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Promouvoir le BP à l’officine, ça marche !

Publié le 31 août 2018
Par Christine Julien
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La campagne du CFA de Marseille en faveur de l’apprentissage en mars dernier a porté ses fruits avec une augmentation de 10 % de candidats pour la rentrée 2018-2019. Cette initiative originale, soutenue par les syndicats des titulaires et l’Ordre des pharmaciens, a été relayée par la presse grand public.

« Je n’aurais pas pensé au métier de préparateur si je n’avais pas vu le dépliant ». Céline Coudret, en recherche d’emploi (voir témoignage cicontre), prend le prospectus « Devenez préparateur en pharmacie » posé sur le comptoir de sa pharmacie à Marseille (13). Elle le lit tranquillement chez elle. « Cela m’intéressait parce qu’il était écrit qu’il y avait des emplois et que c’était un secteur porteur ». Deux jours plus tard, elle voit sur la chaîne Provence Azur Fabienne Bouvier, la directrice du CFA de Marseille, expliquer le fonctionnement de l’école et le profil des personnes recrutées pour la formation de préparateur en pharmacie. « Elle évoquait les qualités requises pour faire ce métier.

Je pensais les avoir. » Le prospectus à l’officine, puis l’émission de télé, « je l’ai pris comme un signe du destin », plaisante-t-elle. Sans plus attendre, elle fait quelques recherches sur Internet, puis se rend au CFA pour obtenir des informations complémentaires sur les cours, prend le bulletin d’inscription et se met en recherche active d’une officine. C’est décidé, elle deviendra préparatrice en pharmacie. Merci qui ? Le CFA de Marseille pour sa campagne d’information inédite.

Jamais mieux servi que par soi-même

Fini les salons étudiants, place aux professionnels pour parler en direct du métier de préparateur en pharmacie (voir encadré). En mars dernier, le CFA marseillais a mené tambour battant une originale campagne d’information auprès des officines de son secteur dans les départements 13, 04 et 05. L’équipe dirigeante a fait sien l’adage populaire « On n’est jamais mieux servi que par soi-même ». La campagne « 1 000 pharmacies se mobilisent » a eu lieu au sein même des officines. « Nous souhaitions créer un dialogue entre le pharmacien et la personne intéressée par la formation, voire sa grand-mère, son oncle ou sa tante », explique Jean-Louis Grillet, responsable de la formation continue au CFA et organisateur de la campagne. « Qui est mieux placé que les équipes officinales pour parler du métier de préparateur en pharmacie ? » ajoute Fabienne Bouvier. En attendant que tous les contrats soient signés, la campagne a déjà généré 10 % de candidatures en plus. « De nombreuses candidates reçues en entretien m’ont dit avoir découvert le métier via l’affiche et les flyers. La campagne a fonctionné », affirme Jean-Louis Grillet. Des CFA et des titulaires d’autres départements ont contacté le CFA de Marseille pour le féliciter de cette initiative ou pour demander des affiches pour recruter. Bingo !

Les pharmaciens jouent le jeu

Affiches et flyers ont fleuri dans le Sud. Et la campagne a largement été relayée par Stéphane Pichon, président du conseil de l’Ordre en PACA. Dans la pharmacie Marseilleveyre de Marie Bachellerie du 8e arrondissement, les retombées ont été rapides. « Une de mes employées non diplômée s’est intéressée à la formation. Nous ignorions qu’il existait une filière pour des personnes plus âgées souhaitant se réorienter », s’étonne la titulaire. La campagne l’a aussi incitée à parler de la formation à la jeune lycéenne en stage d’observation.

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« Bien qu’elle souhaite devenir laborantine, elle m’a posé des questions sur la durée des études et sur ce qu’on pouvait faire avec le diplôme ». Pour Marie Bachellerie, former fait partie du métier, notamment « si on veut continuer d’avoir des préparateurs ». Son ancien titulaire le faisait, « du coup, je le fais volontiers ». Cette campagne est une bonne initiative même si elle concède que « vendre » le métier de préparateur n’est pas simple. « Avec mon apprentie, j’ai pris conscience que la formation était compliquée et l’école exigeante. C’est une bonne chose. En revanche, le salaire n’apparaît pas en adéquation avec les horaires et la responsabilité. Il mériterait une revalorisation à mon avis ».

