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La dermatite atopique de l’enfant

Publié le 31 octobre 2015
Par Florence Dijon-Leandro
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La dermatite atopique, ou eczéma constitutionnel, est une dermatose inflammatoire prurigineuse chronique touchant surtout les jeunes enfants. Toute la famille est impliquée dans la maladie en raison de son caractère souvent héréditaire et de son impact sur le quotidien. Le traitement, avant tout symptomatique, repose en particulier sur les dermocorticoïdes et les émollients.

La maladie

Définition

La dermatite atopique est une dermatose chronique inflammatoire touchant préférentiellement le nourrisson et le jeune enfant. Elle évolue par poussées sous l’influence de facteurs déclenchants, alternant avec des périodes d’accalmie.

Physiopathologie

Rappels sur la peau

• La peau est constituée de trois couches successives : l’épiderme, le derme et l’hypoderme, sans oublier les différentes annexes, glandes et phanères.

• L’épiderme est un épithélium de revêtement a-vasculaire. La couche superficielle de l’épiderme est appelée couche cornée ou stratum corneum ; elle est faite de cellules mortes parfaitement alignées et maintenues en place par un ciment lipidique.

L’épiderme, à travers la couche cornée et le film hydrolipidique de surface qui la recouvre, assure une fonction de barrière.

Mécanismes à l’origine de la dermatite atopique

Aussi appelée eczéma constitutionnel, la dermatite atopique est la composante dermatologique de l’atopie, qui regroupe également l’asthme, la rhinite et la conjonctivite allergiques, ainsi que l’allergie alimentaire.

• L’atopie correspond à la prédisposition héréditaire à développer des réactions excessives face aux allergènes courants de l’environnement appelés atopènes. Elle résulte d’une double anomalie génétique au niveau de l’épiderme. D’une part, il existe une dysrégulation du système immunitaire qui conduit à une hyperréactivité cutanée. D’autre part, la perte de fonction de la protéine filaggrine (voir Dico+) entraîne celle de la fonction barrière de la peau.

• À cette anomalie protéique s’ajoutent un excès de protéases et une carence en lipides épidermiques. Ainsi, l’eau « s’échappe » de la peau, entraînant une xérose (voir Dico+), tandis que les allergènes pénètrent plus facilement, conduisant à des réactions inflammatoires et à un prurit (voir Dico+) intense.

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• Un autre mécanisme physiopathologique, évoqué depuis plusieurs années, résulterait d’un déséquilibre de la flore microbienne à la surface de la peau des atopiques ; le staphylocoque doré (Staphylococcus aureus), présent en plus grande quantité, aurait un rôle dans la genèse de certaines poussées.

Facteurs étiologiques

C’est une pathologie multifactorielle, de nombreux agents pouvant déclencher et/ou aggraver une poussée. Les éléments les plus fréquemment rencontrés sont les pollens, les poils d’animaux, la poussière de maison et les acariens, certains aliments, les irritants tels que la laine, l’eau chlorée des piscines, les parfums, le stress, le froid et le vent, la transpiration…

Il est inutile voire dangereux de chercher un unique responsable des poussées. Par contre, identifier ses propres facteurs permet d’éviter certaines crises.

Symptômes

La clinique

Les plaques d’eczéma sont des « plaques rouges, rugueuses et qui grattent », explique le Dr Stéphanie Mallet, dermo-pédiatre et praticien hospitalier à l’hôpital de la Timone à Marseille (13). Elles peuvent siéger à différents endroits en fonction de l’âge.

• Avant 2 ans : la dermatite atopique apparaît en général dès les premiers mois de vie. Elle touche surtout les zones convexes (bombées) du visage (joues) et des membres (faces externes des bras et des jambes), ainsi que le tronc. Les plaques sont volontiers suintantes et érythémateuses.

• Après 2 ans : les lésions migrent dans les plis, genoux, coudes, poignets, chevilles. La xérose devient très fréquente, les plaques s’épaississent, on dit qu’elles se lichénifient.

