pauses thérapeutiques peuvent être proposées à certains patients. En moyenne, un protocole se poursuit sur six mois. En cas de progression de la tumeur, une chimiothérapie différente doit être administrée. Les patients reçoivent donc le plus souvent plusieurs lignes de chimiothérapie successives.
Médicaments anticancéreux
Fluoro-uracile et dérivés
Ce sont des chimiothérapies cytotoxiques, des antimétabolites qui prennent la place des constituants essentiels de l’ADN et inhibent ainsi la synthèse des protéines et la réplication de l’ADN. La capécitabine et le tégafur sont des précurseurs du 5 fluoro-uracile ou 5FU administrés per os et disponibles en ville. Ils nécessitent une prescription hospitalière émanant d’un spécialiste en oncologie, en hématologie ou d’un médecin compétent en cancérologie. Le 5FU est également utilisé en intraveineux, mais il est uniquement disponible à l’hôpital. Le 5FU et tégafur sont associés à l’acide folinique pour augmenter leur effet cytotoxique (non nécessaire avec Xeloda).
• Capécitabine (Xeloda). Administration : avaler les comprimés avec de l’eau dans les trente minutes qui suivent les repas. Surveillance : suivi hématologique, hépatique, rénal et cardiaque en cas d’antécédents coronariens ; surveillance de l’apparition d’un syndrome main-pied. Contre-indications principales : insuffisants hépatiques et rénaux sévères, leucopénie, thrombopénie, thrombocytopénie sévère, grossesse, allaitement.
• Tégafur (Uft). Administration : au moins une heure avant ou une heure après les repas en même temps qu’une prise d’acide folinique par voie orale. Surveillance : suivi hématologique et hépatique ; surveiller l’apparition de diarrhée. Contre-indications principales : insuffisance hépatique sévère, myélosuppression,enfant, grossesse, allaitement.
Autres cytotoxiques
Uniquement disponibles en milieu hospitalier, ils sont administrés par voie intraveineuse.
• Oxaliplatine (Eloxatine). L’oxaliplatine (dérivé du platine) induit une interruption de la synthèse de l’ADN. Elle est toujours utilisée en association à un antimétabolite.
• Irinotécan (Campto). L’irinotécan est un inhibiteur de la topo-isomérase 1 (enzyme qui permet à l’ADN de réparer les cassures).
Anticorps monoclonaux
Ces médicaments agissent sur des protéines impliquées dans la croissance des tumeurs. Ils sont uniquement disponibles à l’hôpital et administrés par perfusion intra-veineuse.
• Anticorps anti-VEGF. Le bévacizumab (Avastin) est un anticorps monoclonal humain anti-VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor), facteur synthétisé par les cellules tumorales pour stimuler la croissance de nouveaux vaisseaux.
• Anticorps anti-EGFR. Le cetuximab (Erbitux) et le panitumumab (Vectibix) agissent en bloquant le récepteur d’un facteur de croissance (EGF) situé à la membrane des cellules tumorales. Le cetuximab est un anticorps monoclonal produit par génie génétique qui peut être responsable de réactions allergiques sévères (moins de 3 % des cas). Le panitumumab est un anticorps monoclonal humain.
Radiothérapie
Principe
Le procédé consiste à exposer les cellules cancéreuses à des radiations. Ces rayons altèrent le matériel génétique cellulaire et empêchent la multiplication des cellules cancéreuses. Les cellules normales parfois touchées par les radiations (ce qui explique les effets indésirables) ont un taux de réparation supérieur.
Indication
La radiothérapie est indiquée avant l’intervention chirurgicale dans le cancer du rectum. Elle est également employée à visée palliative (dans le cancer du rectum ou du côlon) pour soulager des métastases douloureuses, notamment osseuses.
