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Et si c’était Essure ?
Malgré son retrait en 2017, le dispositif de stérilisation tubaire Essure demeure un sujet d’actualité en raison d’effets indésirables notables et persistants. Informer les femmes porteuses d’implants est indispensable pour améliorer leur prise en charge et nourrir la recherche.
« Vous serait-il possible de faire un article sur la problématique Essure ? Ces implants de stérilisation définitive ont été retirés du marché en 2017 car ils provoquent des effets indésirables graves. Or, peu de professionnels de santé sont au courant et les patientes se heurtent à leur méconnaissance. Il faut informer toutes les femmes porteuses afin qu’elles puissent faire le rapprochement entre certains de leurs symptômes et les implants. » C’est par ce courriel qu’Edwige, préparatrice et fidèle lectrice de Porphyre, nous a alertés. Parce qu’elles ont choisi la stérilisation avec Essure, qu’elles ont des symptômes plus ou moins invalidants, beaucoup de femmes se sentent coupables. De leur choix, de leur corps qui se dérobe, mais « les femmes sont des victimes avant tout ».
Contraception intéressante et irréversible
Le dispositif Essure était une méthode de stérilisation tubaire permanente pour les femmes majeures en âge de procréer. Elle consistait en l’occlusion des trompes utérines, dites de Fallope. Lancé en France en 2002, Essure est un micro-implant de 4 cm de long, petit ressort spiralé conique introduit dans chacune des trompes via les voies naturelles, vagin et col de l’utérus, par un gynécologue-obstétricien. Son intérêt à l’époque, par rapport à la classique ligature des trompes par voie coelioscopique, était de ne pas nécessiter d’anesthésie, et l’absence de risque lié au geste technique. Essure était efficace au bout de trois mois, le temps que la réaction de fibrose provoquée par son insertion provoque l’obstruction complète et définitive des trompes. Un contrôle radiographique de l’abdomen sans préparation (ASP) trois mois après la pose était préconisé par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2007, afin de confirmer la bonne position des implants. En 2012, Essure présentait une amélioration du service rendu selon la HAS.
C’est ainsi qu’en 2014, Edwige, 40 ans, demande à son gynécologue les implants Essure. Après trois enfants, des oublis de pilule, une infection sous stérilet, une insuffisance veineuse et un cholestérol limite, la préparatrice est une bonne candidate. La professionnelle de santé se renseigne sur la composition de ce dispositif qui ressemble à un stent cardiaque. La voilà rassurée…
Essure pas si sûr
Dès 2015, l’efficacité et la sécurité d’Essure sont mises en cause aux États-Unis, au Canada, aux Pays-Bas et en France, en raison de symptômes gynéco-obstétricaux, d’échecs ou de complications, et de signes généraux peu spécifiques : douleur persistante, perforation de l’utérus ou des trompes suite à la migration des implants, saignements anormaux, allergie, grossesses… En août 2017, le marquage CE d’Essure est suspendu temporairement dans le cadre de sa procédure de renouvellement par le laboratoire Bayer. L’Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) demande le rappel des produits en stock et la suspension des implantations. Le 18 septembre 2017, Bayer arrête la commercialisation d’Essure en France, puis en Europe, et aux États-Unis en 2018. C’est à cette époque qu’Edwige a les yeux qui commencent à pleurer – « J’ai essayé tous les collyres, rien n’y a fait » –, des problèmes de dos et des règles hémorragiques. Elle incrimine le verglas, la fatigue et l’âge…
Explantation sous protocole
Les explantations débutent en 2017. Douleurs, hémorragies, dyspareunie, troubles digestifs, vertiges ou migration d’implants, plusieurs symptômes motivent le retrait d’Essure. En 2018, le ministère de la Santé encadre les pratiques, recommande évaluation pré-opératoire, imagerie avant et après et suivi. Différentes options chirurgicales de retrait sont possibles : salpingectomie bilatérale avec ou sans résection de la corne (= ablation des deux trompes pouvant concerner la portion interstitielle de la trompe au niveau de la corne utérine), notamment quand l’implant est proximal et en l’absence de pathologie utérine, et l’hystérectomie (= ablation de l’utérus), avec salpingectomie bilatérale.
