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Nouvelles perspectives

Publié le 1 avril 2004
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Parallèlement au nouveau droit individuel à la formation (DIF) pour tous les salariés, une « obligation de formation » est prévue pour les préparateurs en pharmacie.

J’y ai droit et j’y suis obligé… Personne ne devrait échapper à la formation continue, ni l’employé, ni l’employeur… Tout a commencé le 20 septembre 2003 avec la signature par tous les partenaires sociaux (une signature historique, les cinq syndicats de salariés ayant signé, CGT y compris) d’un accord interprofessionnel sur la formation professionnelle. Cet accord fera l’objet d’une loi relative à la formation professionnelle et au dialogue social courant 2004. Il prévoit la mise en place du DIF (droit individuel à la formation. Chaque salarié bénéficierait d’un crédit annuel de 20 heures, cumulable sur six ans. Après le droit, l’obligation. Fin 2003, ce sont les services du ministère de la Santé eux-mêmes qui enfoncent le clou. Ils proposent un amendement au projet de loi relatif à la politique de santé publique visant à étendre l’obligation de formation continue à l’ensemble des professionnels de santé, dont les préparateurs en pharmacie. L’objectif de cette obligation, prévue dans l’article 51 bis du projet de loi, est d’assurer une « meilleure qualité des actes cliniques et thérapeutiques aux patients ». Il s’agit de promouvoir la formation professionnelle reconnue et non les formations commerciales des laboratoires. Jusqu’alors, une obligation de formation continue était prévue pour les médecins et pharmaciens. L’élargissement de cette obligation a été accueilli favorablement de la part des partenaires sociaux représentant les préparateurs en pharmacie au sein de la CPNE (Commission paritaire nationale pour l’emploi). « C’est une très bonne chose d’obliger les professionnels de santé à maintenir leurs connaissances », souligne Jean-Marie Fonteneau pour la CGT. Point de vue partagé par Patrick Le Métayer, de FO et Michel Le Direach, de la CFDT. « Nous sommes favorables à cette obligation de formation. Cela dit, les textes ne sont pas encore sortis et il ne faut pas hypothéquer sur l’avenir », prévient cependant Michel Le Diréach. Curiosité du calendrier parlementaire. Bien qu’ils s’agissent de textes indépendants, les deux projets de loi sur la formation professionnelle et sur la politique de santé publique seront discutés le même jour, ce 7 avril 2003. « Ce n’est pas parce qu’une loi est publiée qu’elle est applicable demain, il faut encore attendre les décrets d’application », insiste encore Michel Le Direach. Sans compter qu’il faudra ensuite financer ces mesures.

Les réserves des pharmaciens.

L’argent, le nerf de la guerre. Le système actuel de financement (voir encadré ci-contre) par l’OPCA-PL (organisme paritaire collecteur agréé pour les professions libérales) pourra-t-il supporter une multiplication des formations chez les salariés. Les syndicats de pharmaciens titulaires sont sceptiques. « Je suis convaincu de la nécessité d’une formation professionnelle continue, on ne peut exercer pendant des années sans mettre à jour ses connaissances. Mais je ne vois pas comment nous allons pouvoir mettre en route l’obligation de formation à la fois pour les adjoints et pour les préparateurs », précise Philippe Gaertner, chargé du dossier de la formation continue pour la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France). Philippe Gaertner a calculé que deux jours de formation par an et par personne représentent 470 postes de pharmaciens à temps plein et 370 postes de préparateurs. « Il faudrait des moyens humains et financiers que nous n’avons pas aujourd’hui », déplore-t-il. Claude Japhet, président de l’UNPF (Union nationale des pharmaciens de France), est plus critique : « Je ne vois pas ce que vient faire une obligation de formation pour les préparateurs en pharmacie. Dans une entreprise, c’est à l’employeur de se donner les moyens d’assurer la qualité, et donc d’organiser la formation continue de ses collaborateurs ». Le responsable de l’UNPF souligne que cette obligation tiendrait de la responsabilité individuelle et non de la responsabilité de l’employeur. « Tout professionnel devra mettre à jour ses connaissances pour continuer à exercer. S’il ne le fait pas, cela voudra-t-il dire que l’employeur sera en droit de le licencier ? », s’interroge-t-il. Claude Japhet est tout aussi réservé sur la mise en place du droit individuel à la formation : « Je suis opposé au nomadisme formateur, où le salarié décide un jour d’aller se former sur le diabète, l’autre jour sur l’acné. Il doit y avoir une cohérence dans la formation continue, cela doit être un retour sur investissement aussi bien pour l’employeur que pour le collaborateur. » Pour lui, le fait que près de 10 % des salariés aient pu se former en 2003 atteste de la volonté de ses collègues de promouvoir la formation continue des collaborateurs de l’officine. Et d’ajouter : « Un employeur qui refuse à ses collaborateurs de se former met en péril son entreprise. »

Le plan de formation, pierre angulaire du dispositif.

