Qu’est-ce que cette huile de cannabidiol en officine ?

Qu’est-ce que le cannabidiol ?

Il semble qu’il faille le répéter, le cannabidiol (CBD) n’est pas du cannabis, ni même du cannabis « light » ! Oui, il est issu de la plante Cannabis sativa, mais le cannabidiol est un cannabinoïde qui n’a pas les effets euphorisants du tetrahydrocannabinol (THC), un autre cannabinoïde recherché pour un usage récréatif.

Quels sont les effets du CBD ?

Le CBD est une substance psychoactive qui interagit avec les récepteurs cannabinoïdes cérébraux et sérotoninergiques. Il a des effets sédatifs, anxiolytiques, anti-épileptiques, relaxants, mis à profit dans les médicaments dits de « cannabis thérapeutique » tels, en France, Sativex, qui a eu son AMM mais est en attente de prix, et Epidiolex, sous autorisation temporaire d’utilisation (ATU).

Quelle est la législation ?

Le CBD n’est pas classé comme substance stupéfiante. Il est autorisé à des fins industrielles et commerciales sous certaines conditions (voir repères). Dans ce cadre strict, sa commercialisation en tant que produit de consommation courante est légale, comme c’est le cas dans les liquides de vapotage (Porphyre n° 540, mars 2018) ou par voie orale, dans une huile de chanvre le plus souvent.

Qu’est-ce que ce produit, Absolu ?

Absolu est une huile de chanvre qui contient du CBD. Elle est proposée en 300 ou 500 mg par flacon de 10 ml. Conformément à la réglementation, elle est présentée comme issue exclusivement des graines et fibres de Cannabis sativa L. L’absence totale de THC a été contrôlée par un laboratoire de toxicologie légale. Enregistrée comme complément alimentaire, en France elle peut être vendue en officine, à la différence des e-liquides. Absolu s’utilise par voie orale, sublinguale de préférence pour une meilleure biodisponibilité. Elle est présentée comme un produit de « bien-être », utilisée en cas de besoin de relaxation, d’apaisement.

Qui la commercialise ?

Absolu est fabriquée par Aeroma, laboratoire français de spécialités chimiques d’abord investi dans la fabrication d’e-liquides avec nicotine, puis de CBD pour répondre aux besoins croissants. « La réponse à cette demande se fait dans des circuits sans contrôle, souvent sur Internet. Aeroma désire au contraire s’inscrire dans un contexte strictement légal », explique Patrice Hennion, directeur du laboratoire. Pour cadrer le projet, Aeroma précise s’être entouré d’experts tel Marc Elie, formateur investi dans la prévention des addictions. Premier complément alimentaire à base de CBD proposé dans le circuit officinal, Absolu est disponible en pré-commande depuis novembre via la plateforme Le Comptoir Des Pharmacies.

Pourquoi du CBD en officine ?

« En matière de CBD, difficile actuellement pour le consommateur d’identifier ce qui est sérieux de ce qui ne l’est pas, remarque Patrice Hennion. La pharmacie est un réseau cible pour des questions évidentes de conseil et de sécurité ». Pour Pierre-Olivier Jacquot, titulaire qui soutient le projet, ramener le CBD dans le circuit officinal est un levier de valorisation du métier : « À présent que des efforts sont faits pour sa qualité, c’est illogique qu’un produit aux intérêts thérapeutiques notoires bénéficie d’une distribution parallèle. Ce serait dommage qu’un complément alimentaire se passe de l’expertise du pharmacien. » Si le CBD a un profil toxicologique réduit, voire nul, des effets indésirables ont été rapportés comme une somnolence, des diarrhées ou une diminution de l’appétit. « Qui d’autre que le pharmacien pour mettre en garde les conducteurs ? Sans compter la déclaration de pharmacovigilance, cette surveillance n’est pas possible ailleurs. »

Bientôt une substance « vénéneuse » ?

Des autorités évoquent un éventuel classement du CBD comme substance vénéneuse à l’instar de la nicotine pour répondre au flou juridique et aux débordements concernant sa vente. Avec des restrictions pour les mineurs, la femme enceinte… « L’huile Absolu a pris les devants, ces restrictions sont déjà prises en compte », affirme Charles Romier du Comptoir Des Pharmacies. Mais pour Marc Elie, ce ne sera pas si simple : « Les huiles de chanvre alimentaires vendues depuis de nombreuses années contiennent du CBD. Toute la filière des chanvriers serait alors impactée. »

NOS EXPERTS INTERROGÉS

→ Pierre-Olivier Jacquot, pharmacien d’officine (57).

→ Charles Romier, gérant cofondateur de la plateforme Le Comptoir Des Pharmacies. www.lecomptoirdespharmacies.fr

→ Patrice Hennion, fondateur et gérant d’Aeroma.

→ Marc Elie, expert en CBD.

Repères

→ Le 11 juin 2018, la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) a rappelé que tout produit contenant du cannabidiol extrait de la plante de cannabis est interdit sauf cadre dérogatoire. « Certaines variétés de cannabis, dépourvues de propriétés stupéfiantes, peuvent donner lieu, par dérogation, à des utilisations à des fins industrielles et commerciales sous certaines conditions : la variété doit être inscrite sur un arrêté, avoir une teneur inférieure à 0,2 % en THC et seules les graines et fibres peuvent être utilisées ». Les trois conditions sont cumulatives et la présence de THC dans les produits finis, quel que soit son taux, est interdite.