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derrière les comptoirs d’Europe…

Publié le 1 juillet 2012
Par Claire Bouquigny
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Qu’ils s’appellent techniciens, assistants ou autres, les préparateurs en pharmacie sont présents dans de nombreux pays. Ils jouent un rôle important au sein des équipes, avec des activités souvent très proches de celles des pharmaciens.

La France fait figure d’exception. À l’étranger, les préparateurs sont couramment appelés techniciens ou assistants en pharmacie. Dans certains pays, ils « représentent jusqu’à 75 % du personnel dans les officines », explique la Fédération internationale pharmaceutique (FIP) dans son dernier rapport sur le personnel pharmaceutique. Ils sont nombreux aux États-Unis notamment, où 450 000 « pharmacy technicians » travaillent avec 275 876 pharmaciens. En Finlande, 6 417 « apteekki teknikko » côtoient 2 919 pharmaciens, tandis que la Turquie recense 70 000 « eczane teknisyeni » pour 30 725 pharmaciens. Ce même rapport de la FIP constate que si le nombre de pharmaciens en exercice est connu dans les 51 pays qu’elle a étudiés, en revanche celui des préparateurs est souvent estimé, voire inconnu. Ainsi, en France, aucune source ne permet de connaître avec précision le chiffre de préparateurs, évalué à 60 000.

Niveaux de formation variables. Chaque pays a organisé son système pharmaceutique selon ses besoins ; c’est pourquoi la place des préparateurs varie et les niveaux de formation diffèrent. Au Portugal, par exemple, les préparateurs suivent quatre années d’études après le bac pour arriver au niveau licence, alors qu’en Allemagne le baccalauréat n’est pas obligatoire pour suivre une formation qui dure deux ans et demi. Il arrive aussi que techniciens et assistants représentent deux catégories distinctes de personnel, les assistants se situant à un niveau de formation intermédiaire entre les techniciens et les pharmaciens. C’est le cas en Norvège, Suède, Finlande et aux Pays-Bas. Une constance se dégage toutefois, les préparateurs suivent une formation professionnelle avec une alternance de cours et de stages ou de périodes travaillées en entreprise, alors que les pharmaciens suivent un cursus universitaire. Les missions des uns et des autres apparaissent par ailleurs assez similaires : recevoir les patients et dispenser médicaments et conseils. Dans tous les pays, les techniciens de pharmacie – et les préparateurs en France – jouent « un rôle inestimable », estime la FIP qui organise cette année un symposium international qui leur est dédié (voir encadré p. 16).

Profession réglementée dans 20 pays d’Europe. En France, la formation et l’exercice professionnel des préparateurs en pharmacie sont réglementés. En Europe, seulement vingt pays possèdent une telle réglementation (voir encadré ci-dessous). Les préparateurs étrangers qui souhaitent travailler dans ces pays doivent obtenir une autorisation d’exercice auprès de l’autorité compétente. Les demandes sont rares. Sur le site de la Commission européenne, qui recense les demandes d’autorisation faites par pays depuis 1999 (voir encadré p. 19), les préparateurs français n’ont déposé que quatre demandes en Allemagne, cinq en Belgique, deux en Norvège, quatre au Portugal et une en Suède. Pour les préparateurs étrangers souhaitant exercer dans l’Hexagone, les statistiques, en cours de traitement, sont indisponibles.

Dossiers traités en commission. En France, l’autorité compétente qui statue sur les demandes des préparateurs étrangers souhaitant travailler sur le territoire national est le ministère de la Santé. Le dossier est traité par la Commission des préparateurs en pharmacie et des préparateurs en pharmacie hospitalière, composée de représentants des ministères de la Santé et de l’Éducation nationale et des organismes représentatifs des préparateurs et pharmaciens officinaux et hospitaliers. « Le système est quasi identique dans chaque pays. La demande d’exercice doit comporter une lettre de motivation, le détail de l’expérience professionnelle et un descriptif de la formation – référentiel, niveau, matières enseignées, volume horaire –, ainsi que les copies des diplômes et attestations », explique Gilles Bakkaus, membre titulaire de la commission pour l’Association nationale des préparateurs en pharmacie hospitalière (ANPPH). Le postulant doit fournir des traductions en français de tous ces documents réalisées par un traducteur assermenté. La Commission identifie les « différences substantielles éventuelles entre la formation, l’exercice professionnel et les responsabilités professionnelles du pays d’origine et du pays d’accueil ».

