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La maladie d’Alzheimer

Publié le 29 mars 2014
Par Thierry Pennable
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La maladie d’Alzheimer est une affection neurologique chronique, caractérisée par une dégénérescence progressive des cellules cérébrales. Elle est souvent associée à la perte de mémoire car elle affecte en premier les neurones de la région de l’hippocampe, siège de la mémoire. Progressivement, les altérations touchent d’autres zones du cerveau et affectent d’autres fonctions cognitives, le langage, la gestuelle. Bien que la maladie touche surtout les personnes après 65 ans, elle n’est pas une conséquence normale du vieillissement.

La maladie

DÉFINITION

Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV-TR) donne les critères de la démence de type Alzheimer :

– une altération de la mémoire ;

– associée à au moins une autre perturbation cognitive : langage, agnosie, apraxie, perturbation des fonctions exécutives (voir signes cliniques) ;

– ces troubles entraînent une altération significative de la vie du patient ;

– ils ne peuvent être expliqués par une autre cause identifiée ;

– l’évolution de la maladie est caractérisée par un début progressif et un déclin cognitif continu.

PHYSIOPATHOLOGIE

Deux types de lésions conduisent à la mort progressive des neurones :

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→ les « plaques amyloïdes » ou « plaques séniles », constituées de dépôts d’une protéine (bêta-amyloïde) qui s’agrègent autour des neurones et de leurs prolongements sous forme de plaques ;

→ les dégénérescences neurofibrillaires : l’accumulation de filaments pathologiques, observés à l’intérieur des neurones et appelés « dégénérescences neurofibrillaires » est constituée d’une protéine, la protéine Tau, rendue dysfonctionnelle par une anomalie.

LES CAUSES

Les formes héréditaires

Les formes familiales héréditaires et liées à une mutation sur certains gènes sont rares (moins de 1 % des cas). Elles concernent les formes jeunes de la maladie, avec un début précoce avant 65 ans. « La recherche d’une mutation est faite lorsque l’arbre généalogique laisse supposer une maladie familiale chez les sujets de moins de 65 ans ou dans le cas de forme extrêmement précoce de la maladie d’Alzheimer avant 50 ans », explique Agnès Michon, neurologue, du Centre mémoire de ressources et de recherche Île-de-France Sud (Paris). Actuellement, le traitement et la prise en charge sont les mêmes que pour les formes « non génétiques », en attente de pistes éventuelles en thérapie génique.

Sans cause identifiée

La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative « primaire » car aucun facteur causal n’a pu être identifié. D’autres maladies neurodégénératives sont dites « secondaires », avec des facteurs déclenchants démontrés : inflammatoires, toxiques, métaboliques ou traumatiques, etc.

ÉVOLUTION

En général, l’évolution de la maladie d’Alzheimer est décrite selon trois grands stades, qualifiés de « léger, modéré et avancé », ou selon trois phases « prédémentielle, démentielle et de démence sévère ». L’ordre d’apparition et la sévérité des symptômes varient d’un patient à l’autre. Dans la plupart des cas, la maladie progresse lentement sur quinze à vingt ans, caractérisée par un trouble essentiellement mnésique, sans complication somatique. Dans d’autres cas, la maladie évolue très rapidement et conduit le patient au décès en quelques années.

SIGNES CLINIQUES

À la phase prédémentielle

Troubles de la mémoire

Ces troubles concernent d’abord les faits récents (mémoire récente ou épisodique). On parle d’« oubli à mesure » ou d’atteinte de la consolidation en mémoire épisodique, qui concerne par exemple les emplacements d’objets, les noms de personnes, des difficultés pour acquérir de nouvelles informations ou le fait de faire répéter plusieurs fois la même chose. Le patient, qui ne reconnaît pas la perte de ses capacités (anosognosie), a tendance à minimiser ses troubles mnésiques alors que son entourage s’en inquiète.

Autres symptômes

Des difficultés à communiquer ou à se concentrer et des changements d’humeur ou de comportement sont possibles.