L’un des signes majeurs de la dermatite atopique, et ce quel que soit l’âge du patient, est la sensation de chaleur et de prurit ressentie sur les plaques d’eczéma.

Retentissement psychologique

Il a tendance à être sous-estimé. Pourtant, il est bien présent et touche à la fois le patient et sa famille. Les démangeaisons prennent beaucoup de temps et d’énergie. Elles causent des troubles du sommeil et de l’irritabilité. De nombreux enfants ont du mal à rester attentifs en classe. Le regard des autres est parfois difficile à vivre, d’où une importante baisse de l’estime de soi.

Scores de gravité et de qualité de vie

• La principale échelle de gravité utilisée en France s’appelle le Scorad pour Scoring Atopic Dermatitis. Elle existe également dans une version patient très interactive, le Po-Scorad pour « Patient-Oriented ». Cet outil permet de classer la maladie en trois grands groupes : légère, modérée et sévère.

• La qualité de vie est au cœur de l’ensemble de la prise en charge au niveau du diagnostic, du traitement et de son évaluation. Elle se mesure grâce à des échelles validées comme le Dermatology Life Quality Index (DLQI).

Évolution

• Fréquente disparition des plaques : dans la majorité des cas, la maladie s’atténue avec l’âge et disparaît complètement au moment de la pré-adolescence. Dans 30 % des cas, elle persiste jusqu’à l’adolescence et parfois l’âge adulte. Par contre, la peau atopique conserve ses défaillances, donc devra être hydratée régulièrement.

• Transformation du syndrome atopique : chez un même patient, l’atopie peut se manifester de différentes manières au cours de la vie, on parle de « marche atopique ». Ainsi, chez l’enfant plus grand et chez l’adolescent, on peut rencontrer de l’asthme. Enfin, à l’âge adulte, les muqueuses oculaires et nasales sont parfois touchées, avec des conjonctivites allergiques et des rhinites, souvent appelées « rhume des foins ».Nul ne peut prédire quelle sera la « marche atopique » du patient. La dermatite atopique, qu’elle soit correctement soignée ou non, peut demeurer le seul signe d’atopie de la personne.

Complications

Surinfections

• Bactériennes : le staphylocoque doré (Staphylococcus aureus) étant retrouvé en plus grande quantité sur la peau des patients atopiques, cet agent peut rapidement surinfecter les plaques d’eczéma, on parle d’impétiginisation (voir Dico+) des lésions. Celles-ci vont alors se modifier, devenir jaunâtres et suintantes.

• Virales : le virus de l’herpès peut surinfecter les plaques d’eczéma. Les cas les plus extrêmes constituent le syndrome de Kaposi-Juliusberg, avec des lésions nécrotiques et hémorragiques.

Eczéma de contact

La maladie peut se compliquer d’un eczéma de contact car la peau atopique reçoit de nombreux traitements locaux et peut, à terme, s’y sensibiliser. Cet eczéma se distingue de celui de la dermatite atopique par son caractère acquis et localisé aux endroits de mise en contact avec le produit.

Autres complications

Les jeunes patients atteints de formes sévères peuvent présenter des troubles oculaires, des retards de croissance, mais cela reste très rare.

Diagnostic

Le diagnostic de la dermatite atopique est essentiellement clinique, basé sur l’observation des plaques d’eczéma sur la peau du patient. Cependant, « il arrive fréquemment qu’au moment de la consultation, le patient ne soit pas en poussée », remarque le Dr Mallet. C’est alors l’anamnèse (voir Dico+), la xérose et surtout la notion de prurit qui permettent de poser le diagnostic (voir encadré).

Aucun examen paraclinique n’est nécessaire. En particulier, les tests allergologiques ne sont menés que dans certaines situations précises : formes graves, stagnation de la courbe staturo-pondérale ou signes allergiques associés.