Stages ou épreuves en plus. Les membres de la Commission des préparateurs tiennent compte de la législation et du degré d’autonomie accordé aux préparateurs dans le pays d’origine. S’il n’y a pas de différence substantielle, le préparateur étranger est autorisé à exercer en France. Dans le cas contraire, la Commission propose des mesures compensatoires telles qu’un ou des stages en officine ou en hôpital, une épreuve d’aptitude pour une ou plusieurs unités de formation, voire une entrée en formation initiale. Le niveau de langue n’entre pas dans les critères de jugement, mais il doit être suffisant pour pouvoir communiquer avec les patients et l’équipe officinale. Ce critère est plutôt déterminant au moment de l’embauche. Pour les pays sans législation spécifique, il arrive que des personnels œuvrent dans les officines sans formation particulière, l’appréciation du diplôme et du niveau professionnel dépendant alors de l’employeur.

Toutes ces démarches seraient facilitées s’il existait une harmonisation des formations et des pratiques. C’est l’un des objectifs de l’Association européenne des techniciens en pharmacie (voir entretien p. 19), qui réunit les techniciens en pharmacie de quatorze pays de l’Europe géographique.

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Missions, niveaux de formation et autonomie diffèrent pour les préparateurs en pharmacie de six pays d’Europe où la formation est la même que l’exercice soit officinal, hospitalier ou industriel.

ALLEMAGNE

Deux sortes d’assistants

Les pharmaciens allemands sont secondés par deux sortes d’assistants. Les « Pharmazeutisch Technische (r) Assistent (in) » ou PTA sont les équivalents des préparateurs en pharmacie français. « Ils réalisent quasiment les mêmes tâches que les pharmaciens », rapporte Jutta Brielich, représentante des PTA au niveau européen au sein du syndicat Adexa. Ils dispensent des médicaments et des conseils. Ils font également des préparations car les pharmacies en fabriquent encore beaucoup. Certaines officines spécialisées réalisent même des reconstitutions de cytotoxiques pour les chimiothérapies. « Le travail des PTA doit être contrôlé par un pharmacien. Selon le niveau d’expérience du préparateur, ce contrôle peut être effectué à tout instant ou sur toutes les prescriptions en fin de journée », explique Jutta Brielich. Débutant au niveau de la seconde, la formation des PTA dure deux ans et demi, soit deux ans de cours en écoles spécialisées et six mois de stage en officine. Quant aux « Pharmazeutisch Kaufmännische (r) Assistent (in) » ou PKA, ils ne délivrent pas de médicaments. Ils exécutent des tâches administratives et commerciales et vendent de la parapharmacie.

BELGIQUE

Des paramédicaux identifiés et agréés

Les « assistants pharmaceutico-techniques » belges font partie des professions paramédicales. « Ils sont recensés et identifiés depuis 2009 par le ministère de la Santé, qui leur donne un numéro d’agrément », explique Michèle Pirson, secrétaire de l’Association belge des assistants. Cet agrément est obligatoire, il garantit que le détenteur a une formation initiale adaptée et qu’il suit une formation continue. Les préparateurs agréés travaillent toujours sous la surveillance directe et effective du pharmacien. Ils délivrent les médicaments et informent les patients. Cependant, « le législateur belge ne fait pas de distinction entre les médicaments délivrés. Par conséquent, la délivrance d’un stupéfiant peut être faite par un assistant, mais il doit l’effectuer en présence du pharmacien, qui remplit lui-même les bons de stupéfiants », explique Michèle Pirson. Enfin, les assistants réalisent encore beaucoup de préparations magistrales et de « préparations maison ». Leur formation dure deux ans et comporte des cours dans une école spécialisée et un stage pratique.

