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La rhizarthrose

Publié le 26 octobre 2022
Par Thierry Pennable
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L’arthrose de la base du pouce, ou rhizarthrose, est fréquente, parfois très invalidante, avec des formes cliniques variées. La chirurgie répond de façon adaptée aux différentes formes de cette maladie, qui ne se guérit pas mais se soigne très bien.

La maladie

Définition

• La rhizarthrose est une forme d’arthrose touchant l’articulation trapézo-métacarpienne à la base du pouce. Également appelée arthrose trapézo-métacarpienne, elle se caractérise par une destruction du cartilage situé entre le trapèze, os du poignet, et le premier métacarpien, os du pouce.

• La rhizarthrose peut être unilatérale, touchant souvent la main dominante, ou bilatérale.

Physiopathologie

Rappel physiologique

• L’arthrose est la maladie articulaire la plus répandue. Elle se caractérise par la destruction ou la disparition du cartilage de l’articulation, associée à d’autres modifications, telle une hypertrophie osseuse.

• L’arthrose est un processus physiologique naturel, en général lié à l’âge et/ou à une sollicitation excessive de l’articulation. Elle est plus ou moins douloureuse ou pas douloureuse du tout.

Rhizarthrose

• L’arthrose de la base du pouce est la localisation la plus fréquente de l’arthrose au niveau de la main. La rhizarthrose est exclusivement l’arthrose de l’articulation trapézo-métacarpienne du pouce. Elle peut être plus ou moins associée à une arthrose de l’articulation scapho-trapézienne.

• L’articulation trapézo-métacarpienne du pouce est constamment sollicitée pour saisir des objets. Chaque prise d’un objet avec la main implique la pince formée entre le pouce et les autres doigts, et en particulier la pince « pouce-index » : tourner une clé, ouvrir un bouchon, coudre… Cette articulation est soumise à des forces importantes, à l’origine de l’atteinte du cartilage qui sépare le trapèze et le métacarpe. Le cartilage permet à ces deux os de glisser l’un contre l’autre et participe à la mobilité du pouce. Les contraintes effectuées sur l’articulation lorsque le cartilage est usé sont à l’origine de douleurs articulaires profondes (voir infographie ci-contre).

• Les stades de la maladie sont au nombre de quatre selon la classification de Dell(1).

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→ Stade 1 : pincement articulaire sans déplacement des os de l’articulation (subluxation, voir Dico+ p. 36) ou formation d’un éperon osseux à proximité de l’articulation (= ostéophyte, voir Dico+).

→ Stade 2 : faible subluxation encore réductible et petit ostéophyte interne.

→ Stade 3 : présence d’ostéophyte (s), avec pincement articulaire majeur et subluxation importante.

→ Stade 4 : destruction totale de l’interligne articulaire avec ostéophytes proéminents, cavités anormales creusées dans un os (= géodes, voir Dico+ p. 36), articulation enraidie et douleur relativement réduite.

Étiologies

Les mécanismes de l’arthrose, mal connus, font l’objet d’une recherche active(2). Plusieurs facteurs de risque favorisant une rhizarthrose sont identifiés.

→ Une prédisposition génétique, héréditaire, retrouvée dans les « rhizarthroses familiales ».

→ L’âge, comme pour toute arthrose, à cause de l’usure naturelle des cartilages au fil du temps (facteur dégénératif).

→ Les activités manuelles. Une sollicitation mécanique excessive de l’articulation trapézo-métacarpienne est aussi en cause chez les patients plus jeunes, particulièrement dans certaines activités : pianiste, dessinateur, sportif, usage intensif de smartphones ou de manettes de jeux vidéo…

→ Des facteurs hormonaux, notamment la ménopause, avec baisse du taux d’estrogènes protecteurs du cartilage.

→ Des facteurs traumatiques : séquelles d’entorse, de luxation ou de fracture du pouce…

→ Une hyperlaxité articulaire : souplesse extrême des articulations qui sollicite davantage ces articulations.

→ Le diabète : le stress oxydatif, l’insulinorésistance des tissus articulaires ou l’action des LDL (lipoprotéines) oxydées sont à l’origine d’une « arthrose métabolique ».

→ L’obésité remise en cause. Cette « arthrose métabolique » serait due à l’action des cytokines et autres molécules sécrétées par le tissu adipeux intra-abdominal qui détruisent le cartilage. Une étude de 2019 n’a pas mis en évidence de lien de causalité entre syndrome métabolique et arthrose digitale(2). Ce qui remet en question la responsabilité directe de l’obésité dans la rhizarthrose.

Signes cliniques

• La douleur est le premier et principal symptôme. Située à la base du pouce et profonde, elle évolue en général par poussées de durée et de fréquence variables. D’une simple gêne à une souffrance intense, la douleur est exacerbée par des gestes qui sollicitent la pince pouce-index, notamment ceux qui requièrent force et précision : couture, piano…

• Diminution de la force et limitations fonctionnelles sont les autres signes cardinaux de la rhizarthrose. Ils rendent les gestes du quotidien de plus en plus difficiles et empêchent certains professionnels de travailler. Les limitations fonctionnelles sont souvent liées à la douleur, mais la destruction de l’articulation peut aussi entraîner une raideur et une limitation des amplitudes articulaires. Une subluxation du métacarpe altère également la qualité mécanique de la préhension. À un stade avancé, la pince formée entre le pouce et l’index est paralysée et ne permet plus de saisir énergiquement les objets.

• Une tuméfaction peut survenir à la base du pouce dans des formes graves. Elle révèle une luxation de l’articulation, suivie d’une reconstitution osseuse réactionnelle (ostéophyte).

Critères de gravité

La gravité d’une rhizarthrose dépend de l’intensité de la douleur et de la difficulté à réaliser les gestes du quotidien avec la main selon les dires du patient.

