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La formation sur la sellette
Le diplôme de préparateur prépare-t-il à l’exercice du métier à l’officine ? Sont pointées du doigts les lacunes en pharmacologie, techniques de vente et communication. Il est urgent de revoir le programme de formation.
Certains élèves ne font même pas la différence entre un barbiturique et un anxiolytique, déplore Brigitte Chatel, pharmacienne titulaire à Paris.Les candidats au BP devraient se perfectionner en pharmacologie. » Valérie Peltre, pharmacienne titulaire et enseignante en pharmacologie au CFA de Nancy, de renchérir : « En officine, le préparateur passe 80 % de son temps à délivrer des ordonnances, il doit être incollable sur le médicament ! » Et c’est le programme de formation qu’il faudrait sérieusement remettre à plat.
Les préparations mises à l’index
« Les 800 heures de cours sont réparties dans les différentes matières au prorata des coefficients à l’examen du BP, continue Valérie Peltre. Mais l’importance accordée à certains enseignements ne correspond pas à la pratique du préparateur au comptoir, notamment en ce qui concerne les préparations… » L’examen comporte quatre préparations, deux magistrales et deux officinales. Résultat, pour préparer les élèves, les centres de formation consacrent une centaine d’heures à cet apprentissage.« Il est vrai que les préparations ne constituent plus du tout l’essentiel de l’activité d’un préparateur dans bon nombre de pharmacies. Ce sont de grosses officines sous-traitantes qui s’en chargent », reconnaît Florence Hertel, pharmacienne et responsable de la formation au CFA d’Avignon. Mais plusieurs formateurs insistent sur le côté pédagogique des préparations. « Les préparations leur apprennent la rigueur et la logique, les bonnes pratiques officinales. Ils ont besoin de calculer, de réfléchir. De plus, des jeunes préparateurs entrent dans l’industrie ou dans des pharmacies spécialisées en préparations. Nous formons les jeunes à un métier complet », estime Évelyne Grillo, directrice du CFA de Toulon. Roger Halegouet, préparateur et enseignant au CFPP de Paris, est plus catégorique : « La suppression de l’apprentissage des préparations entraînerait la disparition du métier de préparateur. »
Améliorer le commentaire technique écrit
L’épreuve concernant les préparations n’est pas la seule à être montrée du doigt, le commentaire technique écrit également. De quoi s’agit-il ? D’une mise en situation à l’officine. On propose à l’élève une ordonnance qu’il doit commenter et analyser par écrit. « C’est la seule partie de l’examen qui correspond concrètement à l’exercice de son métier », estime Valérie Peltre. Pour avoir consulté les sujets en provenance de toute la France et consulté les corrigés proposés, la pharmacienne s’insurge contre la manière dont sont proposés certains sujets. « L’ordonnance à commenter est souvent construite autour d’une contre-indication majeure. C’est comme si on faisait aller dans le fossé un jeune conducteur pour lui apprendre à conduire ! », s’exclame-t-elle. Les corrigés proposés se concentrent forcément autour de la contre-indication à dénoncer ! N’est-il pas plus intéressant de construire un sujet autour d’une ordonnance plus réaliste ? On demande alors à l’élève de comprendre à travers la prescription la pathologie, de vérifier les posologies, de rappeler les effets secondaires, les interactions éventuelles. Sans compter que certaines ordonnances présentées à l’examen mentionnent des médicaments qui ne sont plus prescrits de nos jours. Qui prescrit de la théophylline seule aux asthmatiques (sujet Paris-Créteil-Versailles 2002) ou du calcium injectable en ambulatoire (sujet Toulon-Nice-Marseille en 2002) ? Autre motif à polémique : le BP de préparateur est le seul BP à présenter des zéros éliminatoires aux épreuves techniques.
Quid de l’aspect commercial du métier ?
L’examen du BP souffre aussi de l’absence de certaines matières : conseil, prévention, information, formation, communication accueil et vente. Au sein du référentiel (programme de formation), elles sont reconnues comme faisant partie de la mission professionnelle d’un préparateur mais ne sont pas validées par un examen spécifique. « Ce n’est pas en 800 heures qu’on peut les former à la gestion, au marketing et à la communication », remarque Jean-Marc Lozano. Certains centres veillent cependant à assurer un minimum de formation en commercial et en conseil. « En première année, nous essayons de prendre quelques heures sur les heures de législation », précise Florence Hertel d’Avignon. Tandis qu’au CFA de Saint-Laurent-du-Var, la communication et les techniques de vente sont enseignées sur les heures d’expression française et ouverture sur le monde. Mais seulement aux bacheliers, puisque ceux-ci ont déjà le niveau dans cette matière.
