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Un nouveau diplôme pour les préparateurs

Publié le 30 juin 2021
Par Christine Julien
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Le Deust Préparateur technicien en pharmacie sera lancé en septembre 2021. Douze facultés de pharmacie ont été accréditées pour diriger ce diplôme universitaire en partenariat avec des CFA. Pour autant, le BP ne disparaît pas, ni le projet de licence professionnelle, qui sera remis sur le tapis à l’automne.

Adieu l’expérimentation. Place à un diplôme professionnel, national et universitaire. À la rentrée, une dizaine de facultés de pharmacie proposeront le Deust Préparateur technicien en pharmacie. Ce diplôme d’études supérieures universitaires scientifiques et techniques (Deust) se préparera en deux ans, en alternance et en partenariat avec les CFA. À côté du BP, pour l’instant maintenu, le Deust se présente comme une deuxième formation pour exercer le métier de préparateur en pharmacie. À la différence du brevet professionnel, ce diplôme conférera un niveau bac + 2. Il reposera sur des blocs de compétences à acquérir, certaines « cœur de métier » et d’autres transversales, en lien avec l’universitarisation de la formation.

Recadrage national

« Il y a eu une mauvaise compréhension de ce qu’était une expérimentation (les facs et les CFA ont proposé des parcours de licences et de Deust, voir Porphyre n° 573, avril 2021, NDLR), précise François Couraud, conseiller scientifique et pédagogique auprès de la directrice générale de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. En aucun cas, elle ne permet de créer un diplôme de profession réglementée. Le seul diplôme qui permet l’exercice de préparateur en pharmacie est le BP. En revanche, on peut faire évoluer les compétences, mais nul besoin d’expérimentation. On peut le faire au niveau national, avec le Deust, un diplôme existant qui répond au besoin d’universitarisation, tout en restant dans le cadre de l’exercice professionnel de préparateur en pharmacie ». Cet expert a repris le dossier « Expérimentation » en février avec Jean-Louis Gouju, également conseiller scientifique et pédagogique, spécialisé dans les relations formation-emploi, et l’inscription du Deust au RNCP (voir encadré p. 7).

Un diplôme pro de luxe

« Le Deust atteste de l’évolution du préparateur en pharmacie, qui ne fait plus de pommades dans l’arrière-boutique depuis longtemps, précise Jean-Louis Gouju. Après avoir identifié les compétences qui relevaient spécifiquement de l’université, nous nous sommes assurés que ce Deust se situait bien dans une trajectoire universitaire, avec la possibilité de poursuivre des études ». Le Deust est bien un diplôme professionnel avec un niveau de connaissances plus élevé. « Le préparateur est en première ligne au comptoir, où se sont beaucoup jouées l’acceptation de la vaccination et la lutte contre le complotisme durant la crise sanitaire. Cela nécessite des bases suffisamment solides pour argumenter face à des clients-patients sur Internet toute la journée ! », avance Jean-Louis Gouju. Le Deust est même « un diplôme pro de luxe ! Avec deux ans de formation professionnelle, une entrée sélective, une grande place à l’alternance, des conseils de perfectionnement avec des professionnels, et un minimum de 30 % d’enseignement de professionnels en exercice. »

Du très neuf avec l’ancien

Le Deust a été bâti par les facs de pharmacie, en concertation avec les CFA, selon le référentiel d’activités de 1997 du BP « puisqu’on ne peut pas le “bouger” », précise François Couraud. Accueillir le patient, conditionner et préparer, aucune activité du référentiel ne manque. En revanche, elles sont organisées en blocs de compétences. Des blocs « cœur de métier », comme « Agir en matière de prévention », et des blocs de compétences transversales, diplôme supérieur oblige, tels que « Se situer en tant que professionnel de santé », avec le numérique, les langues, l’expression écrite et orale, la capacité de synthèse et de communication.

Le référentiel de formation s’élabore « à partir de cette analyse du travail, explique Jean-Louis Gouju. Pour telle compétence, il faut des connaissances en pharmaco, il faut telle habileté ». Cette philosophie est très éloignée du « je fais 50 heures de pharmaco et je verrai bien à quoi ça sert » ! En pratique, chaque fac suit le cadrage du Deust, avec 800 à 1 000 heures d’enseignements théoriques sur deux ans, mais la répartition des cours est libre. Sujets d’examen, contrôle des connaissances, les facs ont la main sur le référentiel de certification ou d’examen pour attester l’acquisition des compétences.