→ L’arthrose du pouce peut être bien supportée malgré des destructions importantes et anciennes sur les radiographies et mal tolérée avec des aspects radiologiques peu évolués.

→ La diminution de la mobilité est en corrélation avec l’importance de l’arthrose.

Diagnostic

• Le diagnostic clinique, confirmé par une radiographie, suffit le plus souvent en présence de douleurs profondes à la base du pouce, de gêne fonctionnelle lors des pinces pouce-index, de raideur matinale et de la présence éventuelle d’antécédents familiaux d’arthrose digitale (voir encadré L’avis du spé p. 37).

• Il existe des diagnostics différentiels(3) :

→ la ténosynovite de De Quervain, diagnostic différentiel fréquent, touche les tendons abducteur et extenseur du pouce ;

→ la polyarthrite rhumatoïde et autres arthrites, avec des atteintes articulaires différentes ;

→ l’hémochromatose peut donner des atteintes articulaires ;

→ le rhumatisme psoriasique, l’un des diagnostics différentiels les plus compliqués ;

→ les autres arthropathies métaboliques telles que goutte, chondrocalcinose articulaire et rhumatisme à hydroxyapatite ne posent le plus souvent pas de problème ;

→ des cristaux de chondrocalcinose articulaire aux poignets peuvent coexister avec une rhizarthrose ;

→ le canal carpien, mais les symptômes font le plus souvent la différence.

Son Traitement

Stratégie thérapeutique

Hormis l’orthèse de repos rigide sur mesure, aucun traitement n’a démontré son efficacité avec un haut niveau de preuve dans le traitement de la rhizarthrose(4).

La prise en charge combine traitements pharmacologiques et non pharmacologiques adaptés aux besoins du patient, selon trois niveaux.

Traitement de première ligne

Dès l’apparition d’une douleur évoquant une rhizarthrose, un traitement composé d’antalgiques et d’une orthèse de pouce peut être prescrit par le médecin traitant. L’association antalgiques et orthèse de pouce soulage une large majorité des rhizarthroses.

→ L’information du patient sur la maladie, les possibilités thérapeutiques et les facteurs mécaniques susceptibles d’aggraver l’arthrose est fondamentale. Des exercices de renforcement musculaire et d’assouplissements sont recommandés pour maintenir la mobilité du pouce(4).

→ Les applications locales de chaleur (paraffine, « hot-pack ») et les ultrasons pourraient être bénéfiques, particulièrement avant de pratiquer des exercices(4). Le froid a aussi un effet antalgique.

Traitement de deuxième ligne

Il consiste en des injections intra-articulaires de corticoïdes ou d’acide hyaluronique, appelées infiltrations. Des injections intra-articulaires de toxine botulique sont à l’étude (voir encadré p. 41).

Traitement de troisième ligne

De nombreuses options chirurgicales peuvent être proposées. Deux techniques dominent la chirurgie de la rhizarthrose (voir Chirurgie).

Objectifs thérapeutiques

Le traitement vise à soulager les douleurs et à restaurer au maximum la fonctionnalité et la force de la pince de la main.

Orthèses

Généralités

Les orthèses diminuent l’inflammation et la durée des poussées douloureuses. Portées la nuit, elles soulagent le patient dans la journée (voir encadré Questions à p. 40). Elles produisent un effet mesurable après une utilisation en continu d’au moins trois à quatre semaines(3). Elles sont recommandées par l’Eular, la Ligue européenne contre le rhumatisme(5) pour soulager la douleur, prévenir ou corriger une angulation, une déviation latérale ou une perte de mobilité d’une articulation qui s’enraidit en flexion (flessum interphalangien).

Définition

• Les orthèses de poignet-pouce et les orthèses de pouce visent à maintenir et à soutenir la colonne du pouce défaillante dans la rhizarthrose. Grâce à elles, la main peut être positionnée selon trois façons.

→ Position de repos 1 : le poignet est en légère extension, le pouce en légère abduction et de profil, on voit l’ongle du pouce sur le côté. L’abduction est un mouvement qui écarte un membre du plan médian ;

→ Position de fonction 2 : poignet en extension de 40-45°, doigts fléchis formant un « C » de profil, comme si la main tenait un gros verre placé au fond de la première commissure. La pulpe du pouce est en regard de celle de l’index et du majeur pouvant former une pince avec deux ou trois de ces doigts. La position de fonction permet la préhension et une certaine activité.

→ La position du pouce en abduction 3, prononcée ou franche, immobilise davantage.

Description

Les orthèses se ferment par une ou plusieurs sangle (s) pré-positionnée (s) munie (s) d’un velcro auto-ajustable. Disponibles en plusieurs tailles, elles sont unilatérales ou bilatérales (ambidextres).

• Les orthèses de pouce immobilisent la colonne du pouce. Elles sont dotées d’une éclisse latérale de pouce en aluminium rigide conformable. Le poignet et les autres doigts restent libres de leurs mouvements de flexion/extension. Une éclisse est une pièce d’assemblage qui sert à immobiliser plusieurs parties mobiles d’un ensemble mécanique, ou à rigidifier et soutenir un corps flexible. Exemples : Rhizo 3D, Rhizo’R, Rhizo MP, One Plus, Manu Easy pouce, Manutec pouce (Orliman), ErgoForm (Donjoy), RhizoSoft (Medi), Rhizo-pro et Rhizo-immo (Thuasne), Manugib Rhizactive (Gibaud)… (voir p. 38)

• Les orthèses de poignet-pouce immobilisent la main et le pouce (l’articulation métacarpo-phalangienne), l’articulation inter-phalangienne restant libre. Elles possèdent une seconde éclisse palmaire amovible repositionnable. Les autres doigts demeurent libres de leurs mouvements de flexion/extension. Le poignet est maintenu en position de fonction. Exemples : Manu Easy poignet-pouce et Manutec Soft poignet-pouce (Orliman), Exos Rhiza (Donjoy).

