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Risque de surchauffe

Publié le 28 juin 2014
Par Christine Julien
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Lutter contre l’ignorance et l’isolement est l’objectif des recommandations sanitaires du plan national canicule 2014 du Haut conseil de la santé publique. Tout est fait pour éviter que la catastrophe de l’été 2003 ne se reproduise.

L’année 2003 reste gravée dans tous les esprits. Une canicule exceptionnelle s’est abattue cet été-là, fauchant plus de 14 800 personnes en France, la plupart malades, âgées, mais pas toutes. La chaleur, exceptionnelle par son intensité et sa durée, s’est accompagnée d’une vague de surmortalité. « Mais elle n’aurait pas tué autant sans deux renforts de poids : l’ignorance et l’isolement », constate lucidement le Pr Jean-Louis San Marco, en préambule des Recommandations sanitaires du plan national canicule 2014, publiées en mai par le Haut conseil de la santé publique (HCSP). Ce guide de 158 pages vient en complément du Plan national canicule, dont l’objet est d’anticiper l’arrivée de « la petite chienne » ou canicula (voir encadré) et de définir les actions pour prévenir et limiter ses effets sanitaires. 2006, puis 2010, 2012 et 2013, d’autres années chaudes, ont prouvé que la vigilance reste de mise.

Deux risques vitaux liés à la chaleur

Les premières recommandations du Haut conseil de la santé publique datent de fin 2003. Réactualisées en 2007, elles le sont à nouveau pour tenir compte des évolutions sociétales, notamment les populations spécifiques et les situations de vulnérabilité. « Le fond n’a pas vraiment changé. Nous avons juste essayé de bien mettre en évidence les deux risques vitaux liés à la chaleur : le risque d’épuisement/déshydratation et le risque de coup de chaleur, parce que les populations à risque ne sont pas exactement les mêmes et les mesures de prévention dépendent du risque encouru (voir p. 7) », explique le Dr Dominique Bonnet-Zamponi, gériatre, membre de la commission sécurité du patient dans le cadre du plan canicule du HCSP et copilote du projet avec le Pr San Marco. La connaissance ne suffit pas, la solidarité est essentielle pour prévenir les risques. « Si chacun repérait dix personnes un peu seules dans son entourage et se demandait comment prendre de leurs nouvelles pendant une vague de chaleur, plus personne ne serait isolé », suggère la gériatre.

Chaud, mais comment ?

Prévenir et entourer les personnes à risque, d’accord, mais quand commencer ? Autant la canicule se définit comme un niveau de très forte chaleur le jour et la nuit, avec une température qui ne descend pas ou très peu, pendant au moins trois jours consécutifs, autant il est difficile de savoir quand aborder cette question au comptoir et avec qui. « Si on veut que les mesures de prévention soient efficaces, il ne faut pas attendre l’alerte canicule (voir p. 5). En fait, dès qu’il y a une température un peu inhabituelle, la prévention est mise en place, propose le Dr Bonnet-Zamponi. Il est important, avant même que l’été commence, de se renseigner sur ce qu’il faut faire ». À charge pour les officinaux, acteurs de santé publique, de s’informer via Météo France du niveau de vigilance de leur région, suggère la gériatre. Le guide du HCSP propose ainsi des « fiches actions » ciblées grand public, travailleurs, sportifs, professionnels du soin et acteurs de collectivité, etc., et des « fiches techniques » avec rappels de physiopathologie, informations sur la conservation des aliments et des médicaments, sur l’hydratation, etc., pour adopter la conduite à tenir en prévention et en cas de vague de chaleur.

Des fiches pratiques et touffues

La « Fiche destinée aux pharmaciens d’officine et leurs équipes » synthétise, sur six pages, la conduite à tenir pour les personnes en bonne santé et les malades chroniques « Nous avons essayé de mettre ce qui était le plus pertinent. Ainsi, si les officinaux arrivent à repérer les personnes les plus à risque, à les informer et à faire en sorte qu’elles ne soient pas isolées, ce sera déjà très bien », explique le médecin. La check-list ( voir ci-contre ) me paraît l’outil le plus adapté pour eux ».

