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l’accident vasculaire cérébral

Publié le 1 février 2012
Par Nathalie Belin
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L’accident vasculaire cérébral (AVC) est une urgence. La prévention des récidives nécessite de contrôler les facteurs de risque. L’AVC ischémique impose un antithrombotique au long cours en plus.

La pathologie

Un accident vasculaire cérébral (AVC) correspond à une souffrance brutale d’une région du cerveau causée par une perturbation de la circulation sanguine au niveau de cette zone. Un AVC constitue une urgence. Il peut évoluer en quelques heures vers la mort ou des séquelles graves. Soudainement peuvent apparaître une paralysie gauche ou droite, une aphasie (trouble de la communication), une perte de sensibilité, une cécité, des troubles de la respiration et de la déglutition… La symptomatologie dépend de la région du cerveau lésée et de l’artère touchée. Le pronostic vital est souvent en jeu (voir infographie).

Deux principaux types d’AVC

• L’accident ischémique ou infarctus cérébral

C’est le plus fréquent (80 % des cas). Il a le plus souvent pour origine l’occlusion d’une artère irriguant le cerveau, ce qui entraîne une ischémie (diminution de l’apport sanguin). Cette occlusion peut être provoquée par un thrombus (caillot), favorisé par l’athérosclérose, ou un embole (un caillot aussi, mais qui migre) provenant du cœur ou des carotides. À savoir : en cas de troubles du rythme comme une fibrillation auriculaire, l’activation de la coagulation dans les volumes sanguins stagnant dans les auricules/oreillettes génère la formation d’un thrombus qui peut migrer et boucher un vaisseau. On parle plutôt d’embole (= thrombus qui se détache).

Certains accidents sont transitoires : on parle d’accident ischémique transitoire (AIT). Les symptômes disparaissent alors rapidement (typiquement en moins d’une heure), mais le risque de faire un infarctus cérébral après un AIT est très élevé ! Les AIT constituent donc une urgence médicale comme les AVC constitués ; il faut déterminer la cause de l’accident cérébral (un caillot dû à une plaque d’athérome ou à une arythmie cardiaque…) pour démarrer rapidement un traitement préventif, qui sera différent selon la cause.

• L’accident hémorragique ou hémorragie cérébrale

Moins fréquent (environ 20 % des cas), il est lié à la rupture de la paroi d’un vaisseau. Les causes sont nombreuses : HTA chronique, malformation vasculaire, déséquilibre d’un traitement anticoagulant, consommation de drogues chez le sujet jeune (héroïne, cocaïne, amphétamines, etc.)…

Les facteurs de risque

La fréquence des AVC augmente avec l’âge (la moyenne d’âge de survenue est de 71 ans), mais on observe des AVC chez des sujets plus jeunes (dès 40 ans).

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Les facteurs de risque principaux sont l’âge et l’HTA, puis viennent les maladies cardiaques rythmiques (notamment la fibrillation auriculaire) et ischémiques, l’hyperlipémie, le tabagisme, l’alcoolisme, l’obésité, la sédentarité, certains médicaments (contraception estroprogestative, traitement hormonal de la ménopause).

Évolution

La rapidité et la qualité de la prise en charge initiale influent sur le pronostic et l’évolution. 50 % des patients atteints d’un infarctus cérébral conservent des séquelles invalidantes (troubles de la mémoire, de l’attention, de l’équilibre, de la marche, de la déglutition, urinaires…) et peuvent être à l’origine d’autres complications (chutes, dénutrition, escarres, dépression…).

30 à 50 % des patients ayant fait une hémorragie cérébrale décèdent dans les six mois. Après un AVC, il existe un risque de récidive d’un nouvel AVC.

Objectifs du traitement

• À la phase aiguë de l’AVC

Une prise en charge rapide et adaptée du patient au sein d’une unité neuro-vasculaire (UNV) est essentielle pour limiter l’importance de la zone lésée, réduire les risques de séquelles et de récidive précoce.

• La prévention secondaire

Au long cours, elle vise à corriger les facteurs de risque de récidive d’un nouvel AVC. La prévention secondaire est primordiale.

En cas d’AIT, le risque de survenue d’un infarctus cérébral est élevé. La prévention secondaire à mettre en place est la même que pour un accident ischémique constitué.

