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Défi gagnant pour les officinaux
Des spécialités pharmaceutiques jusqu’alors réservées à l’hôpital arrivent à l’officine… lentement mais sûrement. Un défi pour les officinaux qui se voient confortés dans leur rôle de professionnels de santé. Et une opportunité en termes économiques.
Au compte-gouttes. Fin mai, neuf médicaments seulement (voir en « Repères ») étaient sortis de la réserve hospitalière. Autant que pour chacune des années 2003 et 2004, certes. Mais à un rythme bien trop lent pour réaliser dès 2005 le passage en ville de près de 600 spécialités, comme certains l’annonçaient il y a peu encore. Depuis le décret du 15 juin 2004 de réforme de la rétrocession hospitalière, attendu pendant plus de dix ans, le sujet est quotidiennement à l’ordre du jour dans les officines : une sortie est-elle annoncée aujourd’hui ? Car tout aussi parcimonieuse – les services ministériels ne brillant pas par des efforts de communication appropriés –, l’information est distillée au jour le jour, via Le Journal Officiel. Malgré tout, pas de panique dans les officines de France et de Navarre, surtout dans celles où l’on est habitué à délivrer des prescriptions hospitalières. « Depuis 1997 et les premières sorties d’antirétroviraux de l’hôpital, bon nombre d’officinaux dispensent régulièrement des médicaments à délivrance particulière, souligne Serge Maarek, titulaire de la Pharmacie Bichat à Paris, proche de l’hôpital du même nom. Il n’y a vraiment pas d’appréhension à avoir, car même si l’on n’est pas membre d’un réseau ville-hôpital pour avoir une approche très pratique des produits, la connaissance de ceux-ci ne pose pas de problème grâce à l’accès à des banques de données par Internet et aux formations spécifiques qui peuvent être proposées. » Mais la dispensation de ce type de produits contraint les officines à une gestion des stocks rigoureuse. « Le seul problème que peuvent présenter certains de ces médicaments relève du risque financier quand ils sont très chers, continue Serge Maarek. Par exemple, il peut être risqué d’en avoir en stock si un changement de dosage intervient du jour au lendemain, car la reprise du produit par le grossiste peut être aléatoire. Selon la nature du prescripteur, il peut aussi y avoir risque de non-remboursement par une caisse si le prescripteur n’est pas habilité à prescrire le produit, risque très limité s’il s’agit d’une prescription hospitalière. » Pour être à l’abri de déconvenues de ce genre, la Pharmacie Bichat ne détient en stock de tels médicaments que s’ils concernent au moins deux de ses clients réguliers. Et toute la petite équipe officinale – titulaire, adjointe et préparatrice – vérifie scrupuleusement la qualification du prescripteur et, de fait, son habilitation à prescrire tel ou tel médicament.
Pas de panique à l’officine.
À Nîmes, la Pharmacie de l’Esplanade compte une dizaine de clients séropositifs et, même si de nouveaux profils pathologiques sont attendus, les sorties de réserve hospitalière à venir n’alimentent « aucune inquiétude particulière car nous essayons de nous informer et de nous former au fur et à mesure », explique Paul Carles, l’un des trois co-titulaires et président du réseau VIH du Gard. Depuis l’automne dernier, une grande partie de l’équipe par ailleurs composée de deux adjointes et de huit préparatrices, notamment, a déjà suivi deux formations spécifiques proposées par l’Utip, organisme de formation continue des pharmaciens dont les stages, dans le Gard, sont également ouverts aux préparateurs. Une autre est à venir en septembre. « Le métier de préparateur évolue et il me semble normal de délivrer ce type de médicaments pour lesquels nous avons des formations régulières, estime Gaëlle Baussé, BP 2004. Et puis, nous avons tous à portée de main un classeur avec les modalités de délivrance, géré par l’une des pharmaciennes adjointes. » Elle aussi préparatrice dans cette même officine, Marie-Claude Laurent complète : « Délivrer de tels médicaments ne nous pose aucun problème, il suffit de vérifier si les ordonnances sont conformes. Au contraire, c’est même très gratifiant de donner des conseils complémentaires aux patients. » Lesquels sont systématiquement orientés vers l’espace confidentialité de la pharmacie en cas de prescription hospitalière. Seule nouveauté à l’officine depuis la réforme de la rétrocession hospitalière : l’achat en début d’année d’une armoire réfrigérée plus grande que la précédente. C’est aussi le cas, à Montpellier, de la Pharmacie Saint-Éloi, située à proximité de l’un des hôpitaux de la ville. Sinon, sa titulaire l’assure également : « Ce sont des médicaments comme les autres qui, dans la plupart des cas, n’exigent pas de conseils particuliers car ils ont déjà été délivrés aux patients à l’hôpital, indique Florence Poujol. Seule disposition spéciale, pour les produits les plus chers, nous les commandons après la venue des patients que nous invitons à repasser dans la journée pour les récupérer. »
Les officinaux vont bien sûr être appelés à délivrer des spécialités qu’ils n’avaient encore jamais dispensées. Il ne s’agit pas que de médicaments innovants, loin de là, mais aussi de formes galéniques jusque-là non disponibles en ville. Certains antiasthmatiques, bronchodilatateurs et anticholinergiques par voie nébulisée, doivent sortir de la réserve. Ces produits sont au premier rang en termes de volume des médicaments actuellement rétrocédés, c’est-à-dire dispensés par les pharmacies hospitalières. Deux autres grandes classes thérapeutiques – anticancéreux par voie orale et antibiotiques injectables – sont également concernées. Une grande partie de ces médicaments est de prescription restreinte. Certains d’entre eux continueront à être dans le double circuit ville-hôpital, dispensés au choix du patient en officine ou à l’hôpital. Il s’agit notamment des antirétroviraux ou des médicaments réservés au traitement des hépatites.
