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La maladie cœliaque

Publié le 3 novembre 2014
Par Caroline Bouhala
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Considérée comme une maladie auto-immune, la maladie cœliaque résulte de la rencontre d’un individu génétiquement prédisposé avec un antigène alimentaire, le gluten. Elle touche toutes les tranches d’âge. À la clé, une intolérance permanente au gluten, un complexe de protéines présent dans le blé, le seigle et l’orge. Son ingestion déclenche une réaction immunitaire anormale entraînant une inflammation chronique intestinale avec disparition des villosités. Ces lésions modifient la digestion et l’absorption intestinales et génèrent des signes cliniques digestifs et extra-digestifs d’intensité variable.

La maladie

PHYSIOPATHOLOGIE

Qu’est-ce que le gluten ?

Le gluten est un complexe protéique présent dans le grain de certaines céréales – blé, seigle et orge – et obtenu après extraction de l’amidon. Ces protéines permettent de rendre panifiable une farine ; elles apportent à la pâte à pain son élasticité. Elles sont classées en deux groupes selon leur caractère soluble dans l’alcool.

→ Fraction soluble : les prolamines (riches en acides aminés proline et glutamine). C’est la fraction la plus toxique. Les prolamines du blé, nommées gliadines, sont les plus étudiées. Les sécalines sont les prolamines du seigle et les hordéines celles de l’orge.

→ Fraction insoluble : les glutélines sont des protéines de haut poids moléculaire. Dans le blé, elles sont représentées par les gluténines.

Mécanisme toxique

Après ingestion, le gluten subit une intense digestion enzymatique, mais néanmoins incomplète à cause de sa richesse en proline, acide aminé cyclique très résistant à la digestion. Parmi les peptides non dégradés, la gliadine et autres prolamines apparentées, très immunogènes, franchissent la paroi intestinale de façon plus importante chez le malade cœliaque car la perméabilité intestinale est augmentée. Deux mécanismes se mettent alors en place :

→ la gliadine est transformée par une enzyme, la transglutaminase tissulaire, qui est surexprimée dans la maladie cœliaque. La réaction aboutit à la production de peptides. Ces derniers sont à l’origine de l’activation du système immunitaire et de la fabrication de substances inflammatoires, dont l’interféron gamma (IFN y) particulièrement toxique pour l’entérocyte (voir Dico+), et d’anticorps, dont les anticorps antitransglutaminases. Ceux-ci seront d’ailleurs recherchés pour le diagnostic (voir Diagnostic p. 28).

→ Parallèlement, une hyperproduction d’interleukine 15 stimule les lymphocytes intraépithéliaux et les rend cytotoxiques envers la muqueuse intestinale.

Tous ces mécanismes conduisent à la destruction des cellules intestinales et de leurs villosités. Une fois déclenchée, la maladie dure toute la vie.

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Facteurs de risque

Prédisposition génétique

30 % de ce risque est porté par les gènes codant le système HLA (Human Leukocyte Antigen), sorte de carte d’identité génétique de la personne qui permet au corps de reconnaître ce qui lui est étranger.

Pratiquement tous les malades cœliaques ont le typage HLA-DQ2 ou HLA-DQ8. Néanmoins, être porteur de ce système HLA particulier est une condition nécessaire mais pas suffisante car il est aussi présent chez 20 à 30 % des sujets sains. Les autres gènes responsables du risque génétique restent à déterminer.

Rupture de tolérance

Toutes les personnes HLA-DQ2/8 ne développent pas la maladie. Ceci pourrait être expliqué par l’existence de mécanismes de tolérance au niveau de l’intestin. Chez les malades, une rupture de tolérance aurait lieu. Des pistes sont envisagées pour l’expliquer :

– une origine génétique autre que les molécules HLA ;

– l’hyperproduction d’interleukine 15 dans l’intestin des patients cœliaques pourrait avoir un rôle dans la rupture de cette tolérance en altérant les mécanismes de régulation ;

– la composition du microbiote, flore digestive intestinale, peut présenter quelques différences entre les sujets « sains » et les sujets « malades » ;

– des facteurs environnementaux : les infections virales de l’intestin, l’âge d’introduction du gluten dans l’alimentation ainsi que la quantité, la sélection de blé à fort rendement, plus riche en protéines « toxiques »…

SIGNES CLINIQUES

L’expression clinique de la maladie est très variable, de la forme asymptomatique à la forme évoluée, menaçant le pronostic vital. Ainsi, 80 % des sujets ne seraient pas diagnostiqués du fait de symptômes mineurs : fatigue, ballonnement intestinal…

Forme classique

Minoritaire, cette forme ne concerne que 10 à 20 % des patients. Typiquement, il s’agit d’une forme pédiatrique qui touche les enfants de 6 à 24 mois, après l’introduction du gluten dans l’alimentation.

