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La dépression
L’épisode dépressif majeur impose la prescription d’un antidépresseur, de préférence avec une psychothérapie. L’écoute, la surveillance et le conseil complètent le traitement.
L’épisode dépressif majeur
Signes cliniques
Dans sa forme classique, les signes de la dépression correspondent à un épisode dépressif caractérisé ou majeur (EDM). Cet EDM est défini par la présence de symptômes suffisamment constants (voir encadré « Critères du DSM IV »). Ces symptômes sont présents presque tous les jours, depuis au moins 15 jours. Ils induisent une souffrance significative ou une altération du fonctionnement social et professionnel. Ils ne sont pas liés à la consommation d’une substance (drogue ou médicament) ou à une autre affection (hypothyroïdie…). S’ils sont consécutifs à un deuil, les symptômes doivent persister plus de 2 mois, ou s’accompagner d’une altération marquée du fonctionnement habituel, d’une dévalorisation, d’un ralentissement psychomoteur ou d’idées suicidaires.
Degré de sévérité
La notion de sévérité est évaluée en fonction du nombre et de l’intensité des symptômes, de la présence de signes psychotiques (idées délirantes, hallucinations, quoique plus rares…) et des répercussions de la maladie sur la vie sociale et le fonctionnement habituel du patient. On distingue ainsi les EDM légers, modérés et sévères.
Causes mal connues
Des facteurs biologiques sont invoqués, impliquant des perturbations au niveau des neurotransmetteurs. D’autres facteurs psychologiques et environnementaux sont repérés. Ils mettent en jeu une vulnérabilité individuelle face à des évènements de vie stressants qui dépassent les capacités d’adaptation de la personne. Ces différents facteurs interagiraient les uns avec les autres.
Théories neurochimiques
La dépression s’accompagnerait d’un déficit cérébral en sérotonine, noradrénaline et dopamine. Le déficit en noradrénaline expliquerait les signes végétatifs (insomnie, douleurs) et l’inhibition psychomotrice. La diminution du taux de sérotonine induirait l’anxiété et les troubles de l’humeur.
Stratégie de prise en charge
L’objectif du traitement est l’amélioration des symptômes et un rétablissement du fonctionnement habituel de la personne, tout en prévenant le risque suicidaire. Les antidépresseurs agiraient sur les symptômes de la dépression en rétablissant les taux de ces neurotransmetteurs chez les personnes déprimées.
Traitement d’attaque
• En cas d’EDM léger, une psychothérapie est proposée en première intention. En cas de difficultés pour le patient d’accéder à ce type de thérapie, ou de refus, un traitement par antidépresseurs peut être proposé. En France, pour des raisons culturelles, les antidépresseurs sont souvent prescrits.
• En cas d’EDM modéré à sévère, les antidépresseurs sont proposés en première intention. Une psychothérapie est envisagée en cas de difficultés psychosociales, ayant un retentissement marqué sur la vie du patient.
Choix de l’antidépresseur
Les antidépresseurs sont équivalents en terme d’efficacité. Le choix porte sur le mieux toléré. Souvent, il s’agit d’une molécule de la classe des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (ISRS), ou de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA). Certains possèdent des effets sédatifs, stimulants ou anxiolytiques qui peuvent être exploités par le prescripteur (voir page 25). En cas d’antécédents dépressifs, le choix tient compte des molécules précédemment prescrites et de la réponse thérapeutique constatée. L’association avec des hypnotiques ou des anxiolytiques peut se justifier en début de traitement.
Réponse au traitement
Le suivi du malade quelques jours après la mise en place d’un antidépresseur permet d’évaluer les effets du traitement et d’estimer le risque suicidaire. En effet, l’antidépresseur lève l’inhibition psychomotrice et favorise le passage à l’acte suicidaire chez un patient qui a conservé des idées suicidaires dues à sa dépression. Après 4 à 8 semaines, la qualité de la réponse au traitement est évaluée par l’amélioration des symptômes. Si le traitement s’avère efficace, il est poursuivi comme traitement de consolidation. En cas d’échec, le médecin peut adapter les posologies ou changer de molécule.
Traitement de consolidation
Après la disparition des symptômes (rémission, voir encadré « lexique »), le traitement ne doit pas être interrompu brutalement, pour réduire le risque de rechute. Le traitement qui a conduit à la rémission est poursuivi à la même dose efficace. La durée est habituellement de 4 à 6 mois, quelle que soit la sévérité de l’épisode dépressif. Toutefois, dans le cas d’une dépression sévère, en fonction de la clinique initiale et des facteurs de risques associés, cette durée peut aller au-delà de 6 mois. À l’arrêt du traitement, les posologies sont diminuées progressivement pour éviter un syndrome de sevrage.
Prise en charge par un psychiatre
Elle est recommandée en cas d’environnement familial et social difficile, d’autres troubles psychiatriques associés, ou en cas de réponse insuffisante au traitement. De manière générale, le patient peut être orienté vers un psychiatre par son généraliste dès qu’il en exprime le souhait. Une hospitalisation est envisagée en cas de symptômes psychotiques ou somatiques sévères associés, en cas de risque suicidaire, ou lorsque la situation familiale et sociale du malade l’exige.