Suivi

Une fois la maladie diagnostiquée et le traitement instauré, une consultation est proposée quelques semaines après afin de s’assurer que les soins sont bien compris des parents.

Ceux-ci doivent notamment être capables d’auto-déclencher le traitement en cas de poussée chez l’enfant.

Ensuite, une consultation tous les six mois chez le dermatologue (ou le pédiatre) permet de renouveler ou d’ajuster le traitement en cours. Cette consultation sera bien entendu avancée en cas de surinfection ou de persistance des lésions.

Son traitement

Objectif

Le traitement a pour but une disparition des plaques et des démangeaisons, puis une réduction de la fréquence et/ou de l’intensité des crises. L’objectif est une stabilisation de la maladie au long cours et la prévention des rechutes. Cela permet alors d’améliorer considérablement la qualité de vie de la famille.

Stratégie

Traitement de la crise

Elle fait appel aux anti-inflammatoires topiques.

Choix du produit

• En première intention, les dermocorticoïdes sont choisis parmi différents niveaux de puissance.

→ Les dermocorticoïdes de classe II (activité modérée selon la classification internationale, voir encadré ci-dessous) sont appliqués sur les plaques du visage, tandis que ceux de classe III (activité forte) sont réservés aux lésions du corps chez l’enfant.

Les classes I (activité faible) et IV (activité très forte) n’ont pas leur place dans le traitement de la dermatite atopique de l’enfant.

→ Le dermocorticoïde est appliqué une fois par jour jusqu’à disparition des lésions. Parfois, il est proposé en entretien deux fois par semaine, tel Flixovate qui a l’AMM.

• En seconde intention, en cas d’échec ou d’intolérance des dermocorticoïdes, le dermatologue ou le pédiatre peut prescrire un traitement immunosuppresseur local à base de tacrolimus (Protopic) aux enfants âgés de plus de 2 ans. Cependant, pour la population pédiatrique des 2-16 ans, la Haute autorité de santé (HAS) n’intègre pas ce traitement dans les recommandations, tandis que la Sécurité sociale ne le prend pas en charge.

Choix de la galénique

Les galéniques ne sont pas interchangeables ! La forme crème est préférable sur les lésions suintantes et dans les plis, tandis que les formes pommade et crème lipophile s’utilisent sur les lésions épaissies, hyperkératosiques. Les lotions ou gels s’emploient sur le cuir chevelu et les régions pileuses, mais la présence d’alcool entraîne un inconfort chez l’enfant.

Traitement de fond

Il est à base d’émollients. La peau saine, c’est-à-dire sans plaques d’eczéma, doit être hydratée quotidiennement avec des émollients. Cela permet de renforcer la fonction barrière de la peau, de limiter la fréquence et l’intensité des crises. Chez les enfants à risque atopique important, l’application d’émollient dès la naissance pourrait empêcher certains eczémas de se déclarer.

En cas d’échec

Si les traitements locaux ne s’avèrent pas efficaces, plusieurs options sont possibles mais elles sont prescrites hors AMM et restent réservées aux enfants plus âgés (8-10 ans) : immunosuppresseur systémique (ciclosporine) et photothérapie en milieu hospitalier.

Pour les complications

Les surinfections bactériennes se traitent au moyen d’antiseptiques et d’antibiotiques locaux et/ou généraux. « Les dermocorticoïdes ne sont pas forcément arrêtés au cours de cette période, car ils participent à la lutte contre l’inflammation de la peau », précise le Dr Stéphanie Mallet. Pour l’herpès, il faut avoir recours à des antiviraux et par voie injectable dans les cas les plus sévères.

Autres traitements

• Les anti-histaminiques peuvent calmer des crises de démangeaisons, notamment grâce au pouvoir sédatif de certaines molécules. Attention, cela ne fonctionne pas toujours car le prurit dans la dermatite atopique, à la différence de l’urticaire, n’est pas histamino-dépendant.

