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Pas de liste, mais de bonnes pratiques de préparation
Il n’y aura sans doute pas de liste de substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR). Une réécriture de l’arrêté sur la liste des préparations à risque pour la santé est envisagée par le ministère. En attendant, il faut toujours déposer avant le 14 mai 2015 une demande d’autorisation pour les faire dans le respect des « bonnes pratiques de préparation ».
Nous l’annoncions le mois dernier (Porphyre n° 509, février 2015). La Direction générale de la santé concoctait une liste de substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR). Onze exactement(1). Il s’agissait « d’une piste de travail, sachant qu’aucune liste ne serait exhaustive » pour les pharmaciens souhaitant déposer une demande d’autorisation pour réaliser des préparations à risque pour la santé, dont l’une des catégories renferme ces fameux CMR (lire encadré p. 8). À la mi-février, la perspective de voir sortir cette liste est fortement remise en question par le ministère de la Santé, qui envisage même de modifier l’arrêté de novembre 2014 listant les préparations à risque. Un casse-tête pour les pharmaciens car le fait de devoir déposer avant le 14 mai 2015 une demande d’autorisation pour continuer à faire eau oxygénée boratée et consorts reste en vigueur.
Où sont donc rangés les CMR ?
« Cette pré-liste de CMR était prête à être soumise pour avis aux représentants de la profession(2), affirme un membre du ministère de la Santé. Nous avions privilégié les substances utilisées en pharmacie, en mettant de côté les anticancéreux que les hôpitaux reconstituent ». Problème, pourquoi pré-lister seulement onze substances ? Pour Fabien Bruno, sous-traitant de la pharmacie Delpech à Paris, « cela n’a aucun sens car il y en a davantage(3). Faire une liste empêcherait de se poser la question : est-ce que ce produit absent de la liste est un CMR ? » Et de poursuivre : « Il est de ma responsabilité, en tant que chef d’entreprise, de prévenir les risques pour les manipulateurs »(4). Un travail difficile car aucun document officiel ne liste spécifiquement les produits à risque du préparatoire.
Repérer et prévenir les risques
Pour chacune des substances, Fabien Bruno a établi le risque en se basant sur des données de sécurité et des classifications fournies par les fabricants, les propriétés physiques des produits et les quantités manipulées. Mais aussi sur les recommandations et documents divers émanant d’organismes de « sécurité santé et travail » comme l’INRS(3), qui propose une liste des substances chimiques classées CMR dans la réglementation européenne. Car le fait que les risques varient selon les quantités utilisées est un autre obstacle à l’élaboration d’une liste par le ministère. C’est à chaque pharmacien d’établir ce risque.
Les règles changent
Autre problème pour le ministère de la Santé, d’ordre réglementaire cette fois. À partir du 1er juin, le règlement CLP (Classification, Labelling, Packaging) sur la classification, l’emballage et l’étiquetage des produits chimiques dangereux, qui vise à assurer la protection des travailleurs, des consommateurs et de l’environnement, entrera en vigueur dans sa totalité(5). Non seulement, on ne parlera plus de préparations mais de mélanges, et les substances CMR ne seront plus divisées en catégories?1, 2 et 3, mais en 1A, 1B et 2. Le ministère de la Santé envisage donc de réécrire l’arrêté listant les préparations à risque pour la santé. Problème, cela prendra du temps alors que la date butoir pour déposer une demande d’autorisation pour les préparations à risque reste fixée au 14 mai 2015. À moins que la modification de l’arrêté entraîne un report de cette date…
Une liste pour ma demande
Le ministère de la Santé se veut clair : « Nul besoin d’attendre une liste. Il faut dire aux pharmaciens que, pour continuer leur activité de préparatoire, ils doivent d’abord respecter les BPP. Ceux qui souhaitent faire des préparations pouvant présenter un risque pour la santé doivent y être autorisés. À défaut, la solution la plus simple est de sous-traiter ». Si, pour le ministère, la liste n’est pas nécessaire, « pour commencer à instruire les demandes d’autorisation », les pharmaciens inspecteurs des Agences régionales de santé (ARS) ne sont pas du même avis. « Bien qu’évolutive, une liste permettrait de définir les exigences requises en fonction des risques pour chaque produit, analyse Élisabeth Bardet, pharmacien inspecteur à l’ARS Aquitaine. Sinon, le pharmacien demandant l’autorisation d’effectuer des préparations avec des substances CMR devra analyser les risques de chaque substance. Ça ne va pas être simple ». Marie-Hélène Zolli, titulaire à Le Trait (76), l’a déjà fait pour l’acide borique, un CMR reconnu, en se basant sur les bonnes pratiques de préparation (BPP) et le volet « gestion des risques » pour les matières premières des documents d’assurance qualité de l’officine. « Avec une préparatrice, nous nous sommes formées en 2014 avec Prépa’forma, où Christel Leclercq, la formatrice, nous a aussi donné des fiches », ajoute la titulaire. C’est donc faisable, même pour un non sous-traitant.
