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Pourquoi dérembourser les pilules de 3e génération ?

Publié le 2 octobre 2012
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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NOS EXPERTS

Dr Béatrice Guigues, gynécologue, vice-présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF).

Dr Christine Damase-Michel, pharmacologue, responsable de l’Unité médicament et grossesse au Centre de pharmacovigilance du CHU de Toulouse.

Pourquoi la Haute autorité de santé (HAS) est-elle en faveur d’un déremboursement des pilules de 3e génération ?

Fin 2011, la Direction générale de la santé a saisi la commission de transparence (CT) de la HAS pour réévaluer les pilules contraceptives de 3e génération, suite à deux études(1) qui confirment le surrisque d’événements thromboemboliques veineux par rapport aux pilules des générations précédentes. Par ailleurs, leurs avantages en termes de tolérance n’étant pas démontrés, la CT estime leur service médical rendu (SMR) « insuffisant »; elle a émis cet été un projet d’avis en faveur d’un déremboursement.

Quelles sont les pilules concernées par le surrisque des études ?

Les pilules de 3e génération visées contiennent du désogestrel, du gestodène, du norgestimate ou de la drospirénone (voir Info+). L’acétate de cyprotérone (Diane…), qui n’a pas d’AMM en contraception, est aussi visé.

Sont-elles beaucoup prescrites ?

Elles ont représenté plus de 2 millions de prescriptions en 2011 (environ 4 prescriptions sur 10). En 2009, Varnoline continu a été la première remboursée, suivie par plusieurs génériques (Desobel, Carlin…), soit à l’heure actuelle une vingtaine de spécialités.

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À quoi correspond le surrisque thromboembolique évoqué ?

L’incidence d’un accident thromboembolique veineux (phlébite, embolie pulmonaire) chez les femmes non utilisatrices de pilule est d’environ de 5 à 10 cas par an pour 100 000 femmes ; 20 cas par an pour 100 000 sous pilule de 2e génération et 40 cas par an pour 100 000 femmes qui utilisent une pilule de 3e génération, soit deux fois plus. Il faut cependant relativiser ce risque, qui est inférieur par exemple au risque physiologique lié à la grossesse (60 cas pour 100 000 femmes enceintes).

Pourquoi ce risque supérieur pour les « 3e génération » alors qu’elles contiennent a priori moins d’estrogène ?

Le risque thromboembogène, avant tout lié à l’œstrogène et à son dosage, diffère aussi selon le progestatif et augmente notamment avec ceux de 3e génération, qui s’« opposeraient » moins aux effets de l’œstrogène. On dit d’ailleurs des pilules de 3e génération qu’elles sont à « climat œstrogénique ». Pour mémoire, Leeloo, Lovavulo de 2e génération sont aussi faiblement dosées en éthinyl-estradiol (20 µg) que les « 3e génération »…

Quels sont les atouts des progestatifs de 3e génération versus 2e génération ?

Moins « androgéno-mimétiques », ils visent à diminuer les effets indésirables androgéniques : acné, tensions mammaires, prise de poids… Ils sont présentés comme améliorant le confort d’utilisation et l’observance. À noter cependant : la drospérinone, dérivée de la spironoloctone, expose à un risque d’hyperkaliémie, notamment en association à d’autres médicaments hyperkaliémiants.

Le surrisque thromboembolique étant connu depuis plus de dix ans, pourquoi avoir remboursé des « 3e génération »

Lors des évaluations en 2001, puis en 2007, la CT avait d’abord conclu à un SMR suffisant, qui justifiait un remboursement, tout en appelant à la prudence ; elle précisait que ces pilules devaient être prescrites en deuxième intention. Le remboursement est intervenu dans un contexte pluriel : débat non tranché autour du surrisque thromboembolique, engouement pour les propriétés anti-androgéniques, volonté institutionnelle d’améliorer la couverture contraceptive.

Que dire aux patientes inquiètes ?

Les observations montrent que les accidents, liés à une sensibilité individuelle, surviennent en majorité lors des premiers mois de traitement. Les femmes qui tolèrent bien une pilule de 3e génération depuis des années n’ont donc pas de raison d’en changer, sauf facteur de risque récent (HTA, tabagisme, surpoids…) pouvant conduire à revoir ce choix. Celles qui débutent doivent s’assurer qu’elles ont bien subi un questionnaire pour écarter les facteurs de risque et que la prescription d’une pilule de 3e génération intervient en deuxième intention. Quelle que soit leur composition, le rapport efficacité/effets indésirables des pilules reste largement positif.

(1) Combined Hormonal Contraceptives and the Risk of Cardiovascular Disease Endpoints, FDA, 2011. Risk of venous thromboembolism from use of oral contraceptives containing different progestogens and œstrogen doses », BMJ, 2011.

info+

Générations de pilules

La majorité des pilules œstroprogestatives contiennent de l’éthinyl-estradiol et un progestatif dont la nature détermine les générations :

→ Noréthistérone (Triella…) pour la 1re génération ;

→ Norgestrel ou lévonorgestrel (Adepal, Minidril…) pour la 2e ;

Désogestrel, gestodène, norgestimate (Cycléane…) ou drospirone (Jasmine, Yaz…) pour la 3e. La drospirénone est parfois qualifiée de « 4e génération », car récente. Les nouvelles pilules avec du valérate d’estradiol sont aussi appelées « 4e génération », d’où certaines confusions.