Fonctions

L’orthèse soulage la douleur.

• Les orthèses de pouce mettent au repos l’articulation trapézo-métacarpienne, limitent l’amplitude des mouvements, immobilisent le pouce et préservent la mobilité du poignet.

• Les orthèses de pouce-poignet immobilisent le poignet et le pouce. Choisir l’orthèse L’appareillage en série offre une solution quand la déformation du pouce n’est pas importante, sinon une orthèse thermoformée est préférable (voir encadré Questions à p. 40). Les orthèses de série maintiennent toutes la fonction en libérant la pince et en mettant le pouce en position d’abduction.

La mise au repos est possible avec les orthèses sur mesure ou avec Exos Rhiza de Donjoy, modèle thermoformé.

L’immobilisation de l’articulation implique un bras de levier long.

• Les orthèses de repos limitent l’algie et préviennent les déformations.

• Les orthèses fonctionnelles ou d’activité protègent et améliorent la fonction.

Préconiser une orthèse de pouce-poignet, en plus d’une orthèse de pouce, quand la douleur irradie dans l’avant-bras.

Opter pour une orthèse souple en cas de rhizarthrose débutante et pour une semi-rigide dans les rhizarthroses confirmées ou lors des crises.

• Questions à poser.

→ Quelle est votre activité (sportive et professionnelle) ?

→ Où est située votre gêne/douleur ?

→ Souffrez-vous d’un raidissement du pouce ?

→ Avez-vous constaté une diminution de votre force au niveau des doigts et du pouce en particulier ?

→ Avez-vous remarqué une modification de la forme de vos doigts ?

Mesures et essayage

• Mesurer à même la peau, à l’aide d’un mètre couture, la circonférence au pli de flexion du poignet et celle de la main en dessous des têtes des métacarpiens.

• Le professionnel qui délivre procède à la première application.

Dans un second temps, le patient refait cette application.

→ Orthèses de pouce : desserrer les sangles et glisser la main dans l’orthèse ; passer le pouce dans l’ouverture correspondante ; enrouler et attacher la sangle de poignet ; enrouler et fixer la sangle de pouce.

→ Orthèses poignet-pouce : détacher l’éclisse palmaire si elle existe ; desserrer les sangles et glisser la main dans l’orthèse ouverte, à plat, en passant le pouce dans l’évidement prévu ; enrouler et fixer les sangles du poignet. Commencer par la sangle proximale, la plus proche du poignet, en ajustant à la morphologie et à la douleur; enrouler et fixer la sangle de pouce.

Après une première mise en place, conformer les éclisses latérale et palmaire pour une ergonomie optimale, puis replacer l’orthèse.

Pour les modèles bilatéraux, s’assurer que l’éclisse palmaire est du bon côté. Par défaut, les laboratoires configurent pour la main droite. Le soulagement et le confort doivent être immédiats.

Réglementation

• Prescription : par un médecin ou un kinésithérapeute, sur une ordonnance séparée qui précise la nature et le lieu de l’atteinte, et les modalités de port. Pas de substitution du modèle prescrit en nom de marque.

• Inscription à la LPP : les orthèses sont inscrites à la liste des produits et prestations au Titre II : Orthèses et prothèses externes > Chapitre 1 : Orthèses > Sous-chapitre 6 : Appareils divers de correction orthopédique. Puis, sont distingués les deux types d’orthèses.

Orthèses de pouce

→ Attelle métacarpo-phalangienne (MP) pour flexion métacarpo-phalangienne, avec pouce en abduction, pour une correction orthopédique de la main et du poignet, code générique : 2139943, tarif LPP : 43,32 €.

Orthèses de poignet-pouce.

→ Orthèse statique pour poignet-pouce, pour une correction orthopédique de la main et du poignet, code générique : 2189800, tarif LPP : 53,18 €.

Les orthèses sont inscrites sous code générique débutant par 2, mais il faut tarifer en indiquant le code individuel de chaque marque d’orthèse, qui commence par 7.

Ces tarifs ne sont pas des prix limites de vente, un dépassement à faire payer est donc autorisé.

Médicaments

Topiques anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)

En gel, crème ou sous forme d’emplâtre, les AINS s’appliquent sur la peau non lésée des zones douloureuses. Ils pénètrent dans les tissus ou les articulations et inhibent les processus à l’origine des douleurs. La proximité des articulations du pouce avec la peau favorise leur efficacité antalgique durant plusieurs jours. Leur risque d’effets indésirables est bien plus faible qu’avec les formes orales.

Ces galéniques sont préférées aux traitements systémiques, surtout dans les douleurs minimes à modérées et lorsque peu d’articulations sont impliquées. Le patient peut aussi en appliquer une « noisette » (environ 10 mg), enrobée dans du film alimentaire pendant la nuit.

Capsaïcine

Cet anesthésique local, indiqué pour le traitement des douleurs neuropathiques périphériques de l’adulte, est efficace et bien toléré dans les douleurs minimes à modérées de l’arthrose digitale(5). Il inactive des nocicepteurs (= récepteurs de la douleur) cutanés. Qutenza 179 mg, patch cutané, doit être appliqué par un médecin ou un professionnel de santé formé, et avec des gants en nitrile.

Antalgiques de paliers 1 et 2

Les antalgiques systémiques non morphiniques, voire les opioïdes faibles, antalgiques de paliers 1 et 2 selon la classification de l’OMS, peuvent être prescrits.