En attente, la révision du BP
Il devient urgent de revoir le programme de formation qui date de 1997, d’autant que le délai de révision (tous les cinq ans selon l’Éducation nationale) est passé. L’ANFPP, qui regroupe plus de 70 % des centres de formation, travaille depuis plusieurs mois sur cette révision. L’association, qui n’a aucun pouvoir décisionnel, compte soumettre très prochainement ses conclusions à la CPNE (Commission paritaire nationale de l’emploi) de la pharmacie d’officine. Le brevet professionnel dépend à la fois du ministère de la Santé et celui de l’Éducation nationale, le tout devant être soumis à consultation à la XXe commission professionnelle consultative du ministère en charge de l’Éducation nationale dont dépend le diplôme.« Notre volonté est d’adapter au mieux la formation à la réalité officinale. Nous demandons notamment une réduction de l’importance des préparations dans le cadre de l’examen, une modification du référentiel en pharmacologie, ainsi qu’une plus grande importance accordée au commentaire technique écrit », précise Philippe Gaertner, président de l’ANFPP et coordinateur du centre de formation de Strasbourg. Il reconnaît que la formation devrait évoluer, sans toutefois être remise en question dans son ensemble : « C’est un diplôme de niveau 4, qui nécessite donc une bonne culture générale. Le professionnel fraîchement diplômé ne sait pas forcément tout, mais il a les connaissances nécessaires pour s’adapter à son milieu professionnel. Dans ce sens, la formation est satisfaisante. » Philippe Gaertner souligne également qu’il n’est pas possible de faire entrer des matières telle que l’informatique dans le programme en raison des 800 heures légales. Si certains CFA proposent une formation en trois ans, celle-ci est réservée aux jeunes bénéficiant d’un contrat d’apprentissage. Les élèves en contrat de qualification ne peuvent dépasser une durée de formation de deux ans. Rappelons que la seule différence entre les deux formes de contrat est le mode de financement (région ou OPCA-PL) et certaines exonérations de cotisations salariales, le contrat d’apprentissage étant le plus intéressant. « Je regrette l’ancienne filière CAP et mention complémentaire qui permettait aux élèves d’avoir une expérience de cinq ans en officine », ajoute le président de l’ANFPP.
Formation : deux ans après le bac
Compte tenu de la disparition du CAP d’employé d’officine en pharmacie et de la mention complémentaire, la majorité des préparateurs en pharmacie sont aujourd’hui formés en deux ans au lieu de cinq ans auparavant. Pour se présenter au BP, les candidats doivent justifier d’une formation en centre de 800 heures acquises par la voie de l’apprentissage ou de la formation continue ainsi que de deux années d’activité professionnelles exercées dans une pharmacie. Et pour beaucoup de professionnels de l’officine, la formation en deux ans n’est pas assez longue pour former des professionnels opérationnels. « Les nouveaux diplômés d’aujourd’hui sont certes moins autonomes que leurs prédécesseurs formés en cinq ans. Vu les 35 heures, ils ont 12 heures de cours et 23 heures seulement à l’officine. Ce temps sur le terrain ne leur permet pas d’acquérir la pratique », estime Karine Poisnel, préparatrice à la Seyne-sur-Mer (Var) et vice-présidente du CFA de Toulon. Actuellement, la formation est ouverte aux bacheliers et aux titulaires d’un BEP carrières sanitaires et sociales. Une nouvelle filière, le bac pro commerce pharmacie d’officine, devrait aussi permettre de recruter des candidats au BP. Plusieurs centres ont ouvert des sections pour ce bac professionnel qui se prépare en 1385 heures sur deux ans. Ces nouveaux bacheliers envisagent de passer leur BP et disposeraient ainsi d’une formation en quatre ans.
À quant le diplôme de niveau 3 ?
Pourtant, même si le niveau d’accès au BP est relevé, près de 85 % des candidats ayant le bac aujourd’hui, les préparateurs restent cantonnés à un diplôme de niveau 4, mis à part les préparateurs en pharmacie hospitalière qui ont obtenu récemment le niveau supérieur. « À entendre tous les inspecteurs de l’Éducation nationale, c’est le diplôme de niveau 4 le plus difficile compte tenu des exigences demandées », souligne Jean-Marie Fonteneau, préparateur, enseignant au CFPP de Paris et membre de la CPNE au titre de la CGT. Jean-Marie Fonteneau rappelle que son organisation syndicale demande depuis plusieurs années une homologation au niveau 3. « Du fait de l’opposition des deux organisations patronales, nous restons malheureusement au niveau bac », déplore-t-il. Michel Le Direach, président de la CPNE au titre de la CFDT, est favorable à une actualisation de la formation des préparateurs mais souhaite que les préparateurs soient aussi concernés par la réforme de la première année des études de santé (voir encadré). « Ne créons pas quelque chose qui exclurait les préparateurs de cette réforme ! », prévient-il. La réforme des études de santé est en discussion, et jusqu’à maintenant les préparateurs ne font pas partie des quatorze professions de santé concernées. « Hormis les auxiliaires de vie et les aides-soignantes, les préparateurs sont les seuls professionnels de santé publique dont le diplôme est resté au niveau 4. Pourtant le référentiel est quasiment de niveau 3 », ajoute Michel Le Direach. Un passage au niveau 3 permettrait de reconnaître les préparateurs comme de vrais professionnels de santé, mais serait problématique pour l’accès à la formation des titulaires du BEP carrières sanitaires et sociales. « Une personne titulaire de ce BEP pourrait toujours valider ces acquis professionnel ou passer un diplôme d’équivalence universitaire », plaide Michel Le Direach. « Ce BEP est une véritable voie de garage pour l’Éducation nationale, renchérit Jean-Marie Fonteneau. Les jeunes filles titulaires de ce BEP ont beaucoup de mal à intégrer les écoles d’auxiliaires de puériculture, d’aides-soignantes ou de préparatrices. »
Les CFA en FranceBP ou BTS ?