Le dispositif actuel de formation continue repose en grande partie sur le plan de formation, lequel est conservé dans les projets de réforme. Les formations du plan de formation sont à l’initiative de l’employeur. En d’autres termes, un employeur peut très bien refuser d’accéder à la demande de formation d’un salarié. En revanche, un collaborateur est théoriquement tenu de suivre la formation demandée par son employeur. Le plan de formation représente l’ensemble des actions de formation décidées par l’employeur en fonction des objectifs de l’entreprise, et dans un cadre budgétaire défini par celle-ci. Il est constitué par les formations décidées directement par l’employeur, les demandes individuelles de formation effectuées par les salariés et retenues par l’employeur ainsi que par les formations proposées par les représentants du personnel et retenues par l’employeur (entreprises d’au moins dix salariés). D’après le Code du travail, la rémunération est maintenue à l’identique pendant la durée de la formation et l’entreprise prend à sa charge le coût pédagogique ainsi que les frais de transport et d’hébergement. Si le stage se déroule en totalité ou partiellement en dehors du temps de travail des salariés, ceux-ci bénéficient du paiement d’heures complémentaires ou supplémentaires ou encore d’un repos compensateur (sauf accord de branche spécifique sur le coïnvestissement). Toute formation organisée en dehors des heures de travail ne peut se faire qu’avec l’accord du salarié. Les plans de formation, lorsqu’ils existent, ne sont pas imposés par les titulaires mais le plus souvent discutés au sein de l’équipe officinale. Les préparateurs ont ainsi une marge de manœuvre pour effectuer les formations qui les intéressent à partir du moment où leur titulaire est convaincu de l’intérêt de la formation. Il est préférable que les formations soient reconnues par l’OPCA-PL parce que les frais de formation seront ainsi pris en charge par cet organisme (remboursement à l’employeur ou prise en charge directe). À côté des formations à l’initiative de l’employeur, le dispositif prévoit une possibilité de formation à l’initiative du salarié, le congé individuel de formation. Cela suppose toutefois un projet de reconversion professionnelle ou l’accès à un niveau supérieur de qualification. Il est donc assez peu utilisé par les préparateurs d’officine. La rémunération et les frais de formation dans le cadre d’un congé individuel de formation sont pris en charge par les Fongecif de chaque région.

Des pharmacies plus « formatrices » que d’autres.

« De plus en plus de collaborateurs sont formés grâce à l’OPCA-PL, reconnaît Jean-Marie Fonteneau. Mais ce sont toujours les mêmes officines qui permettent à leurs collaborateurs de se former. » 8 314 salariés ont suivi une formation en 2003 sur un total de 100 562 collaborateurs, soit 8 % des salariés. Le pourcentage de salariés ayant suivi une formation au cours de l’année diffère cependant énormément en fonction des régions. L’Alsace détient le palmarès avec 22 % de salariés formés. Les officines de Picardie et de Haute-Normandie sont en revanche celles qui ont le moins envoyé leurs collaborateurs en formation puisque seulement 3 % d’entre eux ont bénéficié d’un stage (voir tableau p. 18). Christine Caminade, pharmacienne et directrice d’un centre de formation continue souligne : « certains titulaires ont bien compris que la formation continue permet de valoriser leurs collaborateurs mais augmente aussi le service rendu à l’officine. » Claude Gerst, titulaire d’une pharmacie à proximité de Strasbourg, est de ceux-là. Sa pharmacie fait partie du groupement IFMO implanté en Alsace, lequel a mis sur pied sa propre école de formation. L’école IFMO, reconnue par l’OPCA-PL, remet à chaque stagiaire un livret de formation qui permet un suivi au fil des années. « Lorsque j’embauche un nouveau collaborateur, je lui demande de suivre une formation IFMO sur l’hospitalisation à domicile. C’est la seule formation que j’impose. Chaque collaborateur peut ensuite choisir sur une liste les formations qui l’intéressent », explique Claude Gerst. Le titulaire permet à ses collaboratrices, adjointes et préparatrices, de suivre deux formations par an de leur choix. « Les formations sont toujours effectuées pendant leur temps de travail. Pour les formations du soir organisées par les laboratoires, je donne un crédit de deux heures à celles qui ont envie de les suivre », précise le titulaire. Dominique Schmidt, président du groupement IFMO et titulaire à Niederbronn-les-Bains, envoie chacun de ses collaborateurs en formation en moyenne quatre jours par an. Les formations sont discutées en équipe chaque semestre, et les collaborateurs choisissent là encore leur stage. « Mes collaborateurs ont bien compris l’intérêt de la formation. Nous avons signé un accord d’entreprise extraordinaire qui stipule que les formations peuvent être effectuées en partie pendant les jours de RTT », se félicite Dominique Schmidt. Cet accord, signé avec le représentant syndical CFTC de la pharmacie, prévoit que les jours de formation correspondant à des jours de RTT d’un collaborateur ne sont pas récupérés par celui-ci. Chaque collaborateur accepte ainsi de suivre environ la moitié de ses journées de stage sur son temps de RTT. Cet accord d’entreprise est loin d’être généralisé. Caroline Jung, titulaire d’une pharmacie strasbourgeoise, a essayé sans succès de demander à ses collaborateurs de consacrer quatre jours de RTT à la formation. « Nous n’avons jamais rien signé, dit-elle. Pour éviter tout problème, j’ai finalement décidé que les formations seraient effectuées pendant le temps de travail ».