• Le paracétamol, du fait de sa bonne tolérance, est l’antalgique oral de premier choix jusqu’à 4 g par jour. En cas d’efficacité, il peut être utilisé à long terme, dans les limites de l’AMM(5).

• Les anti-inflammatoires oraux non stéroïdiens sont indiqués à la plus petite dose efficace et pour la durée la plus courte possible chez les patients ne répondant pas au paracétamol. L’intérêt de maintenir le traitement par AINS doit être réévalué régulièrement.

• L’association paracétamol et AINS est aussi utilisée. « Un patient qui souffre d’une poussée douloureuse toutes les trois semaines, soulagée par 1 g de paracétamol et un demi-comprimé de Bi-Profénid 100 mg, peut conserver ce traitement s’il n’a pas de contre-indications à le faire » donne en exemple le Dr Benoît Augé, rhumatologue libéral à Besançon (25).

Anti-arthrosiques symptomatiques d’action lente (AASAL)

Les anti-arthrosiques symptomatiques d’action lente peuvent avoir un bénéfice symptomatique avec une toxicité faible, stipule l’Eular(5), précisant que leurs effets thérapeutiques sont réduits et les patients susceptibles d’en bénéficier, mal définis. En 2013, la Haute Autorité de santé (HAS) rendait un avis défavorable au maintien de leur remboursement dans l’arthrose de la hanche et du genou en raison d’un intérêt clinique insuffisant. Ils n’ont pas d’indication dans la rhizarthrose.

• Molécules : chondroïtine sulfate (Chondrosulf…), qui agit sur la destruction du cartilage, diacéréine légèrement anti-inflammatoire (Art 50…), insaponifiables d’huiles d’avocat et de soja (Piasclédine…) à visée trophique, et glucosamines (Flexea, Osaflexan, Structoflex…), qui stimuleraient les composants du cartilage.

• Effets indésirables parfois graves : diarrhées, manifestations allergiques, atteinte hépatique avec diacéréine par exemple.

Produits injectables

Infiltrations de corticoïdes

Les injections intra-articulaires de corticoïdes contrôlent l’inflammation, ce qui soulage la douleur et restaure une mobilité correcte du pouce par une diminution du gonflement articulaire.

• Effets attendus. « Les infiltrations de corticoïdes ont un effet antalgique attendu supérieur à celui des traitements oraux, mais il varie selon les patients. L’absence d’amélioration durable pose la question du choix d’un autre traitement », explique le Dr Augé. D’un point de vue fonctionnel, « l’infiltration de corticoïdes redonnera de la mobilité et de la force à la pince pouce-index si leur perte n’est due qu’à la douleur, précise le professeur Laurent Obert, chirurgien orthopédiste, chef de service au CHRU de Besançon (25). Si l’atteinte articulaire est trop importante, si l’arthrose est trop évoluée, cette infiltration soulagera la douleur mais ne redonnera pas la mobilité et la force de la pince ».

• Produits : bétaméthasone (Betnesol 4 mg/ 1 ml, Célestène 4 mg/1 ml, Célestène chronodose 5,70 mg/ml, Diprostène), prednisolone (Hydrocortancyl 2,5 %), méthylprednisolone (Depo-medrol 40 mg), triamcinolone (Hexatrione 2 %, Kenacort Retard)…

Presque tous les produits ont été conçus pour une action locale à effet retard grâce à des microparticules à délitement progressif. Célestène chronodose et Diprostène associent une forme soluble (phosphate) et une forme retard (dipropionate) de bétaméthasone. Le phosphate de dexaméthasone (génériques) ou le phosphate de bétaméthasone (Célestène, Betnesol) ne sont quasiment pas utilisés malgré leurs indications en injections locales(6).

Infiltrations d’acide hyaluronique

• Place en thérapeutique. L’acide hyaluronique est un constituant naturel du liquide synovial dans lequel baigne le cartilage de l’articulation. Les infiltrations d’acide hyaluronique « lubrifient » l’articulation pour diminuer le frottement et l’usure des os. « Elles sont fréquemment proposées en deuxième intention après les infiltrations de corticoïdes retards, sauf choix du patient, qui peut préférer l’acide hyaluronique d’emblée. Les résultats sont plus aléatoires mais plus durables que ceux des corticoïdes », observe le docteur Augé. Ces infiltrations ne sont pas remboursées par l’Assurance maladie.

• Produits utilisés. Ils sont à base de sel d’acide hyaluronique, le hyaluronate de sodium. Ils ont le statut de dispositif médical de classe III, excepté Hyalgan, un médicament mais indiqué dans l’arthrose du genou (= gonarthrose).

Ces produits dits de viscosupplémentation ne sont pas pris en charge par l’Assurance maladie. Il existe de nombreuses marques, pas toutes indiquées dans l’arthrose des petites articulations. En fait, la quantité injectée est plus faible dans le pouce, de l’ordre de 1 ml.

• Exemples de produits : Rhizarthrum, Ostenil Mini, HappyMini…

• Posologie : par exemple, pour Ostenil Mini seringue préremplie 10 mg/1 ml, la posologie est d’une fois par semaine, pour un total d’une à trois injections (Vidal, 2022). Selon le degré de sévérité de l’affection articulaire, les effets bénéfiques d’un cycle de traitement se prolongeront au moins six mois. Il est possible de répéter les cycles de traitement si nécessaire.

• Effets indésirables. Au niveau du site d’injection : douleurs, inflammation, hydarthrose (épanchement de synovie, voir Dico+). Effets systémiques avec Hyalgan : hyperthermie, réactions pseudo-anaphylactiques.

• Interactions : aucune.

• Contre-indications : articulation infectée ou fortement enflammée, ou chez les patients ayant une affection cutanée ou une infection au niveau du site de l’injection ; traitement anticoagulant (risque d’hématome au point d’injection).