Les signes cliniques et biologiques sont en relation avec la malabsorption de l’intestin grêle :

→ diarrhée avec stéatorrhée (excès de lipides dans les selles), amaigrissement, dénutrition, asthénie, douleurs abdominales…

→ anémie par carence en fer, folates, vitamine B12, déficit en facteurs vitamino-K dépendants (II, VII et X), hypoalbuminémie, hypocalcémie, hypomagnésémie, déficit en zinc…

Formes atypiques

Ces formes représentent la majorité des cas diagnostiqués chez l’adulte et chez l’enfant plus grand. Elles sont peu ou pas symptomatiques.

→ Lorsqu’elles sont symptomatiques, elles se manifestent par des troubles digestifs mineurs (douleurs abdominales, diarrhée…) et surtout des signes extra-digestifs qui doivent faire évoquer la maladie : anémie, augmentation des transaminases, manifestations cutanées (aphtose buccale récidivante, alopécie), ostéoporose inexpliquée, troubles neurologiques centraux (épilepsie, migraine) ou périphériques (neuropathie), troubles de la reproduction (aménorrhée, infertilité, fausses couches).

→ Parmi les patients asymptomatiques, deux cas sont à distinguer :

– les formes silencieuses associent sérologie positive et atrophie villositaire sans symptômes ;

– les formes latentes présentent une sérologie positive mais pas d’atrophie. Néanmoins, il existe parfois une augmentation des lymphocytes intra-épithéliaux. Dans ce cas, le patient devra être suivi régulièrement (recherche de maladie associée, révélation de la maladie cœliaque plus tardive).

Maladies associées

La maladie cœliaque est associée à de nombreuses affections.

Dermatite herpétiforme

Expression cutanée de la maladie cœliaque, elle est présente chez moins de 10 % des cœliaques. En revanche, elle est pratiquement toujours associée à une forme asymptomatique où les signes digestifs sont rares.

Elle est caractérisée par de petites vésicules prurigineuses généralement symétriques siégeant de préférence sur les faces d’extension des membres (surfaces bombées) : coudes, genoux, fesses.

Maladies auto-immunes

30 % des patients ayant une maladie cœliaque ont au moins une autre maladie auto-immune associée. Les plus fréquentes sont le diabète de type 1, les thyroïdites auto-immunes, une cirrhose biliaire primitive…

Déficit en IgA

Les immunoglobulines A (IgA) sont les anticorps sécrétés par notre organisme pour nous défendre des microbes. Ils sont élaborés par différentes muqueuses, notamment digestives. Cette maladie immunitaire héréditaire est dix fois plus fréquente chez les patients atteints de maladie cœliaque que dans la population générale.

DIAGNOSTIC

Deux examens, remboursés par la Sécurité sociale, sont nécessaires pour dépister la maladie cœliaque : la sérologie avec la recherche d’anticorps spécifiques de la maladie et, si l’analyse est positive, une recherche histologique avec des biopsies de l’intestin grêle.

La régression des symptômes sous régime sans gluten strict vient ensuite confirmer le diagnostic.

Sérologie

C’est le premier examen à effectuer. Les anticorps IgA antitransglutaminase et IgA anti-endomysium (ayant également pour cible la transglutaminase tissulaire mais réalisé en deuxième intention car plus cher et plus compliqué) sont actuellement les plus sensibles et les plus spécifiques. Ce sont ceux recommandés par la Haute autorité de santé(1).

Les IgA totaux sont également dosés car un déficit en IgA est souvent retrouvé chez les malades, ce qui pourrait biaiser les tests précédents (résultats faussement négatifs). Dans ce cas, la recherche se porte sur les IgG antitransglutaminase ou IgG anti-endomysium.

Une sérologie positive conduira à poursuivre l’investigation, mais ne suffira pas à poser le diagnostic.

Histologie

Elle repose sur la mise en évidence d’une atrophie villositaire par endoscopie (par la bouche) avec prélèvement de biopsies duodénales. Elles seules permettent de confirmer le diagnostic et de commencer le régime sans gluten.

Cette atrophie prédomine au niveau du grêle proximal, mais peut s’étendre sur l’ensemble de l’intestin grêle et conduire à un syndrome de malabsorption plus ou moins total. La classification de Marsh permet de graduer l’intensité de l’atteinte : du stade 1 (la muqueuse est normale) au stade 4 (la muqueuse est plate).