Autonomie

Elle est conservée dans la plupart des activités quotidiennes, mais ces premiers symptômes peuvent causer des difficultés dans l’organisation de la vie quotidienne (gestion du budget, transports en commun…).

Phase démentielle

Troubles « aphaso-apraxo-agnosiques »

→ Aphasie : trouble du langage, du manque de mots à la perte totale du langage. L’écriture devient illisible ;

→ apraxie : perte de la gestuelle, de la compréhension et de l’usage des objets (se coiffer avec une fourchette par exemple). Une apraxie idéatoire se manifeste par la perturbation des fonctions exécutives, comme ne plus savoir se brosser les dents ou manger ;

→ agnosie : incapacité à reconnaître des objets. Elle apparaît en général assez tardivement dans la maladie et peut être associée à une difficulté à reconnaître les visages (aprosognosie), y compris son propre visage dans un miroir.

Entrée dans la dépendance

Les troubles aphaso-apraxo-agnosiques et la perturbation des fonctions exécutives (faire des projets, organiser, ordonner dans le temps…) placent le patient dans la dépendance d’aides extérieures. L’autonomie est significativement altérée pour les gestes de la vie quotidienne (courses, toilette, habillage, repas, etc.). Les changements d’humeur et de caractère s’aggravent.

Phase de démence sévère

Elle survient en moyenne sept à huit ans après la détection des premiers symptômes. La perte de l’autonomie est totale et justifie souvent un hébergement au sein d’une institution. La maladie évolue vers un stade terminal. Des signes neurologiques apparaissent sous forme de crise comitiale (épilepsie) ou d’un syndrome extrapyramidal entraînant des chutes et des fausses routes à répétition. Leurs conséquences sont à l’origine de l’entrée en fin de vie.

DIAGNOSTIC

« Le développement de la maladie est insidieux et les premiers signes peuvent être mis sur le compte d’une dépression ou de l’âge. Ils sont parfois banalisés par l’entourage, qui s’adapte à la situation », constate le Dr Agnès Michon. Malgré des progrès, il existe toujours un retard de diagnostic de deux à trois ans en moyenne.

Le diagnostic est posé par un neurologue, directement, ou sur l’avis du médecin traitant qui a dépisté les premiers signes de la maladie. Le diagnostic de certitude, qui nécessite un examen du cerveau pour visualiser les lésions cérébrales, n’est possible que post-mortem. En pratique, le diagnostic repose sur une évaluation neuropsychologique et sur des examens paracliniques.

Examen clinique

L’évaluation des fonctions cognitives se fait généralement à l’aide du Mini Mental State Examination (MMSE), qui permet d’évaluer globalement les fonctions intellectuelles sur une échelle de 30 points. Le MMSE ne suffit pas à poser le diagnostic. En fonction des résultats, et en cas de doute sur l’intégrité de ses fonctions cognitives, le patient est orienté vers une consultation spécialisée pour un examen neuropsychologique approfondi.

Évaluation neuropsychologique

Elle porte sur chacune des fonctions cognitives :

– la mémoire épisodique (autobiographique) : c’était quand ? c’était où ? ;

– la mémoire sémantique : savoir général sur le monde (faits historiques…) ;

– les fonctions exécutives ;

– l’attention et les fonctions instrumentales (communication, gestes, calcul…).

Examens paracliniques

Bilan sanguin

Il permet de repérer une autre cause de déclin cognitif : trouble thyroïdien, désordres ioniques, diabète, certaines maladies infectieuses, carences vitaminiques.

Imagerie cérébrale

Une IRM cérébrale est demandée en cas de démence atypique ou de doute sur l’étiologie de la dégénérescence. Elle permet :

– d’apporter des arguments en faveur du diagnostic de maladie d’Alzheimer (atrophie du lobe temporal médian) ;

– d’identifier une autre cause de démence (hydrocéphalie à pression normale, lésions d’origine vasculaire…).