Suivi post-infiltration

• Un repos relatif de 24 à 48 heures est préconisé. n Application de glace en cas de douleurs.

• Contacter le médecin qui a fait l’injection si les douleurs durent plus de 24 heures.

• Le port d’une orthèse n’est pas indispensable mais peut aider à limiter les éventuels phénomènes douloureux post-infiltration.

• Attendre au minimum six à huit mois d’amélioration avant de conclure à l’inefficacité du traitement.

Chirurgie

De nombreuses options chirurgicales peuvent être proposées, « quand tous les autres traitements ont échoué » souligne le professeur Laurent Obert.

• Deux techniques dominent la chirurgie de la rhizarthrose :

→ la trapézectomie, avec ou sans interposition d’adjuvant ;

→ l’arthroplastie trapézo-métacarpienne, avec pose d’une prothèse, dans la chirurgie d’amélioration fonctionnelle(3).

• Autres exemples de traitements.

→ Une arthrodèse trapézo-métacarpienne peut être indiquée dans certains cas particuliers.

→ Une désinsertion tendineuse, chirurgie conservatrice de l’articulation, est rarement possible, sauf sur des rhizarthroses douloureuses et peu évoluées sur le plan radiologique, et dans des cas très précis.

→ L’arthroscopie trapézo-métacarpienne permet un nettoyage articulaire, la résection des excroissances osseuses et du cartilage abîmé à l’origine de la douleur. Le soulagement apporté dans les formes inflammatoires et débutantes n’est pas définitif, mais cette technique peu invasive permet de repousser une intervention chirurgicale plus lourde.

Trapézectomie

L’ablation du trapèze, chirurgie ancienne bien connue, est la technique la plus utilisée à travers le monde dans le traitement chirurgical de la rhizarthrose.

• La trapézectomie est faite de façon isolée, ou associée à l’interposition d’un implant ou à une ligamentoplastie pour combler le vide laissé par l’ablation du trapèze. Cet élément interposé sert « d’amortisseur » et évite l’impression de raccourcissement du pouce observé quand le premier métacarpien se déplace et vient buter contre le scaphoïde (trapézectomie isolée). L’espace du trapèze retiré est comblé :

→ par un prélèvement de tendon enroulé sur lui-même à la manière d’un anchois : trapézectomie avec ligamentoplastie d’interposition, dite également « avec technique de l’anchois » ;

→ par un implant synthétique en pyrocarbone : trapézectomie avec mise en place d’un implant.

• Résultats attendus : la trapézectomie est radicale et définitive. Les douleurs disparaissent en trois à six mois, mais la force de la pince pouce-index est en général diminuée. Quelle que soit la technique, la force de la pince est plus difficile à restaurer(7).

• Pour quels patients : avant l’âge de 50 ans après l’échec du traitement médical conservateur.

Arthroplastie trapézo-métacarpienne

• Cette intervention consiste à mettre en place une prothèse trapézo-métacarpienne composée d’une tige implantée dans le métacarpien, d’une cupule insérée dans le trapèze et d’une tête qui permet à l’implant de se mobiliser (voir illustration ci-dessous). Les deux composants de la prothèse coulissent l’un par rapport à l’autre et recréent une articulation mobile.

• Résultats attendus : la prothèse trapézo-métacarpienne rétablit la longueur de la colonne du pouce et la force de la pince.? La mobilité et la fonctionnalité récupérées sont proches de la normale. « Le patient retrouve une main fonctionnelle, indolore, le plus souvent en trois à six mois, plus rapidement qu’avec une trapézectomie, constate le Pr Obert. La restauration d’une bonne force de la pince est possible mais dépend surtout de l’âge du patient ».

• Pour quels patients : rhizarthrose du stade 2 au début du stade 4 chez des personnes ayant besoin d’une récupération rapide, compte tenu de leur âge, du degré de déformation de l’articulation et de sa mobilité (voir Avis du spé p. 43). Le patient doit également présenter un « stock » osseux et une hauteur du trapèze suffisants.

Arthrodèse trapézo-métacarpienne

L’intervention consiste à lier le premier métacarpien et le trapèze pour bloquer l’articulation, ce qui soulage les douleurs. L’arthrodèse trapézo-métacarpienne altère définitivement la mobilité du pouce, mais « les autres articulations du pouce situées au-dessus et au-dessous s’adaptent, ce qui aide la fonctionnalité de la main », précise le chirurgien. Moins fréquente que les deux autres techniques, l’arthrodèse est indiquée dans certains cas particuliers.

Suivi post-chirurgie

• Visite et radiographie de contrôle après quinze jours. C’est l’occasion pour le chirurgien de « questionner le patient sur le vécu post-opératoire, sur ses activités et ses appréhensions, pour savoir s’il doit être stimulé ou, au contraire, freiné dans son utilisation de la main », souligne le Pr Obert.

• Port d’une orthèse pour immobiliser le pouce en position écartée pendant deux à six semaines après l’intervention afin de favoriser la cicatrisation. « Certains patients peuvent utiliser immédiatement le pouce sans porter d’orthèse », précise le spécialiste.

• Kinésithérapie sous forme d’exercices passifs dans un premier temps pour récupérer de la mobilité, puis actifs pour retrouver de la force, afin qu’après deux à trois mois le patient reprenne des activités qui sollicitent davantage le pouce. « La très grande majorité des patients n’a pas besoin de rééducation, observe le chirurgien. La vie quotidienne offre une palette de situations où le pouce travaille tout de suite ».

Principales complications

• Infection. « L’infection de la prothèse est rarement observée au niveau du pouce parce que la main, richement vascularisée, se défend bien et qu’il s’agit d’une chirurgie courte », explique le Pr Obert.

