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Débat fertile autour des contraceptions naturelles
La méthode Ogino de nos grands-mères cède la place aux méthodes d’observation du cycle (MOC). Ces techniques pour réguler la conception sont-elles plus fiables mais à risque d’augmenter les IVG ? La question anime les professionnels de santé…
« De la courbe de température à l’observance de la glaire, en passant par le retrait pour l’homme, ces méthodes dites naturelles nous font revenir très en arrière. » Dans un communiqué du 26 février(1), la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM) met en garde contre les méthodes naturelles de contraception, suite à la plainte de trente-sept utilisatrices ayant subi une interruption volontaire de grossesse (IVG) à l’hôpital de Stockholm, en Suède. La Fédération avance un taux d’échec de l’ordre de 17 à 20 %. Elle déplore le recours à ces méthodes dans un contexte de désamour pour la pilule et fait le lien avec la hausse des IVG à répétition chez les 20-24 ans.
« Stop à la désinformation sur les méthodes naturelles de contraception », a répondu quelques jours plus tard une tribune(2) rédigée par une sage-femme, deux généralistes et cosignée par un collectif de 250 professionnels de santé, dont des gynécologues et des pharmaciens. Pour eux, toutes les méthodes naturelles ne sont pas à mettre dans le même panier. Ils ne sont pas d’accord non plus sur une adoption desdites méthodes en France, ni sur la progression du taux d’IVG.
Ruée vers le naturel et IVG en hausse ?
Le nombre d’IVG en France n’augmente pas. Il baisse même (voir encadré chiffres)(3). Néanmoins, la part d’IVG répétées croît régulièrement, même si elle reste faible : 10 % des femmes recourent à l’IVG deux fois dans leur vie et 4 % trois fois et plus(3 et 4). Quant à une ruée vers le « tout naturel » depuis la crise des pilules en 2013(*), rien ne l’affirme. La baisse du recours à la pilule s’est poursuivie en 2016, avec une perte de 3,1 points dans l’arsenal contraceptif, mais les reports se font depuis 2010 vers le stérilet (+ 6,9 points), le préservatif (+ 4,7) et l’implant (+ 1,9). Seules 4,6 % des femmes utilisent une contraception naturelle, cape cervicale et diaphragme compris.
La tranche d’âge 20-24 ans est en effet la plus concernée en France par les IVG, avec 26 femmes pour 1 000. Côté contraception, c’est le préservatif qui a gagné le plus de terrain depuis 2010, son usage passant de 9 à 18,6 %(5). C’est aussi la tranche d’âge qui recourt le moins aux contraceptions naturelles (1,1 %), et même de moins en moins, elles étaient 3,7 % en 2013.(5)
Il y aurait « naturel » et « naturel »
La FNCGM et le collectif s’accordent sur le fait que certaines méthodes naturelles ne doivent pas être encouragées. « Nous déconseillons vivement et explicitement à nos patientes les pratiques dites naturelles dont la fiabilité est insuffisante », précise le collectif. Et de citer le coït interrompu, les méthodes Ogino et celle des températures utilisée seule. Selon le collectif, les méthodes d’observation du cycle (MOC) développées depuis les années 1960 mériteraient toutefois davantage d’attention : Billings, FertilityCare, symptothermique, Marquette (voir décr yptage p. 11)… Moyennant un apprentissage et une bonne maîtrise, le collectif considère ces MOC « très précises et rigoureuses, avec une fiabilité comparable à celle de la contraception orale œstro-progestative ».
L’efficacité, difficile à démêler
Concernant l’efficacité, la confusion entre les méthodes naturelles entretient le flou. Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les méthodes naturelles englobent celles de connaissance de l’ovulation, sans distinction entre les méthodes par « calcul » type Ogino et les MOC. En utilisation courante, le taux de grossesse la première année serait de 25 %, contre 9 % pour la pilule. En utilisation correcte et régulière, ce taux passe à 0,4-0,5 % avec, cette fois, une distinction entre certaines. Par exemple, 5 % pour la méthode des jours fixes avec abstention du 8e au 19e jour du cycle, mais 0,4 % pour la méthode sympto-thermique combinant aspect de la glaire cervicale et température basale. Ce qui classe cette dernière parmi les méthodes jugées très efficaces par l’OMS, avec un taux de grossesse au cours de la première année inférieur à 1 et très proche de celui de la pilule (0,3 %).
