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Rechargez vos batteries et gagnez en performance

Publié le 1 octobre 2023
Par Yves Rivoal
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Avec pour point d’orgue les Jeux olympiques de Paris, l’année 2024 sera placée sous le signe du sport. L’occasion de rappeler que sa pratique constitue un levier de management efficace. À plus d’un titre.

Le développement de la pratique sportive au sein d’une entreprise revêt plusieurs enjeux sur le plan managérial. « Le premier, c’est celui de la cohésion d’équipe, rappelle Camy Puech, président fondateur du cabinet Qualisocial, spécialisé dans le bien-être et la santé mentale au travail. Lorsque des salariés se retrouvent pour jouer ensemble au foot ou au tennis, cela contribue à instaurer de meilleures relations et davantage de solidarité entre les collaborateurs. » Pour nourrir cette cohésion, plusieurs leviers peuvent être activés. « Le titulaire de la pharmacie peut, par exemple, organiser des jeux multisports ou des défis d’entreprise, payer l’inscription des salariés souhaitant participer à un semi-marathon, et leur offrir les services d’un coach pour les aider à le préparer ensemble, suggère Camy Puech. Le plus important étant d’ancrer la démarche dans un esprit « UCPA », en privilégiant la pratique sportive à la compétition. » Message reçu cinq sur cinq à la pharmacie Grand Place à Grenoble (Isère), où la moitié des 30 collaborateurs s’adonne régulièrement à un sport et court, chaque année, en relais pour Octobre rose, campagne de sensibilisation au dépistage du cancer du sein. « Nous les emmenons aussi, de temps en temps, pratiquer le basket en fauteuil roulant à l’Asvel, club de Villeurbanne (Rhône), ou faire du kart, confie Jean-Yves Thierry, cotitulaire de l’officine. Ces moments de sport en dehors du cadre professionnel sont très appréciés des salariés. Ils permettent de casser la routine et la distance que l’on s’impose au travail. En ce sens, le sport est un facteur qui participe à la cohésion de l’équipe. » À la pharmacie Apothical Carré Sénart de Lieusaint, en Seine-et-Marne, plusieurs salariés s’entraînent également pour courir ensemble le semi-marathon d’Octobre rose, alors que l’officine vient de lancer un espace dédié aux prothèses mammaires. « Au sein de l’équipe, nous sommes aussi quatre licenciés dans le même club de foot et jouons une fois par mois en salle, précise Adrien Soumet, le titulaire. Le fait de partager une même passion et d’être supporters de clubs différents permet de tisser des liens, et les discussions autour de la saison de football rythment souvent le quotidien de la pharmacie. »

Des salariés moins stressés.

Le sport, au même titre que la nutrition ou le sommeil, participe aussi au bien-être des collaborateurs. « Lorsque l’on a un esprit sain dans un corps sain, on est plus productif au travail, et mieux protégé contre les risques liés à l’obésité ou au stress, rappelle Camy Puech. Le sport se révèle par ailleurs un formidable régulateur des tendances anxieuses ou dépressives, qui ont fortement augmenté après la pandémie de Covid. Les titulaires auraient par conséquent tout intérêt à favoriser l’activité physique et sportive de leurs collaborateurs. » Pour ce faire, le président de Qualisocial conseille des méthodes simples. « Le pharmacien peut, par exemple, offrir à ses salariés un abonnement à la salle de sport, des chèques cadeaux intégrant dans leur offre une catégorie “sport”, ou participer à l’achat des chaussures de running ou de foot… » suggère-t-il. À la pharmacie Lafayette des Terrils à Liévin (Pas-de-Calais), Nicolas Bonafos et Christophe Karas ont eu un temps le projet d’installer une petite salle de sport dans leur officine. « Mais par manque de place, nous avons dû y renoncer, explique Nicolas Bonafos, qui a lui-même pratiqué le tennis à un niveau national (deuxième série), le golf à un index à un chiffre, et qui fréquente assidûment les salles de sport. Nous avons simplement installé un vélo d’appartement dans la salle de pause. Certains salariés l’utilisent après le déjeuner, puis vont ensuite se doucher dans la pièce d’à côté avant de reprendre le travail. » Les deux titulaires offrent également à leur équipe un abonnement au comité d’entreprise Wiismile. « Nous versons 10 euros tous les mois sur le compte de chaque collaborateur, confie le pharmacien. Certains d’entre eux s’en servent pour payer une partie de leur abonnement à la salle de sport. »

Une bonne ambiance au sein de l’équipe.