Enjeu économique.
L’objectif prioritaire affiché de toutes ces sorties de réserve est de faciliter l’accès du plus grand nombre de médicaments à des patients qui devaient jusqu’alors se rendre à l’hôpital pour se les voir délivrer. Mais, sur fond de lourds déficits chroniques des budgets hospitaliers, cette réforme s’inscrit aussi dans une logique de maîtrise des dépenses de santé. Elle implique la fixation d’un prix lors du passage en ville alors que les prix des médicaments à l’hôpital étaient auparavant libres. Ces négociations entre les laboratoires et le ministère durent habituellement plusieurs mois. Ce qui explique que très peu de la centaine de produits inscrits sur la liste « ville » publiée en janvier dernier soient déjà arrivés à l’officine.
Selon le directeur des affaires économiques et gouvernementales de GSK, les négociations sur les premiers médicaments à sortir de réserve depuis la réforme n’ont pas dérapé plus que ça : « La procédure de fixation des prix a été globalement tenue, assure Jean-Noël Bail. Pour moitié des produits, les prix ont été fixés par un accord contractuel suite à une négociation, notamment sur la base de la cohérence européenne, les autres ont été fixés unilatéralement. » Mais, précise Caroline Crouzier, responsable des affaires économiques chez GSK, « quand on le veut vraiment, on peut aller plus vite. » Et de citer l’exemple de Telzir, un antirétroviral de GSK en double dispensation ville/hôpital depuis janvier dernier « après une procédure complète en trois mois depuis l’AMM, grâce à la volonté de la commission de la transparence qui souhaitait une mise à disposition rapide pour répondre à la demande des patients. » Sur la dizaine d’autres produits GSK à sortir de réserve hospitalière, « la moitié devrait être en ville vers la fin de l’année », avance prudemment Jean-Noël Bail.
Même perspective chez Roche qui, après le passage en ville de l’antirétroviral Fuzeon en janvier et de l’érythropoioëtine Neorecormon le 27 mai, table sur trois autres sorties de réserve dans les prochains mois. Le cas de Cellcept, un immunosuppresseur commercialisé en ville depuis 2004 pour la prévention des rejets de greffe, apparaît chez Roche comme le modèle à suivre en matière d’information des officinaux. En collaboration avec des syndicats de pharmaciens officinaux et hospitaliers (UNFP et SNPHPU), un dispositif spécifique avait été mis en place : courrier d’information cinq semaines avant la sortie, fiches pratiques, « Lettre de liaison » hôpital/officine, informations sur le site internet de Roche (). « Compte-tenu du succès de ce passage en ville, nous travaillons à dupliquer ce modèle aux autres produits, indique Marc Coquand, directeur commercial de Roche. Il est essentiel que les prescripteurs hospitaliers transfèrent l’information vers les pharmaciens d’officine et les médecins généralistes, il en va de la bonne dispensation du médicament auprès des patients. » Reste qu’une certaine opacité subsiste sur les sorties à venir. « Il y a quelques incohérences, fait remarquer Cyril Boronad, pharmacien hospitalier dans les Alpes-Maritimes. Certains médicaments de même classe thérapeutique voire de même molécule font l’objet de demandes opposées de la part des laboratoires. Citons le cas de deux génériques d’un même antibiotique : Amikacine Dakota fait l’objet d’une demande pour être inscrit sur la liste rétrocession tandis que Amikacine Merck fait l’objet d’une demande pour être délivré en ville. Le ministère devra trancher dans un sens ou dans un autre. »
Une chance pour l’officine.
