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La dépression
Le traitement de la majorité des épisodes dépressifs fait appel aux antidépresseurs. Il est important de rappeler au patient la nécessité de respecter les doses et la durée de prescription.
But du traitement
Les antidépresseurs facilitent la transmission des amines cérébrales (noradrénaline et sérotonine essentiellement). Ils ont pour but d’améliorer l’humeur dépressive et de soulager la souffrance morale et éviter le suicide, risque majeur de toute dépression. L’antidépresseur sera choisi en fonction :
– des spécificités de chaque molécule et de ses effets latéraux sédatifs ou stimulants ;
– des symptômes cliniques de la dépression ;
– de ses contre-indications ;
– de ses effets secondaires ;
– des situations particulières : enfant, femme enceinte, personne âgée.
La physiopathologie de la dépression restent mal connue et la prise en charge d’une pathologie aussi complexe associe généralement les approches psychothérapiques voire dans certains cas, l’électroconvulsothérapie au traitement médicamenteux.
Les médicaments
On distingue cinq classes thérapeutiques : les imipraminiques (ou tricycliques), les IMAO (inhibiteurs de la monoamine oxydase) ; les ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) ; les IRSNa (inhibiteurs mixtes de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline) ; les atypiques.
Les imipraminiques sont les antidépresseurs de référence en terme d’efficacité malgré des effets secondaires gênants. Les IMAO non sélectifs sont délaissés au profit des IMAO sélectifs mieux tolérés mais réservés aux dépressions sévères. L’arrivée des ISRS a marqué un tournant étant donné la faible incidence de leurs effets secondaires et leurs propriétés anxiolytiquest. Les IRSNa sont indiqués dans les dépressions sévères.
Les antidépresseurs agissent après deux à trois semaines. En début de traitement, en inversant l’humeur, ils sont susceptibles d’entraîner une désinhibition motrice permettant le passage à l’acte suicidaire qui signe la gravité de la pathologie dépressive.
Les imipraminiques
Tous agissent sur l’humeur mais certains, comme l’amitriptyline (Laroxyl, Elavil), ont une activité sédative qui sera mise à profit dans les dépressions avec anxiété, insomnie voire agitation. D’autres, comme la désipramine (Pertofran), seront prescrits dans les états où dominent l’asthénie, l’indifférence et l’apathie.
Effets secondaires
– Manifestations neurologiques : tremblements des mains (un tiers des cas), troubles de l’élocution, crises convulsives.
– Prise de poids.
– Effets atropiniques : sécheresse buccale, troubles gingivodentaires ou de « mauvais goût dans la bouche », troubles de l’accommodation, qui régressent toutefois lors de la poursuite du traitement, constipation, troubles urinaires, bouffées de chaleur et sueurs.
– Cardiotoxicité : hypotension orthostatique qui engendre vertiges et fatigue, responsable de chutes chez les personnes âgées et dans les cas les plus graves, troubles de la conduction intracardiaque avec arythmie et tachycardie.
L’intoxication aiguë par les imipraminiques est une grande urgence médicale entraînant un coma voire le décès. La dose de 1 gramme est considérée comme létale.
Interactions
– Les IMAO sélectifs car risque de poussée hypertensive gravissime. Prendre un imipraminique après traitement par un IMAO nécessite un intervalle libre de quinze jours, et seulement cinq jours pour passer d’un imipraminique à un IMAO.
– Les médicaments aggravant les effets hypertenseurs ou anticholinergiques.
– l’alcool, les tranquillisants, les analgésiques qui potentialisent les effets dépresseurs du SNC.
– Les antihypertenseurs qui voient leurs effets diminuer.
Contre-indications
– Les IMAO non sélectifs.
– Le sultopride (Barnetil).
– Les antécédents cardiovasculaires à type d’angor ou d’infarctus (avant tout traitement, l’ECG est recommandé).
– Glaucome.
– Hypertrophie et adénome de la prostate.