• Les ateliers d’éducation thérapeutique en compément. L’éducation thérapeutique du patient (ETP) pour la dermatite atopique existe depuis plus de dix ans dans les grands centres hospitaliers. Au cours d’ateliers individuels et/ou collectifs, les jeunes patients et leurs parents apprennent à mieux évoluer avec la maladie et à mieux gérer les traitements et la vie quotidienne.

Médicaments

Dermocorticoïdes

La corticothérapie locale a été utilisée pour la première fois dans les années 1950 et a constitué une révolution en dermatologie. Dans la prise en charge de la dermatite atopique, elle est incontournable mais la corticophobie, c’est-à-dire la crainte, la peur voire le refus de son utilisation par les parents et les soignants, limite son bon usage.

• Molécules : désonide (Tridesonit, Locatop, Locapred), bêtaméthasone (Betneval, Diprosone), hydrocortisone (Efficort, Locoïd), fluticasone (Flixovate), diflucortolone (Nerisone)…

• Mode d’action : il est principalement génomique, c’est-à-dire qu’il consiste en une modulation de l’expression de certains gènes ; les dermocorticoïdes ont des propriétés anti-inflammatoires, immunosuppressives et anti-prolifératives sur tous les composants cellulaires de la peau. L’effet vasoconstricteur local est utilisé pour les classer en différents niveaux (voir encadré ci-contre et tableau en page suivante).

• Effets indésirables : rares, et surtout locaux, observés pour des applications importantes et prolongées avec acné/rosacée, défauts de pigmentation de la peau, atrophie cutanée et amincissement de la peau, vergetures, infections cutanées. Les effets indésirables systémiques, exceptionnellement rencontrés, correspondent à ceux des corticoïdes par voies orale et injectable : insuffisance surrénalienne, diabète…

Immunosuppresseurs topiques

• Molécules : tacrolimus (Protopic, non remboursé chez l’enfant) et pimécrolimus (Elidel, non commercialisé en France). Ses indications sont, chez l’enfant de 2 à 16 ans (dosage 0,03 %), le traitement des poussées modérées et sévères et le traitement d’entretien en seconde intention (douze mois maximum).

• Mode d’action : pas complètement élucidé. Comme la ciclosporine, le tacrolimus est un inhibiteur de la calcineurine, une protéine impliquée dans des mécanismes physiologiques conduisant à la prolifération des lymphocytes T. Par voie locale, il inhibe les cellules immunitaires et la cascade inflammatoire.

• Effets indésirables : irritation cutanée, sensation de chaleur et de prurit intense surtout en début de traitement, risque d’infection cutanée, notamment avec le virus de l’herpès. Intolérance avec l’alcool (effet antabuse). Du fait du risque supposé de cancers cutanés lié à une immunosuppression locale, l’exposition au soleil est déconseillée durant le traitement.

• Législation : médicament d’exception, à prescription initiale et renouvellements réservés aux dermatologues ou pédiatres sur une ordonnance d’exception dite « à quatre volets » (le premier revenant au patient). Aux États-Unis, puis en France, cette spécialité a été soupçonnée de provoquer des cancers de la peau. Bien que les données soient rassurantes, ce médicament entre également dans la catégorie « nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement ».

Émollients

• Composition : l’ingrédient majoritaire est toujours de l’eau, thermale ou non. Des agents humectants, la glycérine par exemple, vont capter et retenir l’eau, tandis que les substances occlusives ou filmogènes (hydrophiles ou hydrophobes) empêchent l’évaporation de l’eau à partir de la surface cutanée. Enfin, des corps gras, tels des acides gras, agissent comme des correcteurs du ciment lipidique. Parfois, des molécules brevetées par les laboratoires sont ajoutées aux formules.

• Galénique : les baumes et les cérats ont un taux de phase grasse très important qui leur permet de bien hydrater la peau, notamment l’hiver. Les émulsions et les laits, beaucoup plus légers, sont adaptés aux saisons plus chaudes. La forme crème se situe entre les deux groupes, et peut s’utiliser toute l’année en cas de xérose modérée.