Cas particulier

Depuis 2012(2), il existe une situation dans laquelle la biopsie n’est plus nécessaire pour poser le diagnostic chez un enfant. Pour cela, les critères suivants doivent être réunis :

– présenter un tableau clinique typique contrôlé par un spécialiste ;

– un taux d’IgA antitransglutaminase tissulaire supérieur à dix fois la normale ;

– une confirmation par le dosage des anticorps anti-endomysium ;

– présenter un groupe HLA à risque (HLA-DQ2 ou DQ8).

Dans certaines circonstances, chez l’adulte, si la suspicion clinique de maladie cœliaque est forte, on peut effectuer une biopsie du grêle même si la sérologie est négative.

Qui dépister ?

Actuellement, le dépistage doit être ciblé sur :

→ les patients symptomatiques, quel que soit le symptôme évocateur de maladie cœliaque : symptômes digestifs minimes, manifestations extra-intestinales ;

→ les patients asymptomatiques présentant un risque élevé de maladie (apparentés au premier degré d’un sujet malade, diabète de type 1, déficit en IgA…) et pour qui le régime sans gluten permettrait de prévenir ou corriger les complications.

Des tests capillaires de diagnostic rapide se développent (par exemple, BiocardTM Celiac Test détecte les IgA antitransglutaminases et les IgA totales). Spécifiques mais pas très sensibles, ils peuvent néanmoins se révéler utiles dans certains cas (voir interview p. 31).

Examens complémentaires

Une fois le diagnostic posé, un certain nombre d’examens complémentaires sont réalisés afin de rechercher d’éventuelles complications associées : carences (fer, calcium, magnésium), bilan hépatique…

Systématiquement, en tout cas chez l’adulte et au moins au diagnostic, un bilan osseux est réalisé en raison du risque d’ostéopénie (diminution de la densité osseuse).

COMPLICATIONS

Elles ont surtout lieu chez les malades symptomatiques qui ne suivent pas leur régime ou qui présentent une maladie résistante au régime sans gluten. Elles sont parfois révélatrices de la maladie. Les patients asymptomatiques ont généralement une espérance de vie normale.

Anomalies de la minéralisation osseuse

Présente chez plus de 50 % des malades, symptomatiques ou non, cette déminéralisation osseuse est due à une carence d’apport et/ou une malabsorption du calcium, de la vitamine D et peut être la sécrétion de cytokines inflammatoires qui augmentent la destruction osseuse. Le dépistage est essentiel et nécessite la réalisation régulière d’une densitométrie osseuse.

Accidents cardio-vasculaires

Avec un risque multiplié par deux, les accidents cardio-vasculaires seraient probablement dus à une hyperhomocystéinémie (voir Info+), due à un déficit en vitamines B9 et B12, rendant le sang plus épais et entraînant un dysfonctionnement endothélial (source : colloque Afdiag de 2012-2013, Le devenir des enfants cœliaques à l’âge adulte, Pr Cosnes).

La sprue réfractaire

Elle touche 1 à 5 % des malades. Elle correspond à une maladie cœliaque primitivement ou secondairement résistante au régime sans gluten avec absence d’amélioration clinique et persistance de l’atrophie villositaire après un an de régime bien suivi. Il en existe deux types, selon l’aspect des lymphocytes intraépithéliaux. Le pronostic du type I est proche des formes non compliquées de la maladie. En revanche, la sprue réfractaire de type II est de mauvais pronostic car elle constitue une forme de transition vers un lymphome invasif.

Affections malignes

→ Le lymphome malin non hodgkinien (et particulièrement le lymphome T intestinal EATL) dont le pronostic est mauvais, avec une survie à 30 mois inférieure à 20 %. Ce risque reste faible dans la maladie cœliaque, car le risque en général de ce lymphone est faible.

→ Autres cancers digestifs.

SUIVI

Les modalités du suivi, nécessaire, varient selon les pratiques médicales, mais s’approchent globalement du schéma suivant :

→ suivi clinique et diététique : à un mois, puis trois ou six mois, puis un an et ensuite annuel ;

→ dosage des anticorps : à trois et/ou six mois, puis annuel. Après normalisation, les sérologies peuvent être utilisées comme un indicateur de la poursuite d’un régime sans gluten ;

→ ostéodensitométrie : tous les deux ou trois ans en cas d’anomalies ; sinon, tous les cinq ans.

Si l’évolution clinique est bonne et les anticorps négatifs, il n’est pas utile de refaire une biopsie après le diagnostic.

PRÉVENTION

Inciter au dépistage

Face aux symptômes présentés plus haut, pensez à l’éventualité d’une maladie cœliaque et orientez le patient chez le médecin pour une prise de sang. Cette maladie est encore trop peu évoquée face à des symptômes atypiques.

