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Le vrac ça claque ou ça braque !
Encore peu présent en pharmacie, le vrac tend néanmoins à se développer dans les rayons de dermo-cosmétique. Pour prendre le virage de façon astucieuse, tout en évitant les écueils, le point sur les bonnes idées.
Valoriser les contenants vides, réduire le gaspillage en proposant des quantités ajustées aux besoins, agir pour la planète en favorisant les circuits courts, vous proposerez bien un peu de vrac à vos clients ?
Entré dans le code de la consommation en 2020 avec la loi antigaspillage pour une économie circulaire(1), le vrac se définit comme la vente de produits présentés sans emballage, en quantité choisie par le consommateur, dans des contenants réemployables ou réutilisables(2).
Alors que 20 % de la surface de vente des commerces de détail de plus de 400 m2 devront être réservés au vrac en 2030(3), le concept entre timidement dans les rayons dermo-cosmétiques officinaux. Au-delà du geste écologique, « l’expérience produit attire », note Gaëlle, préparatrice dans le Maine-et-Loire. Plus qu’un rayon, le vrac intrigue, dynamise le trafic, répond à des besoins ciblés et peut bousculer les codes de l’échange, au point de transformer la relation client-officinal. Des titulaires ont pris le virage et se sont même lancés dans la création de leurs propres produits pour répondre à une demande identifiée. D’autres expérimentent la version vrac de produits bien connus des clients. L’expérience vous tente ? Cinq conseils pour optimiser vos chances de succès.
Lancer un produit naturel sur-mesure ?
Certains officinaux ont pris la question du vrac à bras-le-corps. En 2017, Florian Bernard, pharmacien titulaire à Saint-Laurent-du-Var (83), s’est fait cette remarque : « Le vrac ne se développe pas en pharmacie, et n’est pas mis en valeur. » Herboriste, porté sur la phytothérapie, il en conseillait beaucoup au quotidien. « La demande des clients est forte, notamment en cas de problèmes digestifs, de troubles liés à la ménopause, du sommeil ou du transit, interpelle le pharmacien . Les clients sont friands de traitements naturels, de médecines douces, et veulent consommer du brut, sans additifs ni arômes artificiels. » L’idée de créer des mélanges de plantes adaptés aux besoins récurrents des clients a germé et Pharm’infusio est né, à l’initiative de Florian Bernard et de son associé, Vincent Brasseur.
Les mélanges de plantes bio Pharm’infusio, labellisés Ecocert à 90 %, sont fabriqués par un façonnier breton. « Nous avons lancé nos produits en 2018, et nous les distribuons aujourd’hui dans plus d’une centaine de pharmacies françaises », se félicite le titulaire. La demande étant forte, et la concurrence faible en pharmacie sur ces produits, « notre officine a fidélisé beaucoup de clients. Certains viennent de loin grâce au bouche-à-oreille ».
Chez Lab@bulles, producteur de gels douche et shampoings en circuit court vendus en vrac en pharmacie, Anne, la fondatrice, ancienne titulaire s’est, elle aussi, inspirée de ses cas de comptoir pour formuler ses produits. Et elle a répondu à la quête de naturel de ses clients. Les jeunes parents, en particulier, sont séduits et viennent nombreux, via le bouche-à-oreille, pour remplir leurs contenants de format familial. « Nos formules sont minimalistes. Elles comprennent 9 ingrédients maximum, seulement 2 conservateurs et sont exemptes d’ingrédients controversés comme le polyéthylène glycol (PEG) », précise la pharmacienne aux produits certifiés bio et sans sulfate. Elle a recours, par exemple, « à la pectine de pomme pour hydrater et gainer efficacement le cheveu ». Les produits Lab@bulles sont actuellement en vente dans une soixantaine de pharmacies.