Le sport constitue également un formidable levier pour atténuer la morosité environnante. « D’après ce que je perçois du travail en officine, les salariés sont exposés à plusieurs facteurs de risques : la relation au public, la confrontation à la souffrance de patients atteints de pathologies parfois lourdes, des tâches répétitives, un devoir de discrétion qui ne permet pas de « lâcher prise » en plaisantant avec ses collègues… énumère Camy Puech. Tout cela peut provoquer rapidement un sentiment de routine, surtout chez les jeunes générations. Or, lorsque vous favorisez la pratique sportive, vous luttez contre l’ennui au travail, tout en favorisant l’instauration d’une bonne ambiance au sein de l’équipe. Et la bonne ambiance, c’est comme la dépression, c’est extrêmement contagieux, et les clients apprécient », rappelle le spécialiste du bien-être professionnel.

Dans son officine, le titulaire Nicolas Bonafos mesure au quotidien les vertus d’avoir une équipe sportive, les trois quarts de ses 25 collaborateurs pratiquant un sport régulièrement. « Il règne chez nous une atmosphère que j’ai rarement connue ailleurs, assure le pharmacien. J’ai la chance d’avoir des salariés qui ont toujours envie de se dépasser, de progresser – deux qualités inhérentes à la pratique sportive –, et qui ont en plus un vrai sens du collectif. Dès que l’un d’entre eux se sent moins bien au travail ou sur le plan personnel, il y a toujours une personne pour l’épauler. »

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Un argument pour le recrutement.

La pratique d’un sport a aussi des incidences sur la fidélisation et le turnover. « Lorsque vous vous sentez bien dans une entreprise, qui prend soin du bien-être de ses salariés, vous avez en général moins envie de la quitter », rappelle Camy Puech. Un credo qui s’applique à la pharmacie d’Adrien Soumet. « J’ai la chance d’avoir une équipe très stable, confie le pharmacien. J’ai donc la sensation d’être moins exposé que d’autres aux difficultés de recrutement. » Pour Camy Puech, le sport peut d’ailleurs constituer un argument dans la stratégie de recrutement. « Lorsque vous annoncez à un pharmacien ou à un préparateur, pendant un entretien, qu’il pourra s’adonner à un sport avec ses collègues, ou que dans le cadre du package de sa rémunération, il bénéficiera d’une aide financière à la pratique sportive, ce sera perçu comme un élément différenciant à même de séduire », assure l’expert en bien-être au travail. Dans le cadre d’un recrutement, Nicolas Bonafos reconnaît que la pratique d’un sport est un élément qu’il regarde toujours sur un CV. « Lorsque vous vous entraînez régulièrement, vous développez des valeurs qui sont aussi importantes en entreprise : la volonté, la ténacité, l’envie d’apprendre et de progresser. J’ai donc en général un a priori plutôt favorable pour ce type de profils car je sais qu’ils ne lâcheront rien, même dans la difficulté », concède le pharmacien. Adrien Soumet est sur la même longueur d’onde. « La pratique du sport n’est pas un critère obligatoire, mais c’est toujours un sujet que j’aborde pendant les entretiens d’embauche, au même titre que les voyages ou les activités culturelles. Quand vous intégrez des profils et des vécus différents, cela nourrit les conversations du quotidien, confie le titulaire, en reconnaissant également avoir un faible pour les candidats qui pratiquent un sport collectif. Lorsque vous jouez au football, au basket ou au rugby, comme c’est le cas au sein de mon équipe, vous développez des qualités d’entraide, vous savez vous fondre dans une équipe, et vous mesurez à quel point la cohésion de groupe, c’est important. Toutes ces qualités sont précieuses en entreprise, où chacun doit être à son poste et effectuer les tâches qu’il sait faire. Par exemple, au football, si vous mettez un attaquant à la place du goal ou un défenseur en attaque, cela ne marchera pas. Dans une officine, c’est la même chose. J’essaie donc d’attribuer des tâches en fonction des qualités de chacun, ce qui nécessite d’être à l’écoute de ses équipes. » Ce n’est donc pas un hasard si son établissement compte dans ses effectifs quelques sportifs de haut niveau. « Un de nos pharmaciens, Antoine, a été champion d’Essonne de VTT et a fini dans les 20 premiers aux championnats de France, rapporte Adrien Soumet. Un autre, Thavisay, a fini troisième aux championnats de France et cinquième aux championnats du monde de fitness en 2022. Nous avons aussi Juliana, une vendeuse, qui joue au football en club. »

Un effet positif sur l’activité de l’officine.