– Âge.
La grossesse et l’allaitement sont à discuter au cas par cas.
Les IMAO
On distingue les IMAO non sélectifs comme l’iproniazide (Marsilid) et les IMAO sélectifs avec la toloxatone (Humoryl) et le moclobémide (Moclamine). Il sont rarement prescrits en première intention. On les réserve aux dépressions résistantes aux imipraminiques ou en cas de contre-indications aux tricycliques.
Effets secondaires
– Hypotension orthostatique avec vertiges, céphalées.
– Troubles neurologiques (polynévrites), une impatience motrice, une impuissance, un gain de poids.
– Accès hypertensifs soudains et graves déclenchés par la prise de médicaments ou par l’alimentation (« effet fromage »).
Interactions
Nombreuses, les vérifier au cas par cas : alcool, analgésiques morphiniques, anesthésiques généraux, hypoglycémiants, AVK, myorelaxants…
Contre-indications (formelles)
– La péthidine (Dolosal), le dextrométhorphane et le tramadol.
– La lévodopa.
– Les imipraminiques et les ISRS (risque de syndrome sérotininergique) : respecter un délai d’au moins une semaine (cinq semaines pour le Prozac) entre l’arrêt d’un antidépresseur sérotoninergique et le début d’un traitement par un IMAO.
– Le sumatriptan.
– Les sels de lithium.
Précautions
– Avertir le patient d’arrêter son traitement quinze jours avant toute anesthésie.
– Aliments contenant la tyramine (responsables de l’effet « fromage ») : choux, pommes de terre, harengs, gruyère, camembert, chianti, chocolat, bière…
Les ISRS
Ce sont à l’heure actuelle les médicaments les plus prescrits en ambulatoire. Efficaces, ils présentent peu d’effets indésirables anticholinergiques et pas de toxicité cardiaque. Ce sont les médicaments de choix chez les patients polymédicamentés souffrant de pathologies cardiovasculaires. De plus, leur toxicité faible engage peu le pronostic vital lors d’une ingestion massive.
Effets indésirables
– Troubles digestifs : nausées, vomissements, constipation…
– Risque d’hypersérotoninergie en cas d’interactions avec d’autres médicaments « prosérotoninergiques ».
– Et aussi hypersudation, insomnies, céphalées, baisse de la libido.
Contre-indications
– Les IMAO non sélectifs : on doit respecter un délai de deux semaines entre l’arrêt de l’IMAO et le début du traitement par un ISRS.
– Le sumatriptan.
Interactions
On déconseille les associations avec les autres IMAO et triptans (Naramig, Zomig…).
Précautions d’emploi avec :
– Les AVK.
– Les imipraminiques.
– La carbamazépine.
– Le lithium.
– La méthadone.
– Attention avec les diurétiques qui augmente l’hyponatrémie induite par les ISRS.
Les IRSNa
Derniers-nés de l’arsenal thérapeutique, les inhibiteurs mixtes de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline ne présentent pas de cardiotoxicité.
À noter un mécanisme d’action particulier pour la mirtazapine (Norset) qui explique ses propriétés sédatives et anxiolytiques, et des effets secondaires plus faibles.
Effets indésirables (proches de ceux des ISRS)
Nausées, vomissements, vertiges, accès de chaleur, hypersudation, sécheresse buccale, constipation, troubles de la libido.
Contre-indications
– Les IMAO non sélectifs et la sélégiline (Déprenyl) : il faut respecter un délai de deux semaines entre l’arrêt de l’IMAO et le début du traitement par un inhibiteur mixte, et d’au moins 1 semaine entre l’arrêt d’un IRSNa et le début d’un traitement par un IMAO.
– Le sumatriptan.
– Les digitaliques.
Interactions à déconseiller
– Les IMAO sélectifs.
– L’adrénaline, la noradrénaline et la dopamine par voie parentérale.
– La dopamine.