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Si le document du HCSP pullule d’informations concrètes et très intéressantes pour tous, reste à l’équipe officinale d’adopter les recommandations idoines. Pour cela, mieux vaut se reporter à la fiche « grand public » ou en lire d’autres pour y puiser des conseils quant la quantité d’eau à boire selon que le patient est âgé ou insuffisant cardiaque. « C’est assez simple, argumente le Dr Bonnet-Zamponi. D’un côté, les personnes qui ne peuvent transpirer normalement – personnes âgées, les malades, et celles prenant des traitements – risquent essentiellement le coup de chaleur et doivent veiller à bien se mouiller la peau, à se ventiler pour “remplacer” la sueur qui leur fait défaut, se protéger de la chaleur, boire 1,5 litre et manger normalement. De l’autre, les personnes qui transpirent normalement, sportifs, travailleurs, enfants et adultes en bonne santé, pour qui les mêmes consignes sont applicables sauf qu’elles auront à boire énormément pour compenser leurs pertes sudorales ». Et de rappeler l’importance de manger car sans sel pour retenir l’eau, on ne s’hydrate pas.

Quelques dépliants à la rescousse

Il est à regretter que toutes ces consignes et astuces ne soient pas réunies au même endroit pour l’officinal. Les documents mis à disposition par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes)(1) à destination des adultes et enfants, travailleurs, sportifs et personnes âgées restent d’actualité. Ils peuvent servir de support à la discussion et à la transmission de l’information à la pharmacie. Il est à noter que, vis-à-vis d’une personne malade, quel que soit son âge, les recommandations à délivrer sont les mêmes que pour les personnes âgées. « Une refonte des documents de l’Inpes est en cours pour être plus proche des recommandations révisées. Ils seront disponibles à l’été 2015 », précise le médecin. Tandis que l’ANSM publiait, en juin, sur son site www.ansm.sante.fr, son Bon usage des médicaments en cas de vague de chaleur, avec en annexe des indications sur leur condition de conservation. Attention aux médicaments à conserver entre + 2 et + 8 °C. Les délivrer que si le client rentre tout de suite pour les mettre au milieu de son réfrigérateur !

(1) sur www.inpes.sante.fr, tapez « canicule » dans le moteur de recherche.

La canicule

→ Canicule vient de canicula (petite chienne), étoile la plus brillante de la constellation du Grand Chien. La canicule concerne à l’origine la période du 24 juillet au 24 août, dates entre lesquelles cette étoile se couche et se lève en même temps que le soleil, et jours les plus chauds de l’année.

→ Le plan national canicule s’articule avec les quatre couleurs de vigilance météo : vert (veille saisonnière, niveau 1) ; jaune (avertissement chaleur, niveau 2 : pic de chaleur limité à 1 ou 2 jours) ; orange (niveau 3 : alerte canicule) ; rouge (niveau 4 : mobilisation générale).

→ « Canicule info service » : 0 800 06 66 66 : du 1er juin au 31 août, lundi-samedi 8h-20 h : messages, réponses aux questions, recommandations (pas de régulation médicale).

Check-list des personnes à risque

→ Critères de risque : polymédication ; prise de psychotropes ; prise de diurétiques ; difficultés pour gérer son traitement/suivi médical épisodique ; automédication ; maladie neurodégénérative dont démence ; maladie psychiatrique y compris dépression majeure ; âge dès 75 ans avec hospitalisation récente (6 mois) ; consommation avérée ou suspectée d’alcool et autres toxiques ; les 65 ans et plus vivant seul et/ou malade chronique et semblant isolé ; couple dont le conjoint est atteint de troubles de la mémoire.

→ Si un critère est présent, posez trois questions pour déterminer le niveau de connaissances. Quelle quantité d’eau devez-vous boire tous les jours en cas de période de chaleur ? Pensez-vous qu’il soit aussi important de manger que de boire en période de chaleur ? Quelles sont les principales actions à mettre en place dans votre logement ?

→ Rappelez les consignes mal connues et donnez le dépliant de l’Inpes La canicule et nous. Comprendre et agir.

Si je suis insuffisant cadiaque…

Explications du professeur Michel Galinier, chef de service de cardiologie, CHU Rangueil, Toulouse (31). « En cas de grosses chaleurs, le risque est double chez un insuffisant cardiaque. Une hypernatrémie par déshydratation en raison du diurétique ; une déshydratation peut être grave et générer une insuffisance rénale fonctionnelle, notamment s’il a des médicaments hyperkaliémiants (IEC, antagoniste de l’angiotensine II, anti-aldostérone). Il faut le mettre en garde sur le risque d’hyperkaliémie en période de canicule. Il est aussi à risque d’hyponatrémie de dilution, associée à des œdèmes et à plus d’essoufflement s’il boit trop d’eau, en raison de la sécrétion d’hormone antidiurétique. Dans les deux cas, il doit consulter son médecin généraliste. Mieux vaut diminuer les diurétiques que faire trop boire. En général, 1,5 l/j, voire 2 l en cas de canicule ».