Pour autant, les ennuis ne s’arrêtent pas toujours. « Le retrait chirurgical des implants Essure impose une intervention chirurgicale aux conséquences lourdes… et ne garantit pas la disparition de la totalité des troubles », écrit la Revue Prescrire en janvier 2022. Des hypothèses sont évoquées.
De l’étain et du dédain
Une étude met en cause la soudure à l’étain de l’implant. Son usure serait responsable d’une granulomatose inflammatoire des trompes et des cornes utérines, responsable en partie des signes locaux, douleurs et hémorragies. Céphalées, douleurs lombaires, troubles de la mémoire, de la vue ou de l’équilibre seraient favorisés par la diffusion des ions étain et une oxydoréduction, source de composés toxiques. Ce ne sont que des hypothèses. La persistance de micro-fragments d’implants dans la cavité abdominopelvienne serait aussi une piste selon l’association Resist (Réseau d’entraide, soutien et informations sur la stérilisation tubaire). « Nous ne jetons pas la pierre aux chirurgiens mais certains ne se renseignent pas sur les bonnes procédures avant d’explanter et ne font pas de radio abdominale sans préparation post-opératoire, qui permet de repérer un éclat métallique et de s’assurer que le retrait s’est fait sans casse », explique Émilie Gillier, présidente de Resist, association comptant près de 4 000 membres, créée en 2016 et agréée par le ministère de la Santé.
Un courrier s’il vous plaît
« Notre problématique est d’avertir tout le monde de ce qui se passe. On demande depuis 2016 que l’Assurance maladie fasse les recherches nécessaires pour envoyer un courrier aux 198 000 femmes concernées », revendique Émilie Gillier, qui les voit trop souvent arriver après une longue errance médicale. Si Edwige n’avait pas lu un témoignage dans Vosges Matin, elle aurait continué à souffrir sans savoir. « Ce qui me révolte, c’est que les femmes ne soient pas informées du retrait du marché de ces implants et qu’elles vivent un enfer par manque d’information. » Elle ignore si ses symptômes sont liés à Essure, mais elle a des pistes et un soutien pour décider d’une éventuelle explantation. Chaque professionnel a un rôle à jouer pour informer les femmes et les orienter vers leur médecin. Plus elles seront nombreuses, plus elles compteront.
Des signes
→ Selon une étude de 2020 de l’association Resist, les symptômes les plus souvent rapportés par 871 femmes porteuses ou ex-porteuses d’Essure sont : douleurs abdominales (70 %), troubles de la vision (68 %), anxiété (67 %), troubles de la concentration (54 %), dépression (43 %), intolérance au froid (42 %), vertiges (36 %), ongles cassants (34 %), constipation (33 %), anémie (31 %), diarrhées (27 %), migraines et céphalées (27 %), douleurs musculaires (24 %), insomnie (21 %), sécheresses diverses (21 %)…
Des chiffres
→ 198 000 femmes implantées avec Essure entre 2006 et 2017.
→ 30 071 ont eu une chirurgie des trompes et/ ou de l’utérus au moins trois mois après l’implantation d’Essure, au 30 juin 2021.
→ 4 537 signalements reçus par l’ANSM entre janvier 2003 et le 31 décembre 2021. Ce sont des « symptômes multiples » avec au moins deux manifestations extragynécologiques.
→ 3 086 signalements de cas « symptômes multiples » extra-gynécologiques.
Source : Direction générale de la santé, ministère de la Santé.
Des actions
→ L’ANSM a rassemblé, le 1er octobre 2020, des représentants de femmes porteuses d’implants, des professionnels de santé et des scientifiques et dressé un inventaire des données scientifiques issues des études menées en France depuis 2017 sur Essure.
Ces échanges ont alimenté les travaux du comité de suivi des femmes porteuses du dispositif Essure le 15 décembre 2020, sous le pilotage de la Direction générale de la santé (DGS), puis le 25 janvier 2022.
L’amélioration du parcours de soins des femmes, le renforcement de leur information et de celle des professionnels de santé et l’identification de centres capables de prendre en charge les femmes symptomatiques font partie des axes de travail.
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