Chirurgie
La chirurgie consiste à enlever la partie du colon ou du rectum où se localise le cancer, et des ganglions voisins. Si cela est possible, le sphincter anal externe est conservé, afin d’éviter une colostomie permanente (anus artificiel définitif); quand la tumeur est importante et localisée au niveau du rectum, c’est parfois impossible. Dans certains cas, une colostomie temporaire est nécessaire pour permettre la cicatrisation de la zone opérée et de l’anastomose digestive (rétablissement de continuité) qui se fait quelques semaines après l’ablation chirurgicale.
Surveillance
Gérer les effets indésirables
• Le syndrome main-pied (5FU et Xeloda en cause). Apparition d’un engourdissement, d’un érythème au niveau des mains et/ou des pieds. Prévention : hydrater régulièrement les mains et les pieds ; porter des gants et chaussures confortables ; éviter les frottements ou pressions, les douches et les bains chauds. Demander à l’équipe médicale de porter des gants réfrigérants (le froid provoque une vasoconstriction limitant l’afflux du médicament sur la zone concernée). En curatif : consulter dès l’apparition de tiraillement, engourdissement, démangeaisons. Arrêter le traitement lorsque l’inconfort gêne les activités quotidiennes.
• Les diarrhées (5FU et dérivés, irinotecan, anti-EFGR en cause). Prévention : diminuer les apports en fibres (fruits, légumes frais céréales); boire suffisamment pour prévenir la déshydratation. En curatif : si plus de quatre épisodes par jour, alerter le médecin. Un traitement par lopéramide ou racécadotril peut être prescrit.
• Les neuropathies périphériques (oxyplatine en cause). Fourmillements désagréables des extrémités (notamment au contact du froid) dans les jours suivants la perfusion. Prévention : éviter le contact avec des objets froids (réfrigérateur, congélateur), porter des gants. En curatif : quand elle persiste, une réduction ou un arrêt du traitement peuvent être nécessaires.
• Les mucites (chimiothérapies cytotoxiques et radiothérapie en cause). Inflammation des muqueuses, le plus souvent au niveau de la bouche (stomatite). Prévention : brossage des dents trois fois par jour avec une brosse souple, séance chez le dentiste avant le début de la chimiothérapie. Sucer des glaçons durant les séances de chimiothérapie. Maintenir la bouche humide (boire, sucer des bonbons, utiliser des substituts salivaires…). Faire les bains de bouche prescrits. Éviter le tabac et les aliments irritants (noix, alcool, épices, vinaigrette).
• Radiodermites (radiothérapie en cause) allant de l’érythème avec desquamation sèche (parfois troubles de la pigmentation, télangiectasies, atrophie cutanée…) à une desquamation suintante voire une ulcération. Prévention : employer des syndets ; hydrater la peau avant de débuter les séances de radiothérapie et après la fin du traitement. Porter des vêtements amples. Ne pas s’exposer au soleil l’année suivant les rayons.
• Acné. Les anticorps anti-EGFR (Erbitux, Vectibix) sont responsables de rash acnéiformes qui s’atténuent avec la poursuite du traitement, d’une sécheresse cutanée et de l’apparition de crevasses. Prévention : en complément, recommander une crème hydratante pour le corps. En curatif : la prescription de cyclines est fréquente.
• Nausées et vomissements (chimiothérapies en cause). Prévention : fractionner les prises alimentaires (six à huit collations par jour), éviter les aliments gras et à saveur trop prononcée. Biscuits secs sucrés ou salés sont généralement bien supportés. En curatif : prescription systématique d’anti-nauséeux.
• Neutropénie (en cause, tous les traitements sauf anticorps monoclonaux). La baisse des globules blancs accroît le risque infectieux. Prévention : en cas de fièvre, consulter en urgence le médecin. En curatif : la prescription de facteurs de croissance peut être nécessaire pour stimuler la moelle osseuse (Granocyte, Neulasta, Zarzio…).
• Anémie (traitements et/ou saignements digestifs de la tumeur en cause). Elle est responsable d’une fatigue et d’un essoufflement à l’effort. En cas d’anémie symptomatique (hémoglobine inférieure à 10 g/dl), des traitements sont prescrits : supplémentation en fer, en folate, injection d’érythropoiétine.
