La périnatalité doit renaître de ses cendres

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La périnatalité doit renaître de ses cendres

Publié le 1 juin 2024
Par Annabelle Alix
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Pour tenter de redresser la situation périnatale en France, le Sénat a lancé, en mars dernier, une mission d’information visant à redéfinir l’organisation des soins. Développer un accompagnement périnatal à l’officine permet de répondre à un vrai besoin, tout en fidélisant une patientèle en demande.

Natalité chute libre, maternités qui ferment, mauvaise santé des mères, grossesses à risque et mortalité néonatale en hausse… la situation sanitaire périnatale en France a connu des jours bien meilleurs. « Sur les 38 pays de l’OCDE(1), la France avait le plus faible taux de mortalité infantile il y a quarante ans. Elle occupe aujourd’hui la dix-huitième place », alerte Annick Jacquemet. Cette sénatrice du Doubs (25) préside la mission d’information lancée en mars dernier par le Sénat pour évaluer les politiques publiques à l’œuvre et tenter de redresser la barre.

En attendant, des initiatives se déploient sur le terrain pour mieux accompagner la périnatalité, y compris en pharmacie. Une démarche pleine de sens puisque « 53 % des femmes enceintes se tournent vers leur pharmacien pour des conseils », rappelle Soazick Sirand, infirmière puéricultrice, consultante en allaitement IBCLC(2) et fondatrice de l’organisme de formation CEFAN-Santé (accompagnement périnatal en o¡..cine). Le créneau est également un vecteur de développement pour l’officine.

Un vrai besoin

Dans la lignée des entretiens « femmes enceintes » réalisés par le pharmacien pour prévenir l’iatrogénie, l’officinal a plus d’un rôle à jouer côté périnatalité. Et pour cause : « Il n’y a plus de transmission intergénérationnelle autour de l’arrivée du bébé, déplore Soazick Sirand. Les jeunes mamans sont de plus en plus seules chez elles et démunies. » L’apport et la vulgarisation récente des neurosciences – « laisser bébé pleurer est délétère pour son cerveau » ; « porter bébé est essentiel à sa sécurité affective »… éloignent certaines personnes de leur propre modèle parental et mobilisent un investissement plus fort des parents, entraînant davantage de fatigue et le fameux baby clash (tensions dans le couple parental liées à l’épuisement, voir enquête Papa où t’es ?, Porphyre n° 591). Avec, à la clé, un risque accru de dépression post-partum, de maltraitance conjugale et infantile. « Quand bébé pleure beaucoup, en particulier, les mamans sont en détresse et en recherche de solutions, souligne Soazick Sirand. La clé est avant tout de faire en sorte que les parents comprennent le rythme et les besoins propres à leur bébé pour l’accompagner au lieu de chercher à lui imposer à tout prix un rythme qui, en fait, ne convient pas à sa physiologie. »

Un créneau à saisir

Accompagner l’allaitement, prévenir ou détecter des troubles psychologiques et orienter vers un médecin, les potentialités d’action sont nombreuses… Et l’officine est en première ligne. Entre les maux de la grossesse ou du post-partum, la vitamine D pour bébé, les vaccins et les maladies infantiles, les passages en pharmacie ne manquent pas. L’occasion de capter ou de fidéliser une clientèle en demande. « Les mamans se confient plus volontiers à la préparatrice qu’elles connaissent qu’au gynécologue ou au pédiatre, centré sur le bébé, constate Soazick Sirand. De son côté, l’officinal connaît l’histoire de la maman, un atout qui lui permet parfois de détecter plus facilement une situation problématique, et même de l’anticiper, par exemple en cas d’antécédents de dépression, qui est un facteur de risque de dépression post-partum . » Une fois le créneau saisi, le bouche-à-oreille opère. « Après avoir formé ma première équipe officinale, les médecins, pédiatres et sages-femmes ont peu à peu envoyé leurs patients à la pharmacie. En quatre ou cinq ans, elle est passée de six tire-lait en stock et pas toujours loués, à deux cents, constamment sortis !. », affirme l’infirmière puéricultrice. Les pharmacies les plus investies iront jusqu’à la certification IPhAN (Pharmacie amie des nourrissons(3)).

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Internet, séparer le bon grain de l’ivraie

« Il y a dix-huit ans, vingt à trente mamans assistaient à nos groupes d’information “allaitement”, se souvient Soazick Sirand. Aujourd’hui, lorsqu’il y en a deux, on est déjà contentes. Les mamans préfèrent se renseigner sur Internet, sur les réseaux sociaux, ont l’impression d’intégrer une communauté d’entraide, alors que les partages d’expérience pris pour exemples peuvent induire en erreur. Dans le cas de l’allaitement, par exemple, ce qui fonctionne chez une maman dont le sein possède une grande capacité de stockage de lait ne fonctionnera pas chez celle qui n’a pas les mêmes capacités. » Le conseil doit être personnalisé. À défaut, les mamans adoptent des pratiques inadaptées, concluent à des autodiagnostics erronés – « Je n’ai pas assez de lait » ; « Mon bébé a des coliques/un reflux gastro-œsophagien »… – et optent en conséquence pour de fausses solutions : arrêt de l’allaitement, passage au lait artificiel épaissi anti-reflux, etc. « L’achat d’une préparation pour nourrissons est l’occasion de questionner pour faire passer deux ou trois messages, explique Soazick Sirand. On vend mais on sème aussi des graines, et si la maman est en difficulté, elle reviendra d’elle-même. »

Certains sites web ou applications sont intéressants, comme les 1 000 premiers jours (voir Porphyre n° 581) ou l’application Parent’Up, qui propose aux jeunes et futurs parents une aide psychologique anonyme, accessible 24h/24 et 7 jours/7. De quoi lever les freins.

(1) Organisation de coopération et de développement économiques.

(2) International Board Certified Lactation Consultant : consultant en lactation certifié par le conseil international en français

(3) Certification qui garantit une écoute professionnelle et bienveillante des jeunes parents, un soutien individualisé et, en cas de besoin, une orientation appropriée vers les professionnels compétents, https://iphan.fr/.

Le saviez-vous?

Parmi les difficultés auxquelles sont confrontés les jeunes parents figure le reflux gastro-œsophagien (RGO) du nourrisson. La Haute Autorité de santé (HAS) a publié, le 19 mars dernier, deux fiches pratiques : l’une à destination des pédiatres pour rationaliser la prescription d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), l’autre pour informer les parents sur les pratiques à adopter.

→ À afficher dans l’officine : https://vu.fr/grLHb

→ Fiche parents : https://vu.fr/tbIne

→ Fiche pédiatres : https://vu.fr/BDJmg

→ Logigramme : https://vu.fr/ezJyV