Insistez sur l’importance du dépistage avant toute mise au régime sans gluten.

Évoquer les facteurs protecteurs

Entrée du gluten dans l’alimentation

L’âge d’introduction du gluten dans l’alimentation joue un rôle dans le développement de la maladie. Lorsqu’il est intégré avant l’âge de 4 mois ou après l’âge de 7 mois, le risque de faire une maladie cœliaque est augmenté chez les sujets prédisposés. Il est donc conseillé de l’introduire entre 4 et 6 mois. La quantité de gluten administrée devra être modérée et progressive.

Allaitement maternel

Il joue un rôle protecteur. Il est donc recommandé de le poursuivre le plus longtemps possible, notamment lors de la période de diversification alimentaire.

Le traitement

OBJECTIF

L’objectif du traitement est de supprimer les symptômes et de prévenir les complications potentielles. Il repose sur l’éviction du gluten avec un régime alimentaire particulier.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

La maladie cœliaque n’a qu’un seul et unique traitement, le régime sans gluten (RSG). Une correction des carences pourra éventuellement être nécessaire en début de traitement.

Le régime sans gluten présente de nombreux bénéfices : diminution du syndrome de malabsorption et donc des carences, amélioration des symptômes, régression partielle ou complète de la déminéralisation osseuse après douze mois de régime bien suivi. Sur le long terme, il permet de prévenir l’ostéoporose et les complications malignes.

Le RSG aura également un effet positif sur la dermatite herpétiforme, le psoriasis, l’alopécie, mais il n’aura pas d’impact sur les autres maladies auto-immunes (diabète, etc.) déjà installées. En revanche, il présente un intérêt dans leur prévention.

RÉGIME SANS GLUTEN

Mise en place

Principe

Le régime consiste à supprimer de façon stricte et définitive les trois céréales toxiques – blé, orge et seigle – contenant du gluten, ainsi que tout aliment fabriqué à partir de ces dernières (pain, pâtes, gâteaux).

Qui traiter ?

On ne traitera que les personnes ayant une maladie confirmée avec biopsie. Deux périodes sont critiques et nécessitent un RSG obligatoire : la croissance et la grossesse.

Quel délai d’action ?

Le régime sans gluten permet une amélioration clinique en un à trois mois et la négativation des anticorps en trois à douze mois. La régression des anomalies histologiques met un peu plus de temps, entre douze à dix-huit mois, mais peut parfois demander deux à trois ans, voire plus chez les adultes.

Quelle durée ?

Le RSG doit être poursuivi à vie car, en cas d’arrêt, la récidive est quasi constante, même en l’absence de tout symptôme. La guérison n’est qu’exceptionnelle et très probablement transitoire.

Résistance au RSG

Celle-ci est définie par l’absence d’amélioration clinique ou histologique et/ou la persistance des anticorps. Elle est observée chez 7 à 30 % des patients. Face à cette situation, il faudra :

→ remettre en cause le diagnostic initial ;

→ évoquer une mauvaise observance au régime. C’est la principale cause de résistance au régime (supérieur à 50 % des cas). Le patient n’est pas toujours conscient de son erreur (hostie, bière, excès de produits sans gluten, etc.) ;

→ rechercher une cause associée en cas de persistance de la diarrhée malgré la régression de l’atrophie villositaire. Il peut par exemple coexister un syndrome de l’intestin irritable ;

→ rechercher une sprue réfractaire (voir Complications).

En pratique

Aliments à exclure

→ Les produits céréaliers : blé, boulgour (blé dur concassé), orge, seigle, épeautre et kamut (autres variétés de blé), triticale (hybride du seigle et du blé). L’avoine, autrefois considérée comme toxique peut être autorisée à la condition qu’elle ne soit pas contaminée par d’autres céréales (voir Info+ p. 26).

→ Les produits préparés. Ajouté pour des raisons de texture ou de stabilité, le gluten est présent dans de nombreuses préparations industrielles, parfois inattendues : sauce soja, ketchup, bouillon cube, certaines viandes hachées non pur bœuf. Une lecture approfondie des étiquettes est donc nécessaire (voir encadré p. 33).

→ Les bières sont à exclure, sauf celles étiquetées « sans gluten ».

→ Les boissons alcoolisées obtenues à partir de malt de blé, orge ou seigle comme le gin, la vodka, le whisky et le scotch sont potentiellement nocives. Bien que la distillation semble éliminer en grande partie le gluten, il est recommandé d’éviter ces boissons par mesure de précaution.

