- Accueil ›
- Préparateurs ›
- Savoirs ›
- la migraine de l’adulte
la migraine de l’adulte
Maladie invalidante, la migraine est traitée de façon individuelle. Le traitement de crise vise à soulager la douleur et les signes associés. Celui de fond a pour objectif de diminuer la fréquence et l’intensité des crises.
Définition
La migraine se manifeste par des crises associant céphalées et signes fonctionnels, au premier plan desquels des troubles digestifs. Les crises sont récurrentes et s’estompent avec ou sans traitement. Leur sévérité dépend de l’intensité de la céphalée, et de celle des signes associés. La migraine n’entraîne pas de complications mettant en jeu le pronostic vital.
Diagnostic
Exclusivement clinique, il est établi par un interrogatoire précis et détaillé, généralement en dehors d’une crise, chez un malade asymptomatique. L’International Headache Society(1) retient les critères suivants :
– au moins 5 crises qui durent de 4 à 72 heures (sans traitement ou traitées sans succès) ;
– durant les céphalées, au moins l’un des signes suivants est observé : nausée et/ou vomissement, photophobie (intolérance à la lumière), phonophobie (intolérance au bruit) ;
– les céphalées présentent au moins deux des caractéristiques suivantes : unilatérales, pulsatiles (l’impression d’avoir le cœur qui bat dans la tête), modérées ou sévères (au point de diminuer ou d’empêcher les activités quotidiennes), aggravées par les activités physiques de routine comme monter ou descendre des escaliers.
Stratégie thérapeutique
Au cas par cas
Le traitement dépend de la fréquence, de la durée et de l’intensité des crises, et de leur retentissement sur la vie quotidienne, familiale et professionnelle. Il n’y a pas de traitement standard, celui-ci est adapté à chaque patient.
Le traitement médicamenteux distingue le traitement de la crise de celui de fond. Le premier vise à soulager la douleur et à limiter les symptômes associés comme les nausées (voir infographie ci-contre). L’objectif du traitement de fond est de diminuer la fréquence et l’intensité des crises.
Traitement de la crise
• Les AINS et triptans. La douleur est due à l’association de l’inflammation et de la dilatation des vaisseaux méningés, notamment ceux de la dure-mère. C’est pourquoi les deux seules classes pharmacologiques efficaces sont les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les vasoconstricteurs, notamment les triptans (voir « médicaments »). Parmi les AINS, le kétoprofène, l’ibuprofène et l’aspirine associée au métoclopramide, qui disposent d’une AMM, sont efficaces avec un effet antimigraineux satisfaisant sur des crises peu sévères. Lorsque les patients ne sont pas suffisamment soulagés avec les triptans ou les AINS, les deux molécules sont associées et prises en même temps.
• Les dérivés ergotés vasoconstricteurs. Ils ont pratiquement disparu de la prescription à cause d’une marge thérapeutique insuffisanteet d’une moindre efficacité que les triptans, d’action plus rapide. Ils sont encore utilisés chez des personnes traitées depuis plusieurs années pour qui le traitement marche bien.
Traitement de fond
Il est indiqué si :
– le traitement de crise ne fonctionne pas ;
– le traitement de crise marche, mais une altération de la qualité de vie persiste, notamment en cas de comorbidité anxieuse, avec conduite d’évitement liée à la peur d’avoir une crise ;
– en cas de risque d’abus médicamenteux, à partir de deux utilisations par semaine du traitement de crise, même efficace.
Le traitement de fond est mis en place sur trois mois. S’il est efficace, une cure de six à douze mois est instaurée. Ensuite, il est arrêté et le patient conserve un traitement de crise. Dans 80 % des cas, la personne peut se passer d’un traitement de fond durant une période assez longue.
Les méthodes non médicamenteuses
La sophrologie, la relaxation, le biofeedback (rétrocontrôle) et les thérapies cognitives et comportementales permettent de mieux gérer le stress (les migraineux ne le gèrent pas bien). Surtout utiles en traitement de fond, ces méthodes sont complémentaires des médicaments. Particulièrement indiquées en cas de trouble anxieux associé, elles sont aussi efficaces en leur absence. Elles ne sont pas prises en charge et les structures spécialisées les réservent aux patients les plus touchés.
Les crises menstruelles
Certaines femmes ont des crises migraineuses lors de la période menstruelle. De longue durée, ces crises obligent les patientes à prendre des triptans sur plusieurs jours (jusqu’à six ou sept), même lorsqu’ils sont efficaces pour combattre la crise.
• Les estrogènes. Les stratégies préventives au moment de la période menstruelle visent à atténuer la chute en estrogènes avec des estrogènes naturels percutanés (estradiol) prescrits hors AMM. Une première dose deux jours avant, puis tous les jours jusqu’à la fin des règles, chez des patientes avec des cycles réguliers et sans antécédent de cancer gynécologique.