• Risque d’hématome. Sans gravité, il s’évacue seul le plus souvent, exceptionnellement par le chirurgien. Il survient surtout sous anticoagulant et/ou antiagrégant.

• Irritation des rameaux nerveux sous la peau par la cicatrice. Fourmillements et/ou engourdissement du dos du pouce disparaissent en général en quelques jours ou semaines. Une lésion définitive du nerf est exceptionnelle.

• Usure, luxation et descellement de la prothèse. Ils peuvent conduire à une nouvelle intervention, en général avec ablation de la prothèse et trapézectomie. Les prothèses à double mobilité réduisent les risques de luxation.

Prévention

« Il est difficile de parler de prévention de la rhizarthrose à cause d’une part génétique certainement importante et de l’utilisation quasi permanente du pouce dans les activités de la vie quotidienne, remarque le Dr Augé. Il est en revanche intéressant de rechercher les facteurs favorisants sur lesquels il est possible d’agir dès l’apparition de la douleur » (voir Conseils aux patients). Une sorte de prévention secondaire pour éviter d’aggraver les symptômes.

Les conseils aux patients

Observance

• Consulter dès l’apparition d’une douleur profonde et plus ou moins continue à la base du pouce.

• Respecter le temps de port d’une orthèse rigide tel que prescrit pour la mise au repos de l’articulation en bonne position.

• Signaler une douleur persistante malgré le traitement et/ou une consommation excessive d’antalgiques.

Vie quotidienne

Prévention

En prévention en cas de facteurs favorisants tels qu’antécédents familiaux, ménopause, travail pénible, gestes répétitifs… :

• adopter les bons gestes de préhension le plus tôt possible prévient ou retarde les déformations. Il s’agit de faire différemment pour économiser ses articulations, sans réduire ses activités ;

• limiter les mouvements répétitifs au quotidien (souris de l’ordinateur, couture…) et maintenir un équilibre entre le repos de l’articulation et les périodes d’activité ;

• éviter de porter des objets lourds avec une seule main ;

• prendre les objets avec toute la main plutôt qu’avec le bout des doigts ;

• éviter les torsions des doigts, des pouces et des poignets ;

• utiliser des aides techniques selon ses besoins ;

• aménager l’environnement, en adoptant par exemple une position ergonomique à l’ordinateur, avec les coudes en angle droit et les poignets dans l’axe des avant-bras. Des dispositifs ergonomiques existent ;

• porter des orthèses de repos et/ou de fonction.

Soulager les douleurs

• Respecter les consignes de la prescription des orthèses, qui ont une action antalgique.

• Essayer de garder la main dans l’alignement du bras. Une orthèse souple agit pendant l’activité en limitant les micromouvements de l’articulation. Elle incite à maintenir la main dans l’alignement du bras.

• Les applications locales de chaleur (paraffine, « hot-pack ») peuvent s’avérer bénéfiques, particulièrement avant la pratique d’exercices.

Entretien des orthèses

Retirer les pièces amovibles, sangles et éclisses, et bien les nettoyer avec une éponge humide. Coller les fixations auto-agrippantes sur elles-mêmes.

Afin de prolonger la durée de vie de l’orthèse, la laver régulièrement avec de l’eau tiède et du savon neutre, à la main ou à défaut en machine dans un filet sur cycle doux à 30 °C. La tamponner avec une serviette, puis la laisser sécher à l’air libre, à plat, loin de toute source de chaleur. Une fois l’orthèse sèche, remettre les éléments amovibles.

(1) D’après la classification de Dell, dans Treatment of trapeziometacarpal arthritis : results of resection arthroplasty, Journal of Hand Surgery, 1978.

(2) Causal Factors for Knee, Hip, and Hand Osteoarthritis : A Mendelian Randomization Study in the UK Biobank, Arthritis & Rheumatology, 16 mai 2019.

(3) Diagnostic et prise en charge de l’arthrose digitale, Dr E. Maheu, Revue médicale suisse, 2017.

(4) L’injection intra-articulaire de toxine botulique en cas d’arthrose douloureuse de la base du pouce permet de réduire la douleur, Communiqué Inserm, juin 2022.

(5) Eular recommendations for the management of hand osteoarthritis, European Alliance of Associations for Rheumatology (Eular), actualisées en 2019.

(6) Quel corticoïde utiliser pour une infiltration dans les pathologies du rachis lombaire ?, La Lettre du rhumatologue, 2019.

(7) Rhizarthrose, Institut européen de la main, juillet 2021.

Dico+

→ Le préfixe « rhiz », emprunté au grec, signifie racine à propos d’un organe végétal ou d’un élément anatomique. Le rhizome désigne une tige souterraine dotée de racines (muguet, géranium, nénuphar…) et la rhizarthrose, l’arthrose de la racine du pouce.

→ L’ostéophytose désigne des excroissances osseuses anormales, des ostéophytes aussi appelés « becs de perroquet », qui se développent au niveau des extrémités osseuses des articulations, particulièrement en cas d’arthrose.

Dico+

→ Les géodes d’hyperpression sont des cavités anormales creusées dans un os en zone de contrainte mécanique intense : tête fémorale, genou… Elles sont un signe radiographique de l’arthrose.

→ Les géodes sous-chondrales touchent l’« os sous-chondral », situé au-dessous d’un cartilage pour lequel il constitue une sorte d’« assise ».

→ Une subluxation est une forme de luxation incomplète, pour laquelle le déplacement d’une surface articulaire vis-à-vis de l’autre est de faible ou moyenne importance.

Avis du spé

“Le diagnostic n’est pas forcément simple

Dr Benoît Augé, rhumatologue libéral à Besançon (25).