Soin de la stomie
La peau autour de la stomie se nettoie quotidiennement à l’eau et au savon. Sécher bien en tamponnant sans frotter (la stomie saigne facilement). Ne jamais employer d’alcool, d’antiseptiques ni d’éosine. Eviter les vêtements serrés qui compriment la poche. Juste après l’opération, un régime sans résidu est recommandé, puis reprendre une alimentation normale en l’adaptant si besoin : modérer sa consommation de fibres (légumes verts, fruits…) si les selles sont liquides et boire suffisamment. Eviter les aliments pouvant provoquer des gaz (gonflement de la poche): choux légumes secs…
Vie quotidienne
Alimentation
En cas d’amaigrissement, privilégier des aliments riches en calorie sous un faible volume (fruits secs, fromage…). Si nécessaire des compléments nutritionnels (hyperprotidiques et hyper-énergétiques) seront prescrits.
Activités
• Professionnelle. Après la chimiothérapie, il peut être très difficile de reprendre ses occupations, son rythme de vie « d’avant », son travail. En cas de fatigue, il faut accepter de renoncer à certaines activités et se faire aider matériellement (contacter l’assistante sociale de l’hôpital pour mettre en place les aides nécessaires). La reprise d’une activité professionnelle dépend de l’évolution de la maladie, des effets indésirables du traitement, du désir du patient.
• Physique. Si le patient en ressent le besoin, une activité physique est tout à fait compatible avec le traitement. Elle est de plus bénéfique psychologiquement. Les sports violents (sport de combat…) doivent être évités (risque de traumatisme sur la stomie ou sur un cathéter implanté…).
Soutien psychologique
L’annonce de la maladie puis son traitement, ont des répercussions importantes sur la vie de famille (retentissement psychologique, difficultés matérielles…). Une récidive de la maladie ou l’annonce de la présence de métastases est vécue comme un « choc ». Il est important de faire le point avec l’équipe médicale (infirmière, médecin, psychologue, consultation anti-douleur), d’évoquer la fatigue, les inquiétudes, le découragement. En particulier, les psycho-oncologues peuvent être d’une grande aide pour le patient et son entourage. Si nécessaire, un traitement antidépresseur peut être mis en place. En cas de stomie, une phase d’apprentissage et de soutien est mise en place par l’équipe médicale. Il faut apprendre à vivre avec, à être autonome. La stomie peut affecter la façon dont le patient perçoit son corps, en particulier si elle est définitive. D’où l’anxiété et une appréhension par rapport à sa vie de couple.
Gros planDiagnostic
Lorsque les symptômes sont présents, la maladie évolue depuis plusieurs années. Toute modification persistante du transit, malgré un traitement symptomatique, doit inciter à consulter un spécialiste pour des investigations plus poussées.
• Symptômes évocateurs : des rectorragies, des troubles récents du transit (douleurs abdominales, constipation…) ne répondant pas aux traitements symptomatiques ou encore une anémie ferriprive, notamment chez les plus de 50 ans.
• Confirmation du diagnostic : par la coloscopie complète avec biopsies, réalisée le plus souvent sous anesthésie générale après préparation colique.
• Recherche des métastases : par d’autres examens (scanner, IRM…) en particulier au niveau du foie et des poumons.
• Classification de la tumeur : examen anatomopathologique de la tumeur réséquée permet de classifier la tumeur selon son extension en profondeur et l’existence de métastases ganglionnaires.
Site Internet
• www.infocancer colorectal.com
Un blog animé pour le compte de la fondation ARCAD (Aide et recherche en cancérologie digestive). Vous trouverez beaucoup d’informations sur la maladie et en particulier un guide à télécharger « Le cancer colorectal en question ».
À lire
Cancer du côlon et du rectum, Pr Michel Ducreux, 2008, Éditions Medi-Text.
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