Aliments autorisés

→ Les aliments bruts ou peu transformés sont à privilégier.

→ Les aliments naturellement sans gluten : le riz, le maïs, la pomme de terre, le quinoa, les légumineuses (haricots et pois secs, lentilles…), les fruits, les légumes, la viande, le poisson, la volaille, le gibier, les œufs, les noix, les amandes, le lait, etc.

→ Les produits diététiques garantis sans gluten : ils présentent au maximum 20 mg de gluten par kilogramme. Ces produits sont en partie remboursés par l’Assurance maladie.

Où trouver les produits sans gluten ?

Avec la vogue du « sans gluten », les produits dédiés se sont développés.

Ils sont distribués par correspondance, en magasin de diététique, en pharmacie, en grande surface ou par Internet.

Écarts

Un écart de 50 mg par jour de gluten, ce qui correspond à 2,5 kg de produits diététiques sans gluten, semblerait tolérable, mais reste à éviter car très probablement variable d’un individu à l’autre et difficile à contrôler.

Prise en charge

Depuis 1996, l’Assurance maladie prend en charge une partie des dépenses associées au régime sans gluten sous certaines conditions. Les produits alimentaires sont inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR). Ils ne possèdent pas de prix limite de vente, donc un supplément peut être demandé aux patients.

Demande de prise en charge préalable

Le médecin doit envoyer une demande de prise en charge au médecin conseil du centre de Sécurité sociale dont dépend le patient. La preuve du diagnostic devra être apportée grâce aux résultats de la biopsie. La maladie cœliaque (MC) est reconnue comme affection de longue durée (ALD) non exonérante. Le remboursement se fera donc à hauteur de 60 % du tarif LPPR. Dans certains cas, le médecin conseil de l’Assurance maladie peut accepter la prise en charge de la MC au titre d’ALD hors liste. Les produits sont alors remboursés à 100 % du tarif LPPR. La durée de validation de la prise en charge varie selon les caisses.

Produits éligibles

Pour être remboursés, les produits doivent posséder un numéro d’agrément demandé par le fabricant. Celui-ci est accordé aux produits répondant à un certain nombre de critères : taux de gliadine conforme, société aux normes « qualité » et engagée dans une procédure de certification.

Quatre catégories de produits peuvent être éligibles au remboursement : farines, pains, pâtes, biscuits. Chaque produit possède sa base de remboursement, également fonction de son poids. Ils sont identifiés par une vignette détachable avec un code-barres qui spécifie le prix du produit, sa base de remboursement, son code LPP et sa famille de remboursement (lu informatiquement par les caisses de Sécurité sociale).

Modalités de remboursement

Pour être remboursé, le patient devra envoyer chaque mois :

– une photocopie de l’ordonnance prescrite pour six mois en général, mais certaines caisses acceptent les ordonnances d’un an, plus pratiques pour le patient et le médecin ;

– la facture des produits ;

– la feuille de soins Cerfa n° 10465*01 sur laquelle le patient collera les vignettes. Certaines caisses n’en possédant pas, le patient apposera ses vignettes au dos de la facture ou sur une feuille blanche.

Bases de remboursement

→ Pour les adultes et les enfants âgés de plus de 10 ans : 45,73 € par mois sur le total des « tarifs LPPR ».

→ Pour les moins de 10 ans : 33,54 € par mois sur le total des « tarifs LPPR ».

CORRECTION DES CARENCES

Une supplémentation en fer, folates, calcium et vitamine B12 est souvent nécessaire en début de traitement. Une fois le régime mis en place, les villosités repoussent et le syndrome de mal-absorption diminue. Il n’y a donc pas de risque de carence nutritionnelle sur le long terme, à condition d’avoir un régime sans gluten bien équilibré.

PISTES DE RECHERCHE

Compte tenu de la grande efficacité et de l’absence de risque du régime sans gluten, la prudence est de mise avant de songer à utiliser de nouveaux médicaments, qui pourraient générer des effets secondaires indésirables. Ils seraient donc plutôt à envisager dans les cas de résistance au régime sans gluten. La plupart de ces médicaments sont soit en cours d’étude soit non disponibles en pratique clinique.

→ Les céréales génétiquement modifiées : l’industrie agroalimentaire y travaille, mais cette piste est de plus en plus délaissée. En plus de poser un problème éthique (OGM) et technique, l’impact sur les malades serait quasi nul puisqu’ils devraient toujours éviter le gluten.

→ L’utilisation d’enzymes administrées oralement pour aider à l’hydrolyse complète du gluten dans la lumière intestinale. L’efficacité du traitement reste à prouver (essais en cours) et il semblerait qu’il soit surtout destiné à compléter le régime pour lutter contre de faibles contaminations des aliments par le gluten.

