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savoir dire non
Le refus de vente est une obligation légale à l’officine. Malgré tout, dire « non » est parfois difficile. Pour mieux faire passer le message sans perdre sa clientèle, une bonne formulation et une attitude cohérente de l’équipe sont indispensables.
La dernière fois, c’était il y a deux jours. Un patient voulait du Ketum gel sans ordonnance, j’ai dit non. » Anne, préparatrice en Alsace, n’hésite pas à manier le refus de vente : « Bien sûr, il a voulu voir la titulaire, mais elle a appuyé ma décision. » Agacé, le patient s’est résigné. Il sait qu’à la pharmacie, être client ne donne pas tous les droits. « Non, je ne ferai pas crédit », « Non, je ne peux vous livrer ce matin », il y a des « non » auxquels tout commerçant est confronté. Le « Non, je ne vous vendrai pas ce produit » est pour le moins une situation originale, apanage presque exclusif de l’officinal. Un paradoxe dû au statut singulier, à la fois commerçant et libéral, du pharmacien. Un devoir dicté par la déontologie et la législation (voir encadré p. 16). Quasi quotidiennement, les officinaux refusent de vendre ou d’avancer un produit. « Même si la situation est moins fréquente depuis que la réglementation s’est assouplie pour les traitements chroniques, elle reste récurrente, notamment pour les somnifères ou les pilules », remarque Francis, préparateur en Haute-Savoie. Contrepartie naturelle du monopole, le refus de vente est également un bastion de la profession contre les grandes surfaces et un outil garant de la santé publique.
Peur du conflit. Même légitime, le « non » n’est pas toujours facile à imposer au comptoir. Ni dans la vie quotidienne, d’ailleurs… « Ça n’est pas seulement lié aux situations professionnelles. Certains ont du mal à dire non, d’autres pas. Derrière se cachent des craintes personnelles », explique Agnès Rettel, psychothérapeute, coach et formatrice. Dans une approche purement psychologique(1), trois causes majeures expliquent cette difficulté : la crainte d’une autorité (du client ou du supérieur), la culpabilité (s’il n’a pas son médicament, c’est de ma faute…) et la peur de ne plus être aimé (il va me rejeter, ne plus vouloir que je le serve…). À cette peur du regard des autres s’ajoute le poids de l’éducation. « L’éducation, la politesse, la culpabilité judéo-chrétienne produisent des individus soumis », écrit la psychologue et clinicienne Marie Haddou(2), pour qui la période de l’opposition, entre l’âge de 2 et 3 ans, est déterminante. Si les interdits ont été trop excessifs, alors la passivité, le doute, la dépendance et l’évitement des conflits vont devenir comme une seconde nature. Claire, adjointe à Paris, avoue cette difficulté personnelle : « Quelquefois, je serais tentée de dire oui parce que j’ai peur de la réaction du client, j’ai peur du conflit dans la vie comme dans le travail ». Dans le contexte officinal, vient aussi se greffer la peur de perdre un client, qui n’hésite pas à balancer : « Ailleurs, ils me le donnent… » Peur fondée pour Odile, 63 ans, fidèle à sa pharmacie, mais qui n’hésiterait pas à en changer si on lui refusait l’avance de médicaments. « Pour certains titulaires, c’est même une peur viscérale », remarque Laurent, préparateur en Haute-Savoie.
Chantage et exigences. « C’est un traitement à vie », « Je ne vais pas me suicider », « Vous connaissez ma situation »… Ces ritournelles qui jouent sur l’affectif sont des refrains connus par cœur. « On touche à la santé, c’est sûr que c’est plus difficile de refuser dans notre profession », estime Francis. Pour Agnès Rettel, c’est avant tout une question de personne : « Le chantage fonctionne bien chez le professionnel dont le profil psychologique est orienté vers l’autre : si je n’aide pas, je ne suis pas utile, je n’existe plus ». Client roi (Je cotise, moi !), superstar (Depuis que je me sers chez vous !), victime (Le médecin ne comprend pas !)… , tous les coups sont permis pour vous faire flancher. « Le patient est passif, on lui doit sa santé. S’il en était davantage acteur, il aurait moins de mal à comprendre le non ! », poursuit Francis. Sans compter la logique sociale et économique actuelle qui sème la confusion. D’un système sans prix dans lequel tout était dû, les patients doivent aujourd’hui payer, de plus en plus. « Normal qu’ils soient plus exigeants. Puisqu’ils payent, pourquoi leur refuserait-on », ironise Laurent.