Ponction lombaire

Elle est pratiquée en cas de doute diagnostique, en particulier chez les patients jeunes. Le dosage des biomarqueurs Alzheimer dans le liquide céphalo-rachidien (peptide bêta-amyloïde, protéines Tau totales et Tau phosphorylées) augmente la certitude du diagnostic (à plus de 90 %). La ponction lombaire contribue aussi au diagnostic différentiel (suspicion de maladie inflammatoire, infectieuse…).

LE SUIVI

Par le médecin généraliste traitant

Réévaluation des besoins du patient et des aidants naturels et des moyens mis en place, annuellement ou en cas de modification de l’état de santé du malade ou de son environnement :

– examen du patient ;

– état de santé de l’aidant (souvent négligé) ;

– risques de l’environnement (cuisinière à gaz sans système de sécurité, tapis non fixés, sanitaires inadaptés, etc.) ;

– isolement du patient, voire du patient et de son aidant principal ;

– ajustement des interventions pharmacologiques ou non pharmacologiques.

Par un spécialiste

La Haute autorité de santé (HAS) recommande(2) un suivi :

– six mois après l’annonce du diagnostic ;

– puis au minimum une fois par an ;

– ou pour ajustement posologique des traitements spécifiques s’ils ont été prescrits.

Son traitement

OBJECTIF

La prise en charge de la maladie a, entre autres, pour objectifs :

→ de stabiliser ou au moins freiner la progression de la maladie ;

→ d’améliorer les troubles psycho-comportementaux souvent associés ;

→ d’éviter le retrait social et l’absence de stimulation physique et cognitive ;

→ de conserver une bonne autonomie physique, et par conséquent une meilleure qualité de vie ;

→ de soutenir les aidants et de prévenir les situations d’épuisement.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

La mise en place d’un plan de soins et d’aides comprend au minimum :

→ la mise en place de l’« ALD 15 maladie d’Alzheimer et autres démences » ;

→ les interventions non médicamenteuses et les éventuels traitements médicamenteux ;

→ la prise en charge des comorbidités et des facteurs de risque ;

→ la surveillance nutritionnelle ;

→ l’orientation vers les services sociaux (mise en place des aides et des financements) ;

→ une information sur les associations de malades et de familles de malades et les structures de répit.

LES MÉDICAMENTS SPÉCIFIQUES

Aucun traitement n’agit sur le mécanisme de dégénérescence et de mort neuronale de la maladie. Deux classes de médicaments sont indiquées pour ralentir la progression symptomatique :

– les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase (AChE) : donépézil (Aricept), rivastigmine (Exelon) et galantamine (Reminyl), dans les formes légères à modérément sévères ;

– les antiglutamates : mémantine (Ebixa) dans les formes modérées, modérément sévères et sévères.

Les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase (AChE)

Mécanisme d’action

La dégénérescence atteint particulièrement les cellules nerveuses qui fabriquent l’acétylcholine, neurotransmetteur impliqué dans les fonctions d’apprentissage et de mémoire. Les AChE, en inhibant l’activité de la cholinestérase qui catalyse la dégradation de l’acétylcholine cérébrale, augmentent la concentration de celle-ci dans le cerveau.

Effets indésirables fréquents(3)

→ Gastro-intestinaux : diarrhée et nausées (vomissement, dyspepsies, douleurs abdominales avec Exelon) ;

→ cardio-vasculaires : bradycardie, hypertension avec Reminyl ;

→ neuropsychiatriques : céphalées, hallucinations, agitation, agressivité, vertiges, insomnie, syncope, tremblements, somnolence, léthargie, dépression… ;

→ cutanés : rash, prurit (hypersudation avec Reminyl).

Signes d’un surdosage

Il peut être dû à des erreurs de prises à cause des troubles cognitifs ou lié à l’idée qu’une augmentation de la dose améliorerait l’efficacité du traitement.

Il s’agit de crise cholinergique : nausées sévères, vomissements, salivation, transpiration, bradycardie, hypotension, dépression respiratoire, collapsus et convulsion.

