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La dermatite atopique

Publié le 1 janvier 2004
Par Florence Bontemps
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La dermatite atopique est une pathologie chronique atteignant surtout l’enfant. Elle se manifeste par des poussées inflammatoires occasionnant des démangeaisons très vives. Entre les poussées, la peau reste fragile et très sèche.

But du traitement

La dermatite atopique survient sur un terrain allergique, génétiquement prédisposé. Elle s’améliore souvent vers l’âge de trois ans. Le traitement des poussées de dermatite atopique, ce qu’on nomme classiquement lésions d’eczéma, repose sur l’application locale de crèmes ou pommades à base de corticoïdes qui calment les démangeaisons et font régresser les lésions. Les immunosuppresseurs topiques récemment mis sur le marché (Protopic) ne sont prescrits qu’en cas d’échec des dermocorticoïdes. Le traitement local peut être complété par un anti-histaminique par voie orale pour calmer les démangeaisons lorsqu’elles sont particulièrement gênantes (oxatomide = Tinset). Si les lésions sont surinfectées par un staphylocoque doré, ce qui est fréquent, le traitement doit de plus lutter contre l’infection grâce à un antiseptique local ou éventuellement un antibiotique par voie générale. Entre les poussées, il faut utiliser des produits spécifiques qui luttent contre la sécheresse de la peau. Afin d’éviter la survenue de nouvelles poussées, il faut également éviter au maximum le contact avec les allergènes déclenchants (allergènes de l’environnement extérieur, ou allergènes alimentaires).

Dermocorticoïdes

Mode d’action

Les corticoïdes appliqués sur la peau sous forme de crème ou de pommade ont plusieurs actions complémentaires : anti-allergique, anti-inflammatoire et cytostatique (qui limite le renouvellement cellulaire).

• Action antiallergique : les dermocorticoïdes inhibent les capacités de présentation des antigènes par les cellules de Langherans de la peau. En quelque sorte, ils masquent les allergènes, et diminuent donc la réaction allergique.

• Action anti-inflammatoire : les dermocorticoïdes produisent une vasoconstriction immédiate au niveau du derme et une diminution de la perméabilité capillaire, ce qui entraîne une diminution de l’œdème, des rougeurs et du suintement des lésions (signes de l’inflammation). C’est ce critère qui permet de classer les corticoïdes locaux en quatre niveaux d’activité, de la classe I (vasoconstriction très forte) à la classe IV (vasoconstriction faible). De plus, les dermocorticoïdes diminuent la synthèse des cytokines responsables de l’inflammation locale.

• Action antiproliférative : les dermocorticoïdes diminuent le renouvellement cellulaire des kératinocytes (cellules de la peau), ce qui est utile dans les eczémas chroniques où la peau est épaisse et rugueuse.

Indications

Les dermocorticoïdes sont indispensables pour traiter les poussées de dermatite atopique. Mais leur effet est symptomatique. Ils ne font qu’améliorer transitoirement l’état de la peau car la cause primitive (le terrain atopique) persiste. Ils ne doivent pas être utilisés en dehors des poussées. Leur utilisation doit être raisonnée, en fonction de l’âge du patient et des localisations, en attendant que la dermatite atopique s’améliore (généralement vers l’âge de trois ans).

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La dermatite atopiqueLes médicaments

Choix du dermocorticoïde

• Classe : les corticoïdes d’activité très forte (classe I) sont rarement utilisés et n’ont pas d’AMM explicite dans la dermatite atopique. Ceux d’activité forte (classe II) sont plutôt réservés à l’adulte sauf pour le visage et le cou où un corticoïde d’activité modérée (classe III) est préféré. Chez l’enfant et le nourrisson, les corticoïdes de classe III sont prescrits pour le corps, et ceux de classe IV pour le visage si besoin.

• Forme : la pommade est indiquée dans les formes sèches ou hyperkératosiques (peau épaissie) de dermatite atopique. La crème s’applique sur tous les types de lésion, y compris suintante.

Contre-indications

Les contre-indications absolues sont rares. Ce sont premièrement les dermatoses infectieuses, surtout dues au virus de l’herpès (bouton de fièvre, herpès, zona…) qui peuvent s’étendre localement et évoluer vers la nécrose et deuxièmement les lésions d’acné ou de rosacée qui s’aggraveraient avec les dermocorticoïdes.

Effets secondaires

• Fragilisation de la peau : cet effet secondaire découle de l’action antiproliférative des corticoïdes. En cas d’utilisation abusive, ils produisent un amincissement exagéré de la peau avec risque d’atrophie définitive de la peau ou de vergétures, et retard de cicatrisation. Le seul moyen de lutte contre cet effet secondaire est de comptabiliser le nombre de tubes appliqués sur la peau chaque mois pour ne pas dépasser un certain seuil.