Stratégie thérapeutique

Accident ischémique (Infarctus cérébral)

• Phase aiguë (à l’hôpital)

Une thrombolyse intraveineuse (Actilyse, à l’hôpital), visant à désagréger le caillot, peut être effectuée si la prise en charge du patient est très rapide : dans les 4h30 suivant l’apparition des symptômes. Plus elle est effectuée tôt, plus les chances d’amélioration du pronostic sont élevées. Un traitement antiagrégant plaquettaire par aspirine est débuté le plus rapidement possible (en cas de thrombolyse, dans les 24 heures suivant celle-ci). Il réduit la mortalité et le risque de récidive précoce, et il sera continué au long cours si l’accident n’est pas d’origine cardio-embolique. Parallèlement, une surveillance intensive du patient est mise en place (glycémie, bilan électrolytique, fonction respiratoire…).

• Prévention secondaire

Elle est mise en place à l’hôpital puis poursuivie au long cours.

– Traitement antithrombotique systématique. L’aspirine est le traitement de première intention, le clopidogrel est indiqué en cas d’allergie à l’aspirine, l’association aspirine-dipyridamole (Asasantine LP) est également utilisée. Les AVK (la warfarine en particulier) sont indiqués lorsque l’infarctus cérébral est dû à certaines cardiopathies (fibrillation auriculaire…).

– Hypolipémiant. Une statine, généralement simvastatine ou atorvastatine, est indiquée en complément des mesures hygiéno-diététiques lorsque le taux de LDL-cholestérol est supérieur ou égal à 1 g/l et, systématiquement, lorsque le risque vasculaire est élevé (diabétique…), même si le taux de LDL-cholestérol est inférieur à 1 g/l.

– Antihypertenseur. Il est indiqué chez le sujet hypertendu, voire chez le sujet normotendu. Un diurétique thiazidique ou une association diurétique thiazidique/IEC est privilégié.

En cas de diabète, l’équilibre glycémique doit être contrôlé au mieux (idéalement, HbA1c < 7 %) pour réduire la survenue d'autres événements vasculaires. Les mesures hygiéno-diététiques font partie intégrante des mesures de prévention secondaire (voir « Vie quotidienne »).

Accidents hémorragiques

La prise en charge à la phase aiguë nécessite une surveillance intensive du patient (examen clinique, tension artérielle, glycémie, bilan électrolytique, fonction respiratoire…).

La prévention des récidives est fonction de la cause de l’hémorragie cérébrale : geste chirurgical dans certains cas, utilisation de vitamine K en cas d’hémorragie cérébrale sous anticoagulant, correction d’une hypertension artérielle…

Rééducations

Les rééducations (kinésithérapie, ergothérapie, orthophonie…) sont démarrées précocement à l’hôpital, puis sont poursuivies après le retour à domicile du patient. Elles visent à rendre le patient le plus autonome possible dans ses gestes de la vie quotidienne et à prévenir la mortalité (rééducation orthophonique en cas de troubles de la déglutition…).

Traitements

Les antiagrégants plaquettaires

• Aspirine. Mode d’action : l’acide acétylsalicylique (aspirine) appartient au groupe des AINS qui possèdent des propriétés antalgiques, antipyrétiques et anti-inflammatoires. Il inhibe également l’agrégation plaquettaire, même à faible dose. Précautions. Même à faible dose, l’aspirine expose à des hémorragies, notamment gastroduodénales. Des douleurs ou brûlures d’estomac doivent amener à consulter. Des saignements de nez ou des gencives sont possibles. Contre-indications : ulcère gastroduodénal en évolution, antécédents d’hypersensibilité aux salicylés ou aux AINS, maladie hémorragique constitutionnelle ou acquise.

• Clopidogrel. Mode d’action : inhibe l’agrégation plaquettaire en s’opposant aux effets de l’adénosine diphosphate (ADP). Mode d’emploi : de préférence au cours d’un repas. Précautions : augmentation du risque de saignements. Contre-indications : insuffisance hépatique sévère, ulcère gastroduodénal.

• Dipyridamole + aspirine (Asasantine LP). Mode d’action : le dipyridamole possède des propriétés antiagrégantes plaquettaires (le mode d’action, différent de celui de l’aspirine, n’est pas complètement élucidé) et vasodilatatrices coronariennes. Mode d’emploi : de préférence au cours d’un repas. Surveillance : chez les patients présentant une cardiopathie, la survenue d’une douleur angineuse (faisant suspecter une ischémie cardiaque) impose l’arrêt du traitement. Risque de survenue d’un bronchospasme chez les patients atteints d’asthme ou de BPCO. Contre-indications : les contre-indications de l’Asasantine LP sont celles de l’aspirine.