Les antiglutamates

Mécanisme d’action

La mémantine (Ebixa) est un inhibiteur des récepteurs NMDA du glutamate, principal neurotransmetteur excitateur, dont la libération excessive pourrait jouer un rôle dans la dégénérescence neuronale.

Effets indésirables fréquents(4)

→ gastro-intestinaux : constipation ;

→ cardio-vasculaires : hypertension ;

→ neuropsychiatriques : somnolence, sensation vertigineuse, céphalées.

Signes d’un surdosage

Il peut être dû à des erreurs de prises à cause des troubles cognitifs ou lié à l’idée qu’une augmentation de la dose améliorerait l’efficacité du traitement : faiblesse, fatigue, diarrhée, confusion, sensation ébrieuse, somnolence, vertige, agitation, agressivité, hallucinations, troubles de la marche.

Leur prescription

→ Prescription initiale annuelle réservée aux médecins spécialistes en neurologie ou en psychiatrie, et à certains gériatres et médecins généralistes sous condition de formation spécialisée.

→ Prescription pour un an, avec réévaluation de l’efficacité et de la tolérance au bout de six mois.

→ Le traitement peut être reconduit tant que son efficacité est maintenue.

L’efficacité relative des médicaments

Réévaluation de la HAS

En 2011, la commission de la transparence de la HAS a revu à la baisse l’efficacité des médicaments Alzheimer(3) et relevé des effets au mieux modestes sur la cognition à court terme avec une pertinence clinique discutable.

Baisse du taux de remboursement

Suite à cette réévaluation, depuis le 15 mars 2012, leur taux de remboursement est passé de 65 % à 15 %. Ce qui ne change rien pour les patients pris en charge à 100 % dans le cadre des affections de longue durée (ALD).

Baisse des prescriptions

Les ventes en pharmacie de ces médicaments ont chuté de 26 % entre 2008 et 2013(4), mais elles ont surtout baissé de 27 % uniquement entre 2010 et 2013, avec un fléchissement net fin 2011, au moment de la publication de l’avis de la commission de transparence.

Arguments favorables à la prescription

En 2012, la Haute autorité de santé donne des éléments justifiant le maintien de la prise en charge de ces médicaments(1) :

– ce sont les seuls à avoir l’AMM dans la maladie d’Alzheimer ;

– des effets symptomatiques ont été démontrés à court terme, bien que faibles ;

– la stabilisation des troubles cognitifs, voire comportementaux, pour un temps, chez les patients répondeurs ;

– ne pas priver les patients de l’éventuel bénéfice clinique observé à court terme ;

– la prescription des médicaments favoriserait la mise en route d’une prise en charge thérapeutique médico-psychosociale et d’un accompagnement personnalisé des patients.

LES AUTRES MÉDICAMENTS

Les neuroleptiques

Leur usage est déconseillé et doit être réservé aux cas d’agressivité, d’agitation psychomotrice, de violence, de danger pour le patient lui-même ou pour autrui, de délire ou d’hallucination, après échec des autres mesures non médicamenteuses : rispéridone, 0,25 à 1 mg/j ; olanzapine, 2,5 à 5 mg/j.

Les antidépresseurs

En cas de dépression, de comportements d’agitation, de désinhibition, d’anxiété et d’instabilité, les antidépresseurs peuvent être utilisés, mais les tricycliques (imipramine, clomipramine…) sont contre-indiqués en raison de leur action anticholinergique.

Les anxiolytiques

Les benzodiazépines sont employées avec précaution car elles risquent de majorer l’état confusionnel. Les molécules à demi-vie courte (< 20 heures) sont privilégiées (clotiazépam, oxazépam, lorazépam, alprazolam), en cure courte pour des cas d’agitation aiguë. Les antihistaminiques indiqués dans l’anxiété (hydroxyzine : Atarax) sont évités car anticholinergiques. Les antidépresseurs sont privilégiés en cas d’anxiété chronique.