Valoriser l’aspect thérapeutique
La pharmacie jouit d’une image « quali », reflète le sain, le soin, le thérapeutique. Pour rester concurrentielle sur des produits vendus ailleurs comme les plantes et les cosmétiques en vrac, elle doit veiller à préserver cette image et miser sur elle. « Certes, les plantes en vrac sont vendues en magasin bio, à des prix parfois moins élevés, concède Florian Bernard, mais les normes et contrôles sont plus stricts sur celles qui sont vendues en pharmacie, notamment sur la teneur en principe actif. C’est un gage de qualité et d’efficacité pour le client. »
Pharm’infusio veille d’ailleurs à protéger la qualité des plantes face à la dégradation par les UV, en proposant un revêtement anti-UV sur ses silos. Le prix des plantes vendues en pharmacie couvre aussi un conseil plus complet et plus personnalisé. « Nous avons une vision d’ensemble de la situation du patient, de sa pathologie ou de son état de santé, au-delà du symptôme dont il se plaint, confirme Florian Bernard. En présence de grosses pathologies, par exemple, nous pouvons identifier que tel symptôme est lié à l’effet indésirable de tel médicament, et ajuster un paramètre de manière à le supprimer. »
Chez Lab@bulles, les produits se démarquent, eux aussi, par leur approche thérapeutique. « Ils ont été créés par des pharmaciens et nos formules ont été très travaillées, de manière à proposer une base neutre hypoallergénique et peu de tensioactifs, pour s’adapter aux peaux sensibles », explique Anne. Son objectif était de proposer des produits de qualité dermatologique, à des prix abordables. Comptez 5,90 à 6,90 euros le litre pour un gel douche, et 7,90 euros pour un shampoing. « Notre base neutre hypoallergénique est peu concurrencée, et il est intéressant de pouvoir l’acheter en vrac en quantité réduite, quand on doit l’utiliser une seule fois avant une intervention chirurgicale », souligne-t-elle.
Attention au prix sur les produits connus…
En parallèle de ces créations sur-mesure, des marques connues proposent aux pharmacies leurs produits en format vrac ou en écorecharges, en offre alternative aux flacons individuels existants. La réponse du client n’est pas la même. À Villiers-sur-Marne (94), l’officine d’Anne Barranx propose les marques La Rosée, Saforelle, Bioderma et la Roche Posay en écorecharge, au-dessus d’un meuble de vrac de produits BeauTerra corps & mains au savon de Marseille : « Les clients m’ont demandé en quoi ces offres étaient intéressantes, étant donné qu’elles ne sont pas moins chères », raconte la titulaire qui a, depuis, baissé ses prix. Un panneau pédagogique est désormais placardé au-dessus du meuble, pour sensibiliser la clientèle au geste écologique. À Illkirch-Graffenstaden (67), où la population est pourtant très sensible à la question écologique du fait de sa proximité avec l’Allemagne, l’accueil n’est guère plus positif. Gonzague Abscheidt, dans cette commune, a installé un meuble vrac dans son officine, sous l’impulsion et avec l’appui financier de son groupement Aprium. Ce meuble, conçu d’abord à titre expérimental par un consortium de cinq laboratoires – Expanscience (Mustela), Garancia, La Rosée, Naos (Bioderma), Pierre Fabre – offre une sélection de produits en version vrac. « Les réactions des clients sont positives concernant la démarche, mais il a tout de même fallu ajuster les prix au départ, confie Gonzague Abscheidt. Ce sont des produits à forte récurrence d’achat, le prix – en packaging classique – est connu du client. Sur la version vrac, il faut pratiquer des prix bas, sinon cela ne fonctionne pas. » La clientèle, plutôt jeune – 25-45 ans – des marques comme La Rosée, Bioderma ou Mustela semble donc surveiller les prix. Selon l’Observatoire du rayon vrac(4), 26 % des consommateurs qui ont diminué leurs achats en vrac en 2021, invoquent un prix au kilo trop élevé. Dans un contexte de forte inflation, seuls 31 % des foyers français achetaient des produits en vrac en décembre 2021, contre 40 % en janvier 2020.
Viser aussi les séniors !
Dans l’officine du Maine-et-Loire où travaille Gaëlle, préparatrice, un meuble de vrac proposant des produits Sarmance a été installé il y a un an et demi. Les produits cosmétiques – gel lavant main, shampoing douche… – sont majoritairement bio, issus des vignes et fabriqués dans un département voisin. « Notre meuble vrac attire une clientèle de 35 à 50 ans, estime Gaëlle, voire des personnes plus âgées qui paraissent plutôt coquettes, qui font attention à elles et qui, j’ai l’impression, ont plutôt les moyens. » Quand elle a installé son meuble de vrac Lab@bulles, Anne a également été surprise de servir une large proportion de clients séniors. « On s’attendait plutôt à une population de jeunes adultes, de jeunes parents…, confie-t-elle. Bien sûr, les jeunes sont très emballés par la démarche écologique, mais l’on sert aussi énormément de clients de 60 ans et plus. » Selon l’Observatoire du vra(4), 48 % des plus de 65 ans déclarent acheter régulièrement du vrac, contre 42 % des moins de 35 ans. Au-delà de l’hypothèse du porte-monnaie qui le permet, les séniors apprécient avant tout de pouvoir ajuster la quantité achetée à leurs besoins.