• Une contraception par oestroprogestatif en continu : trois cycles en continu et arrêt au quatrième pour faire apparaître les règles. Non encore validé, ce traitement semble efficace, mais est contre-indiqué chez la migraineuse jeune (moins de 35 ans) souffrant de migraine avec aura, surtout si elle fume. Les progestatifs en continu peuvent aussi être utilisés.
• Les médicaments de la crise. Également hors AMM, les AINS peuvent être prescrits préventivement en couvrant systématiquement la période menstruelle. Les patientes ont parfois peur d’augmenter leur flux menstruel. Aujourd’hui, la même stratégie préventive peut être instaurée avec des triptans deux jours avant les règles, puis jusqu’à la fin des règles. Les problèmes sont une efficacité peu satisfaisante, et l’emploi régulier des triptans qui les rendrait indisponibles en cas de crise.
En cas d’échec
Environ 15 % des patients ne sont pas suffisamment soulagés lors des crises. En cas d’échec des médicaments, un traitement doit être recherché individuellement en milieu spécialisé. Il repose sur des antalgiques non spécifiques par voie parentérale (aspirine en IV lente, kétoprofène en IM), des opioïdes habituellement évités pour risque d’abus médicamenteux (voir encadré p. 27) ou l’indométacine anti-inflammatoire aux vertus antimigraineuses.
Les médicaments de la crise
Il est recommandé de prendre le traitement, au plus tôt, dès que le patient reconnaît les signes d’une crise(2).
Traitements non spécifiques
• De la céphalée.
– Certains AINS : ibuprofène (200 ou 400 mg par prise selon les cas) ; naproxène (750 à 1 250 mg par prise) ; diclofénac (50 à 100 mg par prise) ; aspirine (3 g/j maximum). Effets indésirables : troubles digestifs (nausées, diarrhées, ulcères, perforations, sténoses, colites). Ils peuvent aussi entraîner des troubles neuropsychiques, rénaux, cardiaques ou des saignements par leur effet antiagrégant plaquettaire, spécialement des hémorragies digestives. Contre-indication : grossesse.
– Le paracétamol. Il est recommandé par l’Anaes(2) sans dépasser 4 g par jour (hépatotoxicité), mais son niveau de preuve d’efficacité est faible. Effets indésirables : rares troubles hématologiques (neutropénies, thrombopénies), éruptions cutanées ou réactions allergiques. Préféré aux AINS chez un patient sous anticoagulant. Les médicaments associant paracétamol et codéine sont évités car ils risquent de provoquer une aggravation des nausées et une dépendance quand les crises sont fréquentes.
• Des symptômes associés.
– Nausées et vomissements. Les antiémétiques comme le métoclopramide (Primpéran), la dompéridone (Péridys, Motilium) ou la métopimazine (Vogalène) sont des stimulants de la motricité gastro-intestinale prescrits pour diminuer les nausées et vomissements, et favoriser la résorption des principes actifs. Le problème du métoclopramide et de la métopimazine est parfois un effet sédatif trop marqué. La dompéridone est alors préférée par les patients jeunes et actifs.
– Anxiété. Les anxiolytiques sont intéressants chez des patients qui ont une comorbidité anxieuse et dont l’anxiété amplifie la crise. Ils sont utilisés avec prudence à cause du risque d’abus médicamenteux lié à la fréquence des crises, augmenté avec les produits psychoactifs.
Traitements spécifiques
Les antalgiques spécifiques sont préconisés après avoir constaté l’efficacité insuffisante des antalgiques non spécifiques lors de deux à trois crises (voir encadré p. 28).
• Les triptans.
Mode d’action : ces agonistes sélectifs des récepteurs à la 5-hydroxytryptamine (5HT1) provoquent une vasoconstriction des vaisseaux cérébraux de la dure-mère (feuillet externe des méninges de la paroi interne du crâne). Administration : les prises successives doivent généralement être espacées de deux heures (1 h pour le sumatriptan injectable, 4 h pour naratriptan). Contre-indications : insuffisance coronaire, états infectieux sévères (septicémie), maladie vasculaire périphérique, antécédents d’accident vasculaire cérébral (AVC), hypertension artérielle mal contrôlée, insuffisance hépatique sévère.
• Les dérivés de l’ergot de seigle.
Mode d’action : ils provoquent une vasoconstriction périphérique généralisée, en particulier des artères cérébrales, à l’origine de leur action antimigraineuse. Leur élimination par métabolisation hépatique expose à des interactions médicamenteuses et à des contre-indications. Le tartrate d’ergotamine présente un intérêt limité à cause de ses effets indésirables. Contre-indications : antécédents d’infarctus du myocarde ; coronaropathie ; hypertension modérée, sévère ou légère non contrôlée ; syndrome de Raynaud ; artérite des membres inférieurs ; antécédents d’AVC ; troubles du rythme cardiaque ; insuffisance hépatique sévère.