Les hypnotiques

En cas de troubles du sommeil isolés, le recours aux hypnotiques de courte durée d’action (zolpidem, zopiclone, témazépam…) doit être régulièrement réévalué.

INTERVENTIONS NON MÉDICAMENTEUSES

Accompagnement psychologique

Différentes thérapies (psychothérapies…) peuvent être proposées par un psychologue ou un psychiatre, en hospitalisation ou accueil de jour, en établissement d’hébergement (Ehpad) ou en ville (cabinet, centre médico-psychologique). Il est préconisé :

– dès l’annonce du diagnostic pour permettre aux patients d’exprimer leurs représentations ou craintes en lien avec la maladie ;

– au cours de la maladie, pour aider le patient à maintenir une stabilité et une continuité de sa vie malgré les troubles.

Orthophonie

L’intervention d’un orthophoniste vise à :

– continuer à communiquer avec le patient ;

– maintenir et adapter la communication du patient (langage et autres) ;

– aider l’entourage à adapter leur comportement aux difficultés du patient.

La prise en charge orthophonique concerne également les troubles de la déglutition.

Stimulation cognitive

Débutée par des spécialistes (psychologues, psychomotriciens…) sous forme de mises en situation ou de simulations de situations (trajet dans le quartier, toilette, téléphone, etc.), la stimulation cognitive est prolongée par les aidants. Elle est proposée aux différents stades de la maladie à domicile par une « équipe spécialisée Alzheimer » (ESA, voir plus loin), ou en institution, dans le but de ralentir la perte d’autonomie.

L’activité physique

La marche peut avoir un effet positif sur les capacités physiques et la prévention du risque de chute, mais aussi sur certaines aptitudes fonctionnelles. Kinésithérapeutes, psychomotriciens ou ergothérapeutes peuvent être sollicités.

Maintien à domicile

Les équipes spécialisées

Les équipes spécialisées Alzheimer (ESA) sont composées de psychomotriciens, ergothérapeutes et « assistants de soins en gérontologie », tous formés à la réadaptation, à la stimulation et à l’accompagnement des malades et de leur entourage. Elles interviennent sur prescription médicale dans le cadre des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) ou de services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad).

Soutien des aidants

Les proches subissent des conséquences psychologiques (troubles du sommeil, dépression), physiques (surmortalité chez les aidants) et financières, c’est « le fardeau de l’aidant ». Différentes interventions (formations, groupes de soutien …) peuvent être proposées, entre autres, par les associations de familles, les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (Maia), les ESA, les centres locaux d’information et de coordination (Clic), l’hôpital. Un hébergement temporaire du patient en structure d’accueil de jour permet de soulager les aidants.

Les limites du maintien à domicile

– En cas d’agitation ou d’agressivité, surtout lorsque les troubles surviennent la nuit ou s’ils mettent en jeu la sécurité du patient ou de son entourage.

– En cas de troubles de type incontinence ou du sommeil, qui nécessitent une structure médicalisée.

Les hébergements de longue durée

Préparation

Lorsque le transfert du patient dans les structures de longue durée devient indispensable, il doit être préparé :

– en évoquant cette question assez tôt avec le patient qui peut encore faire des choix ;

– en recherchant son avis et en respectant son choix, sauf s’il semble déraisonnable ;

– en définissant clairement les objectifs de l’institutionnalisation avec le personnel qui accueille.

Les structures

Les pôles d’activités et de soins adaptés (Pasa) et les unités d’hébergement renforcées (UHR) sont des accompagnements adaptés, développés dans :

→ les Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), où les soins sont souvent assurés par le secteur libéral (médecin, infirmière, kinésithérapeute, orthophoniste). Le prix de l’hébergement est le plus souvent entièrement à la charge de la famille ;

→ les USLD (unités de soins de longue durée), qui accueillent les personnes dont l’état nécessite une surveillance et des soins médicaux constants. Les soins sont pris en charge par la Sécurité sociale, à l’exception de certains soins spécifiques (dentaires, médecins libéraux spécialistes, etc.). L’hébergement reste à la charge de la famille.

