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Toc, toc, toc, c’est vos médocs
Le comptoir officinal est LA zone de dispensation des médicaments. Dans certaines situations, le pharmacien et son équipe sont amenés à se rendre au domicile du patient, ou à faire livrer les médicaments via un intermédiaire. Le point sur la dispensation et la livraison, deux pratiques distinctes et strictement encadrées.
La dispensation à domicile
Cas pratique : Léon, 90 ans, vit seul. La pharmacie la plus proche de son domicile est à une dizaine de kilomètres. Son âge avancé et la diminution de ses facultés ne lui permettent plus de conduire. Comment pourra-t-il obtenir les médicaments pour son traitement chronique ?
Réponse : puisque Léon ne peut plus se déplacer, c’est la pharmacie qui viendra à lui. L’équipe officinale lui proposera la dispensation à domicile de ses médicaments.
Qu’est-ce que c’est ?
Comme son nom l’indique, la dispensation est effectuée au domicile du patient, mais ce déplacement ne consiste pas seulement à livrer les médicaments, comme n’importe quelle marchandise de consommation courante. Comme au comptoir, la qualité de l’acte pharmaceutique doit être assurée. Ainsi, la délivrance des médicaments doit rester associée à :
• l’analyse pharmaceutique de l’ordonnance médicale si elle existe ;
• la préparation éventuelle des doses à administrer ;
• la mise à disposition des informations et les conseils nécessaires au bon usage du médicament.
Dans quel cas ?
La dispensation à domicile est organisée pour répondre aux besoins des patients qui sont dans l’impossibilité de se déplacer, notamment en raison de leur état de santé, de leur âge ou d’une localisation géographique particulière. La situation personnelle du client doit donc justifier un tel service. En aucun cas, il ne doit s’agir d’une démarche commerciale de la pharmacie ; dans une telle hypothèse, le pharmacien se rendrait coupable de sollicitation de commandes, ce que le code de la santé publique interdit (article L. 5125-25).
Qui, à l’officine, peut dispenser à domicile ?
Le pharmacien – titulaire, gérant après décès, remplaçant, adjoint –, les préparateurs et les étudiants en pharmacie inscrits en troisième année. Les apprentis ne le peuvent pas même si le titulaire le leur demande.
Quelles consignes doit donner le pharmacien au préparateur ou à l’étudiant missionné pour se rendre au domicile du patient ?
Le pharmacien titulaire, ou son remplaçant en cas d’absence, ou le pharmacien adjoint en cas de délégation de responsabilité, doit personnellement donner au préparateur ou à l’étudiant toutes les instructions nécessaires à une bonne observance et compréhension de la prescription par le patient.
À l’officine, les médicaments peuvent-ils être préparés à partir d’une ordonnance envoyée par fax ou par courrier électronique ?
Pour des raisons pratiques, l’ordonnance peut être transmise à distance par le médecin prescripteur ou par le patient, ce qui permettra à la pharmacie de préparer les médicaments. Lors de leur dispensation à domicile, le patient présentera l’original de son ordonnance.
Un médicament non prescrit sur ordonnance peut-il être dispensé à domicile à la demande du patient ?
La dispensation à domicile n’est pas réservée aux médicaments soumis à prescription. Comme au comptoir, un devoir particulier de conseil s’impose lors de la délivrance d’un traitement qui ne requiert pas une prescription médicale.
Le transport en paquet scellé et opaque est-il nécessaire ?
Non, car la dispensation à domicile est effectuée par une personne compétente, tenue au secret médical. En revanche, les conditions de transport doivent garantir la parfaite conservation des médicaments.
La pharmacie peut-elle facturer ce service ?
Non. La dispensation à domicile ne donne pas lieu à une facturation supplémentaire.
Si le préparateur utilise son véhicule pour se rendre au domicile du patient, quelles précautions doit-il prendre ?
Il est nécessaire de vérifier que son contrat d’assurance automobile comporte bien une garantie pour les tournées professionnelles occasionnelles. Sauf si l’employeur a souscrit un contrat spécifique.
Et si le titulaire prête à ses collaborateurs son véhicule ou une voiture de fonction ?
En cas d’accident, la responsabilité sera portée par le propriétaire du véhicule, donc par le titulaire.
Comment est rémunéré le temps d’intervention du salarié ?