• Ticlopidine

Non citée dans les recommandations.

Mode d’action : idem clopidogrel. Mode d’emploi : au cours d’un repas. Surveillance : régulière en début de traitement (hématologique, hépatique). L’apparition de fièvre, d’une angine, d’ulcérations buccales, de saignements inhabituels, de signes d’atteinte hépatique (ictère, urine foncée, selles décolorées) nécessite d’alerter le médecin. Contre-indications : lésions organiques susceptibles de saigner (ulcère gastro-duodénal…), antécédents de troubles hématologiques (leucopénie, thrombopénie, agranulocytose), hémopathies comportant un allongement du temps de saignement.

Les antithrombotiques

• Antivitamine K : acénocoumarol (Sintrom, Minisintrom), fluindione (Previscan), warfarine (Coumadine). Mode d’action : les AVK sont des anticoagulants qui inhibent la synthèse de plusieurs facteurs de la coagulation. Mode d’emploi : le soir de préférence de manière à modifier la posologie dès obtention des résultats de l’INR. Surveillance : régulière de l’INR, qui doit généralement être compris entre 2 et 3. Prise du médicament chaque jour à peu près à la même heure. L’apport alimentaire en vitamine K doit être « régulier » (choux, brocolis, épinards, asperges…) pour ne pas perturber l’INR. Contre-indications : insuffisance hépatique sévère. Interactions contre-indiquées : millepertuis, miconazole (gel buccal, voie générale), phénylbutazone, aspirine si dose ≥ 1 g par prise et/ou ≥ 3 g par jour ; déconseillées : aspirine (autres doses), AINS. L’introduction d’un nouveau traitement nécessite de contrôler l’INR 3 à 4 jours après. Effets indésirables : hématomes, risque d’hémorragies bénignes (épistaxis, gingivorragie), mais aussi potentiellement graves.

• Dabigatran (Pradaxa)

Mode d’action : inhibiteur direct de la thrombine qui permet la conversion du fibrinogène en fibrine lors de la cascade de la coagulation. Mode d’emploi : le soir de préférence, de manière à modifier la posologie dès obtention des résultats de l’INR. Surveillance : recherche de signes d’hémorragies ou d’anémie durant le traitement. Contre-indications : insuffisance rénale sévère, insuffisance hépatique ou maladie du foie, saignement ou lésion organique susceptible de saigner, altération de l’hémostase. Interactions contre-indiquées : kétoconazole (voie systémique), ciclosporine, itraconazole, tacrolimus. Effets indésirables : épistaxis, douleurs abdominales, nausées, diarrhées, hémorragies.

Les statines

Parmi elles : atorvastatine, fluvastatine, pravastatine, rosuvastatine, simvastatine.

Mode d’action : diminution de la synthèse endogène de cholestérol par inhibition de l’enzyme hMG-CoA-réductase. Mode d’emploi : prise unique de préférence le soir sauf pour l’atorvastatine et la rosuvastatine (longue durée d’action, donc prise à tout moment de la journée). Surveillance : hépatique avant puis en cours de traitement. Risque d’atteinte musculaire avec augmentation du taux de créatine phosphokinase (CPK). Dosage des CPK avant instauration du traitement chez les patients présentant un risque d’atteinte musculaire (patient âgé de plus de 70 ans, insuffisant rénal, abus d’alcool…) et en cas de survenue de symptômes musculaires inexpliqués (douleurs, crampes…). Contre-indications : affection hépatique évolutive.

Vie quotidienne

Les mesures hygiéno-diététiques classiques de la prévention cardio-vasculaire sont proposées pour limiter le risque de récidive d’un AVC. Elles sont à suivre à vie.

Tabac

Son arrêt est impératif même s’il peut nécessiter du temps. Il peut se faire en ayant recours si besoin aux aides à l’arrêt (dont les substituts nicotiniques).

Alimentation

Une réduction de l’apport en sel et de graisses saturées (viandes, fromages, charcuteries…) est recommandée. Selon le cas, une perte de poids est envisagée. La consommation d’alcool doit être diminuée, voire stoppée en cas de difficulté à la réduire. Il est recommandé de ne pas boire plus de trois verres par jour chez les hommes, et plus de deux verres par jour chez les femmes.