Conseils aux patients

Surveiller la perte de poids

Elle peut survenir dès les premiers symptômes. Les troubles du comportement alimentaire sont associés au déficit cognitif et à la confusion mentale, mais aussi à la perte de la coordination neuromusculaire au cours de la mastication et de la déglutition. Le risque de perte de poids augmente avec la sévérité de la maladie. C’est un facteur de risque de mortalité. Incitez les proches à veiller à la diversité des menus, à l’équilibre de l’alimentation et à l’hydratation régulière.

Aménager le domicile

La maladie justifie souvent un aménagement du lieu de vie afin de favoriser l’autonomie de la personne et de prévenir les accidents. L’intervention des professionnels de l’aide et de l’adaptation du logement aux personnes dépendantes est souhaitable (conseiller en économie sociale et familiale, assistant de service social, ergothérapeute, etc.). Ils apportent un conseil technique et aident à réunir les différents moyens financiers dont il est possible de bénéficier. Les principaux organismes intervenant financièrement sont l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (Anah) et les caisses de retraite, ainsi que le conseil général par le biais de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

Déconseiller la conduite automobile

Devoir abandonner l’autonomie associée à la conduite peut être très perturbant et difficile à accepter, d’autant que la personne malade ne se rend pas nécessairement compte qu’elle ne peut plus conduire en toute sécurité.

→ Un parent peut demander au médecin de rédiger une note dans laquelle il déconseille la conduite, et la montrer à la personne à chaque fois qu’elle manifeste l’envie de le faire. Un avis éclairé et extérieur peut dans certains cas être mieux accepté que celui venant de la famille.

→ Si nécessaire, garder les clés de la voiture hors de portée du malade et essayer de détourner son attention de l’envie de prendre le volant ; lui rappeler l’existence des autres moyens de déplacements et leurs avantages. En revanche, lui prendre les clés de la voiture serait vécu comme une agression importante.

→ Sur le plan légal, il est possible de saisir la commission médicale primaire du permis de conduire par une simple lettre à la préfecture, en notifiant que la personne ne dispose plus des aptitudes requises pour la conduite. Le préfet peut imposer un examen du patient par deux médecins. En cas d’avis défavorable, le permis de conduire pourra être suspendu.

Dans tous les cas, lorsque la décision d’interrompre la conduite est prise conjointement par le médecin et la famille, il ne faut jamais revenir en arrière.

Gérer les troubles du comportement

Voir la rubrique « Les mots pour… », p. 46-47.

Accompagner les proches

L’accompagnement psychologique

Il s’adresse également à l’entourage, s’il le souhaite, pour faire face aux difficultés de communication, à l’épuisement et aux décisions difficiles. Inciter les patients et familles à se renseigner auprès des associations de familles (France Alzheimer par exemple), qui constituent un relais psychologique essentiel pour les personnes malades et leur entourage.

Demander de l’aide

Se faire aider pour faire face au risque d’épuisement physique et psychologique et savoir prendre du répit est indispensable pour éviter les situations de crise. Pour cela, dès l’annonce du diagnostic, les familles peuvent s’adresser au médecin qui suit la personne malade, aux associations départementales France Alzheimer, Maia, Clic, services des conseils généraux (unités territoriales d’action médico-sociale, Utams) ou aux centres communaux d’action sociale (CCAS).

Avec l’aimable participation du Docteur Agnès Michon, neurologue, du Centre mémoire de ressources et de recherche Île-de-France Sud (Paris).

(1) Place des médicaments du traitement symptomatique de la maladie d’Alzheimer, Fiche de bon usage des médicaments, HAS, mars 2012.

(2) Maladie d’Alzheimer et maladies apparentées diagnostic et prise en charge, HAS, décembre 2011.

(3) Réévaluation des médicaments indiqués dans le traitement symptomatique de la maladie d’Alzheimer, Commission de la transparence, 2011.