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La licence, une revenante

Les facs ont encore quelques semaines pour peaufiner l’organisation avec les CFA. Comme le gouvernement, pour adapter la législation car, pour le moment, seul le BP permet d’exercer la profession de préparateur. « La Direction générale de l’offre de soins (DGOS), qui est le ministère régulateur, est d’accord pour changer les textes mais à quel niveau, arrêté ou décret, cela n’a pas été décidé », admet François Couraud. Rien ne presse car les premiers diplômés ne sortiront que dans deux ans. À moins que, d’ici là, une licence ne supplante le Deust ! Ce qui serait possible si le ministère de la Santé décidait la réingénierie du diplôme des préparateurs hospitaliers, comme promis lors du récent Ségur de la santé, puis oublié et promis à nouveau après leur récente grève. « Si la DGOS dit qu’il faut absolument une formation en trois ans pour exercer ce métier, on créera une licence professionnelle », avance François Couraud. Ce qui pourrait profiter aux officinaux.

Quand on aime, on ne compte pas

Pour l’heure, les projets de licences des facs ont été écartés car « ils ne correspondaient pas à un exercice professionnel défini », argumente le conseiller. Un diplôme est construit pour répondre à un exercice, et non l’inverse. « Le travail qu’il faut démarrer en septembre porte sur le métier de préparateur en pharmacie en répondant d’abord à quelques questions. Y a-t-il un ou deux exercices de ce métier ? S’il y en a qu’un, la formation est-elle sur deux ou trois ans ? Et s’il y en a deux, que faut-il prévoir ? Une fois les réponses apportées, le Deust sera adapté à la situation retenue », énumère François Couraud.

Autrement dit, soit on garde le Deust tel quel et une licence Préparateur technicien spécialisé est créée, un peu comme les infirmiers en pratique avancée, qui ont un droit de prescription. Soit le Deust disparaît au profit d’une licence pour tous. En attendant, le BP continue son bonhomme de chemin. Des bruits évoquent son toilettage par l’Éducation nationale d’ici à deux ans. Le BP pourrait-il devenir BTS ?

Le Deust de préparateur technicien en pharmacie

→ C’est un diplôme d’études universitaires scientifiques et techniques préparé en deux ans.

→ C’est un diplôme national délivré par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (Mesri) de niveau 5 (voir encadré p. 7).

→ L’autorité de certification est l’université. Les facultés le font en partenariat avec des CFA.

→ Il se prépare en alternance pour l’instant.

→ Les cours ont lieu en CFA et en faculté de pharmacie.

→ Douze facultés ont été accréditées* pour 2021 ou 2022 : Angers, Besançon, Lille, Lyon, Marseille (2022), Nantes, Paris V, Reims, Rouen (2022), Strasbourg, Toulouse et Tours.

→ D’autres facs peuvent déposer un dossier d’accréditation plus tard.

(*) L’accréditation mesure la capacité de la fac à mener à bien les éléments de la fiche RNCP.

Fiche RNCP et niveau de diplôme

→ Le Deust est une certification professionnelle qui valide des compétences nécessaires à l’exercice d’une activité. Il est enregistré au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Il fait l’objet d’une fiche RNCP, qui est « l’identité professionnelle d’un diplôme ». Elle permet aux employeurs et aux branches professionnelles de repérer les compétences portées par ce diplôme et de demander un financement.

→ La fiche RNCP indique les référentiels d’activités, de compétences (moyens à acquérir pour mener à bien l’activité, par exemple traiter l’information médicale et scientifique) et de certification (moyens pour évaluer l’acquisition d’une compétence).

→ Les diplômes sont classés par niveau de qualification en fonction des compétences nécessaires pour exercer(1).

Il en existe huit, selon la complexité des savoirs et l’autonomie. Le BP et le bac sont de niveau 4, le Deust de niveau 5, la licence de niveau 6 et le doctorat de niveau 8.

(1) Journal officiel du 9 janvier 2019. Avant, un bac+ 2 était un niveau III et le doctorat un niveau I.