• Prise en charge : les émollients remboursés sont peu nombreux. Dexeryl est une triple association de corps gras : glycérine, paraffine et vaseline. Bien connue des patients, cette spécialité est adaptée aux xéroses légères à modérées. Atopiclair est un dispositif médical parfois prescrit, à la fois pour hydrater la peau et lutter contre les premiers signes de l’inflammation. Une autre solution choisie par les prescripteurs est le recours aux préparations magistrales remboursées (PMR), par exemple à base de Cold Cream, de cérat de Galien ou de glycérolé d’amidon. Le patient doit être averti du nécessaire respect des dates de péremption.

• Précautions : certains émollients peuvent renfermer des parfums ou des substances potentiellement allergisantes ou irritantes (conservateurs, lanoline, avoine, amande…).

• Exemples de gammes « peaux atopiques » : Lipikar (La Roche-Posay), XeraCalm (Avène), Xémose (Uriage), Atoderm (Bioderma), Exomega (A-derma), Xerodiane (Noreva), Topialyse (SVR), Stelatopia (Mustela)…

Conseils aux patients

Observance

Elle conditionne l’efficacité du traitement, mais elle demeure trop faible. Dans le cas de traitements topiques, les experts estiment que seuls 30 % des patients suivent correctement la prescription du médecin. Le rôle de l’équipe officinale est donc primordial.

Suivi du traitement

• L’application des crèmes doit devenir un réflexe quotidien, le soir après la douche. Le parent en charge de l’enfant à ce moment-là doit avoir à sa disposition le dermocorticoïde d’une part et l’émollient d’autre part. Chaque parcelle de peau doit recevoir l’une ou l’autre des crèmes en fonction de la présence ou non de plaques d’eczéma.

• Le tacrolimus pommade génère souvent des sensations de brûlure intense en début de traitement. Rassurer les parents sur le caractère transitoire du phénomène ; « placer le tube au frais ou appliquer l’émollient sous la pommade », conseille le Dr Mallet. Éviter une exposition solaire importante et se protéger avec écran total, tee-shirt… Suspendre temporairement le traitement en cas d’herpès chez le patient ou l’entourage car, en raison d’une baisse des défenses immunitaires, l’herpès risque de flamber et de conduire à des sydromes de Kaposi-Juliusberg (voir Complications)…

• Signes d’alerte de non-observance : un bon moyen de suivre l’observance – et ceci est valable pour toutes les maladies chroniques – consiste à relever les dates et le contenu des renouvellements. D’après le Dr Mallet, il ne s’agit pas de « fliquer » les patients, mais de montrer que l’on s’intéresse à leur traitement et que l’on est prêt à en discuter avec eux. De même, elle suggère aux officinaux de « conseiller aux parents de compter le nombre de tubes consommés entre deux consultations, afin d’en informer le médecin ».

Halte à la corticophobie !

Encore trop de professionnels de l’officine ne font pas la différence entre un traitement dermocorticoïde et une corticothérapie orale. Ceci s’explique principalement par de nombreuses lacunes dans la formation dermatologique des pharmaciens et des préparateurs. Ces derniers vont transmettre aux patients de la peur et de la méfiance vis-à-vis de ces traitements, d’où une observance médiocre et une sous-consommation des produits.

Automédication et médecines alternatives

Médecines alternatives

De nombreuses familles se tournent vers les médecines dites douces – homéopathie, probiotiques… – par peur et/ou lassitude des traitements conventionnels et validés.

L’équipe officinale doit d’abord rassurer sur les traitements locaux, puis éventuellement apporter des informations et des conseils aux patients sur les alternatives. Celles-ci, qu’elles soient prescrites, choisies par les parents ou conseillées par l’entourage, peuvent uniquement constituer des traitements d’accompagnement, et « en aucun cas elles ne remplaceront les dermocorticoïdes ou les émollients », soutient le Dr Mallet.