Le traitement de fond
Les bêta-bloquants
C’est le traitement de premier choix en l’absence de contre-indication et de tension trop faible au départ, ce qui est parfois le cas chez les femmes migraineuses. Ils sont préférés aux dérivés de l’ergot de seigle, qui exposent à des effets indésirables graves, notamment des fibroses. Mode d’action : ils provoqueraient une vasoconstriction et auraient un effet anxiolytique. Le propranolol, molécule de référence, aurait aussi une action antisérotoninergique. Précautions : ne jamais arrêter brutalement le traitement chez les angineux. Contre-indications : asthme, insuffisance cardiaque, bloc auriculo-ventriculaire, bradycardies, hypotension artérielle, troubles artériels périphériques, insuffisance hépatique évoluée, prédisposition à l’hypoglycémie.
Les antisérotoninergiques
• La dihydroergotamine. Voir « Traitement de la crise » p. 22.
• Oxétorone (Nocertone). Mode d’action : ce neuroleptique mineur a des effets antisérotoninergique, antihistaminique H1 et antiémétique. Administration : répartir les doses au repas du soir et au coucher. Précautions : majoration par l’alcool de l’effet sédatif.
• Pizotifène (Sanmigran). Mode d’action : ce dérivé tricyclique est antisérotoninergique, antihistaminique et anticholinergique. Il s’oppose aux médiateurs chimiques responsables de la crise migraineuse et exerce un léger effet antidépresseur. Administration : posologie croissante car risque de somnolence et de lassitude en début de traitement. Précautions : alcool fortement déconseillé. Chez les patients épileptiques, risque de crises. Contre-indications : glaucome à angle fermé, troubles urétroprostatiques.
• Méthysergide (Desernil). Mode d’action : antagoniste compétitif de la sérotonine. Administration : progressive, en commençant par un demi-comprimé, au repas du soir, durant quelques jours. La durée d’administration continue ne doit pas dépasser six mois en raison du risque de fibrose. Entre deux cures, interruption de trois à quatre semaines. Précautions : réduire la posologie progressivement sur les deux à trois dernières semaines de cure afin d’éviter un effet rebond. Ne pas interrompre le traitement de fond en cas de crise de migraine, mais l’arrêter dès les premiers symptômes traduisant une perturbation de la circulation périphérique. Contre-indications : troubles de la circulation périphérique, hypertension artérielle mal contrôlée, insuffisance coronarienne, rénale ou hépatique sévère, artérite temporale, antécédents de fibroses d’origine médicamenteuse, pathologies obstructives des voies urinaires hautes, états infectieux sévères, cachexie, grossesse et allaitement.
Autres médicaments
• Flunarizine (Sibélium). Mode d’action : cet antagoniste calcique s’oppose de façon sélective à l’entrée des ions calciques dans la cellule, qui seraient en surcharge lors de la migraine. Administration : au coucher en raison des risques de somnolence et de sédation. Contre-indications : maladie de Parkinson, antécédents de symptômes extrapyramidaux ou de syndrome dépressif.
• Indoramine (Vidora). Mode d’action : cet alpha-bloquant a, entre autres, des propriétés alphabloquante, antihistaminique, antisérotoninergique et antidopaminergique. Il agit au niveau des médiateurs chimiques responsables de la crise. Précautions : surveillance particulière en cas d’insuffisance rénale, d’antécédents d’angine de poitrine ou d’infarctus myocardique. Contre-indications : maladie de Parkinson, insuffisances cardiaque, hépatique, rénale sévère, allaitement.
• Topiramate (Epitomax). Mode d’action : inconnu pour cet antiépileptique. Précautions : traitement instauré à faible dose jusqu’à la posologie efficace guidée par la réponse clinique. Contre-indications : femme enceinte ou en âge de procréer en l’absence de méthodes contraceptives efficaces.
• Valproate de sodium (Dépakine). Mode d’action : cet antiépileptique agit au niveau du système nerveux central. Précautions : surveillance des fonctions hépatiques avant le traitement et durant les six premiers mois (risque d’hépatopathies). Avis médical en cas de survenue d’idées ou de comportements suicidaires. Grossesse et allaitement déconseillés. Contre-indications : hépatites ou antécédent personnel ou familial d’hépatite sévère.
• Gabapentine (Neurontin). Mode d’action : inconnu pour cet antiépileptique. Précautions : instauration progressive. Jour 1 : 300 mg 1 fois/jour ; jour 2 : 300 mg 2 fois/jour ; jour 3 : 300 mg 3 fois/jour. Arrêt progressif.
