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Un salon où l’on cause

Publié le 23 mars 2023
Par Anne-Charlotte Navarro
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Pharmagora Plus permet aux pharmaciens et aux préparateurs de découvrir de nouveaux produits et services, de rencontrer les partenaires de la pharmacie et d’échanger avec des représentants de la profession. Focus sur quelques conférences proposées les 11 et 12 mars, à Paris.

Avancée concrète en vue pour le numérique en santé

En avril 2019, Agnès Buzyn, ministre de la Santé, lançait la feuille de route du numérique en santé. Quatre ans après, l’Agence du numérique est créée et Mon espace santé est actif depuis janvier 2022. Si le dossier médical partagé est le coffre-fort des données, Mon espace santé propose des services plus larges, comme une messagerie sécurisée ou une interface avec le patient. « Sept millions de documents, comptes-rendus hospitaliers par exemple, sont envoyés chaque mois sur Mon espace santé », a pointé Hela Ghariani, co-responsable du numérique en santé.

L’officine doit se doter d’un logiciel certifié Ségur pour communiquer avec Mon espace santé. « Ce logiciel va permettre de recevoir des e-prescriptions ou d’échanger via une messagerie sécurisée avec le médecin, l’infirmière ou le kiné du patient. C’est la fin de l’autocollant sur le comptoir “Envoyez votre ordonnance à pharmaciexxx@xxxx.com”, qui ne protège ni la délivrance, ni les données de santé du patient », a argumenté Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de l’Assurance-maladie. « Au plus tard le 31 décembre 2024, les délivrances se feront uniquement sur présentation d’une e-prescription, précise Xavier Vitry, directeur de projets à la délégation ministérielle du numérique en santé (DNS). À ce jour, nous avons validé 14 000 bons de commande ». Les pharmacies avaient jusqu’au 15 mars 2023 pour mettre à jour leur logiciel aux frais de l’État. « Au-delà, les pharmaciens payeront cette mise à jour », prévient Philippe Besset, président de la FSPF, syndicat de titulaires.

Dès la mise en route du logiciel Ségur, l’officine devra vérifier l’identité du patient. « Je comprends que cette démarche puisse inquiéter, mais nous n’avons rien trouvé d’autre pour s’assurer que l’espace santé du patient soit bien le sien », explique Xavier Vitry. L’officinal demandera la carte d’identité du patient concerné par la délivrance, et indiquera l’INS dans le logiciel. Cette identité nationale de santé au répertoire national d’identification des personnes physiques, gérée par l’Insee*, distingue chaque personne de nationalité française. À l’inquiétude de la salle sur la faisabilité de cette mesure, Xavier Vitry s’est voulu rassurant : « En pratique, cette vérification sera beaucoup plus simple que d’enregistrer une mutuelle. Nous ne pouvions pas nous baser sur le numéro de Sécurité sociale, car celui-ci est propre aux règles de facturation de l’Assurance-maladie. Un enfant est rattaché sur la carte de l’un de ses parents. Seule l’INS est propre à chacun ».

Un numéro RPPS pour les préparateurs avant l’été

« Délivrer des médicaments à partir d’une ordonnance numérique implique aussi de s’assurer que le professionnel de santé est bien habilité à les délivrer », explique Xavier Vitry. Actuellement, seuls les pharmaciens sont identifiés via leur numéro au répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS), attribué lors de l’inscription à l’Ordre. Pour l’heure, le préparateur délivre sous le numéro RPPS du pharmacien. Demain, « les préparateurs auront leur mode d’accès propre au logiciel de l’officine car le patient doit savoir qui entre dans son espace santé. C’est la fin du “Passe-moi ta carte” », précise Xavier Vitry. « Nous sommes en phase de tests pour l’attribution de numéros RPPS aux préparateurs. Nous espérons que le système sera opérationnel avant l’été 2023 », annoncent Hela Ghariani et Xavier Vitry. La procédure pourrait être celle-ci, détaille Xavier Vitry : « Le préparateur se déclarera sur une plateforme, puis l’employeur validera cette déclaration. Cette validation est importante car elle permet d’affecter un préparateur à une ou plusieurs officines. Ensuite, le numéro RPPS sera envoyé au préparateur ».