→ Des médicaments capables d’empêcher l’absorption du gluten (résine piégeant le gluten dans la lumière intestinale, diminution de la perméabilité) ou de bloquer sa reconnaissance par le système immunitaire (blocage du HLA-DQ2/DQ8, inhibition de la transglutaminase, contrôle de la réponse inflammatoire).

→ Une vaccination est également envisagée. Elle aurait pour but non pas de stimuler le système immunitaire mais de le rendre tolérant.

Conseils aux patients

OBSERVANCE

Motivation

Les professionnels de santé ont un important rôle à jouer dans la motivation des patients à poursuivre leur traitement. Expliquer la maladie et ses possibles complications est un moyen de persuasion.

Médicaments et gluten

L’amidon de blé fait partie de la liste des excipients à effet notoire (excipient 45). Dans les recommandations de l’ANSM de 2008, l’amidon de blé est considéré comme sans danger pour les sujets atteints de maladie cœliaque, car ne contenant que des traces de gluten. Brigitte Jolivet, présidente de l’Association française des intolérants au gluten (Afdiag), reste plus prudente car « même si l’apport en gluten est faible, il pourra gêner les patients les plus sensibles ».

Vaccination

La rate, organe participant à la réaction immunitaire, est moins fonctionnelle chez 30 % des cœliaques (hyposplénisme fonctionnel). Les vaccinations contre la grippe et le pneumocoque sont donc justifiées chez ces patients.

VIE QUOTIDIENNE

Réapprendre à manger

Le régime sans gluten est très contraignant, notamment hors du domicile, d’où la nécessité pour le patient d’être soutenu : diététicienne, association de patients…

Éducation nutritionnelle

Le patient doit réapprendre à manger sans gluten dans la mesure où le gluten de blé est présent dans de nombreux aliments, produits et préparations alimentaires. Pour cela, une éducation nutritionnelle est primordiale. Elle se fera grâce à l’aide d’une diététicienne expérimentée et ayant une bonne pratique dans la prise en charge d’une telle affection. L’éducation nutritionnelle repose essentiellement sur l’apprentissage de la composition des aliments et la lecture des étiquettes, parfois ambiguës (voir encadré ci-contre). La diététicienne pourra également suivre le patient afin de vérifier son suivi ainsi que le bon respect de son équilibre nutritionnel. L’intérêt sera d’autant plus grand si le patient est atteint d’autres pathologies nécessitant également un régime particulier (exemple : diabète). L’Association française des intolérants au gluten (Afdiag) est aussi d’une grande aide en fournissant la liste des produits autorisés, des idées de menus, des conseils…

Mise en pratique

→ Les courses. Pour le malade, les courses deviennent un vrai parcours du combattant car toutes les étiquettes doivent être lues attentivement, ce qui demande beaucoup de temps.

→ La préparation du repas nécessite un minimum d’hygiène afin d’éviter toute contamination entre les aliments comportant du gluten et ceux n’en contenant pas (laver les ustensiles, le plan de travail…).

→ La cantine scolaire : le projet d’accueil individualisé (PAI) a pour but de faciliter l’accueil à l’école des enfants porteurs de maladie chronique (dont la maladie cœliaque) ou de handicap. Trois possibilités s’offrent alors à l’enfant :

– la cantine a la possibilité de proposer des plats adaptés ;

– l’enfant apporte ses plats et les mange en compagnie des autres élèves ;

– l’enfant déjeune à l’extérieur de l’école.

→ Les sorties : de plus en plus de restaurants proposent des plats sans gluten. Des sites répertorient leurs adresses, comme par exemple www.sortirsansgluten.com

Psychologie

Le régime a une répercussion sur la vie personnelle (sorties au restaurant, voyages), la vie de couple (en imposant des contraintes au conjoint et aux enfants) et dans la vie professionnelle (cantine de l’entreprise). Ce sentiment d’exclusion peut avoir un retentissement psychologique. De plus, le RSG peut générer, comme pour tout régime alimentaire, des troubles du comportement alimentaire. Un suivi psychologique peut parfois être nécessaire. Enfin, il existe des associations qui viennent en aide aux personnes atteintes de maladie cœliaque (voir En savoir+).

Avec l’aimable participation du Pr Christophe Cellier, chef du service gastro-entérologie de l’hôpital Georges-Pompidou, à Paris, de Brigitte Jolivet, présidente de l’Association française des intolérants au gluten (Afdiag) à Paris, et de toute son équipe.