Cures thermales

Les cures thermales sont l’alternative la plus connue et elles sont nécessairement prescrites par un médecin. Les stations les plus fréquentées par les personnes souffrant de dermatite atopique sont La Roche-Posay, Avène, Uriage ou encore Saint-Gervais. Le bénéfice peut être réel pour certains patients, mais il faut bien rappeler aux familles que les cures durent trois semaines et que seuls les soins prodigués à l’enfant à la station sont pris en charge par l’Assurance maladie.

Vie quotidienne

Hygiène

« Les bains ne sont pas interdits. Relaxants, ils sont souvent appréciés des petits et font partie du rituel de fin de journée », précise le Dr Mallet, mais il vaut mieux préférer des douches ou des bains tièdes, pas trop longs. Proscrire l’utilisation d’un gant de toilette ou de nettoyants parfumés. Utiliser des produits adaptés à la peau atopique, comme par exemple des syndets riches en agents surgraissants ou des huiles lavantes. Ces dernières ne moussent pas, elles peuvent rendre la douche glissante. En revanche, elles permettent de neutraliser le caractère calcaire de l’eau et de restaurer un film hydrolipidique protecteur. Au moment de sécher l’enfant, utiliser une serviette douce en coton et tamponner délicatement. La peau encore un peu humide est alors prête à recevoir l’émollient.

Habillage

Lors de l’achat de vêtements, préférer les matières naturelles comme le coton, le lin et la soie. La laine est irritante ; si besoin, la porter par-dessus un tee-shirt en coton. Éviter les vêtements synthétiques ou trop étroits, car ils peuvent faire transpirer et entraîner des poussées.

À l’école

La plupart du temps, l’enfant peut participer à toutes les activités scolaires et extrascolaires. Cependant, les différentes personnes rencontrées au cours de la scolarité (instituteur, autres parents, infirmière…) peuvent avoir des idées reçues sur l’eczéma, et en particulier penser qu’il s’agit d’une maladie contagieuse et/ou d’un manque de soins de la part des parents. Il faut rapidement lutter contre toutes les formes de préjugés, pour le bien-être de l’enfant.

Loisirs et vacances

Les baignades en mer ou en piscine sont tout à fait possibles, du moment que l’enfant peut être rincé à l’eau claire, séché en douceur et hydraté. Les crèmes barrière isolent la peau notamment de l’eau chlorée des piscines, ce qui permet de prolonger la durée du bain.

Bien que le soleil améliore l’eczéma, la protection solaire doit s’effectuer normalement ; en cas d’intolérances multiples aux produits solaires, opter pour des écrans minéraux. Penser à se constituer une petite réserve de tubes en cas de poussées ou de voyage.

Gestion du prurit

Pour gérer le prurit, provoquer des sensations permettant d’envoyer un message apaisant au cerveau, par exemple grâce au froid : brume d’eau thermale, dos d’une cuillère ou d’un galet placé au frais, sachet de petits pois congelés avec un linge entre la peau et le sachet pour la protéger…

Occuper les mains de l’enfant ou lui faire porter des gants en coton la nuit. Le calmer par des massages ou de la musique. Enfin, pour limiter les risques infectieux et cicatriciels liés aux démangeaisons, il faut lui couper les ongles régulièrement.

Avec l’aimable relecture du Dr Stéphanie Mallet, dermo-pédiatre, praticien hospitalier au service de dermatologie de l’hôpital de la Timone, Marseille (13).

Info+

→ Allaitement : son effet bénéfique sur l’eczéma n’a jamais été démontré. En revanche, il peut être encouragé pour d’autres raisons : relation mère-enfant, présence d’anticorps protecteurs, composition du lait idéale et bien adaptée au bébé…

Critères de diagnostic classiques

La dermatite atopique est une dermatose prurigineuse associée à au moins trois des critères suivants.

1. Antécédents personnels de dermatite des plis de flexion (coudes, creux poplités, face antérieure des chevilles, cou, joues chez les moins de 10 ans).