Jean-Yves Thierry se refuse, pour sa part, à ériger le sport en critère de recrutement. « Vous avez des salariés pétris de qualité qui ne pratiquent aucun sport, et des sportifs qui se révèlent de piètres collaborateurs », note ce pharmacien, qui courait en moins de trente minutes le 10 000 mètres et qui a terminé parmi les 20 premiers dans des triathlons internationaux. Cela étant dit, sa dernière recrue a été embauchée en grande partie pour ses qualités de sportive. « En juillet dernier, nous avons recruté Ingrid Tanqueray, une basketteuse professionnelle de l’Asvel qui vient de mettre un terme à sa carrière à 35 ans, explique le pharmacien qui est, à titre personnel, actionnaire et sponsor dudit club, et sponsor des clubs de rugby du LOU et de Grenoble. Lorsqu’elle m’a parlé de ses projets de reconversion professionnelle, je lui ai trouvé des partenaires pour financer ses deux années d’études en master de management à l’EMLyon. Dès qu’elle a eu son diplôme, je lui ai proposé de devenir la DRH des sept officines dans lesquelles je suis actionnaire. Je suis en effet persuadé que les qualités qu’elle a développées en tant que meneuse et capitaine pourront nous être très utiles pour embarquer les collaborateurs, et nous aider à relever de nouveaux challenges. » Cette passion du sport a conduit Adrien Soumet à prendre une loge en tribune au stade de l’Abbé-Deschamps de l’AJ Auxerre, club qu’il supporte depuis toujours. « Comme cela, je peux amener à tour de rôle tous les salariés, y compris les femmes, voir les matchs et partager un cocktail dînatoire dans les salons VIP dans une ambiance familiale. Pour leur plus grand plaisir… » confie-t-il.

Cette appétence pour le sport peut enfin avoir des incidences positives sur l’activité même de l’officine. Dans sa pharmacie, Nicolas Bonafos a développé un gros rayon sport sur plus de 200 mètres linéaires. « Pour l’animer et le développer, j’ai constitué en 2018 un binôme composé de Clément, un préparateur que j’ai recruté en grande partie parce qu’il faisait beaucoup de sport en salle, et Aurore, la préparatrice qui était déjà responsable de la formation, de la micronutrition, de l’aromathérapie et de la phytothérapie. Depuis le départ récent de Clément, Aurore a repris le flambeau seule, avec brio. Aujourd’hui, grâce à l’expertise que nous avons développée en conseil, à la profondeur de l’offre et à notre positionnement prix, le rayon sport est celui qui génère le plus de sorties et de chiffre d’affaires », se félicite Nicolas Bonafos.

infos clés

1 Pratiqué au sein de l’entreprise, le sport constitue un formidable levier pour renforcer la cohésion d’équipe.

2 Au même titre que la nutrition ou le sommeil, il participe au bien-être des collaborateurs et donc à leur productivité.

3 La pratique sportive en général permet de lutter contre l’ennui au travail et d’instaurer une bonne ambiance au sein des équipes.

4 Le sport en entreprise a aussi des incidences sur la fidélisation, le turnover, et constitue un élément différenciant lors des recrutements.

En plus

Laf Santé cultive la fierté d’appartenance

Dans le cadre de la politique responsabilité sociétale des entreprises engagée il y a deux ans, Laf Santé multiplie les initiatives autour du sport. « Avec la Cami Sport & Cancer, nous participons tous les ans à la Medical Run, un challenge qui consiste à effectuer le plus de pas possible, confie Caroline Lapointe, sa directrice marketing, digital et communication. Cette année, grâce à l’implication des collaborateurs au siège et de la vingtaine d’officines participantes, nous avons gagné la compétition. » La société investit aussi dans la promotion du sport féminin. « En tant que partenaire du Stade toulousain, que nous fournissons en compléments alimentaires, nous faisons intervenir le président du club et les joueuses lors de nos séminaires. Nous offrons aussi à nos collaborateurs et à nos adhérents des places pour aller voir leurs matchs. » Pour Caroline Lapointe, ces initiatives sont vertueuses sur le plan managérial : « Quand vous investissez dans le bien-être des salariés et que vous mettez en place ce type de partenariat, vous développez les échanges entre les services, la cohésion d’équipe, mais aussi la fierté d’appartenance à l’entreprise. »

Du sport remboursé

Une prise en charge des activités physiques adaptées (APA) dans le cadre d’un parcours de soins coordonnés fait partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2024. « Entre 10 % et 30 % des 20 millions de patients pris en charge pour une affection de longue durée ou une pathologie chronique se voient prescrire une APA », affirme Martine Duclos, endocrinologue, présidente de l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité. Trop peu, selon elle, car les bienfaits du sport sont reconnus. « Une APA permet de diminuer les prescriptions de médicaments, les risques de récidive et de dépression, tout en améliorant le bien-être du patient et son sommeil, assure-t-elle. Ces résultats pouvant être obtenus dès quinze minutes d’activité physique quotidienne. »