La solution ne serait-elle pas de transformer le BP de préparateur en pharmacie en BTS (brevet de technicien supérieur) en pharmacie ? Car le BTS est, lui, reconnu au niveau 3. Les BTS peuvent aussi se préparer en alternance, laquelle est reconnue comme indispensable aussi bien par les pharmaciens que par les préparateurs. « Avec un BTS, la profession attirerait beaucoup plus de jeunes car les salaires seraient revalorisés. Mais cela poserait problème avec les pharmaciens adjoints, puisque les niveaux de salaire seraient alors très proches entre ces deux collaborateurs de l’officine », remarque Florence Hertel. Marie-Pierre Demay, préparatrice, enseignante au CFA Pasteur de Bétheny, précise que les élèves souhaitent la reconnaissance de leur diplôme en BTS. « Les jeunes quittent rapidement la profession, car leurs responsabilités ne sont pas en adéquation avec les salaires proposés », ajoute-t-elle. Mais de leur côté, les pharmaciens ne souhaitent pas d’un BTS qui leur échapperait et serait géré par l’Éducation nationale… Et pourtant les incohérences de la formation sont telles qu’il va falloir faire évoluer l’enseignement ! Le BP de préparateur est désormais le seul BP à ne pas être précédé d’un CAP.« La logique de l’apprentissage a été cassée. Il faut tout revoir, mais établir auparavant un diagnostic des besoins de l’officine », souligne Jean-Marc Lozano. Reste que les préparateurs doivent s’associer à la réflexion et être acteurs de leur avenir. Les pharmaciens sont plus disposés aujourd’hui qu’hier à les écouter. La pénurie de préparateurs y est pour quelque chose.
Les épreuves du BP et leurs coefficientsLes candidats au BP de préparateur en pharmacie doivent justifier, à la date à laquelle ils se présentent à l’examen de deux années d’activité professionnelle exercée dans une pharmacie et d’une formation d’une durée de 800 heures.
Content« La formation colle au plus près des exigences du métier »
Avec le BP actuel, nous abordons toutes les matières de façon transversale à partir d’un cas concret. De fait, notre formation colle au plus près des exigences du métier. S’agissant des préparations, elles sont toujours utiles car je crois que les préparateurs seront amenés à faire de plus en plus de préparations. Il est regrettable que la communication et les techniques de vente ne soient pas obligatoirement enseignées. Cependant, nous les enseignons dans notre CFA. Nous avons monté une petite officine avec un comptoir et des vitrines. L’alternance est aussi indispensable, mais on peut regretter que les études ne soient pas assez longues compte tenu de l’importance des connaissances à assimiler. En général, les pharmaciens sont très satisfaits des élèves que nous formons.
Marie-Claude Bauzit Directrice du CFA de Saint-Laurent-du-Var
Pas content« Le préparateur devrait être un spécialiste du médicament »
La formation n’est pas du tout adaptée. Les préparations continuent à être enseignées, alors qu’un préparateur en exercice n’en fait plus du tout. Il est nécessaire de réorienter le métier vers plus de technicité, avec des compétences en informatique et en administration. Le préparateur doit être un spécialiste du médicament, connaître toutes les interactions médicamenteuses, car sa fonction principale est de délivrer des médicaments. Aujourd’hui, on leur apprend encore à reconnaître des produits à l’odeur ou au toucher alors que tous les lots que nous recevons sont certifiés et contrôlés. D’un autre côté, ils ne sont pas du tout formés aux techniques de vente. Je pense que même le mot de préparateur n’est pas adapté à la réalité du métier. On devrait s’interroger sur l’évolution de la profession et former des collaborateurs de l’officine dont nous avons vraiment besoin.
Pierre Sallier Président du syndicat des pharmaciens de l’Ardèche
ZoomRéforme des études de santé : impasse sur les préparateurs
Le projet de réforme de la première année des études de santé ne concerne pas les préparateurs. Elle concerne quatorze professions de santé : médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, infirmières, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures podologues, ergothérapeutes, psychométriciens, orthophonistes, orthoptistes, manipulateurs en électroradiologie médicale, audioprothésistes et opticiens-lunetiers. Afin de permettre une culture commune aux professionnels de santé, il est prévu un tronc commun semestriel avec un choix par filière en février. Le schéma des enseignements repose sur l’idée que chaque étudiant choisirait, lors de l’année commune, entre deux parcours de formation, la voie A tournée vers les sciences fondamentales (pharmacie, médecine…) et la voie B tournée vers les sciences humaines et sociales. Des passerelles permettraient à certains étudiants qui auraient choisi telle ou telle profession de pouvoir réintégrer un autre cursus.
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