Encourager les vocations

En PACA, les maîtres d’apprentissage ne se bousculent pas au portillon. Sur les 1 000 officines du secteur, seules 20 %, soit 200, prennent des apprentis ! En organisant cette campagne in situ, Fabienne Bouvier et son équipe pensaient « créer une émulation. Des titulaires pouvaient peut-être rencontrer des candidats qui leur donneraient envie de les prendre en apprentissage ». Depuis 2012, les effectifs marseillais sont stables avec 125 jeunes qui entrent chaque année en formation. « Pour compenser la pénurie, il en faudrait au moins 250 pour satisfaire les employeurs », calcule la directrice.

Cela est possible matériellement. En 2000, le CFA accueillait 225 jeunes par an. En revanche, susciter les vocations des maîtres d’apprentissage semble plus difficile. Un paradoxe alors que la pénurie de préparateurs en PACA est en partie à l’origine de la campagne.

Stop à la pénurie

La campagne de communication du CFA émane du projet quinquennal d’établissement élaboré après consultation des partenaires, de la Région et des titulaires. « Les employeurs, via leurs syndicats, se plaignaient de la pénurie de préparateurs et m’ont demandé ce que faisait le CFA pour que ça change, car cela mettait en péril leur entreprise », rapporte Fabienne Bouvier. Pourtant, le CFA ne ménage pas sa peine mais les salons et les forums d’étudiants, onéreux, suscitent peu de vocations. « De plus, nous ne sommes pas répertoriés dans ParcourSup, anciennement Admission Post Bac, ni dans les brochures des formations sanitaires et sociales de la Région. » La plupart des élèves entrent en CFA par le bouche-à-oreille ou via une recherche sur le Net. « Le métier de préparateur est très mal connu du grand public », affirme l’équipe du CFA.

Jean-Louis Grillet imagine une campagne au niveau national avec un double objectif : « faire connaître la profession et la formation ». Lucide, le responsable de la formation continue au CFA de Marseille estime que la profession doit bouger : « L’immobilisme ou regarder derrière en disant “c’était mieux avant”, c’est fini. Il faut essayer de répondre aux attentes. » La profession serait-elle partante pour une campagne nationale ? Chiche !

Témoignage

Céline Coudret, 43 ans, maîtrise en droit privé et un master 2 en droit des assurances.

Quel est votre parcours ?

J’ai travaillé 10 ans en région parisienne comme juriste. Je suis revenue à Marseille en 2010. J’ai décidé d’élever mes 3 enfants et de mettre en suspens ma carrière professionnelle. Je cherchais une orientation qui me corresponde avec des débouchés en termes d’emploi mais je ne trouvais pas. Je voulais travailler dans le soin. Assistante vétérinaire m’intéressait mais je n’ai pas trouvé de stage.

Qu’est-ce qui vous a attirée dans le métier de préparateur ?

Le monde de la santé, le fait de rendre service, de bien servir les gens, d’accueillir la clientèle et de la fidéliser. Je sais qu’il faut faire preuve d’empathie. Je pense que certaines compétences développées en qualité de juriste sont transposables au métier de préparateur comme l’accueil de clientèle, le suivi, le conseil, le sérieux, la précision, ou la capacité de travailler aussi bien en équipe que de façon autonome.

Le salaire et les perspectives d’évolution vous préoccupent-ils ?

J’y pense comme tout le monde, mais je suis déjà contente de faire une formation rémunérée. Je sais très bien que le salaire d’un préparateur n’est pas celui d’un juriste, mais si je fais quelque chose qui me plaît, je suis capable d’apprécier une qualité de travail et une équipe dans laquelle on se sent bien. Je cherche du travail depuis deux ans et je peux vous dire qu’il n’y a pas beaucoup de secteurs qui recrutent. Je pense que ce métier et cette formation procurent une richesse humaine et intellectuelle qui répond tout à fait à mes attentes…

Une campagne inédite

Le CFA Pharmacie Marseille Alpes Provence situé à Marseille (13) et à Sisteron (04) a lancé la campagne d’information « Devenez préparateur en pharmacie » du 19 au 31 mars 2018 avec le soutien de l’Ordre des pharmaciens, des syndicats et de la Région. Après un courrier explicatif, le CFA a envoyé un kit de communication à 1 000 pharmacies des Bouches-du-Rhône, des Alpes de Haute-Provence et des Hautes-Alpes : affiche, flyers, présentoir, autocollants, vidéo et une fiche mémento pour répondre aux questions : quel est le rôle d’un préparateur à l’officine ? d’un apprenti ?, etc. « On s’est aperçu que les pharmaciens ne connaissent pas très bien la formation et sa prise en charge », pointe Jean-Louis Grillet du CFA de Marseille.