(4) Données Celtipharm.

Info+

Près de 80 % des patients (sur environ 850 000) vivent à domicile. On estime que 70 % des conjoints et 49 % des enfants passent plus de six heures par jour à prendre en charge le malade (1).

Info+

Signes d’alerte : rien n’est plus banal que d’avoir quelques trous de mémoire. Quand la situation s’aggrave très progressivement, que les oublis sont plus fréquents, et lorsque des épisodes vécus ne sont pas du tout fixés par la personne, il y a matière à s’inquiéter. Surtout en présence de troubles de l’orientation ou de difficultés à trouver des mots courants dans la conversation.

Info+

Les structures d’accueil (accueil de jour, Ehpad…) ne répondent pas assez aux besoins des malades et des familles. Ces structures sont encore peu nombreuses, le personnel est souvent insuffisamment formé et leur coût journalier ne permet pas une prise en soin de toutes les personnes malades.

Bien utiliser Exelon en dispositif transdermique

Son risque de mésusage, responsable d’un surdosage aux conséquences parfois graves, rend l’intérêt du patch discutable par rapport à la forme orale (1).

Précautions d’emploi

– Application du patch de rivastigmine une fois par jour sur le haut ou le bas du dos, le haut du bras ou la poitrine. Il n’est pas recommandé de l’appliquer sur la cuisse ou l’abdomen (diminution de la biodisponibilité).

– Ne pas appliquer pendant quatorze jours sur la même zone afin de minimiser le risque d’irritation cutanée.

– Supporte les bains et le temps chaud.

En relais des gélules ou de la solution buvable

Appliquer le premier dispositif transdermique le lendemain de la dernière dose orale. Ainsi :

Info+

Une hospitalisation en service de psychiatrie est parfois nécessaire lorsque les symptômes dépassent les possibilités de prise en charge par les établissements d’accueil, même spécialisés.

Info +

Une maison pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (Maia) n’est pas une structure physique, mais un dispositif d’accueil, d’orientation et de coordination intégré au sein d’un centre local d’information et de coordination (Clic), d’un conseil général, d’un accueil de jour, d’une maison départementale des personnes handicapées (MDPH), d’un hôpital ou encore d’une association (France Alzheimer).

Principales contre-indications des médicaments

Galantamine (Reminyl) : insuffisances hépatique et rénale sévères, insuffisance hépatique associée à une insuffisance rénale.

Rivastigmine (Exelon) : insuffisance hépatique sévère.

Interview

Il faut accompagner la prescription”

Dr Agnès Michon, neurologue, Centre mémoire de ressources et de recherches d’île-de-France sud (CMRR), CHU Pitié-Salpêtrière (Paris).

Quelle est la place des médicaments dans la maladie ? Des études montrent que dans les formes légères à modérées de la maladie, les performances cognitives et l’autonomie dans les activités quotidiennes sont maintenues plus longtemps chez les personnes traitées que chez celles qui ne le sont pas. Ce que peuvent apporter les médicaments doit être discuté avec le patient et la famille, en expliquant ce que l’on peut attendre du traitement sans donner de faux espoirs, ni tomber dans un rejet catégorique. De la même manière, l’arrêt du traitement doit être envisagé avec prudence. Il est démontré un décrochage des performances des patients avec une sorte d’effet rebond et une difficulté à récupérer les niveaux antérieurs avec une reprise du traitement. D’autant que l’efficacité du médicament est difficile à évaluer sur un plan individuel car l’amélioration n’est pas toujours perçue de manière significative.

Info+

Les frais médicaux sont pris en charge à 100 % au titre de l’« ALD 15 maladie d’Alzheimer et autres démences », les frais médico-sociaux (emploi d’une auxiliaire de vie, d’une aide-ménagère, équipements du logement, protections pour incontinence, etc.), qui représentent 90 % du coût total de la maladie, sont assumés en grande partie par les familles (source : Les aides sociales et financières, association France Alzheimer, 2012.

Sur le site www.france alzheimer.org).