Qui dit autorisation, dit instruction
« Il y a suffisamment de lignes générales dans le texte des bonnes pratiques de préparation pour permettre aux pharmaciens inspecteurs d’évaluer les procédures mises en place par le pharmacien qui aura déposé une demande », ajoute le ministère. Certes, mais Élisabeth Bardet compte sur une harmonisation avec ses collègues inspecteurs des autres ARS « pour ne pas traiter différemment une officine d’Aquitaine et une de Lorraine lors de l’instruction du dossier. Actuellement, sur le terrain, nous estimons l’activité réelle de l’officine au regard de la réglementation en cours, code de la santé publique et BPP. Toutes les volontés de bien faire, assorties d’engagement, sont prises en compte ».
Concrètement, tout officinal qui dépose une demande d’autorisation pour les préparations à risque bénéficie d’une instruction sur place afin d’expliquer les procédures instaurées pour le respect des BPP. Il peut aussi solliciter une autorisation complète ou partielle s’il souhaite par exemple faire des pédiatriques, et non des préparations avec CMR. Pour les pharmaciens inspecteurs, le point fondamental reste le respect des BPP en vigueur depuis 2007.
Vous avez dit BPP ?
« Sur le terrain, le respect des BPP est très inégal », constate Élisabeth Bardet. Avec, dans certaines officines, « des locaux non adaptés, une gestion peu rigoureuse des matières premières et une documentation quasi absente ».
Certains officinaux ignoreraient jusqu’à l’existence des BPP ! « On essaie de les sensibiliser, mais on leur laisse le choix de la mise en conformité ou du recours à la sous-traitance ». Pour Christel Leclercq, préparatrice et formatrice de Prépa’forma, organisme spécialisé dans le préparatoire, « il est clair que ceux qui ne se sont pas préoccupés des BPP ne vont pas s’impliquer davantage avec de nouveaux textes. La politique de l’autruche continuera. En revanche, les officines qui ont commencé à mettre en place des pratiques dans le respect des BPP devront prendre une décision. Soit investir en temps et en moyens pour rentabiliser leur activité, voire devenir sous-traitant. Soit tout sous-traiter ». La préparatrice, qui a formé 180 personnes en 2014, trouve curieux que certains officinaux ne soient pas attentifs à la qualité et à la traçabilité du préparatoire alors qu’ils le sont pour les spécialités. « S’il y a un problème avec une matière première, ne serait-il pas normal de pouvoir remonter la piste d’une préparation qui pourrait la contenir ? »
Continuer ou pas ?
« Avec une liste des CMR, je pourrais connaître les préparations que je peux faire », relève Marie-Hélène Zolli, qui ne pourra plus effectuer de pédiatriques, ni d’eaux oxygénées boratées sans autorisation. « Il me resterait quoi, des mélanges de plantes ou de pommades ? Est-ce que ça vaut vraiment le coup de continuer à développer le préparatoire dans ce climat de contraintes ? » Rédiger les protocoles ou mobiliser un diplôme au préparatoire pour une activité peu ou pas rentable pose question. Une analyse tempérée par Angèle Pailler, préparatrice à Luçon, sous-traitante pour la Vendée : « Si ce n’était pas rentable, nous ne continuerions pas. Même s’il faut se donner les moyens de préparer correctement, en étant capable de justifier que tout a été réalisé dans des conditions optimales ».
Une affaire de spécialistes
La préparation serait-elle en passe de devenir une affaire de spécialistes ? D’autant que leur place se réduit car « réalisées en l’absence de spécialités ou d’alternatives thérapeutiques, explique un membre du ministère. La pharmacie de base doit arrêter les préparations ». Ce qui ne choque pas Christel Leclercq : « Oui, la préparation tend à se spécialiser. À terme, on aura les pharmaciens qui préparent encore, essentiellement les sous-traitants, et les autres, qui développeront d’autres secteurs, le matériel, la para, etc. Tous ne pourront pas investir dans le préparatoire ». Déjà, Marie-Hélène Zolli a l’impression que le cœur du métier s’est déplacé : « Je suis gênée de dire ça parce que j’aimerais bien continuer à faire des préparations. Mais, pour cela, je dois y consacrer de l’énergie et des moyens, alors que j’ai d’autres chantiers à développer, comme le matériel médical, et peut-être un jour la vaccination… » L’inspectrice de l’ARS fait le même constat : « La préparation est le cœur du métier du préparateur. S’il n’en fait plus, il perd un peu de son savoir-faire, c’est frustrant ».