(1) HAS, Quelles recherches d’anticorps prescrire dans la maladie coeliaque ?, mis à jour en juin 2008, Haute autorité de santé.

(2) European Society of Paediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition (ESPGHAN), Guidelines for the Diagnosis of Coeliac Disease, 2012.

Info+

L’avoine contient également des prolamines mais en quantité beaucoup plus limitée (5 à 15 %) que dans le blé, le seigle et l’orge (50 %). Elle semble bien tolérée par une majorité de patients cœliaques. Cependant, le risque de contamination de l’avoine par d’autres céréales (blé, seigle ou orge) est fort car il n’existe pas de filière de production séparée.

Info+

La fréquence de la maladie cœliaque a longtemps été sous-estimée en raison des formes peu symptomatiques, silencieuses ou atypiques, qui sont finalement les formes les plus fréquentes car peu de patients présentent des caractéristiques cliniques typiques.

Info+

Le risque familial d’être atteint de maladie cœliaque est globalement de 10 %. Il est surtout important dans les fratries (20 %). Le risque de transmission parent/enfant est moindre (3 %).

Qu’est-ce que l’lypersensibilité au gluten non cœliaque ?

Ce terme définit les patients diagnostiqués non cœliaques et non allergiques présentant des symptômes évocateurs de troubles fonctionnels digestifs améliorés par le régime sans gluten. Il n’existe à ce jour aucune preuve scientifique démontrant le rôle du gluten dans cette situation mais, selon le Pr Cellier, chef du service gastro-entérologie de l’hôpital Georges-Pompidou (Paris), « il y a probablement quelque chose, il n’y a pas de fumée sans feu mais on n’a pas de bases précises. Nous ne sommes même pas sûrs que ce soit le gluten qui est à l’origine des symptômes ». En effet, les FODMAPs (Fermentable, Oligo-, Di-, Mono-saccharides And Polyols) sont de plus en plus incriminés. Cet acronyme désigne un ensemble de sucres (fructanes, fructose, lactose, galactose, sorbitol, etc.) peu ou pas absorbés et qui, une fois dans le côlon, sont fermentés par les bactéries, entraînant ballonnements et douleurs. L’ingestion d’une quantité importante et/ou une sensibilité particulière à ces substances (exemple : malabsorption du fructose) favoriseraient les symptômes. Ces sucres se retrouvent dans de nombreux aliments et sont souvent associés au gluten. Par exemple, le fructane est présent dans de nombreuses farines. C’est pourquoi, en excluant le gluten de leur alimentation, ces personnes diminuent aussi ces FODMAPs et se sentent alors soulagées, créant un amalgame avec l’hypersensibilité au gluten non cœliaque. Autre hypothèse, la sélection des blés afin d’obtenir un meilleur rendement et une meilleure panification créerait des blés plus riches en protéines de hauts poids moléculaires, plus difficiles à digérer. Des recherches sont en cours sur le sujet.

Info+

Homocystéine : acide aminé soufré dont la synthèse est issue du métabolisme d’un autre acide aminé essentiel, la méthionine.

Les tests d’intolérances alimentaires

Très en vogue actuellement, les tests alimentaires auraient pour vocation de rechercher l’existence d’une intolérance alimentaire à travers une simple prise de sang. Cette recherche est basée sur le dosage d’anticorps IgG dirigés contre divers aliments par la méthode Elisa. Mais selon le Pr Cellier, chef du service gastro-entérologie de l’hôpital Georges-Pompidou de Paris, « ils n’ont aucune valeur et devraient être interdits ». Brigitte Jolivet, présidente de l’Association française des intolérants au gluten (Afdiag), précise : « Ces tests sont dramatiques et les médecins se battent contre cette pratique. À partir du moment où vous mangez un aliment, vous produisez de manière physiologique des IgG que l’on retrouve ensuite dans le sang. Les personnes qui font ces tests pensent à tort qu’elles sont allergiques à tout et commencent des régimes très restrictifs. Elles ne se nourrissent plus correctement, sont carencées et déprimées. Le médecin qui les recevra ne pourra plus faire de recherche d’anticorps car le gluten aura déjà été exclu de l’alimentation. Il faudra le réintroduire pour ensuite faire une recherche de la maladie cœliaque. En plus, ces tests coûtent cher, entre 120 et 250 €, et ne sont pas pris en charge par la Sécurité sociale ».

Il faut donc mettre en garde les patients contre cette pratique.

Info+

De nouvelles études semblent remettre en question l’âge d’introduction du gluten dans l’alimentation et le rôle protecteur de l’allaitement (The New England Journal of Medicine, octobre 2014).