Le temps passé au domicile du patient ainsi que le trajet aller-retour entre la pharmacie et le domicile du patientclient sont assimilés à une période de travail effectif rémunérée au taux horaire normal. Si l’intervention amène le salarié à accomplir des heures supplémentaires, le taux horaire devra être majoré.
Quelles seraient les conséquences d’un accident survenant lors du trajet entre la pharmacie et le domicile du patient ?
À partir du moment où le salarié quitte l’officine, il est exposé à différents risques : accident de la circulation, chute sur la voie publique, agression, etc. Bien que le salarié s’absente de son poste de travail, il le fait dans le cadre d’une mission demandée par son employeur. À ce titre, tout accident survenant pendant cette mission (au cours du trajet ou au domicile du patient) sera considéré comme un accident du travail et indemnisé comme tel. Par exemple : le préparateur quitte la pharmacie à 19 heures ; avant de rentrer chez lui, il fait un détour afin de déposer des médicaments chez un client de la pharmacie et a un accident.
Qu’encourt le préparateur en cas d’erreur de délivrance ?
Au domicile du patient, la responsabilité est la même qu’au comptoir. Le préparateur peut ainsi être amené à engager sa responsabilité pénale et civile, en fonction des circonstances à l’origine de l’erreur de délivrance.
La livraison à domicile
Cas pratique : Sophie est une jeune trentenaire débordée. Entre ses horaires de travail, les courses et ses trois enfants à récupérer à l’école, elle n’a pas le temps de passer à la pharmacie. Quel service pourrait-elle utiliser pour se décharger ?
Réponse : la situation de Sophie et ses contingences personnelles n’entrent pas dans le cadre de la dispensation à domicile. En revanche, elle pourrait recourir à la livraison à domicile. Gain de temps garanti !
Qu’est-ce que c’est ?
La livraison à domicile consiste à faire porter les médicaments à domicile par le biais d’un transporteur mandaté par le patient. On parle également de portage.
Quelle différence y a-t-il avec la dispensation à domicile ?
En cas de dispensation à domicile, le patient reçoit la visite d’un professionnel compétent. Dans le cas d’une livraison à domicile, il fait appel à un coursier.
Le coursier peut-il se rendre dans la pharmacie de son choix ?
Le coursier a pour seule mission de « porter » les médicaments d’un point A à un point B, et non de réaliser un colportage, qui consiste notamment à regrouper des prescriptions, ou à orienter la clientèle. Le patient doit conserver le libre choix de la pharmacie auprès de laquelle il souhaite s’approvisionner.
Comment la commande doit-elle être préparée à l’officine ?
Les médicaments doivent être confiés au coursier dans un paquet :
• scellé : pour empêcher toute manipulation extérieure par une personne autre que le patient destinataire ;
• opaque : le contenu ne doit pas être visible afin que le secret médical soit respecté ;
• identifié : portant le nom et l’adresse de la personne à qui il doit être remis ;
• protégé et adapté au transport : notamment contre les chocs éventuels et les différences de température.
Quelles sont les obligations du pharmacien ?
Il doit veiller à ce que les conditions de transport soient compatibles avec la bonne conservation des médicaments et à ce que les explications et recommandations nécessaires soient mises à disposition du client.
Quelles sont les obligations du transporteur ?
Il doit garantir la parfaite conservation des médicaments et les remettre directement au patient, ce qui exclut leur stockage.
Qui est responsable si le produit remis au patient est endommagé ?
C’est le transporteur qui sera responsable. Il est d’ailleurs conseillé de bien s’assurer qu’il a souscrit une assurance professionnelle.
En cas d’absence du patient, les médicaments peuvent-ils être mis dans sa boîte aux lettres ?
Non, ils doivent être remis directement au patient.
Le service est-il facturé ?
Tout dépend si le portage est assuré par une société commerciale à but lucratif ou par une association à but non lucratif.
Où trouver les coordonnées d’un transporteur ?
Dans un annuaire de services à domicile ou à la personne. Ou en contactant le service communal de l’action sociale. Allez sur le site Internet de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale : www.unccas.org, onglet « réseau », rubrique « vos contacts locaux ».
Un préparateur peut-il cumuler un emploi en pharmacie et une activité de portage à domicile ?