« Cuisine » personnelle. « Entre la peur de perdre les clients et l’envie de rester en accord avec la réglementation, il faut faire sa “cuisine”, ménager la chèvre et le chou et être le plus juste possible », reconnaît Laurent. Il est difficile pour le patient d’entendre « non », parce qu’il sait que dans certaines situations, on pourrait lui dire « oui ». Comme l’explique Lionel Dany, enseignant en psychologie sociale (voir encadré p. 19), nous sommes des êtres sociaux, capables de contourner les règles quand cela semble juste. Nombreux sont les paramètres qui entrent alors en jeu pour faire sa cuisine interne. Pour Laurent, le médicament est déterminant : « Les anxiolytiques, il n’y a rien de vital, c’est facile de dire non. C’est plus délicat avec les traitements cardio. » Pour Claire, cela dépend du type de pharmacie : « C’est facile parce que j’exerce dans des pharmacies de passage. Il y a peu de rapport affectif avec les patients. » Et puis, bien sûr, il y a le bon sens : « On ne laisse pas une gamine sans pilule », assure Francis.
Le « non » positif… Dire non au comptoir peut avoir des effets positifs. Le « non » professionnel diffère du « non » personnel car il est rémunérateur, écrit Marie Haddou(2). C’est d’abord la crédibilité de la pharmacie qui est en jeu. Émilie, 34 ans, se souvient du jour où on lui a refusé une boîte de Stilnox pendant ses examens. « J’étais furax, mais avec le recul, je sais que c’est normal car même si on a parfois tendance à l’oublier, ce n’est pas un commerce comme les autres ». Pour Sophie, préparatrice, le confort de travail en dépend également. Depuis l’arrivée de ses nouveaux titulaires, le cadre réglementaire prime : « Au départ, les gens étaient déroutés mais, finalement, on a beaucoup moins de conflits. » Au plan personnel, savoir dire non est paradoxalement une manière de se faire accepter. Refuser permet de rester cohérent avec soi-même (Je refuse ce qui ne me convient pas, j’évite la frustration) et de maintenir sa crédibilité en donnant de la valeur à un oui ultérieur (Quand j’accepterai, c’est que je jugerai que c’est bien pour vous). Récemment, Sophie a accepté de délivrer des bas sans faire payer le dépassement : « J’ai cédé un peu par pitié, mais je sais qu’il ne paiera pas, je me sens coupable ». Quand il n’est pas reconnu comme service, le « oui » peut être destructeur, souligne Agnès Rettel : « C’est vécu comme un manque de reconnaissance professionnelle et humaine, “je me suis fait avoir”, on s’en veut à soi. »
La manière de dire. Laurent le sait, « savoir dire non au comptoir est tout un art, c’est quand même une fin de non recevoir. » Pour le patient, entendre « non » est difficile. « De la même façon qu’on a peur d’être rejeté quand on dit non, quand on nous dit non on ne se sent pas reconnu », explique Agnès Rettel. Le premier réflexe consiste à contourner le « non » frontal : « Vous savez bien que j’ai besoin d’une ordonnance. » Si la personne insiste, utiliser une technique d’affirmation de soi, comme celle du disque rayé, est parfaitement adapté (voir encadré p. 15). En parallèle, « le non doit être pédagogique, il faut expliquer pourquoi la demande est préjudiciable », conseille Laurent. Attention cependant au choix des arguments, le registre économique ne fait pas mouche. « Expliquer qu’on va perdre de l’argent, ça ne les touche pas », explique Sophie, qui préfère se focaliser sur la réglementation et un éventuel préjudice pour leur santé. Dans le cas récurrent du Monuril, elle explique que même si les deux dernières cystites ont nécessité cet antibiotique, elle ne peut faire courir le risque de mal soigner cette nouvelle crise et ça passe mieux. « Expliquer, oui, se justifier, non ! met en garde Agnès Rettel. Sinon, on donne à l’autre le message qu’on a tort. » Si les choses s’enveniment, mieux vaut couper court. En travaillant dans un quartier sensible comme Pigalle, à Paris, Claire, adjointe, a connu les hurlements et les menaces : « Sur un terrain glissant, je ferme directement la conversation, négocier ne sert à rien. »