Les antidépresseurs
Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS)
Mode d’action : en inhibant la recapture de la sérotonine, ils augmentent le taux de sérotonine disponible. Administration : lors d’un repas pour paroxétine, sertraline et fluvoxamine. Contre-indication : insuffisance rénale sévère pour le citalopram.
Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA)
Mode d’action : ils augmentent les taux de sérotonine et de noradrénaline disponibles. Administration : au cours d’un repas, à heure fixe si possible pour la venlafaxine ; 2 prises, matin et soir, au cours du repas pour le milnacipran. Surveillance : de la pression artérielle chez les patients présentant une hypertension artérielle et/ou une cardiopathie, particulièrement pendant le premier mois de traitement sous duloxétine. Contre-indications : insuffisance hépatique, insuffisance rénale chronique, hypertension artérielle non contrôlée avec duloxétine. Allaitement avec venlafaxine et milnacipran.
Les antidépresseurs tricycliques (imipraminiques)
Mode d’action : ils procurent davantage de sérotonine ou de noradrénaline disponibles. Administration : une seule prise. Avant 17 h, pour les psychotoniques (imipramine) ou intermédiaires (clomipramine, dosulépine) ; le soir, pour les sédatifs (amitriptyline, amoxapine, doxépine, timipramine). Contre-indications : glaucome à angle fermé, obstacle prostatique, infarctus du myocarde récent.
Les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO)
Mode d’action : les monoamines (type A et B) sont des neurotransmetteurs comme la sérotonine et la noradrénaline. En inhibant les enzymes dégradant les monoamines, les IMAO procurent une plus grande quantité de sérotonine et de noradrénaline disponible. Ils sont moins utilisés en premièreintention, car ils peuvent induire des problèmes de tolérance et d’interactions médicamenteuses. Ils ont un effet psychotonique.
• Le moclobémide. Il inhibe sélectivement la monoamine-oxydase de type A. Administration : 2 à 3 prises par jour durant les repas. Contre-indication : allaitement.
• L’iproniazide. Il inhibe la monoamine-oxydase de type A et B (l’iproniazide est dit non sélectif). Administration : prise quotidienne ou tous les 2 jours en phase de consolidation. Surveillance : des fonctions hépatiques et rénales, et de la tension artérielle. Le traitement est suspendu en cas de céphalées fréquentes ou sévères (risque d’hypertension). En cas d’anesthésie générale, le traitement est interrompu 15 jours avant. Précautions : la consommation d’aliments riches en tyramine et en tryptophane (fromages fermentés, chianti ou certaines bières, foies de volaille…), de caféine en excès ou de cyclamates, peut entraîner des réactions hypertensives. Contre-indications : insuffisance hépatique, phéochromocytome, allaitement.
Les autres antidépresseurs
• Miansérine et mirtazapine. Mode d’action : la mirtazapine augmente la neurotransmission noradrénergique et sérotoninergique centrale ; elle a des propriétés sédatives. La miansérine possède une action anxiolytique et sédative, et un effet régulateur du sommeil. Administration : 1 à 2 prises de préférence le soir (maxi 60 mg en une prise le soir). Surveillance : contrôle de l’hémogramme en cas de fièvre, angine ou d’autres signes d’infection, pour un risque (exceptionnel) d’agranulocytose avec miansérine. Contre-indications : maladie cœliaque/intolérance au gluten, hépatopathie sévère, hypersensibilité au blé pour miansérine.
• Tianeptine. Mode d’action : antidépresseur inducteur de la recapture de la sérotonine, de profil d’action intermédiaire, sans effets anticholinergiques. Administration : au début des repas.
• Agomélatine. Mode d’action : augmente la libération de noradrénaline et de dopamine. Amélioration de l’endormissement et de la qualité du sommeil. Administration : prise unique au coucher. Surveillance : contrôle de la fonction hépatique à l’instauration du traitement, puis après environ 6 semaines (fin de la phase aiguë), 12 et 24 semaines (fin de la phase de maintien), et par la suite si cela s’avère cliniquement nécessaire. Contre-indications : insuffisance hépatique (cirrhose, maladie hépatique évolutive…).
Traitements non médicamenteux
La psychothérapie
Traitement à part entière de la dépression, elle peut réduire les symptômes et leurs conséquences pendant un épisode dépressif. Ses premiers effets (un soulagement lié à une écoute adaptée) peuvent se faire sentir immédiatement. Les changements durables interviennent au bout de quelques semaines. Après la guérison d’un épisode dépressif, la psychothérapie prévient la réapparition des symptômes. Chez certains patients, il est parfois nécessaire d’intervenir au niveau de l’entourage, particulièrement au niveau familial.