Malgré ces incertitudes, la fin de ce monopole hospitalier sur de très nombreux médicaments a été bien accueilli par les pharmaciens d’officine. « Nous ne serons plus considérés comme des pharmaciens de seconde classe. C’est une bonne chose pour l’image de marque de l’officine », se réjouit Philippe Besset, président du syndicat des pharmaciens de l’Aude. « Il n’y a pas deux métiers de pharmacien, les hospitaliers d’un côté et les officinaux de l’autre, renchérit Claude Japhet, président de l’UNPF. Si nous n’avions pas eu ces produits techniques, nous aurions demain perdu les autres », analyse-t-il. Pour la présidente de la commission « exercice professionnel » de la FSPF, le plus important syndicat de pharmaciens d’officine, « c’est une chance pour l’officine que d’avoir à délivrer ce type de médicaments, il faut absolument relever le challenge. La profession ne peut pas passer à côté d’un grand enjeu comme celui-là, soutient Danièle Paoli, et je suis assez confiante dans les jeunes générations. Cela vaut bien sûr également pour les préparateurs dont le métier, lui aussi, bouge, avance. »
Le passage en ville de ces médicaments offre un nouveau souffle à l’économie de l’officine. Un certain nombre d’entre eux sont des médicaments onéreux, dont le coût de traitement mensuel peut dépasser le millier d’euros. Les montants remboursés par la Cnam au titre de la réserve hospitalière étaient loin d’être négligeables : plus de 1,3 milliard d’euros en 2003, soit 8,5 % de la dépense totale de médicaments en France. Du fait de ces sorties de réserve hospitalière, certains tablent sur une progression du chiffre d’affaires des officines pouvant aller jusqu’à 8 à 9 %. « Une marge de 6 %, ce n’est pas forcément beaucoup mais, en euros constants, c’est très correct du fait du niveau prix élevé de la plupart de ces produits, même si leur dispensation demande plus de temps à consacrer aux patients que pour d’autres médicaments. »
Si certaines associations de malades étaient plutôt opposées à ces sorties massives de réserve hospitalière, c’était par crainte du manque de discrétion à l’officine. « Certains redoutaient que les personnels d’officine ne soient pas très rigoureux en matière de confidentialité, observe Thierry Prestel, responsable national « Action thérapeutique et santé » à Aides. Pour notre part, nous n’avons jamais eu de position tranchée sur cette question. Mais nous n’avons pas constaté non plus de problème majeur de mauvaise qualité de dispensation et de suivi à l’officine durant toutes ces dernières années où les produits contre le VIH et les hépatites sont en double dispensation, ville et hôpital. » Présidente du Synprefh (Syndicat national des pharmaciens des établissements publics de santé), Armelle Develay va dans le même sens : « Les médicaments qui vont être disponibles dans les officines ne nécessitent ni plus ni moins de confidentialité que beaucoup d’autres traitements disponibles à ce jour en ville. J’estime que nos confrères officinaux sauront répondre à ce challenge et qu’ils offrent même un plus en pouvant analyser la globalité des traitements des patients, ce qui n’est pas possible à l’hôpital. »
Formation et réseaux.
La formation des équipes officinales à la délivrance de ces médicaments est évidemment une condition nécessaire pour relever le défi. Utip, laboratoires et grossistes répartiteurs s’y emploient. Ainsi, l’Utip a non seulement déjà organisé une cinquantaine de soirées spécifiques depuis l’automne dernier, mais vient aussi d’engager, le mois dernier, un ambitieux programme de deux jours à travers toute la France. Objectif : former 4 000 pharmaciens dès 2005 et début 2006 aux médicaments de la transplantation, aux facteurs de croissance hématopoïétiques et aux « rhumatismes inflammatoires et biothérapie ». « Pour les préparateurs, un programme allégé est prévu au cours du second semestre de cette année », indique Philippe Gaertner, président de l’Utip. Le référentiel de formation a été monté en collaboration avec des pharmaciens hospitaliers. « Nous avons besoin de ce transfert de compétences pour bien délivrer ces produits », souligne Marina Jamet, membre du bureau national de l’Utip. « La mise en place de telles procédures d’échanges entre les officinaux et l’hôpital reste difficile. L’exemple de Cellcept prouve que le mur du silence peut tomber, mais il faut vraiment que les mentalités bougent », martèle de son côté Claude Japhet.