• Amitriptyline (Laroxyl, Elavyl). Mode d’action : cet antidépresseur diminue la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine. Mode d’emploi : la prise la plus importante peut être donnée le soir pour faciliter le sommeil. Précautions : au début, insomnie ou nervosité peut justifier une diminution de la posologie ou un traitement transitoire symptomatique. Contre-indications : risque de glaucome par fermeture de l’angle, troubles urétroprostatiques, infarctus du myocarde récent.
Vie quotidienne
Vie sociale et familiale
Un quart des migraineux souffre d’une maladie très invalidante. Leur qualité de vie apparaît plus altérée que celles de personnes atteintes d’asthme, de diabète, d’hypertension ou d’autres troubles jugés plus sévères. Entre les crises, l’évitement des situations générant des crises amène certains à abandonner des activités sportives, des déplacements, etc. Les variations du rythme de vie sont les principaux facteurs déclenchant des crises. Conseillez de la régularité dans les habitudes de vie.
Alimentation
Il est préconisé de modifier des habitudes irrégulières qui peuvent entraîner des crises. Le petit déjeuner doit être suffisant, et les repas seront pris à heures régulières et bien équilibrés. Le jeûne et l’irrégularité des prises alimentaires, avec un risque d’hypoglycémie à la mi-journée, peuvent générer des crises. La consommation de caféine doit être régulière en dépit des alternances travail/repos.
Sommeil
Ne pas se coucher trop tard, éviter les siestes prolongées et écourter les grasses matinées.
Gérer le stress et le repos
Apprendre à gérer le stress de la vie quotidienne en s’aidant des méthodes non pharmacologiques. Être attentif aux relâchements brutaux (vacances) qui peuvent aussi déclencher une « migraine de week-end ».
Activités physiques
Les efforts physiques intenses sont déconseillés, mais une activité régulière est bénéfique.
Sevrage tabagique
Dans certains cas, il donne à lui seul de bons résultats.
Gestes simples
Ils ne suffisent pas à enrayer une crise, mais peuvent atténuer transitoirement la douleur. À l’arrivée d’une crise, le patient cherchera un endroit à l’abri de la lumière et du bruit. La crise cède parfois avec le sommeil. Petits trucs à suggérer : se masser la tempe du côté douloureux ; se frictionner le front avec une boule de menthe ; appliquer sur la tête du froid ou du chaud selon les migraines ; le café pris dès les signes annonciateurs peut avoir un effet vasoconstricteur ; se protéger des variations lumineuses brutales avec des verres teintés.
(1) Association internationale contre les maux de tête : organisation mondiale qui aide les personnes souffrant de maux de tête et soutient des travaux de recherche dans le domaine des céphalées.
(2) Prise en charge diagnostique et thérapeutique de la migraine chez l’adulte et chez l’enfant : aspects cliniques et économiques, Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes), octobre 2002, sur www.has-sante.fr.
Abus médicamenteux et sevrage
L’emploi continu d’antalgiques par les personnes souffrant de céphalées, migraineuses ou autres, peut conduire à un syndrome de céphalée surajouté à la pathologie initiale. En cause, la consommation excessive de tous les antalgiques, des dérivés ergotés et des triptans, mais surtout les médicaments avec des effets psychoactifs.
Non seulement les patients entretiennent leur céphalée (céphalées auto-entretenues) mais ils courent également un risque iatrogène, notamment rénal.
Le sevrage médicamenteux est indispensable pour bloquer le phénomène. Le patient doit progressivement réduire sa consommation de médicaments de crise après deux à trois semaines de traitement de fond.
Quand modifier le traitement ?
Pour vérifier l’efficacité d’un traitement non spécifique et son bon usage, le praticien pose quatre questions au patient :
• êtes-vous soulagé de manière significative deux heures après la crise ;
• ce médicament est-il bien toléré ;
• utilisez-vous une seule prise médicamenteuse ;
• la prise de ce médicament vous permet-elle une reprise normale et rapide de vos activités sociales, familiales, professionnelles ?
Si le patient répond positivement aux quatre questions : pas de modification du traitement. S’il répond au moins une fois non : prescription d’un AINS et d’un triptan, à prendre s’il n’est pas soulagé deux heures après la prise de l’AINS.
- Formation à la vaccination : pas de DPC pour les préparateurs en 2025
- [VIDÉO] De la grossesse à la naissance : un accompagnement en officine personnalisé proposé par Amandine Greco, préparatrice
- [VIDÉO] Accompagnement post-natal en officine : les papas aussi !
- Entretiens pharmaceutiques en oncologie : tous concernés !
- Océane vient d’être diagnostiquée narcoleptique