L’électroconvulsivothérapie
Cette méthode consiste à appliquer de petits chocs électriques d’une ou de deux secondes au cerveau du patient, sous anesthésie et relaxant musculaire. Ce n’est pas un traitement de première intention pour un EDM même sévère. Pratiquée en milieu hospitalier, elle permet la libération dans le cerveau de neurotransmetteurs comme la sérotonine et la noradrénaline. Elle est particulièrement indiquée dans les dépressions mélancoliques ou en présence de troubles psychiatriques.
La photothérapie
Méthode utilisant l’action de la lumière solaire ou artificielle sur la peau. Elle peut être utilisée en première intention dans le traitement des dépressions saisonnières. La réponse clinique est habituellement obtenue au bout de 1 à 2 semaines de traitement. Elle peut être mise en œuvre au domicile du patient et nécessite l’avis d’un ophtalmologiste pour les patients à risque de lésions rétiniennes.
Vie quotidienne
Accepter la maladie
La personne dépressive ne doit pas se blâmer d’être déprimée, les idées noires font partie de la maladie et disparaîtront avec le traitement. Informer les proches du patient que la dépression est une maladie grave qui nécessite un traitement spécifique.
Au rythme du malade
L’entourage doit éviter de culpabiliser le malade, de lui dire de « se secouer ». Ce genre d’attitude ne peut qu’accentuer son anxiété. De plus, l’activité physique n’est pas un traitement spécifique de la dépression, et les vacances peuvent aggraver une dépression. Encourager le malade à maintenir dans la mesure du possible son rythme de vie : se lever, se laver, et se nourrir à heures fixes avec une alimentation équilibrée. Rechercher une activité physique suffisante qui ne lui paraîtra pas insurmontable.
Gérer les effets indésirables
Une hydratation suffisante et un apport de fibres sont utiles pour lutter contre la constipation. Un laxatif lubrifiant peut être nécessaire. La peau sèche peut être traitée par émollients et syndet. Boissons et bonbons sans sucre aident à combattre la sécheresse buccale.
Communiquer
Le malade doit être encouragé à confier sa souffrance à son médecin et à son entourage, à accepter les aides qui lui sont proposées. Il doit essayer de ne pas rester seul. L’entourage doit être attentif au risque suicidaire en n’hésitant pas à poser des questions au patient. Le sujet ne doit pas être tabou, mais abordé clairement. Encouragé à consulter en cas d’urgence, d’idées suicidaires, ou d’apparition de nouveaux symptômes.
Observance du traitement
La confiance dans le traitement est fondamentale pour l’observance. Les médicaments peuvent mettre de 15 jours à 8 semaines pour agir, le malade ne doit pas se décourager. Progressivement, les troubles du sommeil et l’anxiété vont s’améliorer, la personne se sentira moins ralentie, avec moins d’idées négatives. Expliquez qu’il ne faut pas interrompre brutalement le traitement pour éviter la réapparition des signes dépressifs ou l’apparition des signes de sevrage.
En cas de grossesse
Dans le cadre d’une grossesse, un traitement non médicamenteux de la dépression est à préférer, les connaissances des effets des antidépresseurs sur le fœtus étant limitées. Cependant, si un traitement médicamenteux est nécessaire, un ISRS comme la fluoxétine, la sertraline, le citalopram ou l’escitalopram peuvent être utilisés. La paroxétine devra être utilisée si possible au-delà du 1er trimestre.
Parmi les antidépresseurs tricycliques, on choisira si possible la clomipramine, l’amitriptyline ou l’imipramine. Si un antidépresseur IRSNA est nécessaire, on pourra utiliser la venlafaxine, quel que soit le terme de la grossesse.
Source : CRAT, décembre 2010.
Effets « latéraux » des antidépresseurs
Les antidépresseurs ont des propriétés sédatives ou stimulantes qui orientent le choix du médecin.
• Antidépresseurs sédatifs : amitriptyline, amoxapine, doxépine, trimipramine, maprotiline, miansérine.
• Antidépresseurs intermédiaires : citalopram, clomipramine, dosulépine, escitilopram, fluoxétine, fluvoxamine, milnacipran, mirtazapine, paroxétine, sertraline, tianeptine, venlafaxine.
• Antidépresseurs psychotoniques : imipramine, iproniazide, moclobémide.
Lexique de la dépression
• Réponse : amélioration significative des symptômes au cours d’une action thérapeutique.
• Rechute : réapparition de la symptomatologie d’un épisode en cours, après la réponse ou après une période de rémission de moins de 6mois.
• Récidive : apparition d’un nouvel épisode dépressif caractérisé après consolidation (après une période asymptomatique de 6mois).
• Rémission : disparition de la symptomatologie dépressive pendant au moins 2 mois consécutifs (au plus, 2 symptômes dépressifs d’intensité légère).
• Rétablissement : fin de l’épisode dépressif en cours, rémission d’une durée de plus de 6 mois
• Chronicité :
• épisode dépressif caractérisé pendant au moins 2 ans ;
• récidives avec persistance de symptômes résiduels entre les épisodes, pendant au moins 2 ans.
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