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Des garde-fous à construire pour s’en prémunir

Publié le 24 mars 2021
Par Anne-Lise Favier
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La santé et le bien-être sont aussi la cible de charlatans. Un colloque organisé par l’Agence des médecines complémentaires et alternatives a fait le point sur les dérives et sur les pistes pour les éviter.

Sur 2 800 saisines enregistrées en 2019 par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes)(1), 41 % concernaient la santé et le bien-être. Pour comprendre de quoi se nourrissent ces dérives et lutter contre leur développement, un colloque a été organisé par l’Agence des médecines complémentaires et alternatives (MCA), en mars.

Selon la Miviludes, la dérive sectaire est « un dévoiement de la liberté de pensée, d’opinion ou de religion », caractérisé par la mise en œuvre « de pressions ou de techniques » visant à « créer, maintenir ou exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique ou physique, la privant d’une partie de son libre arbitre… » Pour Véronique Suissa, docteure en psychologie et directrice de MCA , « les dérives consistent à s’écarter d’une norme, d’un cadre, de manière plus ou moins excessive, et conduisent à des effets délétères d’un point de vue physique, psychique et social, engageant parfois même le pronostic vital ».

Des patients en quête de réponses

Les participants au colloque s’accordent sur le fait que si « une médecine alternative n’évince pas la médecine scientifique, alors, elle est acceptable ». Laurence Vanceunebrock, députée de l’Allier, qui parraine l’événement, effarée par les thérapies de conversion décrivant l’homosexualité comme une maladie à traiter, s’est dite consciente « de l’omerta certaine autour de ces pratiques ».

La cancérologie cristallise, elle, le phénomène de « gouroutisation » décrit par Serge Guérin, chercheur en sociologie, avec des cures de jus vantées sur YouTube. Une patiente témoigne du piège dans lequel elle est tombée en tentant de maximiser ses chances face à un lymphome de Hodgkin : « Je suis pourtant rationnelle, car de formation scientifique, mais cela ne m’a pas empêchée de rattacher la cause de mon cancer à des causes uniquement psychologiques, et à me dire que mon système lymphatique avait besoin de se débarrasser des fautes qui m’encombraient l’esprit, comme si j’étais coupable de mon cancer et que les thérapies conventionnelles ne servaient à rien ».

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En attendant une mobilisation massive des pouvoirs publics pour démanteler les réseaux déviants, « il faut apprendre aux scientifiques à communiquer et aux non-scientifiques à comprendre », estime le Pr Richard Villet, secrétaire général de la fondation de l’Académie de médecine. Nombreux sont ceux qui inventent des faits pour légitimer leurs pratiques, sans que leur cible ne comprenne le discours ! L’information est primordiale, comme la formation, car nombre de pratiques alternatives s’exercent sans diplôme. La loi devrait encadrer la notion de thérapeute, à l’instar des acupuncteurs ou chiropracteurs. Le Pr Guérin s’interroge sur certaines formations financées par Pôle emploi : « L’État ne participe-t-il pas lui-même à ces dérives ? » Il faut aussi se demander pourquoi certains se tournent vers ces techniques aux promesses parfois délirantes. Une absence de réponse de la médecine conventionnelle ? Une prise en charge non adaptée ? Une offre insuffisante, à l’instar des psychothérapies non prises en charge, encourageant à se tourner vers d’autres thérapies ? Soyez vigilants ! Plus d’infos sur www.derives-sectes. gouv.fr

(1) Lutte contre les dérives sectaires , rapport du ministère de l’Intérieur établi par les inspections générales de la gendarmerie et de la police nationales et par la Miviludes, 25 février 2021.