2. Antécédents personnels d’asthme ou de rhinite allergique (ou antécédents de maladie atopique chez un parent au premier degré chez l’enfant de moins de 4 ans).

3. Antécédents de peau sèche généralisée au cours de la dernière année.

4. Eczéma visible des grands plis (ou eczéma des joues, du front et des convexités des membres chez l’enfant en dessous de 4 ans).

5. Début des signes cutanés avant l’âge de 2 ans (critère utilisable chez les plus de 4 ans uniquement).

Source : conférence de consensus de 2005 de la Société française de dermatologie.

Interview

L’éducation thérapeutique permet de mieux vivre sa maladie

Dr Stéphanie Mallet, dermo-pédiatre, praticien hospitalier, service de dermatologie de l’hôpital de la Timone, Marseille (13)

Pourquoi faire de l’éducation thérapeutique (ETP) dans la dermatite atopique ?

C’est une maladie fréquente, mais qui a parfois un gros retentissement sur le quotidien. L’ETP permet d’aider le patient à mieux vivre avec sa maladie chronique, à diminuer l’intensité et la fréquence des poussées, pour améliorer sa qualité de vie.

Comment se passe un atelier collectif ?

On propose aux patients des ateliers collectifs qui sont basés sur l’interactivité et le jeu. Plus c’est ludique, plus les enfants apprennent et retiennent ! À l’école de l’eczéma, on ne fait pas de cours théoriques, pas de « dressage », ce n’est pas non plus une psychothérapie de groupe. Le but est de se mettre au plus près du patient et de l’aider à s’autonomiser dans sa maladie et dans sa vie quotidienne.

Quels sont les bénéfices pour les patients ?

C’est finalement en apprenant comment fonctionne la maladie, quels sont les facteurs déclenchants des poussées, comment agissent les traitements, comment appliquer les crèmes ou trouver des alternatives au grattage qu’on va mieux dans sa maladie et dans sa vie au jour le jour.

Info+

→ L’atopie est souvent décrite comme une tendance héréditaire à produire des immunoglobulines E (IgE). Mais dans la dermatite atopique, qui est un exemple d’hypersensibilité retardée, le rôle des IgE doit être relativisé. Elles ne sont pas systématiquement augmentées et ne sont pas impliquées dans la phase d’expression de l’eczéma, mais vraisemblablement dans la phase initiale de sensibilisation.

Info+

→ Et chez l’adulte ?

L’eczéma peut perdurer ou même apparaître à l’âge adulte ; il se localise alors préférentiellement sur le visage et sur le cou (« Head and Neck Dermatitis »).

Classification des dermocorticoïdes

Les dermocorticoïdes sont classés selon le test de vasoconstriction de McKenzie et les données d’efficacité des essais cliniques.

Cette classification permet de choisir en pratique le meilleur produit, galénique comprise, en termes de rapport bénéfice/risque. Ainsi, les dermocorticoïdes sont classés en quatre niveaux d’activité anti-inflammatoire :

→ classe IV (ou 4) : activité très forte ;

→ classe III (ou 3) : activité forte ;

→ classe II (ou 2) : activité modérée ;

→ classe I (ou 1) : activité faible. Le test de McKenzie est basé sur les propriétés vasoconstrictrices des dermocorticoïdes, qui participent à leur effet anti-inflammatoire en diminuant rapidement érythème et œdème. Ce test compare sur la peau humaine l’effet vasoconstricteur des différents corticoïdes entre eux, en mesurant l’intensité du blanchiment obtenu après application cutanée sous occlusion.

Source : Collège national de pharmacologie médicale.

