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Les psychotropes dans le viseur de la Mildt
L’Inserm a rendu une expertise collective très documentée sur les consommations de médicaments psychotropes et sur les phénomènes de pharmacodépendance qui y sont associés. L’objectif est de mieux connaître les mécanismes de la dépendance pour mieux les affronter.
C’est la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) qui a sollicité l’Inserm(1) pour une expertise collective sur les consommations de médicaments psychotropes, les mésusages et pharmacodépendances associés. « La Mildt avait besoin d’un état des lieux actualisé, y compris sur les polyconsommations et sur les interactions entre médicaments psychotropes et d’autres substances psychoactives, dont l’alcool », explique Danièle Jourdain-Menninger, nommée présidente de la Mildt le 12 septembre dernier. L’Inserm s’est intéressé à deux types de médicaments psychotropes : les anxiolytiques, hypnotiques, neuroleptiques, antidépresseurs et thymorégulateurs, mais aussi les psychostimulants, les analgésiques opiacés et les médicaments de substitution aux opiacés. Son expertise a été rendue publique le 25 octobre.
Les chiffres ne surprennent plus
Alors que les prévalences des consommations d’anxiolytiques et d’antidépresseurs sont en moyenne de 10 % et de 3,5 % en Europe, elles sont respectivement de 18 % et 6 % en France. Certaines situations sont bien renseignées. Ainsi, une personne sur deux suivie en médecine générale pour des troubles psychiatriques serait dépendante aux benzodiazépines. En revanche, il n’existe pas en France de données sur la prévalence de la dépendance à l’ensemble des médicaments psychotropes en population générale. Ce devrait être une future lacune à combler. La dépendance aux médicaments psychotropes s’entend comme une dépendance psychologique sans dépendance physiologique.
Les jeunes ne sont pas épargnés
Les enquêtes Escapad(2) citées par l’Inserm donnent des chiffres en légère baisse, « qui restent très préoccupants pour la Mildt » souligne la présidente. En 2011, 15 % des jeunes de 17 ans ont déjà expérimenté des tranquillisants (contre 18 % en 2008), 11 % des somnifères (15 % en 2008), 5,6 % des antidépresseurs (7 % en 2008), 2 % des thymorégulateurs, 1 % des neuroleptiques et 1 % un psychostimulant (méthylphénidate). La manière dont ces jeunes se procurent les médicaments est tout aussi préoccupante. En 2008, 37 % des adolescents consommateurs les avaient obtenus par leurs parents et 20 % les avaient pris de leur propre initiative. Les somnifères sont les médicaments les plus consommés hors de tout contrôle médical.
Des prises en charge communes
Une fois la dépendance à un médicament psychotrope installée, son traitement devient un objectif thérapeutique en soi. Ces médicaments agissent sur les mêmes réseaux neuronaux que l’alcool, la cocaïne ou l’héroïne. Aussi, les traitements des dépendances aux benzodiazépines et aux opiacés prescrits reposent sur les mêmes principes que le traitement des dépendances aux opiacés illicites. Il s’agit de changer de classe médicamenteuse si possible ou de diminuer progressivement les doses en cas d’échec d’un sevrage brutal. Il est aussi possible d’ajouter un autre traitement psychothérapique pour traiter les manifestations dépressives ou anxieuses, ou de proposer un accompagnement psychosocial, notamment en cas de rechute.
Différentes situations identifiées
Une meilleure connaissance des propriétés pharmacologiques des psychotropes améliore l’évaluation du risque de pharmacodépendance. Plusieurs situations ont été repérées par l’Inserm :
> les recours conjoncturels : ils concernent essentiellement les moins de 45 ans. Inférieurs à six mois, ils sont le plus souvent épisodiques et liés à des situations susceptibles d’évoluer dans le temps (rupture, chômage, deuil…). Ils entraînent rarement une situation de dépendance ;
> les recours de nécessité sur plus de dix ans. Ils correspondent aux durées de prescription les plus longues, parfois supérieures à vingt ans. Ils concernent la population la plus âgée et viseraient l’accompagnement des maladies somatiques invalidantes, la prise en charge de la douleur, du vieillissement et de l’isolement, ou le traitement massif de l’insomnie. L’attachement aux médicaments, en particulier aux hypnotiques, est indéniable. La dépendance est réelle et rarement vécue comme un problème. Ce traitement est légitimé par une définition de la santé qui commande de traiter la douleur ou la souffrance associée à la maladie chronique ou à l’isolement ;
> Les recours problématiques pendant au moins cinq ans s’observent chez les 45-55 ans traités pour anxiété ou dépression par les médecins généralistes, sans que le trouble ne relève des diagnostics identifiés de la psychiatrie. Cette tendance à soulager les symptômes induit une consommation chronique et souvent compulsive du produit. La dépendance est forte, vécue comme néfaste et problématique.
Travailler en réseau
Pour Danièle Jourdain-Menninger, présidente de la Mildt, « les officinaux ont un rôle à jouer et les connaissances des professionnels de santé doivent être améliorées. Ils ne doivent pas être désarmés face à un usager de drogue ou un mésusage de médicaments psychotropes. Les professionnels qui connaissent cette problématique peuvent proposer un accompagnement et orienter le patient vers un centre spécialisé. » En ce qui concerne la délivrance, les experts incitent à expérimenter plusieurs dispositifs.
(1) Institut national de la santé et de la recherche médicale.
(2) Enquête sur la santé et les consommations lors de l’appel de préparation à la défense.
Où orienter ?
Les Centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) sont des structures résultant du regroupement des services spécialisés pour l’alcool et les drogues (CCAA et CSST). Ce sont des centres médico-sociaux qui peuvent être gérés par des établissements publics de santé (hôpitaux) ou par des associations, sous condition d’un conventionnement du ministère de la Santé. Les Csapa accueillent les personnes qui sont dans une relation de dépendance plus ou moins forte et néfaste à l’égard des drogues, de l’alcool, des médicaments ou d’une pratique (jeux, sexualité, anorexie/boulimie…), ainsi que leur entourage (parents, conjoint, famille, amis). Adresses sur www.drogues-info-service.fr > S’orienter > Le dispositif spécialisé > Soins ambulatoires.
Encadrer la délivrance
L’inserm incite à expérimenter plusieurs dispositifs pour limiter la pharmacodépendance :
> l’extension des ordonnances sécurisées à l’ensemble des médicaments psychotropes des listes I et II ;
> la mise en place d’un système de téléprescription entre médecin et pharmacien ;
> la proposition d’un contrat de prescription entre médecin, patient et pharmacien ;
> la mise à disposition des professionnels des données de toutes les délivrances antérieures (sur les trois derniers mois) dans un but de repérage et d’information des patients à risque.
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