Théâtraliser l’expérience client
En marge du critère de la quantité ajustable, de nombreux séniors découvrent, avec surprise, leur madeleine de Proust au rayon vrac. « Cette génération a été habituée à acheter en vrac pendant sa jeunesse », observe Anne. Le rayon ravive les souvenirs et les émotions qui les accompagnent. Les petites histoires de vie, racontées le temps d’un remplissage de flacon, donnent un caractère plus intime aux échanges. « Telle cliente se remémore le bidon de lait qu’elle allait remplir à la ferme avec sa maman quand elle était petite. Tel client raconte qu’il se faisait livrer du vin dans des bouteilles consignées reprises ensuite par le livreur, rapporte Anne. Il y a aussi ce client très BCBG qui s’est laissé surprendre un jour par l’émotion provoquée par l’odeur de bois de santal, l’odeur de son enfance. »
Par le biais du vrac, la relation client/officinal se déconstruit parfois pour mieux se reconstruire. Le lien de confiance tend à se renforcer lorsque l’on partage une autre facette de soi que celle du « patient » de l’ordonnance.
La théâtralisation de l’offre fidélise. Elle ouvre aussi parfois la voie à un conseil plus personnel. Durant ce moment informel, vécu côte à côte et non face-à-face au comptoir, « les patients sous traitement de chimiothérapie ou de radiothérapie se confient parfois plus spontanément, note Anne. Ce peut être l’occasion, par exemple, de suggérer l’ajout d’une goutte d’huile essentielle de lavande dans le produit cosmétique fine pour le confort… » En marge de la rentabilité directe, le rayon vrac propose une expérience client différente. Il dynamise le point de vente, sensibilise aux enjeux de l’écologie, notamment quand les meubles sont pensés de façon ludique, comme le meuble « engagement » Mustela, avec ses produits zéro déchet – shampoings-douche solides, kits éco-lingettes lavables et réutilisables –, ses jeux pour enfants et les animations encouragées autour de l’installation. Si la rentabilité n’est pas encore au rendez-vous, les clients qui testent en redemandent. Les flacons vides reviennent se remplir, ce qui est un début plutôt prometteur.
Comme le dit Jean de La Fontaine dans Le lion et le rat, « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ». Modifier des habitudes de consommation très ancrées demande du temps, et de l’investissement.
(1) Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite loi AGEC).
(2) Art. L 120-1 du Code de la consommation.
(3) Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant sur la lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets (dite Loi climat et résilience), art. 23.
(4) Réseau vrac et réemploi et l’Observatoire 2022 du rayon vrac, 5e édition.
Le vrac en chiffres
→ En 2020, 71 % des grandes et moyennes surfaces et 88 % des magasins bio disposaient d’un rayon vrac.
→ Le chiffre d’affaires généré par le vrac représente 500 à 600 millions d’euros en magasins spécialisés vrac et magasins bio, et 200 à 400 millions d’euros dans la grande distribution.
→ En sept. 2022, le Réseau Vrac et Réemploi comptait 866 points de vente, dont :
• 545 épiceries 100 % vrac ;
• 157 rayons vrac au sein d’épiceries ;
• 78 épiceries 100 % vrac « ambulantes » : vente sur la voie publique, dans des lieux publics, etc. ;
• 86 sites d’e-commerce de vrac ;
→ 52 % des foyers français et 80 % des utilisateurs actuels de vrac souhaitent trouver plus de produits en vrac dans leurs magasins.
Sources : Réseau vrac et réemploi et l’Observatoire 2022 du rayon vrac, 5e édition.