• Effet rebond : pour éviter l’effet rebond c’est-à-dire la reprise des symptômes de plus belle lorsque le traitement est arrêté brusquement, celui-ci est souvent prescrit en deux temps : traitement d’attaque (une ou deux fois par jour) puis espacement progressif des applications (un jour sur deux ou un jour sur trois). Toutefois, lors de traitements courts (trois à quatre jours), le sevrage progressif n’est pas nécessaire.

• Passage transcutané : le risque de passage dans la circulation générale (souvent craint par les parents) n’est pas significatif lorsque le traitement est correctement suivi. Il n’est réel qu’en cas d’utilisation d’un dermocorticoïde fort à très fort, sur une grande surface en applications répétées, ce qui est évité grâce à la limitation du nombre de tubes prescrits.

Immuno-suppresseurs

Règle de prescription

Une seule spécialité est commercialisée, Protopic pommade, à base de tacrolimus. Elle n’est indiquée qu’en cas de réponse inadéquate ou d’intolérance aux traitements habituels. Il s’agit d’un médicament d’exception (prescription sur ordonnance à quatre volets), à prescription restreinte (réservée aux dermatologues et aux pédiatres), sous surveillance particulière (compte tenu de la fréquence des effets secondaires : irritation cutanée, prurit…).

Mode d’emploi

Protopic existe en deux dosages : 0,03 %, qui peut être prescrit chez l’enfant à partir de 2 ans, et 0,10 % réservé à l’adulte à partir de 16 ans. La pommade s’applique deux fois par jour au maximum trois semaines, y compris sur le visage et le cou si nécessaire. Chez l’adulte, le relais est pris avec le dosage faible jusqu’à guérison des lésions. Chez l’enfant, les applications sont espacées (une fois par jour) après les trois premières semaines. Les lésions traitées ne doivent pas être exposées au soleil. Attendre deux heures avant d’appliquer une crème ou un lait hydratant.

Interactions

Les vaccinations seront réalisées avant le traitement ou deux à quatre semaines après la dernière application de Protopic.

Traitements complémentaires

Traitement de la surinfection

Les lésions d’eczéma sont souvent colonisées par des staphylocoques dorés qui y trouvent un lieu propice à leur développement. En règle générale, les dermocorticoïdes sont contre-indiqués en cas d’infection bactérienne (ils favorisent leur extension). Dans le cas de la dermatite atopique, l’application de dermocorticoïdes en diminuant l’inflammation, empêchent les staphylocoques de se fixer et favorise donc la guérison des lésions infectées. Ils ne sont pas contre-indiqués. Les antiseptiques locaux (chlorhexidine par exemple) peuvent être utiles, soit en application locale (Diaseptyl, chlorhexidine unidoses…) soit en produit moussant pour la toilette (Septiane,…), soit en crèmes antiseptiques (à base de Cu-Zn). Les crèmes ou pommades antibiotiques ne sont en général pas utilisées car elles peuvent favoriser la sélection de souches résistantes. Rarement, en cas de surinfection étendue, un antibiotique est prescrit par voie générale (Fucidine, Josacine…).

Prévention

Nourrir la peau

Pour la toilette, il est recommandé d’éviter les produits de bain parfumés (sels de bain, gels douches), mieux vaut utiliser des savons surgras ou pains sans savon qui respectent le film hydrolipidique. On peut ajouter à l’eau du bain une huile relipidante ou de l’amidon de blé. S’il peut être quotidien, le bain ne doit pas être prolongé, ni trop chaud. Rincer abondamment la peau avant de sortir et la sécher ensuite sans la frictionner ou frotter. L’atopie entraîne un déficit en lipides de la peau, qui est toujours anormalement sèche. On parle de xérose. Cette sécheresse occasionne des démangeaisons, et le grattage favorise les lésions. Il est donc indispensable d’hydrater la peau par des soins émollients spécifiques des peaux atopiques (Atoderm, Dexeryl, Enydrial, Exomega…) à appliquer une ou plusieurs fois par jour, de préférence sur une peau légèrement humide, après la douche ou le bain.

Des habits adéquats

La peau est irritable, elle ne supporte pas la transpiration. Préférer les les vêtements en coton et éviter les matières synthétiques. Conseiller un rinçage supplémentaire lors du lavage en machine sans assouplissant.

Éliminer les allergènes

• Dans l’environnement : les principaux allergènes de l’environnement s’incrustent dans les moquettes, les rideaux et les matelas. Il est conseillé : de passer régulièrement l’aspirateur et de laver le sol (ce sont les déjections d’acariens qui sont allergisantes), de ne pas surchauffer la chambre à coucher et d’aérer fréquemment (les acariens n’aiment pas le froid), et de laver les rideaux régulièrement. On peut utiliser en complément des sprays anti-acariens et des housses de matelas et d’oreillers anti-acariens. Les poils et les plumes d’animaux sont très allergisants : déconseiller la couette ou l’oreiller en plume, et éviter la présence d’un animal au domicile. Éviter également de fumer dans la maison et à plus forte raison dans la chambre de l’enfant. Chez le bébé, les peluches doivent être lavées une fois par semaine pour éviter d’en faire des réservoirs d’acariens.