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Des difficultés pour les petites officines.

Toutefois, préparateurs comme pharmaciens conviennent que les petites officines peuvent avoir du mal à envoyer leurs collaborateurs en formation. « Toutes les entreprises n’ont pas la capacité structurelle pour former leurs salariés », plaide Claude Japhet. « Plus les officines ont une taille importante, plus elles envoient leurs collaborateurs en formation. En Île-de-France, le taux de formation est certes assez bas, mais la région comporte beaucoup de petites officines », ajoute de son côté Philippe Gaertner. Cependant, des collaborateurs font état d’une véritable réticence des titulaires à former leurs salariés. Ainsi Marie-Claire, préparatrice en intérim, souligne que la seule formation qu’elle a pu suivre, en trente ans de carrière, a été rémunérée par les Assedic. Solange, pharmacienne ajointe à Paris, témoigne quant à elle de ses difficultés à suivre une formation en phytothérapie. « Je faisais cette formation en dehors de mon temps de travail, tout allait bien. Mais le jour où j’ai demandé à m’absenter un après-midi pour suivre les cours, cela m’a été refusé. Je suis très amère, je vais quitter ce métier ! », s’insurge-t-elle. Solange et Marie-Claire, qui ont toutes deux une cinquantaine d’années, estiment qu’elles auraient bien besoin de partir en stage de formation pour raviver leurs connaissances. Nombreux sont encore les préparateurs à qui l’on refuse un stage. Pourtant, les collaborateurs de l’officine ne sont ni avares d’idées ni de leur temps. En Vendée, les préparateurs et les titulaires se sont mis d’accord pour mettre sur pied un dispositif tout à fait original de formation continue. Dans ce département, le syndicat FO des préparateurs a négocié avec les pharmaciens un cofinancement d’actions de formation, organisées sous forme de conférences de spécialistes. Les préparateurs doivent verser individuellement une cotisation annuelle d’une dizaine d’euros pour assister à ces conférences. Le syndicat de pharmaciens finance quant à lui la moitié du coût de la formation (location de la salle, rémunération des intervenants…). Environ six conférences sont proposées chaque année en soirée, animées par des médecins hospitaliers ou libéraux. Ce dispositif fonctionne depuis plusieurs années avec plus d’une centaine de préparateurs inscrits chaque année. Mais cette expérience reste unique. Et Jean Christophe Arias, responsable du service de formation continue de l’école Orthophar, est assez critique concernant la réelle volonté des titulaires à former leurs collaborateurs. « La véritable révolution en ce qui concerne la formation continue des préparateurs viendra de l’état d’esprit des titulaires, dit-il. À eux de se comporter comme des entrepreneurs et de considérer leur personnel comme une ressource et non pas comme une charge. »

financement

Le plan de formation : l’OPCA-PL

Mission de l’OPCA-PL : la formation professionnelle

L’OPCA PL, Organisme paritaire collecteur agréé de l’ensemble des professions libérales, a pour mission de promouvoir et financer la formation professionnelle des salariés dans le cadre du plan de formation et de la formation en alternance.