Les atypiques
• La miansérine (Athymil) est un antidépresseur plutôt anxiolytique et sédatif qui possède un effet régulateur sur le sommeil. Les effets indésirables sont rares à type de somnolence, de sécheresse buccale et de constipation. Observer certaines précautions : éviter avec Aldomet et Catapressan ou l’alcool ; proscrire avec les IMAO ; surveiller tout traitement anti-épileptique associé.
• La ianeptine (Stablon) possède une activité sur les troubles de l’humeur qui la situe entre les antidépresseurs stimulants et ceux, sédatifs. Elle diminue les plaintes somatiques digestives liées à l’anxiété. Les effets indésirables sont généralement bénins et d’ordre digestif : gastralgies, bouche sèche, anorexie… Précautions : laisser un intervalle libre de deux semaines entre une cure d’IMAO et un traitement par la tianeptine. Il suffit d’un intervalle libre de 24 heures pour la remplacer. Enfin, arrêter le traitement 24 à 48 heures avant toute anesthésie générale.
• La viloxazine (Vivalan) présente beaucoup d’analogie avec les imipraminiques sans en avoir les effets anticholinergiques. Elle ne présente pas d’effet sédatif, ni de cardiotoxicité mais possède un potentiel épileptogène. Des effets indésirables à type de crise convulsive ont été rapportés, ainsi que des éruptions cutanées et des élévations de transaminases. Attention avec les antiépileptiques dont elle augmente les concentrations. Les associations avec l’alcool et la théophylline sont déconseillées et des précautions seront nécessaires avec la carbonatation (Tegretol) et la phénytoïne (Di-Hydan).
Surveillance
La dépression reste une maladie tabou. N’hésitez pas à engager la conversation lors de toute délivrance et rassurez le patient : non il n’est pas « faible de caractère », il n’a pas à « se bouger ». Sa maladie doit être reconnue en tant que telle.
Risque suicidaire
Le risque suicidaire lié à la levée d’inhibition motrice existe avec tous les antidépresseurs. S’il est délicat d’aborder ce sujet, une bonne connaissance de votre client voire des confidences inquiétantes au comptoir peuvent vous amener à prévenir le médecin traitant. Une hospitalisation peut s’avérer nécessaire pour la sécurité du patient. Dans certains cas des coprescriptions d’anxiolytiques, d’hypnotiques voire de neuroleptiques sédatifs peuvent se justifier dans les premiers jours (leur incidence serait toutefois faible sur le risque suicidaire) mais elles doivent être brèves.
Observance
Le traitement ne se révèle efficace qu’au bout de trois semaines. Le traitement ne doit pas être changé pour cause d’inefficacité avant une durée de prescription de deux à trois semaines à posologie efficace, sauf s’il existe une aggravation de la maladie. Le traitement ne doit pas être interrompu dès la disparition des symptômes et il est prouvé qu’un traitement de consolidation pendant quatre à six mois, réduit le risque de rechute. Insistez sur la nécessité de prendre régulièrement le médicament au moins six mois, même si le patient se sent mieux, car la guérison est à ce prix.
Adaptation de la posologie
Une monothérapie à dose minimale efficace est la règle de la prescription initale. La posologie sera réévaluée régulièrement au cours du traitement.
Chez le sujet de plus de 70 ans, la posologie est en moyenne la moitié de celle préconisée chez l’adulte.
Effets secondaires
En début de traitement, le patient peut vous signaler une excitation, une insomnie ou une agitation. Conseillez-lui, si les troubles persistent au bout de quelques jours, de revoir son médecin qui lui prescrira un traitement symptomatique de courte durée. Prévenez le patient que la plupart des effets secondaires des médicaments sont transitoires et régressent lors de la poursuite du traitement, excepté pour les imipraminiques.
Sécheresse buccale
Conseillez de prendre l’antidépresseur en 1 prise le soir si c’est possible, de consommer régulièrement des boissons non sucrées, associées à des gommes à mâcher ou à des pastilles sans sucre, d’utiliser des correcteurs salivaires (Artisial, Sulfarlem).