Des portes de sortie. Pour Francis, le déroulé suit le même principe que pour toute vente (« Je n’ai pas exactement ce que vous demandez mais j’ai quelque chose d’équivalent »). Se poser en aidant et proposer une solution alternative permet de gagner sur trois tableaux : offrir une porte de sortie, montrer son intérêt et faire comprendre que c’est la demande qui est rejetée, et non la personne. Néanmoins, si le patient reste sourd, il y a fort à parier qu’il jouera la carte de la culpabilité (« Si je ne dors pas cette nuit, ce sera de votre faute ! ») Pour Agnès Rettel, il ne faut surtout pas entrer dans cette discussion : « Il faut casser les liens ’il est malade il y a le droit’. S’il ne dort pas cette nuit, c’est qu’il n’est pas allé voir le médecin, c’est tout. » Une autre porte de sortie consiste à faire intervenir un tiers, un collègue, le titulaire ou encore le médecin qu’on appelle. Claire s’en remet souvent au titulaire : « S’il est là, je préfère le laisser gérer. Cela évite des négociations inutiles. » Le niveau de responsabilité influe aussi de manière importante dans la gestion du refus. Pour Anne, jeune salariée, être préparatrice est plutôt confortable : « Je ne donne rien sans l’aval du pharmacien, c’est sa responsabilité. » Certains collaborateurs avouent d’ailleurs ôter leur code de l’ordinateur quand la décision vient d’en haut. D’autres, après des années d’exercice dans une même officine, peuvent se permettre une liberté individuelle de décision. Mais engager la responsabilité du titulaire en plus de la sienne peut alors être vécu comme une situation complexe : « Entre le marteau et l’enclume, il y a le préparateur. Notre responsabilité est mal connue du public, remarque Laurent. Mais si c’est toujours le titulaire qui tranche, le danger est qu’on perde toute crédibilité. »
De la cohérence ! L’écueil à éviter est le cas où l’un dit « non », puis l’autre dit « oui ». Qu’il s’agisse du titulaire ou d’un collègue, plus conciliant. Comme beaucoup, Claire a vécu la scène : « C’est insupportable, j’ai l’impression d’être une potiche ! » Dans ce cas, gare à la démotivation des troupes. « Si l’équipe n’est pas cohérente, c’est très mauvais psychologiquement. Cela discrédite le collaborateur et laisse une faille », met en garde Agnès Rettel. C’est une attitude à bannir, quitte à en discuter ensuite, mais jamais devant le patient. Laurent mesure sa chance d’avoir des titulaires qui en sont conscients : « Même s’ils disent oui au final, ils disent clairement que c’est nous qui avons raison de refuser. » Une ligne de conduite décidée après discussion avec ses titulaires. C’est à eux de se positionner sur le sujet, l’idéal étant de « professionnaliser » la réponse. Pour Martine Costedoat (voir encadré p. 18), l’indication est toute trouvée pour une démarche qualité : « En s’appuyant sur des instructions du titulaire, une bonne répartition des compétences et une définition préalable des responsabilités, on homogénéise les réponses pour la plupart des situations. ». De quoi colmater les principales failles et offrir à tous les collaborateurs en situation de refus un confort de travail optimal.
Remerciements à Agnès Rettel, psychothérapeute, coach et formatrice, et à Marie-Hélène Gauthey, directrice associée et formatrice d’Atoopharm
(1) D’après Savoir et oser dire non, par Sarah Farmery, psychologue et sociologue, Éditions Eyrolles.
(2) Savoir dire non, apprendre à refuser pour enfin s’affirmer, par Marie Haddou, psychologue et clinicienne, Éditions Flammarion.
7 clés pour dire non sans se fâcher !
1 Rester calme mais ferme, regarder le patient dans les yeux.
2 Écouter attentivement la demande, faire comprendre qu’on la prend en compte, et la reformuler : « J’entends bien votre demande, vous aimeriez cet hypnotique alors que vous n’avez pas d’ordonnance ».
3 Éviter le « non » frontal, expliquer les raisons de votre refus : « Vous savez bien que j’ai besoin de cette ordonnance pour vous délivrer ce type de produit ».