DANEMARK

Autonomes et gérants de points de vente

Les « farmakonomer » « forment le plus important groupe professionnel de la pharmacie d’officine », rapporte Suzanne Engstrøm, présidente de l’association danoise des préparateurs en pharmacie. Plus de 3 200 préparateurs travaillent en officine de ville, pour seulement 600 pharmaciens. Leur formation sur trois ans comporte des cours à l’école et des périodes d’apprentissage en officine ou à l’hôpital. Autonomes, les « farmakonomer » contrôlent les prescriptions et dispensent. Ils donnent des conseils sur l’utilisation correcte des médicaments et sur la prévention, et participent aux services de garde. Les officines peuvent avoir des succursales dans lesquelles la présence d’un pharmacien est obligatoire et des points de vente qui peuvent être dirigés par un « farmakonomer ». Dans ces derniers, la vente de produits médicaux et de médication familiale est seule autorisée, mais il est possible d’y livrer des médicaments de prescription qui ont été dispensés par la pharmacie principale. Seuls les pharmaciens peuvent être propriétaires d’une pharmacie. Cependant, « l’association des préparateurs est consultée par le gouvernement au même titre que les deux associations de pharmaciens sur le choix du titulaire lorsqu’une officine est vacante » car les licences sont accordées par le gouvernement danois aux pharmaciens ayant fait la preuve de leurs compétences en gestion.

PAYS-BAS

Certifiés en qualité

Trois catégories de personnel travaillent dans les officines néerlandaises. Les préparateurs ou « Apothekersassistent », les plus importants en nombre, côtoient des professionnels de niveau licence, les « Farmakundigen » ou experts pharmaceutiques qui fournissent des soins pharmaceutiques aux patients, tandis que les gestionnaires gèrent le travail des équipes. Les préparateurs délivrent des médicaments, conseillent les patients sur leur utilisation et expliquent les effets secondaires. Ils réalisent des préparations magistrales et s’occupent de l’administration et de la gestion des stocks. « Leur travail doit être supervisé et contrôlé par un pharmacien, mais ils ont leur propre responsabilité », commente Margo Briejer, présidente de l’association néerlandaise des préparateurs en pharmacie. La formation des préparateurs dure trois ans avec une alternance de cours et de stage pratique. Ils peuvent suivre une formation complémentaire pour se spécialiser dans la qualité, l’éducation du patient ou la coordination. Depuis 2009, ils peuvent s’inscrire sur le registre KAOF qui certifie qu’ils suivent des critères de qualité, notamment en matière de formation continue et d’amélioration des connaissances et des compétences.

PORTUGAL

Autonomes et propriétaires d’officine

Les « técnicos de farmácia » portugais ont un niveau licence qu’ils atteignent après quatre années d’études suite à l’alignement de leurs diplômes sur le système européen LMD (Licence-Master-Doctorat). Ils peuvent également accéder à un niveau master de spécialisation avec un an et demi à deux ans de formation supplémentaire. Les techniciens portugais ont une autonomie professionnelle inscrite dans la législation. Ils délivrent tous types de médicaments, stupéfiants compris. Ils fournissent des services pharmaceutiques : suivi glycémique, lipidique… dans les officines équipées de machines réalisant ces analyses automatiquement. « Les préparateurs peuvent aussi suivre des patients diabétiques, prodiguer les premiers secours, livrer des médicaments à domicile et administrer des médicaments injectables et des vaccins en injections sous-cutanées et intramusculaires », rapporte João José Joaquim, président de l’association portugaise des préparateurs en pharmacie. Ces services sont réalisables seulement par les professionnels ayant suivi une formation spécifique. Quant aux préparations magistrales, elles ne sont plus réalisées que par des officines sous-traitantes. « La seule chose que les techniciens ne peuvent pas faire, c’est diriger une officine. Mais ils peuvent en être propriétaires sous réserve qu’ils emploient un pharmacien comme directeur scientifique et technique ». Ils ont néanmoins la possibilité de diriger une parapharmacie, laquelle est autorisée à vendre de la médication sans prescription.