Localement, quelques initiatives peuvent être saluées. Dans l’Aude, le président du syndicat départemental des pharmaciens n’a pas hésité à décrocher son téléphone pour appeler ses confrères de l’hôpital de Carcassonne. « Ils ont accepté d’organiser des formations sur ces médicaments à l’intention des pharmaciens de ville du département. C’est une première dans l’Aude ! Cette structure est pour le moment informelle, mais nous espérons créer un véritable réseau pharmaceutique », explique Philippe Besset.
Dans les Alpes-Maritimes, deux pharmaciens hospitaliers, Cyril Boronad et Rémy Collomp, ont créé dès l’automne dernier le réseau pharmaceutique ville-hôpital Ph@re pour accompagner les sorties de réserve hospitalière. « Une coordination entre pharmaciens hospitaliers et pharmaciens de ville est capitale pour éviter les ruptures de traitement », estime Cyril Boronad. Le réseau s’est doté d’un site Internet () sur lequel sont accessibles de nombreuses et précieuses informations sur les sorties de réserve, des documents de formation, des fiches-produits de médicaments dès leur passage en ville… Mis en place en coordination avec l’association de pharmaciens officinaux PharmaSoins O6, l’OCP et la Cerp, ce réseau compte déjà plus de 150 officinaux adhérents. « L’adhésion est gratuite et le dispositif très performant, commente Jacques Richard, pharmacien à Nice et président de PharmaSoins 06. Grâce à Ph@re, les adhérents à ce réseau n’ont aucun problème d’information sur les produits qui sortent de réserve hospitalière. »
repères
Le décret n° 2004-546 du 15 juin 2004 modifie les conditions de prescription et de dispensation de certains médicaments, notamment des médicaments dispensés jusque-là uniquement par les hôpitaux.
Les médicaments réservés à l’usage hospitalier
Jusque-là les médicaments dits de réserve hospitalière pouvaient être indifféremment délivrés lors d’une hospitalisation ou en ambulatoire par les hôpitaux. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les médicaments réservés à l’usage hospitalier sont prescrits, dispensés et administrés exclusivement au cours d’une hospitalisation.
Les médicaments inscrits sur la liste de rétrocession
Ils peuvent être délivrés en ambulatoire par les hôpitaux.
Une liste dite de rétrocession a été créée. Selon l’annexe de l’arrêté du 17 décembre 2004, elle concernait 534 références (en comptant tous les dosages et présentations). Or cette liste est évolutive, en fonction des sorties de médicaments en ville et également des demandes d’inscription des laboratoires sur la liste de rétrocession.
Des médicaments jusque-là réservés aux hôpitaux pourront être délivrés en ville.
C’est la sortie de la réserve hospitalière dont on parle tant. Pour autant impossible de chiffrer le nombre de médicaments qui devraient être concernés. On parlait de plusieurs centaines. Or, sur le site du ministère de la santé (), on trouve une liste de 112 références ayant fait l’objet de demandes d’inscription sur la liste des médicaments remboursables en ville (actualisation au 12/05/05). En 2005, neuf spécialités sont concernés : Fuzeon, Hepsera, Emtriva, Kineret, Humira, Aranesp, Néorecormon, Eprex, Abilify.
La double dispensation ville/hôpital est possible pour certains médicaments.
Exception à la règle, sur la demande d’associations de patients, certains médicaments (VIH, hépatites) sont disponibles au choix du patient en ville ou dans les pharmacies des hôpitaux. Ils figurent donc sur la liste de rétrocession et sur la liste des produits remboursés aux assurés sociaux.
Il existe désormais cinq catégories de médicaments à prescription restreinte.
• Les médicaments réservés à l’usage hospitalier (RH), délivrés au cours d’une hospitalisation.
• Les médicaments de prescription hospitalière (PH), – nouvelle catégorie – mais pouvant être délivrés en ville ou par l’hôpital s’ils sont inscrits sur la liste de rétrocession.
• Les médicaments à prescription initiale hospitalière (PIH). Le renouvellement de la prescription peut être effectué par un médecin de ville.
• Les médicaments à prescription réservée à certains spécialistes (PRS), – nouvelle catégorie. Toute prescription ou seulement la prescription initiale est réservée à un médecin spécialiste.
• Les médicaments nécessitant une surveillance particulière. Le classement dans cette catégorie peut se cumuler avec le classement dans l’une des quatre catégories citées précédemment.
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