L’OPCA-PL collecte des fonds auprès des officines

Toute entreprise doit s’acquitter d’une contribution au titre du plan de formation. Le taux légal est établi à 0,15 % de la masse salariale brute annuelle pour les entreprises de moins de 10 salariés et à 1 % (0,9 % si l’entreprise est assujettie à la taxe d’apprentissage) pour les entreprises de 10 salariés et plus. Une augmentation est prévue dans la réforme de la formation professionnelle.

L’OPCA-PL prend en charge les frais de formation

Les formations qui s’intègrent au plan de formation sont à la charge de l’employeur, et si elles sont reconnues par l’OPCA-PL, remboursées par cet organisme. Le salarié continue à percevoir sa rémunération. La formation se fait théoriquement pendant les heures de travail. Il existe une possibilité de coinvestissement avec une partie de la formation exécutée hors temps de travail, sans versement d’heures supplémentaires.

Congé individuel de formation : le Fongecif

Le congé individuel de formation (CIF) permet à tout salarié de suivre, à son initiative et à titre individuel, des actions de formation. L’objectif est d’accéder à un niveau supérieur de qualification, de changer d’activité ou de profession. L’employeur ne peut le refuser mais il a droit de le différer si le départ du salarié est préjudiciable à la bonne marche de l’entreprise. Pendant le CIF, le contrat de travail n’est pas rompu mais suspendu. À l’issue de la formation, le salarié réintègre son poste de travail. Il est rémunéré pendant la formation par le Fongecif, lequel prend tout ou partie en charge les frais. Liste des Fongecif sur Internet : http://www.c-i-f.com

Si vous êtes sans emploi

Retour à l’emploi avec les ASSEDIC

Adressez-vous à l’ANPE pour obtenir un financement des Assedic dans le cadre d’un projet d’action personnalisée.

Devenir préparateur grâce à l’OPCA-PL

Vous êtes sans emploi et avez plus de 26 ans, contactez un employeur et vous pourrez établir un contrat de professionnalisation (qui remplacera le contrat de qualification à compter de septembre 2004).

S’informer auprès de l’OPCA PL

L’ensemble des formations reconnues et prises en charge par l’OPCA PL peut être consulté dans la brochure de l’organisme ou sur le site Internet http://www.opcapl.com. Pour toute information s’adresser aussi à :

OPCA PL, 52-56, rue Kléber

92309 Levallois-Perret cedex

Tél. : 01 46 39 38 37

Fax : 01 46 39 38 38

e-mail : opcapl@opcapl.com

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« Je peux choisir mes formations »

« Je pars en formation deux à quatre fois par an à l’IFMO, comme mes collègues de la pharmacie. Je choisis les sujets qui m’intéressent sur un programme. La formation n’est pas imposée par le titulaire, mais nous en sommes tous très friands. C’est important au niveau du comptoir puisque nous pouvons répondre plus facilement aux questions pointues des clients. Ces formations sont valorisantes et elles sont de plus reconnues par notre titulaire au niveau de la rémunération. Si un jour je souhaite changer d’officine, il est certain que les compétences acquises grâce à ces formations seront un plus. »

Jean-Claude Fabre

Préparateur à Niederbronn-les-Bains (67)

pas content

« Les titulaires veulent garder le monopole du savoir »

« En 37 ans de métier, j’ai rencontré très peu de pharmaciens qui m’ont laissée partir en formation. En règle générale, il faut se battre pour pouvoir s’absenter pendant les heures de travail et se former. Les titulaires font barrage, j’ai l’impression qu’ils veulent garder le monopole du savoir et de la connaissance. Qui plus est, ils ne veulent pas payer pour former leurs collaborateurs ni se séparer d’eux. La seule fois où j’ai pu me former, c’est lorsque je me suis retrouvée au chômage il y a dix ans suite à un licenciement. La prise en charge par les Assedic m’a ainsi permis de faire une formation en orthopédie, et d’acquérir un diplôme que j’ai pu valoriser auprès d’une officine. »

Marie-Claire

Préparatrice en intérim à Grenoble

Le bilan de compétences

Dans le cadre du plan de formation, l’employeur peut proposer à un de ses salariés de suivre un bilan de compétences. L’objectif de ce bilan est de permettre d’analyser ses compétences professionnelles et personnelles, ses aptitudes et motivations afin de l’aider à définir un projet professionnel ou de formation. Un salarié peut également prendre l’initiative de suivre un bilan de compétences dans le cadre d’un congé de bilan de compétences, financé par le Fongecif.