ROYAUME-UNI

Inscrits au conseil général pharmaceutique

Les « pharmacy technicians » britanniques « doivent être inscrits auprès du General Pharmaceutical Council », explique Tess Fenn, vice-présidente de l’Association des préparateurs en pharmacie du Royaume-Uni. Ils figurent dans un registre public disponible sur le site du General Pharmaceutical Council. Cette inscription est renouvelée chaque année. Les techniciens de pharmacie « travaillent sous la responsabilité des pharmaciens. Ceux-ci vérifient que les prescriptions sont valables sur le plan clinique et appropriées aux patients, avant de les donner aux techniciens pour la dispensation des médicaments et des dispositifs médicaux, commente Tess Fenn. Cependant, les techniciens restent responsables de leur pratique professionnelle. » Sur deux ans, leur formation alterne cours théoriques en école spécialisée et formation pratique en officine et à l’hôpital. Les techniciens en pharmacie vérifient et enregistrent les médicaments que les patients doivent prendre. Ils s’assurent que l’approvisionnement est suffisant et aident les patients à comprendre comment utiliser leurs médicaments en toute sécurité. Ils donnent des conseils d’automédication et d’hygiène de vie et peuvent effectuer des contrôles de santé mineurs. Après une formation complémentaire, les techniciens en pharmacie peuvent se spécialiser dans le contrôle des prescriptions avant la délivrance.

Un symposium international dédié aux préparateurs

Organisé par la Fédération internationale pharmaceutique (FIP), ce symposium* aura lieu les 3 et 4 octobre 2012 à Amsterdam (Pays-Bas). Au programme : rôle des préparateurs, formation, implication dans l’amélioration de la sécurité des patients. C’est « une reconnaissance par la FIP du rôle central joué par les préparateurs en pharmacie », explique Suzanne Engstrøm, présidente de l’association danoise des préparateurs en pharmacie et membre du comité organisateur. Elle espère que des préparateurs « viendront nombreux du monde entier », même si elle est consciente du « défi financier » que cela représente, car « c’est l’occasion de découvrir ce que nous pouvons apprendre les uns des autres ».

(*) Programme disponible sur le site www.fip.org .

20 pays réglementent

En Europe, la profession est réglementée seulement dans vingt pays : Allemagne, Belgique, Bulgarie, Danemark, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Islande, Lituanie, Malte, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni, République tchèque, Slovénie, Suède. En revanche, elle ne l’est pas dans onze pays : Autriche, Chypre, Espagne, Irlande, Italie, Lettonie, Liechtenstein, Luxembourg, Roumanie, Slovaquie et Suisse.

Mon nom est…

Comment s’appellent les homologues des préparateurs en pharmacie dans les pays européens où la profession est réglementée ? Réponses…

Allemagne : Pharmazeutisch-technische (r) Assistent (in)

Belgique : Assistant pharmaceutico-technique/Farmaceutisch-technisch assistent

Bulgarie : ΠΟΜΟ Η ΚΦapaΜa eΒΤ

Danemark : Farmakonom

Estonie : Farmatseut

Finlande : Farmaseutti/farmaceut

Grèce : βομηθ νφαρμακε ου (boeton pharmakeïon)

Hongrie : gyógyszertári asszisztens

Islande : Lyfjatæknir

Lituanie : Farmakotechnikas

Malte : Pharmacy technician

Norvège : Apotektekniker

Pays-Bas : Apothekersassistent

Pologne : Technik farmaceutyczny

Portugal : Técnico de farmácia

Royaume-Uni : Pharmacy technician

République tchèque : Farmaceutický asistent

Slovénie : Farmacevtski tehnik

Suède : Receptarie

Pour exercer ailleurs… en Europe

Nom de la profession, réglementation, coordonnées de l’autorité délivrant les autorisations d’exercice, les informations utiles aux préparateurs souhaitant exercer dans un autre pays se trouvent sur le site de la Commission européenne : http://ec.europa.eu/internal_market/qualifications/ regprof/index.cfm ? newlang = fr

La liste des points de contact nationaux chargés de fournir des informations sur la reconnaissance des qualifications professionnelles se situe sur : http://ec.europa.eu/internal_market/qualifications/ contactpoints/index.htm