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La vente à l’unité des comprimés de certains antibiotiques devrait être expérimentée

Publié le 4 décembre 2013
Par Véronique Hunsinger
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La pratique est monnaie courante en Grande-Bretagne, elle a été adoptée en Espagne en 2011 et la France devrait l’expérimenter dès l’année prochaine, conformément au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). La vente à l’unité de médicaments dans les officines, réservée jusqu’alors aux stupéfiants, a vocation à être étendue. Les premiers visés sont les antibiotiques.

Les arguments

Le gouvernement justifie cette mesure notamment par le gâchis des médicaments non utilisés. Selon une estimation de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), un médicament remboursé sur deux ne serait pas consommé. « Des stocks “dormants” au domicile du patient entraînent une automédication inappropriée à partir des médicaments restants », estime la ministre de la Santé, Marisol Touraine. Elle ne veut plus que des patients piochent dans l’armoire à pharmacie familiale des antibiotiques prescrits quelques mois plus tôt à un autre membre de la famille. « En outre, la délivrance de médicaments au-delà du traitement prescrit a également un impact environnemental non négligeable et pose la question de leur coût pour l’Assurance maladie », avait-elle ajouté.

Modalités encore floues

La mesure prévoit à titre expérimental, pour une période de trois ans, la délivrance à l’unité des antibiotiques lorsque leur forme pharmaceutique le permet. Concrètement, les modalités ne sont pas encore déterminées, mais il est certain que l’expérimentation sera réservée à la forme comprimés. Un décret devra préciser les choses après consultation des organisations professionnelles.

Des avis divergents

Pour Gilles Bonnefond, président de l’USPO, « c’est une très mauvaise idée qui n’apporte rien pour lutter contre l’antibiorésistance dans la mesure où les antibiotiques sont aujourd’hui conditionnés dans des boîtes au format adapté ». Selon lui, « il faudrait que les médecins prescrivent les durées adaptées aux traitements classiques et ne pas indiquer huit jours quand le traitement est prévu normalement sur une durée de sept jours correspondant d’ailleurs au conditionnement, ou alors permettre au pharmacien d’adapter la durée ». La présidente de l’ordre des pharmaciens a également fait part de sa désapprobation dans le bulletin de l’institution. « Cette proposition d’expérimentation faite urbi et orbi, sans s’être assuré au préalable des prémices de réponses à ces questions ni de l’appui du terrain, suscite l’incompréhension des professionnels tant le réel est complexe », écrit Isabelle Adenot. Seule la FSPF est plus mesurée. « S’il y a une nécessité de santé publique, nous sommes prêts à l’accompagner, assure son président Philippe Gaertner. Il y a bien sûr beaucoup de limites, mais l’expérimentation va permettre de voir si c’est possible ou pas. De plus, cela pourrait être une nouvelle mission pour les préparateurs à l’heure où les préparations n’existent presque plus. En revanche, pour nous, il n’est pas question que la pharmacie ne soit pas rémunérée pour délivrer à l’unité, ni que nous nous retrouvions avec des boîtes entamées sans compensation. »

Pas d’unanimité non plus à l’Assemblée

Le ministère estime aujourd’hui que 200?pharmacies devraient pouvoir y participer. Le député UMP Bernard Accoyer a dit sa désapprobation à l’Assemblée nationale : « Cet article nous paraît aventureux, pour ne pas dire dangereux, estime ce médecin ORL, citant la récente affaire du furosémide. Il ne débouchera pas non plus sur de réelles économies, d’autant que les plus importantes ont été faites à ce jour dans le domaine du médicament. En résumé, il présente beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages ». C’est le député UMP et pharmacien Jean-Pierre Barbier qui s’est montré le plus opposé. « Le déconditionnement des médicaments nécessitera évidemment plus de personnel dans les pharmacies, a-t-il indiqué. Il posera aussi des problèmes de stockage et risquera de provoquer des erreurs de délivrance ». En revanche, le rapporteur de la commission des Affaires sociales, le député socialiste Gérard Bapt, a souligné que la dispensation à l’unité existe déjà, notamment pour les médicaments destinés aux patients des Ehpad. « La semaine dernière mon pharmacien m’a montré un automate, une machine qui dispense sur des rubans par petites cases individualisées […] plusieurs prescriptions dans la journée avec, étiquetés, le médicament et sa prescription » s’est émerveillé ce cardiologue…

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Pas à pas

La perspective de la vente à l’unité généralisée est cependant encore très lointaine. Le ministère devra présenter un rapport sur cette expérimentation en juillet 2017 et répondre à un certain nombre de questions en suspens : quel impact de la vente à l’unité sur les dépenses, comment s’est organisée la filière pharmaceutique et comment le bon usage des médicaments concernés a-t-il été préservé ? L’expérimentation sera suivie à la loupe sous la responsabilité d’une personnalité de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).