4 Utiliser la technique du disque rayé : répéter votre message en changeant la façon de le dire. « Je reconnais que c’est difficile pour vous d’attendre demain mais vous savez bien que je n’ai pas le choix. »
5 Proposer une alternative : « Je vous propose en attendant ce produit qui ne requiert pas d’ordonnance. »
6 Ne pas hausser la voix, ne pas menacer.
7 Couper court après 2 ou 3 disques rayés : « Vous acceptez ma proposition ou on attend votre ordonnance ? »
Quand doit-on ou peut-on refuser de vendre ?
Un devoir pour l’officinal
Le code de la consommation (article L. 122-1) interdit le refus de vente, « sauf motif légitime », notion dans laquelle s’inscrit le comportement de l’officinal. Par ailleurs, selon le code de la santé publique (article L. 4211-1 CSP), l’acte pharmaceutique ne consiste pas à vendre un médicament ou un produit du monopole mais à en effectuer la dispensation avec tout ce que cela implique, en particulier le refus de vente dans l’intérêt du patient. C’est l’une des contreparties du monopole.
Les raisons de refuser
1. L’application de la loi
Le non respect des dispositions réglementaires, relatif notamment aux substances vénéneuses, devrait motiver de façon systématique un refus de vente, tant pour les demandes spontanées (produits listés ou dose d’exonération dépassée) qu’en cas de prescription non conforme (loi Talon, durée de traitement…)
2. En cas de faux
Doit être refusée toute ordonnance volée, falsifiée, dupliquée, photocopiée ou télécopiée. De même, selon l’article 222-37 du code pénal, les ordonnances de stupéfiants, même authentiques, doivent être refusées si elles constituent vraisemblablement des ordonnances de complaisance.
3. Le caractère anormal de la demande
Le caractère anormal d’une demande constitue un motif légitime de refus de vente, la déontologie pharmaceutique l’obligeant même parfois. Il s’agit par exemple de produits détournés de leur fonction première (anabolisants, stupéfiants, anorexigènes…), d’un acte inhabituel (vente de gélules vides…), ou de préparations incluant des plantes ou des produits dont le contrôle est impossible.
4. Le caractère dangereux de la prescription
Le pharmacien est responsable de la dispensation malgré la prescription médicale, et peut donc en refuser l’exécution. « Lorsque l’intérêt de la santé du patient lui paraît l’exiger, le pharmacien doit refuser de dispenser un médicament. Si ce médicament est prescrit sur une ordonnance, le pharmacien doit immédiatement informer le prescripteur de son refus et le mentionner sur l’ordonnance » (CSP, article R. 4235-61).
– Et quand le médecin écrit « je dis » ?
Cette formule écrite a pour seul but d’attirer l’attention sur une posologie élevée ou un souhait du prescripteur (chevauchement…), mais ne permet pas de s’affranchir de la réglementation.
– Et s’il dépasse la dose maxi ?
Le médecin garde le droit de dépasser la dose maximale prévue par la pharmacopée française ou dans les RCP, il doit alors l’écrire en toutes lettres.
5. Convictions religieuses ou morales ? Non recevables
Le problème se pose notamment pour les produits ou dispositifs à action contraceptive ou abortive. Considérant la situation de monopole pharmaceutique, la jurisprudence la plus récente penche pour exclure ce type de refus de l’exercice officinal. Concernant les produits abortifs, le pharmacien ne bénéficie pas d’une clause de conscience.
– Peut-on délivrer hors cadre réglementaire si la personne est en danger ?
Oui, selon l’article R. 4235-7 du code de la santé publique, « Tout pharmacien doit, quelle que soit sa fonction et dans la limite de ses connaissances et de ses moyens, porter secours à toute personne en danger immédiat, hors le cas de force majeure ». Tel le cas du bronchodilatateur à un patient en crise d’asthme.
Source : L’exercice officinal, droits et devoir du pharmacien, Michel Duneau, professeur émérite de l’université Paris-Descartes. Consultable en ligne pour les abonnés sur le site www.wk-pharma.fr
Quelles responsabilités pour le préparateur ?
« Je suis préparateur, quel risque je prends en cas de non respect de la législation ? »
Si vous contournez la législation pharmaceutique (fermer les yeux sur une ordonnance périmée, délivrer sans prescription quand elle est nécessaire, contourner la loi Talon, etc.), vous engagez votre responsabilité. Si le client subit un dommage, il peut se retourner contre vous et contre le titulaire. Votre responsabilité pénale et/ou civile peut être engagée en cas de plainte devant les tribunaux.
