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La vape, bonne ou mauvaise résolution ?

Publié le 27 novembre 2019
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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La presse a fait état de décès avec la cigarette électronique aux USA. À l’occasion du Mois sans tabac, pneumologues et tabacologues émettent une synthèse informative(1) fondée sur les dernières données scientifiques.

Pourquoi ces inquiétudes ?

Plus de la moitié des Français considèrent la cigarette électronique aussi, voire plus nocive que le tabac(2). Pour le Pr Roche (voir Expert), président de la Société de pneumologie de langue française (SPLF), une première raison l’explique : « Instinctivement, on a du mal à imaginer qu’un produit chimique inhalé puisse être anodin, même si, pour le moment, il n’y a pas de preuves cliniques d’effets délétères. » Ces inquiétudes sont ravivées par les 1 888 cas de pneumopathie rapportés chez les vapoteurs aux États-Unis, dont 37 décès au 31 octobre 2019(1).

Que sait-on des cas outre-Atlantique ?

L’identification des agents en cause reste à confirmer, mais les données actuelles relient ces pneumopathies à un usage récréatif avec, dans 75 à 80 % des cas, l’utilisation de liquides « maison » ou achetés hors du réseau officiel et contenant des huiles de cannabis, du cannabis et assimilés et souvent de l’acétate de vitamine E, une substance huileuse qui se déposerait dans les poumons.

Ces produits sont-ils présents dans les liquides commercialisés en France ?

Le cannabis ou assimilés et la vitamine E sont interdits dans les liquides commercialisés en Europe. En France, les fabricants doivent enregistrer leur produit six mois avant la commercialisation auprès de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) qui vérifie leur composition. Roger Genet, son directeur général, a déclaré en septembre 2019 que « en France, pour les produits qui sont autorisés, il n’y a pas de problème sanitaire ».

Y a-t-il un risque avéré en France ?

Il n’y a pas d’alerte et le ministère de la Santé n’annonce aucune mesure restrictive supplémentaire, comme c’est le cas dans d’autres pays avec l’interdiction de l’e-cigarette en Inde et des liquides aromatisés dans certains États américains. Toutefois, la vigilance est renforcée, avec un dispositif de signalement, par les médecins, des cas de pneumopathie sévère chez des vapoteurs via le portail du ministère de la Santé.

En utilisation « normale », vapoter est-il dangereux ?

Les émissions de la cigarette électronique, contiennent moins de substances toxiques que la fumée du tabac, mais l’e-cigarette a néanmoins des effets biologiques connus. « Elle provoque une inflammation bronchique, mais on ne sait pas si cela peut avoir des effets délétères à long terme. Il y a donc un potentiel biologique de toxicité sans preuve clinique, faute de recul », explique le Pr Roche qui incite à la prudence. « Cela ne veut pas dire l’interdire, mais réserver son usage au sevrage tabagique qui reste la priorité. »

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Est-ce efficace pour arrêter le tabac ?

Des essais randomisés montrent l’efficacité de l’e-cigarette dans le sevrage tabagique. Le plus récent, au Royaume-Uni, révèle presque deux fois plus d’arrêts à un an qu’avec un substitut nicotinique, 18 % versus 9,9 %(2). Les chiffres du baromètre santé 2017 (voir Repères) et l’intégration de l’e-cigarette dans les consultations tabacologiques(3) vont aussi dans ce sens. Néanmoins, les données restent insuffisantes pour conclure à un traitement efficace et sûr. Dans leur synthèse de novembre 2019(1), la SPLF et la Société française de tabacologie (SFT) émettent un avis consensuel, considérant que « la cigarette électronique est probablement une aide efficace pour arrêter de fumer ».

Quels sont leurs conseils ?

En première intention, elles préconisent de recourir aux traitements validés pour l’arrêt du tabac tels que substituts nicotiniques, varénicline, bupropion. « Il faut considérer et présenter ces moyens avant d’envisager la cigarette électronique », souligne le Pr Roche. En cas de recours au vapotage, il ne faut choisir que des liquides autorisés, ne pas les acheter dans la rue ou hors du circuit habituel, ne pas utiliser d’huile de cannabis et ne se servir de l’e-cigarette que de façon transitoire, sans dépasser 12 mois après l’arrêt du tabac s’il n’existe aucun risque de rechute.

« L’objectif est l’arrêt total du tabac. Il n’est pas prouvé que fumer et vapoter en même temps réduit les risques du tabagisme, précise le pneumologue. Les vapo-fumeurs doivent être mieux substitués en nicotine et cela peut être le rôle du pharmacien de compléter avec des substituts comme les patchs. »

NOTRE EXPERT INTERROGÉ

Pr Nicolas Roche, pneumologue au service de pneumologie de l’hôpital Cochin à Paris, président de la Société de pneumologie de langue française (SPLF).

Repères

La cigarette électronique en France

→ 2010 : elle apparaît sur le marché français.

→ 2015 : c’est un outil possible d’aide au sevrage tabagique, selon le Haut conseil de la santé publique(2).

→ Expérimentation : chez 32,8 % des 18-75 ans, 3,8 % vapotent versus 5,9 % en 2014, 2,7 % quotidiennement (stable depuis 2014).

→ Environ 700 000 ex-fumeurs depuis plus de 6 mois estiment que vapoter les a aidés à arrêter.

→ 2,6 % des ex-fumeurs l’ont utilisée ou l’utilisent.

→ Parmi les 160 000 inscrits à l’opération Moi (s) sans tabac en 2017, 33 % ont choisi pour aide la cigarette électronique, 19 % un professionnel de santé, 27 % des substituts nicotiniques.

(1) Informations sur la cigarette électronique utilisée dans un objectif d’aide au sevrage tabagique, SPLF et SFT, novembre 2019.

(2) Usage de la cigarette électronique, tabagisme et opinions des 18-75 ans, baromètre santé 2017, Santé publique France.

(3) Moi (s) sans tabac : les équipes de l’AP-HP se mobilisent, dossier de presse du 24 octobre 2016.