Au vu de la réforme du BP (voir p. 11), le temps dévolu au préparatoire va diminuer en CFA. Les officines qui préparent auront besoin de spécialistes spécifiquement formés. « Pourquoi pas un CQP de préparations ? », suggère Angèle, la préparatrice vendéenne…
(1) Acides borique, chromique et rétinoïque, chlorambucil, clorazépate dipotassique, cyprotérone, diltiazem, éthinylestradiol, fludrocortisone, hydroquinone, furosémide.
(2) Académie de pharmacie, conseils de l’ordre des pharmaciens et des médecins, syndicats de titulaires, laboratoires fabricants, sous-traitants, Leem (industriels), ANSM, ARS…
(3) Dossier Agents chimiques CMR sur www.inrs.fr, Inrs Agence santé et sécurité au travail. 971 agents cancérogènes sont recensés par l’International Agency for Research on Cancer.
(4) Décret n° 2001-97 du 1er février 2001 du Code du travail notamment.
(5) Application de la classification des substances et mélanges dangereux à la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement, juin 2014, Ineris.
Chronologie
→ Novembre 2007(1) : les bonnes pratiques de préparation (BPP) imposent à toute pharmacie de respecter un ensemble de procédures afin d’assurer traçabilité et qualité des préparatoires.
→ Octobre 2009(2) : l’autorisation d’exécution de préparations dangereuses mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 5125-1 du code de la santé publique doit être demandée au directeur général de l’ARS par le titulaire de l’officine concernée, autorisation liée au respect des BPP.
Une liste non exhaustive de substances dangereuses circule et fait hurler la profession. Elle est retirée et les travaux reprennent.
→ Décembre 2011 : l’article L. 5125-1-1 du CSP est modifié ; les préparations dangereuses cèdent le pas aux préparations pouvant présenter un risque pour la santé.
→ Novembre 2014 : un arrêté fixe la liste des dites préparations (encadré p. 8).
(1) Journal officiel du 21 octobre 2007.
(2) Journal officiel du 24 octobre 2009.
Que disent le décret et l’arrêté de novembre 2014 ?
Le décret du 14 novembre 2014(1) impose à tout pharmacien (s’il ne l’a pas déjà) et aux établissements pharmaceutiques autorisés à sous-traiter de déposer une demande d’autorisation auprès du directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) dont il dépend, s’il veut continuer à faire des préparations à risque pour la santé. La date butoir pour se mettre en conformité est le 14 mai 2015.
Voici la liste des préparations pouvant présenter un risque pour la santé(2).
1. Préparations stériles, sous toutes les formes. Remarque : elles sont exceptionnelles en officine.
2. Préparations, sous toutes les formes, à base d’une ou plusieurs substances mentionnées aux 12 à 14 de l’article L. 1342-2 du code de la santé publique. Il s’agit de celles par voies interne et externe, réalisées avec des substances CMR : cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques de catégories 1, 2 et 3.
C’est cette liste qui est attendue par la profession.
3. Préparations destinées aux enfants de moins de 12 ans contenant des substances vénéneuses mentionnées à l’article L. 5132-1 du code de la santé publique, à l’exclusion des préparations destinées à être appliquées sur la peau contenant des substances mentionnées au 4 du même article.
Ce sont toutes les « pédiatriques » sauf les externes avec des listes?I et II, réalisées avec des listes?1 et 2, des stupéfiants et des psychotropes. Exemples : des gélules enfants d’oméprazole ou de spironolactone requerront une autorisation pour être exécutées à partir du 14 mai 2015.
(1) Décret n° 2014-1367 du 14 novembre 2014 relatif à l’exécution et à la sous-traitance des préparations magistrales et officinales.
(2) Arrêté du 14 novembre 2014 fixant la liste des préparations pouvant présenter un risque pour la santé mentionnées à l’article L. 5125-1-1 du code de la santé publique. Publié au Journal officiel du 16 novembre 2014.
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