Le diagnostic de la rhizarthrose n’est pas forcément si simple compte tenu d’autres pathologies qui peuvent causer des douleurs similaires dans cette région de la main, comme une tendinite locale, un rhumatisme psoriasique ou une arthrite. Il est intéressant également de distinguer une arthrose de l’articulation scapho-trapézienne car, dans ce cas, l’injection intra-articulaire d’un produit à visée antalgique au niveau de l’articulation trapézo-métacarpienne ne donnerait qu’une réponse très partielle. L’efficacité du traitement de première ligne combinant antalgique et orthèse ne fait pas le diagnostic car en mettant l’articulation au repos et en diminuant le phénomène inflammatoire, le traitement convient à de nombreuses étiologies, telle une tendinite locale. L’avis d’un rhumatologue peut être rapidement utile pour préciser la forme clinique de la rhizarthrose et adapter le traitement.

Info+

→ La rhizarthrose n’est pas répertoriée comme maladie professionnelle dans l’article R. 461-3 du code de la sécurité sociale. Si le médecin traitant estime qu’elle est liée au travail, le patient peut effectuer un recours auprès du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). Il doit faire une déclaration de maladie professionnelle (DMP) à sa caisse primaire (formulaire disponible sur ameli.fr).

Info+

→ La plupart des corticoïdes locaux injectables utilisés en rhumatologie ont été commercialisés il y a près de cinquante ans, entre 1973 et 1976 (Diprostène, Célestène chronodose, Kenacort, Hexatrione, Hydrocortancyl). Depo-medrol a obtenu son AMM en France en 1961(6).

Questions à

“Les orthèses de série ne seront jamais aussi bien adaptées qu’une orthèse sur mesure

Valérie Madert, orthésiste-orthopédiste et ergothérapeute, Centre aquitain de la main et du poignet, clinique Jean Le Bon, à Dax (40).

Qu’attendre d’une orthèse de pouce dans la rhizarthrose ?

Les orthèses ont avant tout un but antalgique. Elles mettent au repos l’articulation lésée, la trapézo-métacarpienne, en limitant les micro-sollicitations, source de douleurs et de gêne à ce niveau. Elles ont également un effet préventif sur les déformations, mais elles ne sont en aucun cas réparatrices.

Comment délivrer une orthèse de série ?

Après avoir précisé le côté droit ou gauche, il convient, pour les orthèses de série, d’effectuer des mesures précisées par chaque fabricant pour choisir la taille. Il est important d’effectuer la première mise en place avec le patient et de délivrer les conseils de bon usage. Les orthèses sont plus ou moins longues selon ses besoins. Une orthèse longue procure un maintien efficace et une orthèse courte, un maintien relatif. Une orthèse fonctionnelle autorise des activités.

Les orthèses de série sont-elles efficaces dans la rhizarthrose ?

La rhizarthrose entraîne des déformations de la colonne du pouce. Les orthèses de série sont souvent efficaces tant que la déformation n’est pas importante. Ces orthèses, également proposées pour des tendinites, entorses ou fractures du pouce, ne sont pas spécifiquement adaptées au traitement de la rhizarthrose. Or, chaque pathologie requiert un positionnement spécifique du pouce. De même, l’efficacité des attelles thermoformables destinées à être chauffées dans un four avant la pose dépend des connaissances du professionnel qui les pose, concernant la pathologie, la physiologie, mais aussi les contraintes anatomiques propres au patient. Une immobilisation du pouce inadaptée peut aggraver les douleurs.

Pour ces raisons, les orthèses de série peuvent être délivrées en première intention, pour dépanner, mais ne seront jamais aussi bien adaptées qu’une orthèse sur mesure. Il convient également de vérifier que le baleinage métallique ne provoque pas de douleurs ni de gêne, ce qui est souvent le cas.

Qu’apportent de plus les orthèses sur mesure ?

À un stade avancé de la maladie, seules les orthèses réalisées sur mesure seront efficientes. Elles s’avèrent mieux adaptées à la morphologie et aux besoins de la personne. À la différence d’un dispositif de série, elles respectent la physiologie et les contraintes anatomiques telles que les déformations, les plaies, le port d’un pansement, la douleur ou l’inflammation… Autre avantage, elles sont modifiables pour être adaptées à l’évolution de la situation.

Dans quels cas les orthèses souples peuvent être préconisées ?

Les orthèses souples permettent de retrouver une stabilité relative et un certain confort dans les gestes du quotidien. Différentes marques proposent des orthèses plus ou moins rigides à base de néoprène ou de lycra. Elles permettent d’utiliser la main sans créer de point d’appui qui pourrait être douloureux ou blessant. Les orthèses type néoprène peuvent aussi être réalisées sur mesure.

Faut-il préconiser une orthèse de pouce ou de poignet-pouce ?

Le choix d’une orthèse courte ou longue dépend surtout de sa fonction. Nous préférons les orthèses longues prenant le poignet pour un port nocturne. Une orthèse courte, qui laisse le poignet libre, est davantage considérée comme une orthèse dite d’activité.

Dico+

→ La synovite est une inflammation de la synoviale, membrane qui tapisse l’intérieur des articulations mobiles et qui sécrète le liquide synovial facilitant le glissement articulaire et l’amortissement des chocs.

Infiltrations de toxine botulique(1)

→ En neurologie et en médecine esthétique, la toxine botulique de type A est utilisée pour provoquer une légère paralysie grâce à ses propriétés parésiantes, c’est-à-dire qui diminuent la contractilité. Elle a aussi des effets antalgiques par son action inhibitrice de certains neurotransmetteurs de la douleur aux niveaux périphérique et central. Les résultats d’un essai clinique publiés en juin 2022(2) montrent que l’injection intra-articulaire de 50 unités de Botox, associée au port d’une orthèse de repos rigide sur mesure, réduit la douleur à trois mois chez les patients ayant une rhizarthrose douloureuse. Une étude à grande échelle est envisagée pour optimiser la dose de Botox et le schéma d’injection.