• Dans l’alimentation : les poussées de dermatite atopique sont parfois déclenchées par un allergène de l’alimentation, en particulier protéines du lait de vache, œuf et arachide chez le nourrisson et l’enfant. En cas d’antécédents familiaux, il est préférable pour la mère d’allaiter les premiers mois et d’éviter ensuite d’introduire trop tôt les allergènes alimentaires classiques. En cas de forme grave de dermatite atopique ne cédant pas au traitement, des tests cutanés peuvent être réalisés par un allergologue (pricks-tests), même chez le nourrisson, pour identifier l’aliment responsable. Le plus souvent, la tendance à réagir contre les allergènes extérieurs tend à s’améliorer au fil du temps, et l’atopie s’améliore avec l’âge.

Gérer le stress

La dermatite atopique induit un stress pour l’enfant et ses parents (démangeaisons, réveils la nuit, enfant grognon) et le stress entretient les poussées. Une explication appropriée de la maladie, de son déroulement, de ses facteurs déclenchants et de sa prise en charge peut rompre ce cercle vicieux. Les patients peuvent s’adresser aux médecins mais aussi trouver de l’aide auprès des association de malades.

AFPADA : Association française des personnes atteintes de dermatite atopique. 10, rue de la Paix, 75002 Paris.

Tél. : 0810 06 13 00.

Les vaccins sont-ils contre-indiqués en cas de dermatite atopique ?

Non, mais les vaccinations doivent être pratiquées en-dehors des poussées. Chez les allergiques à l’œuf, les vaccins contre les oreillons et la grippe (fabriqués sur œufs de poules) doivent être pratiqués en milieu hospitalier.

Pourquoi la dermatite atopique s’améliore-t-elle au soleil ?

Les UV provoquent une légère immunodépression. La peau réagit moins fortement, les lésions s’améliorent. Si de plus l’été se passe en altitude, les acariens disparaissent, pour le plus grand bien de l’atopique.

Y a-t-il des matières à éviter pour les vêtements au contact de la peau ?

Il faut éviter les matières synthétiques, la laine, les textiles rêches, et privilégier le coton.

Faut-il conseiller les douches ou les bains ?

Les deux, mais le bain doit être court (5 à 10 minutes) et à peine tiède (36° C) pour ne pas délipider la peau.

Pourquoi faut-il éviter d’embrasser un enfant atopique si l’on a un bouton de fièvre ?

Car l’herpès labial est une maladie virale très contagieuse qui peut déclencher des éruptions généralisées graves d’eczéma.

Gros plan

Prévenir l’atopie du nourrisson

Si les parents sont eux-mêmes atopiques, l’enfant a un risque sur deux de le devenir. Pour prévenir l’apparition de la maladie, des précautions s’imposent.

• Dès le quatrième mois de grossesse, limiter les produits laitiers, les œufs, le poisson, le gluten (pain et pâtes). Mieux vaut éviter complètement l’arachide. Maintenir un environnement sain (sans poussières, moisissures, cafards…), éviter les animaux domestiques et la fumée de cigarette.

• À la naissance, maintenir les mêmes précautions, privilégier l’allaitement maternel et le poursuivre le plus longtemps possible. À défaut, il faut choisir un lait hypoallergénique (HA) et l’utiliser de façon exclusive pendant quatre mois. Si le nourrisson développe néanmoins une dermatite atopique au cours des premiers mois, il est possible qu’elle soit due à une allergie au lait, même hypoallergénique. Dans ce cas et sur avis médical, le lait est remplacé par des substituts à base d’hydrolysats de protéines.

• Quand le nourrisson grandit, il faut retarder la diversification alimentaire et exclure jusqu’à un an les œufs, le poisson, les fruits exotiques, la banane, et l’arachide, c’est-à-dire les aliments responsables de la plupart des allergies alimentaires. Dans tous les cas, l’introduction des aliments doit être progressive, un par un, pour apprécier au fur et à mesure la tolérance à chacun d’entre eux.

Gros plan

La dermatite ou « eczéma » de contact

• Comme la dermatite atopique, la dermatite de contact est une réaction allergique responsable de lésions eczémateuses, mais celles-ci restent localisées car l’allergène pénètre par voie cutanée. Les lésions peuvent siéger n’importe où mais se retrouvent surtout sur les mains.

• Les allergènes incriminés sont des produits en contact direct avec la peau : les conservateurs, les parfums, la lanoline, le formaldéhyde des déodorants, les métaux (nickel ou cobalt des bijoux ou des ceintures), les assouplissants ou les détergents, les plantes (primevères, tulipes…) ou les médicaments (dérivés mercuriels, iode…).

• Les eczémas de contact sont fréquents chez les peintres, les coiffeurs, les femmes de ménage, certains professionnels qui manipulent des produits (résines, latex des gants, teintures capillaires, ciments, peinture, plastiques…). Le facteur favorisant le plus déterminant est l’altération de la peau (irritations, frottements, sécheresse) d’où la nécessité de nourrir et protéger la peau quotidiennement.