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Les inhibiteurs de la pompe à protons sont-ils à risque ?
Dans le cadre de la réévaluation des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP)
Qu’est-ce qu’un IPP ?
Un inhibiteur de la pompe à protons est un médicament qui abaisse la sécrétion d’acide chlorhydrique de l’estomac (voir Repères). Les IPP ont trois grandes indications : le traitement du reflux gastro-œsophagien (RGO, voir aussi L’ordo p. 46) et de l’œsophagite par reflux; la prévention chez les patients à risque (voir plus loin) et le traitement chez tout patient des lésions gastro-duodénales dues aux AINS ; l’éradication d’Helicobacter pylori et le traitement des ulcères gastro-duodénaux.
Pourquoi parler de mésusage ?
Indications non respectées, posologie inappropriée, plus de la moitié des usages des IPP seraient injustifiés(2). 80 % des co-prescriptions AINS et IPP, en prévention des lésions gastro-duodénales induites par les AINS, ne concernent pas les sujets à risque de ces lésions(3) que sont les patients de plus de 65 ans, ou avec antécédent d’ulcère gastro-duodénal, ou sous antiagrégant plaquettaire, anticoagulant ou corticoïde.
Pourquoi tant d’usages injustifiés ?
Les deux dosages par DCI, la posologie et les indications variables, le long cours non précisé dans les AMM participent au mésusage, de même qu’une certaine méconnaissance des médecins, qui réévaluent peu leur prescription, et l’automédication.
Quels sont les risques des IPP ?
À court terme, troubles digestifs, céphalées et rares réactions sévères d’hypersensibilité. À long terme, les effets indésirables peuvent être graves. « Le rebond acide, qui est une augmentation de la sécrétion acide à l’arrêt des IPP au-dessus des niveaux de prétraitement, peut contribuer à une dépendance aux IPP. Ce rebond, proportionnel à la durée et au niveau de la suppression acide, pourrait durer plusieurs mois après l’arrêt », explique le Dr Macaigne (voir Experts), qui suggère un arrêt progressif en cas de traitement de plus de deux mois. Les IPP diminuent l’absorption de la vitamine B12, avec un risque d’anémie, du magnésium, avec un risque de troubles musculaires, voire cardiaques, et du calcium. Un pH moins acide facilite le développement bactérien, avec un risque d’infections digestives par Clostridium difficile, et de pneumopathies. S’observent aussi des complications rénales, un risque de cancer gastrique en cas de traitement au long cours et d’infection par Helicobacter pylori, et « le risque d’un retard diagnostique de cancer gastrique en cas de traitement de symptômes non spécifiques », avance le Dr Macaigne. La revue Prescrire (voir Experts) évoque une longue étude de suivi(4) qui a conclu à une augmentation de 25 % de la mortalité chez les patients sous IPP par rapport à ceux sous anti-H2 : « À l’échelle d’un médecin, il est difficile, voire impossible, de se rendre compte d’une hausse de la mortalité ou d’effets indésirables ».
Quand se produisent ces effets ?
« Ils surviennent en général lors des traitements d’entretien, en rapport avec l’achlorhydrie induite ou avec des effets extra-gastriques », avance le Dr Macaigne. Selon Prescrire, « le risque est d’autant plus grand que le traitement a duré plus d’un mois ». Le Dr Macaigne nuance : « Lorsque l’IPP est correctement prescrit, le bénéfice est de loin supérieur aux risques potentiels ».
Qu’en est-il des interactions ?
La hausse du pH gastrique réduit l’absorption digestive du pazopanib(5) et d’autres anticancéreux. Pour Prescrire, c’est « une perte de chance pour les patients ». En prime, les IPP sont des inhibiteurs du cytochrome CYP450 2C19. Attention aux médicaments métabolisés par cette voie, comme le citalopram(6) ou le clopidogrel. Le pantoprazole est une alternative intéressante car il n’interagit pas avec le 2C19.
Et maintenant ?
La HAS travaille sur une fiche de bon usage pour les professionnels de santé – celle de 2009(3) mentionnait déjà le mésusage – et sur un document patient, attendus au deuxième trimestre de 2021. Prescrire plaide pour « la formation continue des prescripteurs et des dispensateurs ». À l’officine, un bilan de médication pourrait susciter la déprescription. Quant aux antihistaminiques H2, « ils marchent moins bien et les problèmes d’approvisionnement n’incitent pas à démarrer de nouveaux traitements », selon Prescrire. Les alginates sont « plus sûrs », et les mesures hygiéno-diététiques sont « à rappeler à tous ».
(1) Rapport d’évaluation des inhibiteurs de la pompe à protons, HAS, nov. 2020.
(2) Les IPP restent utiles mais doivent être moins et mieux prescrits, HAS, 12 nov. 2020.
(3) Bon usage des médicaments, les inhibiteurs de la pompe à protons chez l’adulte, HAS, déc. 2009.
(4) Inhibiteurs de la pompe à protons : augmentation de la mortalité, revue Prescrire, oct. 2018.
(5 et 6) Pazopanib + IPP ou antihistaminique H2 : survie plus courte et Citalopram + oméprazole : morts subites, revue Prescrire, août 2020.
NOS EXPERTS INTERROGÉS
→ Dr Gilles Macaigne, chef de service en hépato-gastroentérologie au sein du Grand Hôpital de l’est francilien (77), membre de la Société nationale française de gastro-entérologie (SNFGE).
→ L’équipe de la revue Prescrire.
Repères
→ 16 millions de Français(2) consomment cinq IPP : ésoméprazole 20 et 40 mg (Inexium), lansoprazole 15 et 30 mg (Lanzor, Ogast, Ogastoro et génériques), oméprazole 10 et 20 mg (Mopral, Zoltum et génériques), pantoprazole 20 et 40 mg (Eupantol, Inipomp et génériques) et rabéprazole 10 et 20 mg (Pariet).
→ La pompe H+/K+-ATPase, dite à protons, est une enzyme qui assure l’échange d’un proton contre un ion potassium à travers une membrane. Un IPP bloque de manière irréversible la pompe des cellules pariétales de l’estomac, qui ne peut plus sécréter d’ions H+ dans la lumière gastrique, d’où la baisse de production d’acide chlorhydrique.
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