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Délivrerez-vous bientôt du cannabis thérapeutique ?

Publié le 29 août 2019
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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L’expérimentation du cannabis thérapeutique est prévue en 2020. L’ANSM a entériné la proposition de cadre du Comité scientifique spécialisé temporaire(1). Les officines volontaires seraient concernées d’emblée.

Qu’est-ce que le cannabis thérapeutique ?

Le cannabis thérapeutique fait référence à l’utilisation sous contrôle médical de la plante Cannabis sativa indica ou de ses constituants, naturels ou synthétiques, pour traiter des maladies ou soulager des symptômes. Les cannabinoïdes, principaux principes actifs, comptent le delta-9-transtétrahydrocannabinol (THC) auquel sont attribués, outre une action psychoactive recherchée en usage récréatif, des effets analgésique, myorelaxant, anxiolytique, anti-émétique, bronchodilatateur, antihypertensif oculaire, etc. Certaines de ces propriétés sont partagées par le cannabidiol (CBD), dépourvu de risque de dépendance et déjà utilisé notamment en Allemagne, en Espagne, au Canada et aux Pays-Bas.

Existe-t-il en France ?

Oui. Marinol, à base de dronabinol, forme synthétique de THC, est prescrit dans le cadre d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU), notamment en cas de douleurs neuropathiques rebelles aux autres traitements. Sativex, association de THC et CBD en spray buccal, a reçu une AMM en 2014 pour soulager les contractures sévères de la sclérose en plaques, mais n’est pas commercialisé en l’absence d’accord sur son prix.

Quand débutera l’expérimentation ?

Quand le ministère de la Santé donnera le feu vert. L’expérimentation devrait débuter début 2020 et durer 2 ans, dont 6 mois de mise en place avant l’inclusion de patients, de suivi puis d’analyse des données. Son objectif principal est d’évaluer, en situation réelle, les conditions de prescription et de délivrance, l’adhésion des patients, des professionnels de santé, et de recueillir les premières données d’efficacité et de sécurité.

Pour quelles indications ?

Le cadre de la phase expérimentale a retenu les douleurs neuropathiques, certaines formes d’épilepsie, les symptômes rebelles en oncologie tels que nausées ou anorexie, les situations palliatives et la spasticité douloureuse d’atteintes nerveuses comme la sclérose en plaques. La prescription ne s’entend qu’en cas de soulagement insuffisant, d’une mauvaise tolérance ou de pharmacorésistance aux thérapeutiques déjà disponibles, médicamenteuses ou non.

Avec quels produits ?

Selon le cadre défini par le CSST, il s’agirait de médicaments à base de fleurs séchées de cannabis ou d’extraits à spectre complet (avec l’intégralité des composants). Sont prévues des formes à effet immédiat, sublinguales ou inhalées, comme l’huile pour vaporisation, et des formes orales à effet prolongé, comme une solution buvable, une capsule d’huile, etc., avec mise à disposition de 5 ratios THC/CBD : 1/1, 1/20, 1/50, 5/20 et 20/1. Le médecin devra augmenter les doses progressivement (titration) jusqu’à une posologie minimale efficace et bien tolérée. Certains détails ne sont pas encore arbitrés, mais le Pr Nicolas Authier, spécialiste de la douleur, précise qu’il s’agit de produits déjà disponibles dans d’autres pays sous la forme de préparations pharmaceutiques, selon les normes des bonnes pratiques de fabrication (BPF) européennes. Un appel d’offres devrait permettre de sélectionner les fournisseurs de ces traitements qui suivront le circuit habituel d’approvisionnement et de traçabilité du médicament, probablement via des intermédiaires répartiteurs ou directement par le laboratoire concerné. La réglementation serait celle des médicaments stupéfiants.

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Qui prescrirait ?

Le traitement ne pourrait être initié que par un médecin exerçant dans une structure de prise en charge des maladies visées par l’expérimentation. Après la stabilisation du patient, un relais serait possible en médecine de ville. Les prescripteurs seront volontaires, formés au préalable, et engagés à remplir le registre national électronique de suivi des patients mis en place par l’ANSM pour recueillir, puis analyser, les données d’efficacité et d’effets indésirables.

Où se ferait la dispensation ?

En officine ou dans les pharmacies à usage intérieur (PUI), par des pharmaciens volontaires et formés, probablement via une plateforme d’e-learning. D’après l’ANSM, si le projet de cadre du CSST est adopté en l’état, la délivrance en officine serait possible dès le début de l’expérimentation.

(1) Comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) sur l’« évaluation de la pertinence et de la faisabilité de la mise à disposition du cannabis thérapeutique en France ».

NOS EXPERTS INTERROGÉ

→ Pr Nicolas Authier, psychiatre, chef de service de pharmacologie médicale et du Centre d’évaluation et de traitement de la douleur du CHU de Clermont-Ferrand ; président du comité d’experts sur le cannabis à visée thérapeutique.

→ L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Repères

→ 10 septembre 2018 : création du Comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) sur l’évaluation de la pertinence et de la faisabilité de la mise à disposition du cannabis thérapeutique en France par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

→ 31 décembre 2018 : l’ANSM souscrit aux premières conclusions du CSST et estime qu’il est pertinent d’autoriser l’usage du cannabis thérapeutique dans certaines situations cliniques. Elle propose une expérimentation.

→ 27 juin 2019 : l’ANSM publie les recommandations du CSST sur le cadre pratique.

→ 11 juillet 2019 : l’ANSM approuve le cadre de la phase expérimentale.