Interview

“Le seul traitement est le régime sans gluten

Pr Christophe Cellier, chef du service gastro-entérologie de l’hôpital Georges-Pompidou, Paris (75)

Peut-on guérir de la maladie cœliaque ?

Non, à l’heure actuelle, on ne peut pas guérir de cette maladie. Des pistes de traitement sont en cours d’évaluation pour remplacer éventuellement le régime mais de façon temporaire. Aujourd’hui, le seul traitement est le régime sans gluten.

Quel est votre avis sur les tests capillaires ?

C’est un pre-screening test (test de dépistage de première ligne, NDLR) assez fiable. En tout cas, c’est mieux et moins cher que les tests délirants qui sont fait actuellement – tests d’intolérances alimentaires – ou que de commencer un régime sans preuve.

Quels sont les points importants à retenir pour les officinaux ?

Tout d’abord, il faut retenir que les tests alimentaires ne servent à rien. Ils n’ont aucune valeur. Attention également à ce qui peut être écrit car, avec la médiatisation actuelle sur le gluten, on trouve tout et n’importe quoi. À côté de ça, il est important de ne jamais commencer un régime sans gluten sans avoir fait les bons tests au préalable. Si la maladie cœliaque est confirmée, le régime doit être très strict car les complications peuvent apparaître à long terme.

Info+

Allergie au blé : à la différence de l’intolérance au gluten, elle est plus rare. Elle entraîne une réaction immunologique différente en mettant en jeu des IgE. La réponse est rapide et peut entraîner un choc anaphylactique.

Hypersensibilité au gluten : certaines personnes, non atteintes de maladies non cœliaques et non allergiques, présentent une hypersensibilité au gluten. Cela se caractérise par des symptômes digestifs soulagés par un régime sans gluten. (voir encadré p. 29).

Repérer le gluten

SAVOIR LIRE LES ÉTIQUETTES

Théoriquement, la simple lecture des étiquettes alimentaires doit suffire au patient mais l’étiquetage peut être ambigu à cause des différentes dénominations utilisées, parfois méconnues du grand public (liste non exhaustive) : amidon de blé, orge ou seigle, blé ou froment, farine de blé, orge ou seigle, boulgour (blé dur concassé), épeautre, kamut (autres variétés de blé), malt/extrait de malt des céréales interdites, triticale (hybride de blé et de seigle), etc.

Certains noms font craindre une présence de gluten : amidon modifié, extrait de céréales, malt, protéines végétales, additifs E 1404 à E 1451 (tous les amidons utilisés comme additifs…) mais si la précision de blé, d’orge ou de seigle n’est pas indiquée après ces noms, cela signifie que le produit est consommable car les industriels ont l’obligation de mentionner toute présence de céréales contenant du gluten dans la liste des ingrédients. En revanche, les hydrolysats d’amidon (glucoses, maltodextrines, arômes et ferments) sont sans danger, même avec la précision blé, orge ou seigle après le nom de l’ingrédient

COMPRENDRE LES MENTIONS SUR L’ÉTIQUETTE

Les mentions suivantes signifient que le produit est autorisé au malade cœliaque.

→ Sans gluten : < 20 mg/kg de gluten dans le produit fini.

→ Très faible teneur en gluten : < 100 mg/kg de gluten dans le produit fini.

→ Logo « épi de blé barré » : < 20 mg/kg de gluten de produit fini.

Les produits portant les mentions « traces de… », « peut contenir … » sont à éviter car trop vagues. Quand il est noté « présence de… », le produit est interdit.

REPÉRER LES PRODUITS NON PRÉEMBALLÉS

Les règles d’étiquetage concernent les produits préemballés. Pour les autres – vrac, semi-vrac, produits traiteurs… –, l’étiquetage peut manquer de rigueur. Une plus grande vigilance sera alors nécessaire.

RECHERCHER LE LOGO « ÉPI DE BLÉ BARRÉ »

La présence de ce logo sur un produit signifie qu’il est exempt de gluten ; teneur en gluten résiduel inférieure au seuil réglementaire européen de 20 mg/kg.

Pour l’utiliser, les industriels doivent signer un contrat d’utilisation avec l’Afdiag, propriétaire de ce logo. C’est un signe de sécurité pour les cœliaques.

La liste des produits porteurs du logo est disponible sur le site de l’Afdiag (www.afdiag.fr). Ces produits ne bénéficient pas systématiquement d’un remboursement de la part des caisses d’assurance maladie, soit parce que la demande n’a pas été faite par l’industriel, soit parce qu’ils ne rentrent pas dans la catégorie des « produits diététiques » : pains, pâtes, biscuits, farines.