« D’autres études existent mais ne sont pas suffisamment connues », regrette Marion Vallet, co-rédactrice de la tribune du collectif, où on lit 1,1 % pour Billings ou 0,5 % pour FertilityCare. Un bémol pour le docteur Pia de Reilhac, présidente de la FNCGM : « Les femmes ayant dû subir une IVG à Stockholm avaient suivi une méthode dite “efficace” trouvée sur le Net et approuvée au niveau scientifique. » L’efficacité est bien sûr « utilisateur– dépendante », liée à un apprentissage sérieux avec des instructeurs qualifiés (voir p. 11). Et cela a un coût, comme le remarque Pia de Reilhac, pour qui une partie des jeunes arrête la pilule vers 20-21 ans, refuse toute approche médicale de la contraception et préfère s’en remettre à des méthodes vues sur des applications sur leur smartphone : « Le danger est là, d’où notre alerte », argumente le médecin.
Le choix est roi
Reste que, derrière les chiffres, il y a les utilisatrices et un changement réel dans les habitudes de contraception. « La contraception a amélioré la qualité de vie et la santé des femmes et cela correspond à l’arrivée de la pilule », considère la FNCGM. La Fédération rappelle aux femmes qui la trouvent contraignante qu’il existe d’autres méthodes contraceptives sûres « comme l’anneau vaginal, le patch contraceptif, le Nexplanon ou le DIU au cuivre ou hormonal » et que la consultation médicale permet de déterminer celle qui convient le mieux à chaque moment de la vie. « C’est oublier que la majorité des femmes qui se tournent vers les MOC ne veulent plus ou ne peuvent plus prendre d’hormones. Hormis le DIU au cuivre, que leur propose-t-on ? », s’interroge Marion Vallet, qui rappelle que la meilleure contraception est celle que l’on choisit.
Pour Sophie Gueroult, pharmacienne et instructrice FertilityCare, les méthodes naturelles sont peu ou mal enseignées dans les facultés, d’où un amalgame scientifiquement malhonnête entre les méthodes. Elle regrette par ailleurs le manque d’écoute de certains professionnels de santé : « C’est aussi notre rôle d’entendre les couples qui désirent une autre contraception. Même à l’officine, on peut être force de proposition, à condition de rappeler aux couples qu’ils doivent être accompagnés. Les MOC ne s’improvisent pas. »
Trouver de l’info
Pour l’instant, même si c’est un projet porté par diverses associations, aucun site Internet institutionnel n’existe sur les méthodes naturelles de contraception. Les moteurs de recherche nous conduisent vers des sites Internet et blogs, associatifs ou personnels (methodesnaturelles.fr, cyclenaturel.fr, mariefortier.com…), certains étant adossés à un mouvement religieux. Pour trouver des informations par méthodes et des instructeurs dans sa région, vous pouvez vous référer à www.methode-billings.com, www.fertilitycare.fr, www.symptothermie.com…
Chiffres des IVG en 2016(3)
→ 211 900 interruptions volontaires de grossesse (IVG) ont été réalisées en France en 2016, dont 197 800 en métropole. Un nombre en légère baisse pour la troisième année consécutive. Le taux de recours est de 13,9 IVG pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans en métropole et de 25,2 outre-mer. Les femmes de 20 à 24 ans restent les plus concernées, avec un taux de 26 IVG pour 1 000 femmes.
→ Les taux continuent de décroître chez les moins de 20 ans, atteignant 6,7 recours pour 1 000 femmes chez les 15-17 ans et 17,8 chez les 18-19 ans.
→ Les écarts régionaux perdurent : 10,3 IVG pour 1000 femmes en Pays de la Loire, 20,1 en Provence– Alpes-Côte d’Azur et plus de 25 outre-mer.
(1) La Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale alerte sur les méthodes de contraception naturelles , communiqué de presse de la FNCGM, 26 février 2018.
(2) Non à la désinformation à propos des « méthodes naturelles », réponse de 100 professionnels de santé au communiqué de presse de la FNCGM.
(3) Chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), 2016.
(4) Un recours moindre à l’IVG mais plus souvent répété, Institut national d’études démographiques (Ined), 2015.
(5) Baromètre Contraception 2016, Santé publique France.
(*) Suite au déremboursement des pilules œstroprogestatives de 3e et 4e générations en raison du risque thrombo-embolique augmenté en 2013.
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