(1) L’injection intra-articulaire de toxine botulique en cas d’arthrose douloureuse de la base du pouce permet de réduire la douleur, Communiqué de l’Inserm, juin 2022.

(2) Essai mené par l’équipe du service de rééducation et de réadaptation de l’appareil locomoteur et des pathologies du rachis de l’hôpital Cochin-Port Royal AP-HP (75), l’Inserm et l’université Paris Cité.

En savoir +

→ La rhizarthrose du pouce

sofcot.fr

Documents de la Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (Sofcot), didactiques et bien illustrés. Voir également Traitement de la rhizarthrose par trapézectomie et Traitement de la rhizarthrose par prothèse.

→ Rhizarthrose

sosmain.eu

Ce document de L’Institut européen de la main de Nancy présente les différentes techniques chirurgicales proposées dans la rhizarthrose.

→ Les orthèses de série, guide à l’usage des praticiens, de Jacques Callanquin et Pierre Labrude, collection Les guides de Pharmathèmes. Ouvrage complet sur les orthèses avec une partie dédiée à celles de la main et du pouce. Clair et didactique.

Avis du spé

“Prothèse ou trapézectomie ? Le choix du traitement chirurgical est fait au cas par cas

Pr Laurent Obert, chirurgien orthopédiste, chef du service chirurgie orthopédique et traumatologique, chirurgie plastique, esthétique et reconstructrice, chirurgie de la main au CHRU de Besançon (25).

Chez quels patients les prothèses sont-elles indiquées ?

Actuellement, les prothèses trapézo-métacarpiennes ont une espérance de vie de l’ordre de quinze à vingt ans, qui dépend néanmoins de leur usage. Une prothèse fortement sollicitée, chez un travailleur manuel par exemple, risque de s’user plus rapidement. Même avec des polyéthylènes résistants, les matériaux s’usent entre eux. D’autre part, les risques de luxation ou de descellement, qui sont les principales complications de la prothèse, sont accrus en cas de fortes sollicitations. Les prothèses ne sont donc pas indiquées chez un patient jeune, de moins de 40 ou 50 ans selon les chirurgiens, ni pour un patient actif et a fortiori un travailleur manuel, chez qui une trapézectomie avec adjuvant permettra de conserver un usage optimal de la main. La prothèse convient très bien à des personnes de plus de 70 ans qui ne la solliciteront pas excessivement, ou chez une femme plus jeune, ménopausée, sans activité de force. Pour les personnes ayant une activité manuelle après 40 ans ou pour des patients jeunes, sans activité de force, mais avec des articulations très usées, le choix du traitement chirurgical est fait au cas par cas par le chirurgien et le patient.

Avec l’aimable participation du docteur Benoît Augé, rhumatologue libéral à Besançon (25), du professeur Laurent Obert, chef du service chirurgie orthopédique et traumatologique, chirurgie plastique, esthétique et reconstructrice, chirurgie de la main au CHRU de Besançon (25), de Valérie Madert, orthésiste-orthopédiste et ergothérapeute, Centre aquitain de la main et du poignet, clinique Jean Le Bon, à Dax (40), et de Carole Tamarindi pour la partie sur les orthèses.

À RETENIR

SUR LA PATHOLOGIE

→ La rhizarthrose est une forme d’arthrose touchant la base du pouce.

→ Elle est caractérisée par une destruction du cartilage entre le trapèze, os du poignet, et le premier métacarpien, os du pouce.

→ Les principaux facteurs de risque sont une prédisposition génétique, l’âge et une sollicitation excessive de l’articulation trapézo-métacarpienne.

→ La maladie touche plus les femmes que les hommes, notamment à partir de la ménopause, avec la baisse du taux d’estrogènes.

SUR SA PRISE EN CHARGE

→ Trois niveaux de traitements : association d’antalgiques et d’orthèse de pouce, infiltrations intra-articulaires et chirurgie.

→ Le traitement de première ligne, antalgiques et orthèse de pouce, soulage la majorité des patients.

→ Les orthèses maintiennent le pouce en bonne position, diminuent l’inflammation et la durée des poussées douloureuses. Elles ont une action antalgique. Les orthèses portées la nuit soulagent le patient dans la journée.

→ Les topiques anti-inflammatoires et la capsaïcine sont efficaces et bien tolérés. Ils sont préférés aux traitements systémiques dans les douleurs minimes à modérées.

→ Les anti-arthrosiques symptomatiques d’action lente (AASAL) ne sont pas remboursés, en raison d’un intérêt clinique insuffisant dans l’arthrose de la hanche et du genou. Ils n’ont pas d’indication dans la rhizarthrose.

→ Le traitement de deuxième ligne consiste en des injections intra-articulaires de corticoïdes ou d’acide hyaluronique, couramment appelées « infiltrations ».

→ Les injections intra-articulaires d’acide hyaluronique donnent des résultats plus aléatoires mais plus durables que ceux des corticoïdes. Elles sont souvent proposées en deuxième intention après les corticoïdes.

→ Le recours à la chirurgie est indiqué en cas d’échec des traitements précédents.

→ Plusieurs options chirurgicales sont proposées selon l’importance de l’arthrose, l’âge du patient et ses attentes fonctionnelles.

SUR LES CONSEILS

→ Signaler au médecin traitant une douleur évocatrice d’une rhizarthrose pour une prise en charge précoce.

→ Respecter les consignes thérapeutiques concernant le port des orthèses.

→ Demander l’avis d’un rhumatologue en cas d’inefficacité du traitement de première ligne, antalgiques et orthèse de pouce.