Témoignage

Stéphanie 26 ans, atopique depuis toujours

« Enfant, mon eczéma se concentrait sur les plis de mes jambes et de mes bras. À 18 ans, plutôt que de disparaître, il s’est localisé sur le visage et le cou, puis sur une bonne partie de mon corps. Mon quotidien est devenu très pénible. Malgré les traitements tentés en milieu hospitalier, ma peau restait rouge et me démangeait en permanence. J’ai alors souhaité participer à des séances d’éducation thérapeutique afin de mieux comprendre ma maladie et de rencontrer d’autres patients. Il est très difficile par exemple de faire comprendre aux proches les désagréments provoqués par les démangeaisons. Malheureusement, ce n’est pas la phrase ‘‘Arrête de te gratter’’ qui peut nous apaiser, bien au contraire. Mon entourage n’imaginait pas les efforts que je devais faire pour sortir avec mon visage couvert d’eczéma ; j’avais honte de moi-même. Aujourd’hui, je n’ai plus autant de crises qu’avant et mon sommeil est revenu, mais mon eczéma n’est jamais très loin, surtout quand il fait trop froid ou trop chaud. Depuis plus de quatre ans, je suis engagée auprès de l’Association française de l’eczéma, où nous menons des actions pour soutenir les patients et informer le grand public. »

Info+

→ La dermatite atopique touche environ 20 % des enfants. Ce chiffre est en hausse constante dans les pays industrialisés. L’une des raisons évoquées se trouverait dans la théorie hygiéniste, selon laquelle l’excès d’hygiène (vaccins, nourriture contrôlée, disparition des maladies infectieuses, baisse du nombre d’enfants par foyer…) conduit à une hausse des maladies allergiques.

Info+

→ L’allergie alimentaire est un mécanisme, tandis que la dermatite atopique est une maladie. L’allergie alimentaire peut donc être retrouvée chez le patient atteint de dermatite mais ce n’est jamais le seul facteur déclenchant. Les régimes d’éviction ne doivent être établis qu’avec accord et conseil d’un allergologue.

Principales contre-indications médicales

→ Dermocorticoïdes : hypersensibilité, dermatoses infectieuses non contrôlées (bactériennes, virales, fongiques ou parasitaires), acné, rosacée, parfois application prolongée sur les paupières (risque de glaucome).

→ Tacrolimus topique : hypersensibilité à l’un des composants (principe actif, excipients) ou aux macrolides en général ; lésion néoplasique.

→ Émollients : hypersensibilité à l’un des ingrédients du produit.

À RETENIR

SUR LA MALADIE

→ La dermatite atopique est une dermatose chronique inflammatoire touchant préférentiellement le nourrisson et le jeune enfant.

→ La peau est souvent sèche et réactive.

→ Les poussées se traduisent par l’apparition de plaques rouges qui démangent.

→ Les lésions peuvent également se surinfecter.

→ Les jeunes patients atteints peuvent développer d’autres signes de l’atopie : rhinite, asthme, conjonctivite…

→ Dans la majorité des cas, heureusement, la dermatite atopique disparaît tout simplement.

→ L’impact psychologique de la maladie sur l’enfant et sa famille est à prendre en compte : troubles du sommeil, nervosité…

SUR LE TRAITEMENT

→ À l’inverse de la physiopathologie de la dermatite atopique qui fait encore l’objet de recherches, le traitement est bien codifié.

→ Le traitement se base sur des dermocorticoïdes, pour enrayer l’inflammation, et sur des émollients, pour hydrater la peau.

→ Les applications se font une fois par jour le soir après la toilette. Idéalement, l’émollient sera appliqué autant de fois que nécessaire dans la journée pour soulager et nourrir la peau sèche.

→ En cas d’échec des dermocorticoïdes, une alternative à base de tacrolimus topique est possible.

SUR LE PATIENT

→ Dans la dermatite atopique, l’observance est médiocre : les contraintes du traitement local sont aggravées par une peur importante vis-à-vis des dermocorticoïdes.

→ Des mesures supplémentaires d’adaptation du quotidien (hygiène, vêtements, école, loisirs, gestion du prurit) sont indispensables.

→ L’éducation thérapeutique du patient (ETP) est un bon moyen pour aider les familles qui vivent au quotidien avec cette maladie chronique.