Constipation
Vous devez rappeler aux patients de ne pas utiliser de laxatifs drastiques, d’autant plus s’il présente des troubles cardiaques. La prise d’un laxatif osmotique peut être envisagé avec le médecin.
Rappelez lui les règles hygiénodiététiques pour lutter contre la constipation : boire un litre et demi d’eau, faire de l’exercice, privilégier une alimentation à base de fruits et légumes.
Alcool
Il est à noter que les ISRS et les IRSNa exposent à moins d’interactions, cependant l’alcool peut diminuer la demi-vie des antidépresseurs et donc l’efficacité du traitement.
Conseillez de ne pas consommer de boissons alcoolisées et de votre côté, méfiez vous lors de la délivrance de certains sirops antitussifs qui contiennent beaucoup d’alcool.
Tabac
Attention à la consommation de tabac : celui-ci diminue l’efficacité de certains produits et notamment celle de l’imipramine (jusqu’à 45 %).
Conduite automobile
Prévenez vos patients que la conduite ou l’utilisation de machines dangereuses est à éviter à cause de la baisse de la vigilance.
Sevrage et suivi
L’arrêt du traitement peut quelquefois entraîner une réaction de sevrage : céphalées, malaises, anxiété, nausées, troubles du sommeil. Il faut bien expliquer au patient que l’arrêt doit impérativement être progressif. Un traitement prophylactique des récidives (sur plusieurs années) est justifié chez les patients qui ont eu deux à trois épisodes dépressifs.
Peut-on arrêter un traitement brutalement ?
Un arrêt brutal peut entraîner un syndrome de sevrage qui se manifeste par une anxiété, une irritabilité, un syndrome pseudo grippal, une sensation de chocs électriques, des signes digestifs…
Que fait-on si le traitement n’est pas efficace ?
Tout d’abord, on va augmenter la posologie du médicament et au bout de deux à trois semaines, le médecin peut changer de classe thérapeutique. Il peut également demander un dosage plasmatique du médicament pour vérifier le métabolisme du produit dans l’organisme de son patient.
Est-ce que les enfants peuvent être soignés pour dépression ?
Malheureusement, les enfants aussi font des épisodes dépressifs qui se manifestent plutôt par de l’agressivité et de l’irritabilité. Certains médicaments ont l’indication, notamment certains imipraminiques et ISRS, mais un traitement médicamenteux ne s’envisage que dans une dépression sévère, inaccessible à une approche psychothérapique incluant l’enfant et son entourage.
Associe-t-on systématiquement un anxiolytique ou un hypnotique aux antidépresseurs ?
En début de traitement, pour lutter contre les troubles anxieux et l’insomnie, le médecin peut prescrire un anxiolytique (benzodiazépines) ou un hypnotique. Cette prescription doit être ponctuelle afin d’éviter tout risque de dépendance. Il peut également prescrire un neuroleptique sédatif (Tercian) dans les formes sévères afin de diminuer le risque de passage à l’acte suicidaire en début de traitement.
Administre-t-on un antidépresseur après un deuil ?
Tout état affectif douloureux ne nécessite pas un traitement. Cependant, si au bout de trois à quatre mois la personne endeuillée présente les symptômes d’une dépression, le médecin pourra prescrire un antidépresseur pour lever l’inhibition motrice et y (= de penser).
Quand le patient pourra se remettre à penser, alors il finira « le travail du deuil ».
Existe-t-il un régime antidépresseur ?
Il n’existe pas de régime particulier « antidépressif ». Cependant, on peut proposer aux patients de suivre quelques règles : associer des hydrates de carbone complexes (céréales) à des fruits et légumes, tout en réduisant les apports proteïnés et lipidiques. Des petites promenades au grand air deux à trois fois par semaine libèrent les endorphines cérébrales, agents chimiques qui aident à se sentir bien.
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