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Employeurs recherchent salariés désespérément

La conférence du Moniteur des pharmacies, en partenariat avec Porphyre et Pharmacien Manager, s’est intéressée au désamour que connaît l’officine. « Deux pharmacies sur trois recherchent un pharmacien ou un préparateur », a attaqué Bruno Maleine, président du Conseil central de la section A (titulaires) de l’Ordre des pharmaciens. Même constat du côté des syndicats. « La visibilité de la pharmacie n’est pas bonne sur Parcoursup », avance Philippe Denry, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Un constat partagé par Daniel Burlet, de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). La Covid-19 a mis en lumière le rôle de professionnel de santé de l’officinal, mais « l’image du pharmacien en tenue de cosmonaute le visage fatigué derrière son plexiglas n’est pas très vendeuse pour des jeunes qui cherchent, au-delà d’un métier, un bon équilibre entre vie privée et vie professionnelle », a pointé Adrien Caron, vice-président de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf). « Les salaires proposés en début de carrière ne nous aident pas. Alors que les salaires d’embauche sont bien souvent supérieurs à ceux de la grille, le jeune, au moment de choisir son orientation, ne le voit pas », déplore Philippe Denry, qui se réjouit de l’arrivée des premiers diplômés du Deust, en juin. « Désormais, un jeune préparateur sera titulaire d’un diplôme bac + 2. Il pourra poursuivre ses études vers une licence professionnelle ou le diplôme de pharmacien via une passerelle », s’enthousiasme Daniel Burlet. Et le Deust est visible sur Parcoursup.

La branche officine s’accorde pour relancer les travaux d’une licence professionnelle optionnelle pour les préparateurs. Ces titulaires « d’un bac + 3 pourront apporter un plus aux officines, déclare Philippe Denry. La pharmacie est un métier qui s’exerce en équipe. Or, nous sommes bloqués dans certaines missions car le préparateur en est exclu. Un préparateur licencié pourrait être un relais dans ces nouvelles missions ». Pour la FSPF et l’USPO, un préparateur licencié « en pratique avancée » pourrait assurer le suivi des entretiens. « Certains ont même été au-delà, pointe malicieusement Bruno Maleine. Dans le cadre d’un projet de loi, un amendement a été déposé pour permettre à un préparateur de rester seul à la pharmacie quelques heures », avant d’ajouter, sans surprise, que « l’Ordre ne soutient absolument pas cette voie ». Si le préparateur licencié accède à de nouvelles missions, ce sera sous le contrôle effectif du pharmacien.

Trucs et astuces pour déléguer les achats

Porphyre a proposé une conférence sur le management des achats, animée par Laurence Ledreney-Grosjean, de Paraphie. « La fonction achat permet d’impliquer toute l’équipe, et peut être déléguée en partie, a suggéré l’experte. Le préparateur, au comptoir la majeure partie de son temps, connaît les attentes des patients. Il est donc intéressant de l’écouter avant de choisir les produits. Et d’objectiver ces informations par les données des ventes ». Le logiciel officinal est un puits d’informations. Âge, panier moyen, maladies, ces datas aident à déterminer des couples produits/marchés. Pour les 60-75 ans, « développer un rayon bébé est intéressant car ce sont souvent des grands-parents sollicités pour la garde d’enfants ». Cette analyse « peut être réalisée par un élève de Deust ou un étudiant, à condition que le titulaire partage ses chiffres », a proposé Christine Julien, rédactrice en chef de Porphyre. Un support pour bâtir son projet tutoré ou son mémoire pour l’apprenti. Connaître son taux de marge, les rotations, etc. est primordial avant de recevoir un commercial. « Ce n’est pas aux commerciaux d’imposer le nombre de références à mettre dans la pharmacie ». Des exercices de calcul de marge ont fait aussi le plaisir de l’auditoire !

(*) Institut national de la statistique et des études économiques.

Indiscrétions

→ La plateforme de livraison de médicaments Livmed’s a été attaquée par le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens pour, entre autres, exercice illégal de la pharmacie. L’affaire devrait être jugée prochainement.

→ La vaccination par le préparateur contre la grippe saisonnière, la Covid-19 et la variole du singe ne sera sans doute pas actée. Cette mesure, votée par le Sénat le 14 février dans la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, doit repasser à l’Assemblée nationale. Pour Daniel Burlet (USPO) et Philippe Denry (FSPF), représentants des syndicats de titulaires, « cette nouvelle mission ne passera pas le vote de l’Assemblée. Les médecins, loin du terrain, sont contre. Mais nous ne lâcherons pas ! » Réponse fin mars, début avril. Au moment où nous bouclons ce numéro, le 14 mars, la loi n’avait pas encore été votée.