Contrairement aux pharmaciens, aucune obligation d’exercice exclusif ne pèse sur les préparateurs. Le cumul d’emplois est en théorie possible. En pratique, l’exercice d’une activité de portage à domicile est critiquable car on pourrait reprocher au préparateur de détourner la clientèle vers la pharmacie de son employeur ou de se rendre coupable de sollicitation de commandes. Par ailleurs, une telle pratique risquerait de créer une confusion avec la dispensation à domicile, puisque le préparateur a la compétence pour effectuer cette dernière. Mieux vaut éviter le mélange des genres et ne pas cumuler des activités exposant aux conflits d’intérêts.
La dispensation en maison de retraite
Cas pratique : Jeanne vient de s’installer dans une maison de retraite. Coupée de son appartement et de ses habitudes, la vieille dame n’a plus ses repères, est un peu désorientée. Comment peut-elle maintenir le lien de confiance et de proximité qu’elle a établi avec la pharmacie à laquelle elle est fidèle depuis de nombreuses années ?
Réponse : en maison de retraite, Jeanne est dépendante, mais elle reste libre de s’approvisionner en médicaments auprès de la pharmacie de son choix.
Quel est le statut des maisons de retraite ?
Ce sont des établissements médico-sociaux hébergeant des personnes âgées et dépourvus de pharmacies à usage intérieur (PUI). Les pharmacies de ville sont donc conduites à les fournir en médicaments.
Comment maintenir le principe du libre choix du pharmacien par le patient en Ehpad ?
La signature d’une convention entre un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et une pharmacie ne doit pas faire échec au libre choix du pharmacien par le patient pour tous les médicaments, produits et accessoires qui relèvent de son traitement individuel. En l’absence de choix personnel exprimé par le résident, l’Ehpad peut exercer ce choix en son nom, en tant que mandataire.
Qu’est-ce que le reconditionnement des médicaments en pilulier ?
Cette opération consiste à déconditionner une ou plusieurs spécialités afin de reconditionner chaque unité de prise dans un pilulier nominatif selon le schéma posologique prescrit par le médecin. L’objectif est d’aider le patient qui n’est pas en mesure de gérer son traitement. En pratique, les Ehpad externalisent cette tâche auprès des pharmacies.
Cette pratique est-elle autorisée ?
En mai 2008, la cour d’appel de Rouen a condamné au pénal un pharmacien, sur le chef de « fabrication industrielle de médicaments sans autorisation » et de vente de spécialités « sans autorisation de mise sur le marché ». À l’inverse, le conseil national de l’ordre des pharmaciens a exonéré un titulaire qui pratiquait le déconditionnement et le reconditionnement. La doctrine ordinale tend aujourd’hui à accepter cette pratique, à condition d’être assortie de précautions garantissant notamment la traçabilité du médicament, la communication de la notice au patient et le suivi de la dispensation.
Cette pratique est-elle risquée ?
Dans tous ses actes, le pharmacien est tenu dans un carcan législatif de responsabilités disciplinaires, pénales et civiles. L’activité de déconditionnement d’un médicament en vue de son reconditionnement en pilulier impose la plus grande vigilance dans la qualité du process. L’article 223-1 de la loi Kouchner engage la responsabilité du pharmacien en cas de prescription défectueuse (voir encadré ci-dessous).
Qui peut préparer les semainiers ?
Par décret en Conseil d’État du 9 octobre 2002, la maison de retraite a été assimilée au domicile du patient. L’approvisionnement du malade en médicaments peut se faire dans les mêmes conditions qu’en cas de dispensation à domicile. La préparation des semainiers peut donc être réalisée par un pharmacien. Les préparateurs et les étudiants en pharmacie (dès la troisième année) sont également compétents pour accomplir cette tâche, sous le contrôle d’un pharmacien. Il est donc exclu que le préparateur compose les semainiers et autres piluliers in situ dans la maison de retraite.
Quand la pharmacie est fermée, les clients peuvent-ils déposer des ordonnances dans la boîte aux lettres ?
Le seul texte du code de la santé publique réglementant la collecte des ordonnances est l’article L. 5125-25, qui interdit aux pharmaciens de recevoir des commandes de médicaments par l’entremise de courtiers. La mise à disposition d’une boîte aux lettres permettant aux patients de déposer leurs ordonnances n’est pas prévue. Néanmoins, une telle pratique paraît possible, à condition que ladite boîte soit sécurisée. Il s’agit d’une précaution indispensable pour éviter toute effraction qui entraînerait une violation du secret médical.