Activité physique

Elle est encouragée dans tous les cas car l’activité physique est associée à une amélioration des autres facteurs de risque (poids, HTA, diabète…). On recommande 30 minutes par jour d’une activité adaptée aux possibilités du patient (marche, natation…).

Se soigner

– Toujours s’informer de la nature de l’AVC (hémorragique ou ischémique) avant toute automédication. En cas d’AVC hémorragique, jamais d’aspirine. Sous antithrombotique, pas d’AINS en automédication.

– Ne jamais interrompre le traitement antithrombotique (antiagrégant ou AVK) en raison du risque élevé de récidive d’un infarctus cérébral en cas d’arrêt de l’antithrombotique ; seules les interventions chirurgicales à haut risque hémorragique justifient son arrêt. La plupart des interventions dentaires (y compris extraction) peuvent se faire sous traitement antithrombotique (le saignement est contrôlé par hémostase locale). Dans tous les cas, la nécessité d’un arrêt de ces traitements est évaluée au cas par cas par le médecin.

Se faire aider

L’AVC peut être à l’origine d’un profond bouleversement de la vie de famille. Orienter au besoin vers un soutien psychologique, vers une association de patient (voir encadré ci-dessous). Faire le point avec une assistante sociale pour centraliser les demandes d’aide (allocations, aides ménagères…).

Diagnostic

Un AVC ou un AITest suspecté en cas d’apparition de certains signes évocateurs (voir encadré en page 27). Une imagerie doit alors être effectuée en extrême urgence pour poser le diagnostic (éliminer d’autres causes comme tumeur, épilepsie…) et distinguer un accident hémorragique d’un infarctus cérébral,ce dernier pouvant éventuellement bénéficier d’une thrombolyse.

• L’IRM cérébrale est l’examen le plus performant pour visualiser précocement des signes d’ischémie récente ou une hémorragie intra-crânienne. A défaut, un scanner cérébral est réalisé. L’exploration des artères intra-crâniennes (et des artères cervicales en cas d’infarctus ou d’AIT) est également réalisée.

• Des examens complémentaires sont effectués en urgenceà la recherche des causes ou des complications nécessitant un traitement rapide : ECG, prélèvements biologiques (hémostase, glycémie, créatininémie…), monitoring de la pression artérielle, du rythme cardiaque, de la saturation en oxygène, surveillance de la température…

Que faire si on suspecte un AVC ?

Appeler le centre 15 (le Samu) est le réflexe que doit avoir toute personne témoin ou suspectant un AVC. Le Samudécide du moyen le plus rapide pour acheminer le patient vers l’établissement le plus proche permettant une priseen charge adaptée, et il avertit cet établissement de façonà organiser une prise en charge précoce. Dans l’attente des secours, le patient doit rester allongé.

Reconnaître les signes d’un AVC

Seuls 30 % de la population française identifient la faiblesse brutale d’un côté comme un signe d’AVC.

Il faut apprendre aux patients avec facteurs de risque (hypertendus, diabétiques, gros fumeurs…), et à leur entourage, à reconnaître les six signes principaux qui doivent alerter :

• la perte de la motricité ou de la forced’un bras, d’une jambe ou de la totalitéd’un côté du corps (hémiplégie), une atteinte du visage ;

• la perte de la sensibilité d’un bras, d’une jambe, de la face ou de tout un côté du corps ;

• la difficulté soudaine à s’exprimer ;

• un trouble soudain de l’équilibre oude la marche ;

• l’apparition soudaine d’une vision trouble ou une perte de la vision d’un œil ;

• des maux de tête violents et intenses.

Le mot FAST est un moyen mnémotechnique pour les signes et la conduite à tenir.

F pour Face (visage) : demander à la personne de sourire (déviation de la bouche) ;

A pour Arm (bras) : demander au patient de lever les bras (l’un des bras ne se lève pas normalement) ;

S pour Speech (parole) : lui demander de répéter une phrase simple (difficultés à répéter) ;

T pour Time (durée, urgence) : en présence de l’un de ces symptômes, il faut appeler immédiatement les secours même si les signes ont régressé (AIT).

L’association France AVC

www.franceavc.com

Tél. : 04 74 21 94 58.

Possibilité de contacter une antenne régionale (onglet « Antennes »).

Livre

Le retour à domicile après un accident vasculaire cérébral, coordonné par Catherine Morin, John Libbey Eurotext, 2009