« Et si c’est le titulaire qui me le demande »
Vous devez strictement et fermement refuser. Le titulaire est le chef d’entreprise, mais son pouvoir de direction a des limites, notamment s’il vous demande de contourner la législation. D’un point de vue du droit du travail, vous ne risquez ni sanction disciplinaire, ni licenciement, pour ne pas exécuter des ordres contraires à la loi.
Fabienne Rizos-Vignal
Martine Costedoat, pharmacienne, spécialiste de la qualité à l’officine, coordinatrice nationale du projet Pharma système qualité“Une démarche qualité est parfaitement adaptée au refus de vente”
A quoi sert une démarche qualité dans le cas du refus de vente ?
Une démarche qualité permet d’homogénéiser la réponse de l’équipe. Si elle est bien menée, on peut espérer couvrir environ 80 % des situations de refus. C’est primordial pour assurer un bon confort de travail. C’est utile aussi au nouveau collaborateur, qui sait tout de suite comment on travaille dans cette officine.
Comment procéder ?
Le refus peut tout à fait être un thème de réunion d’équipe à l’issue de laquelle on va proposer une procédure. La marche à suivre est, dans l’ordre : identifier les demandes les plus courantes, préciser le cadre réglementaire existant, définir qui dit quoi et quand, élaborer un questionnement type (Pourquoi cette demande ? Prenez-vous ce produit ?…) et définir de qui doit venir l’aval final, et dans quel cas. La procédure est ensuite enrichie dès qu’une nouvelle situation à problème se présente.
Que faire quand, malgré tout, un conflit éclate avec un client ?
Certaines situations qui conduisent au « clash » sont l’occasion de faire une fiche de dysfonctionnement, c’est-à-dire de noter la situation pour l’analyser à froid en commun. Est-ce un problème de communication, de personne ? On cherche pourquoi et non par qui c’est arrivé, pour avancer en déculpabilisant le collaborateur concerné. La procédure est ensuite enrichie.
Lionel Dany, maître de conférences en psychologie sociale de la santé à l’université d’Aix-Marseille (Bouches-du-Rhône)“Parfois, nous disons oui parce que nous sommes des êtres sociaux, capables d’évaluer les personnes et les demandes”
Comment expliquer qu’on soit parfois amené à dire « oui » hors réglementation ?
Pour toutes les professions, il y a des normes plus ou moins restrictives, qui s’appuient notamment sur le droit. Mais on sait qu’en pratique, on s’autorise une marge de manœuvre. Les règles peuvent être contournées à condition que le professionnel, qui est responsable, puisse rationaliser sa décision : je rends service et je juge que ce n’est pas grave.
Comment rationaliser cette marge de manœuvre ?
Selon un ensemble de logiques personnelles. Derrière un « oui », il y a un « mais » très important : « Mais je connais la personne », « Mais ce n’est pas dangereux »… Néanmoins, il y a aussi des logiques collectives. Si on interrogeait de nombreux officinaux, on s’apercevrait que leurs marges de manœuvre sont plus ou moins semblables. Il y a des interdits non dépassables, d’autres oui.
Sur quoi s’appuie cet ensemble de logiques ?
Sur notre capacité en tant qu’êtres sociaux à évaluer les personnes et les demandes. C’est ce qu’on appelle les théories implicites de la personnalité : elles donnent une représentation globale de la personne et structure notre relation à l’autre. Par exemple, le type de médicament est porteur d’une identité qui affecte les clients. C’est plus facile de dire non à un toxicomane qui demande une avance de substitution qu’à un patient qui réclame son Tahor. À cause de la réglementation très stricte, mais également à travers la représentation de la personne, l’éventuel usage détourné du traitement.
Ces représentations sont-elles spécifiques au secteur de la santé ?
Non, mais la relation patient-soignant joue un rôle qui n’est pas neutre. Reprenons l’exemple du patient qui demande du Tahor, il veut éviter la rupture d’observance et montre ainsi une volonté de se prendre en charge ; cela ajoute un élément à notre évaluation.
Chaque décision est donc à prendre au cas par cas ?
À chaque fois, c’est un « bricolage » cognitif, psychologique et social, une situation à risque dont il faut faire une évaluation. Mais pour chacune, nos représentations préexistent, ce qui explique qu’il y a des régularités, des règles de conduite que l’on doit retrouver dans chaque officine.
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