Du vrac au désordre
En 2021, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a enquêté sur les pratiques de la vente de cosmétiques en vrac. « Sur les 132 opérateurs contrôlés, 57 présentaient des anomalies en matière d’information du consommateur ou d’hygiène des produits, indique la DGCCRF. 6 des 20 prélèvements effectués ont été déclarés non conformes aux normes microbiologiques, dont un présentait un danger pour la santé. 47 avertissements et 10 injonctions de mise en conformité ont été rédigés. » La DGCCRF dresse notamment les constats suivants :
→ les établissements contrôlés sont rarement déclarés auprès de l’Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM), alors que cette formalité est obligatoire pour la vente de cosmétiques ;
→ la signature d’un contrat relatif aux modalités de distribution, non obligatoire mais vivement conseillée, est rare. Ce contrat « permet de cadrer les responsabilités respectives des distributeurs et des fabricants », précise la DGCCRF ;
→ les balances utilisées pour peser les quantités ne sont pas toujours vérifiées ni étalonnées. « Dans une pharmacie, les contrôles ont révélé que la machine doseuse délivrait 11,5 % de volume en moins que celui annoncé, indique la DGCCRF. Les suites ont été données auprès de la personne responsable, qui avait fourni le système de délivrance. » Par ailleurs, « deux établissements contrôlés imposaient aux consommateurs d’acheter par 1 litre alors que la vente en vrac implique que le consommateur puisse faire un choix sur la quantité vendue. Ces pratiques ont donné lieu à des avertissements ».
Source : Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/vente-en-vrac-des-cosmetiques-la-dgccrf-accompagne-le-developpement-de-ce-nouveau-mode-de
Le vrac en pratique
La vente de produit en vrac implique le respect de quelques règles.
→ Certains produits sont exclus de la vente en vrac.
En pharmacie, ces interdictions concernent les tampons hygiéniques, les préparations pour nourrissons, les préparations de suite, les préparations à base de céréales et les denrées alimentaires pour bébé, les compléments alimentaires.
→ Certains produits ne peuvent être vendus en vrac qu’en service assisté, ou via un dispositif de distribution adapté à la vente en vrac en libre-service qui préserve les conditions d’hygiène et de sécurité nécessaires. En pharmacie, ces produits concernent :
– les produits cosmétiques pour lesquels un « challenge test pour la conservation et des contrôles microbiologiques sur le produit fini sont nécessaires » : émulsions, gels douche, produits solaires… ;
– les couches pour bébé à usage unique ;
– les serviettes hygiéniques périodiques.
→ Les mentions obligatoires – relatives, en pharmacie, à la vente de produits cosmétiques : prix, etc. – sont placées à proximité immédiate des produits.
→ Les contenants utilisés doivent être propres et adaptés, qu’il s’agisse des contenants primaires où sont présentées les marchandises ou de ceux recueillant les produits.
• Le client peut apporter son propre contenant, mais l’officinal doit s’assurer que ce contenant n’est manifestement pas sale ou inadapté.
• Un affichage informe le client des règles de nettoyage et d’aptitude des contenants réutilisables.
• En pratique, les contenants sont souvent payants – facturés quelques euros – ou consignés. Les contenants en verre ou en plastique sont courants, le verre étant très prédisposé au réemploi et facile à nettoyer, le plastique étant plus sécurisant, notamment pour les jeunes parents manipulant leurs flacons en baignant leur bébé.
→ L’instrument utilisé pour peser ou mesurer les quantités vendues au poids doit être légal. À défaut d’instrument légal ou de récipient-mesure, les liquides peuvent être vendus à l’unité dans un récipient standard, si le consommateur peut choisir entre plusieurs quantités.
→ Question hygiène, la vente en vrac doit apporter les mêmes conditions de sécurité sanitaire que la vente en conditionnement préemballé, selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
En pratique :
• Les bib (bag-in-box) – utilisés pour les cubis de vin ! –, respectant les règles strictes relatives à la sécurité des produits conservant les denrées alimentaires, sont parfois utilisés, puis envoyés au recyclage, une fois vides. Chez Pharm’infusio, les silos sont nettoyés avec du liquide vaisselle agréé en matière de contact des denrées alimentaires.
• Des étiquettes reprenant le numéro de lot sont collées sur le contenant remis au client pour assurer la traçabilité du produit vendu en vrac.
Sources : Décret n° 2023-837 du 30 août 2023 établissant la liste des produits qui ne peuvent pas être vendus en vrac pour des raisons de santé publique. Art. L 120-2 du code de la consommation. Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), note d’appui scientifique et technique du 15 novembre 2021
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