L’avis de Guillaume Fallourd, avocat
« Je déconseille à un préparateur d’exercer une activité de portage à domicile, à moins que celle-ci ne s’exerce loin de la pharmacie pour laquelle il travaille, par exemple dans un autre département, ou que celle-ci soit assurée par une association à but non lucratif. »
La Poste porte aussi les médicaments
Depuis deux ans, La Poste a développé une offre de portage de médicaments à domicile. Ce service de proximité permet aux officines de faire livrer les clients à mobilité réduite ou non véhiculés. En pratique, le pharmacien confie les médicaments emballés dans un paquet scellé et nominatif au centre de courrier dont il dépend. Le lendemain, les médicaments sont distribués au domicile des patients dans le cadre de la tournée du facteur, et remis en main propre contre signature. Afin de rester dans les clous de la législation du code de la santé publique, le pharmacien est librement choisi par le patient, et ce portage ne saurait revêtir un caractère systématique : il doit répondre à un besoin ponctuel, de l’ordre du dépannage, en cas d’impossibilité de se déplacer. La Poste facture ce service 4,20 € TTC par livraison (l’équivalent du prix d’un recommandé), que le pharmacien est libre de répercuter ou non sur le prix de vente au patient. Actuellement, 220 pharmacies ont signé une convention avec La Poste.
Sont exclus de cette convention :
• la livraison de produits hors champ de compétence des pharmaciens d’officine ;
• les produits de la chaîne du froid ;
• la prise en charge de médicaments dont la livraison revêt un caractère d’urgence, non acheminables dans les délais prévus par la convention ;
• les produits stupéfiants et assimilés.
RepèreDispenser, c’est plus que délivrer
Selon l’article R. 4235-48 du code de la santé publique, l’acte de dispensation du médicament associe à la délivrance :
• l’analyse pharmaceutique de l’ordonnance médicale lorsqu’elle existe ;
• la préparation éventuelle des doses à administrer ;
• la mise à disposition des informations et les conseils nécessaires au bon usage du médicament.
Les limites du portage
Nichée à 1 350 mètres d’altitude au coeur de la vallée de l’Eau d’Olle, Oz-en-Oisans est une station de ski familiale. Pas la moindre pharmacie en vue, la première est à 10 km d’une route en lacets. Les résidents et les vacanciers n’ont pas le choix ; quand ils sont malades, ils doivent prendre le volant. Pour pallier cette situation, la pharmacie la plus proche avait instauré un service de portage pour les seuls traitements en automédication. Sur appel des patients, l’officine faisait livrer les médicaments, sous paquets scellés et nominatifs, à l’office de tourisme de la station, via un transport par une navette reliant Oz à la vallée. Grâce à ce système, le client récupérait et payait les médicaments commandés auprès de l’office de tourisme, qui reversait au pharmacien l’argent de la vente. Ce service ne donnait pas lieu à une facturation supplémentaire. Après plusieurs années de dépannage, le pharmacien titulaire a décidé d’arrêter, quand il a eu un doute sur la légalité de sa démarche.
A-t-il eu raison de mettre fin à ses services ?
L’avis de Michel Duneau, professeur émérite à l’université Paris-Descartes
Selon l’article R. 5125-49 du code de la santé publique qui encadre les conditions de la livraison à domicile, « les médicaments, produits ou objets ne peuvent être stockés et sont livrés directement au patient ». Le dépôt des médicaments à l’office de tourisme ne répondait donc pas à cette exigence. Toutefois, une telle pratique est admise par l’Administration dès lors que le pharmacien ne sollicite pas les commandes et que le libre choix du pharmacien par le malade est respecté. L’Administration prend également en considération le caractère gratuit de la prestation effectuée par la personne physique ou morale qui se charge de la réception des médicaments et de leur mise à disposition (l’office de tourisme). Mais cette solution, tirée d’une réponse ministérielle, a peu de poids juridique.
Une loi pour les droits des malades
L’article 223-1 de la loi Kouchner de 2002 a introduit la responsabilité du pharmacien. Le déconditionnementreconditionnement n’est faisable que si la pharmacie applique une procédure garantissant une traçabilité totale des médicaments. À défaut, le législateur a prévu un an de prison et 15 000 € d’amende pour toute personne « ayant exposé directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessure de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ».
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