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Dans ma pharma, la para est reine

Publié le 28 février 2017
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Linéaires en self-service, rythme effréné, pression du chiffre… Être préparateur dans une officine où la para et les OTC(1) à bas coût règnent, c’est évoluer dans un univers calqué sur celui des grandes surfaces. Tout en devant fournir un conseil de qualité irréprochable. Visite guidée…

Huit heures du matin. Le rideau de fer est à peine levé que des dizaines de clients se ruent, panier au bras, sur les linéaires géants en self-service chargés de crèmes hydratantes, de soins pour bébé, de compléments alimentaires, de produits naturels ou vétérinaires… Ces officines, parfois appelées « low cost » (à bas coût), ou « discount », sont membres de groupements tels que Lafayette Conseil ou Univers Pharmacie, ou indépendantes (voir encadré p. 21). L’essentiel de leur chiffre d’affaires se fait sur la parapharmacie et le médicament conseil, vendus de 30 à 50 % moins cher qu’ailleurs. Et leur succès ne se dément pas, avec des ouvertures ou passages sous bannière réguliers dans de nombreuses villes.

Pourtant, dans cet environnement calqué sur celui des grandes surfaces, les préparateurs exercent le même métier que dans une officine « traditionnelle » avec quelques nuances. Même au sein des grands groupements, « le titulaire est maître de l’organisation du travail au sein de son officine, de son planning de recrutement et de l’accompagnement de ses collaborateurs. Ainsi que de sa politique salariale sous toutes ses formes », pointe Hervé Jouves, président de Lafayette Conseil. Ce qui n’empêche pas certains traits communs à la plupart de ces pharmacies, conférant à leurs préparateurs un quotidien assez décalé par rapport à l’exercice habituel.

Un rythme soutenu

À l’exemple du rythme de travail qui tient à la fois du 100 mètres et du marathon dans ces lieux où se pressent quotidiennement de 800 à 5 000 clients selon la taille de la structure. Avec jusqu’à une vingtaine de comptoirs pour les accueillir, les conditions d’exercice sont parfois rock’n roll. « Nous étions confrontés à une marée humaine, avec parfois, devant les comptoirs, des queues de plus d’une heure, témoigne Julien, 35 ans, ancien préparateur du réseau Lafayette. Si l’on ajoute le bourdonnement des échanges d’une équipe d’une trentaine de collègues, le bruit de fond peut devenir difficilement supportable. Assorti d’une véritable fournaise l’été si la climatisation ne suit pas ».

Dans cette vente à flux tendu, prendre une pause café, ou simplement s’éclipser quelques instants aux toilettes, relève parfois de la gageure. Quand les préparateurs ne sont pas écartelés entre comptoir et back office. « On nous demandait, par talkie-walkie, d’aller chercher des produits au stock cinquante fois dans la journée », se souvient Jérôme, autre préparateur, qui a exercé dans un « low cost » du Sud de la France.

Plannings décalés

À ces journées plus épuisantes que la moyenne, se greffent des plannings souvent originaux pour adapter les horaires des équipes aux très larges amplitudes horaires, de 8 heures à 20 heures pour certaines à une ouverture 24 heures sur 24 pour d’autres. « La fréquentation est en hausse de 60 % depuis notre passage chez Lafayette, en mars 2014, constate Patrick Prioux, titulaire d’une pharmacie à Suresnes (Hauts-de-Seine). Malgré la suppression de la fermeture entre midi et deux, les préparateurs font toujours 35 heures hebdomadaires. Nous avons géré ces nouvelles contraintes par la mise en place de roulements et l’embauche d’une préparatrice et d’une rayonniste ».

Ces grilles horaires, plus ou moins concertées entre titulaire et préparateurs selon les cas, satisfont pleinement Magali, préparatrice dans une pharmacie rattachée au groupe Univers Pharmacie depuis 2010 à Versailles (Yvelines). « Je travaille quatre jours par semaine, du lundi au jeudi. J’ai un repos le vendredi une fois sur deux selon que je travaille le samedi ou pas. Un arrangement qui me sied à merveille », assure-t-elle. Même satisfaction chez Vincent, 50 ans, qui a enchaîné pendant neuf mois des CDD à la journée, pour des dépannages au pied levé, au sein de l’une des plus grosses officines « low cost » d’Aquitaine. « Un mode de fonctionnement qui me convenait, mais qui peut être très astreignant pour un préparateur ou une préparatrice avec de fortes contraintes familiales », admet-il.

Pour Brigitte Bouzige, vice-présidente de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), « les tensions sur les plannings montrent la limite de ces horaires atypiques. Mieux vaut faire preuve de souplesse et de disponibilité, les emplois du temps de ces officines évoluant en permanence en fonction des impératifs commerciaux ».

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Vente et éthique sont quasi compatibles

Faire le plus de volume possible est nécessaire pour compenser des marges réduites de cinq à dix points par rapport aux pharmacies classiques. « Nous étions six préparateurs, à servir entre 110 et 130 clients par jour chacun, soit un client toutes les cinq minutes », se souvient Vincent, 51?ans, préparateur à Pau (Pyrénées-Atlantiques). Pourtant, ces officines mettent un point d’honneur à assurer la même qualité de service et de déontologie que les autres. « Nous sommes avant tout des pharmaciens », assure le président de Lafayette Conseil, Hervé Jouves. « La pratique de prix bas ne doit pas se faire au détriment de la qualité, du service et de l’éthique », ajoute Patrick Prioux, titulaire à Suresnes.

Un discours corroboré par le groupement Univers Pharmacie. « Nous assurons un strict contrôle des ordonnances, un suivi des maladies chroniques et nous insistons auprès de nos collaborateurs sur les règles d’éthique », précise Éric Hassid, titulaire de la pharmacie Univers de Versailles (Yvelines). Un effort essentiel pour ces officines, tant pour asseoir leur légitimité que pour se démarquer d’Internet, leur principal concurrent.

Accueil des patients « lourds »

« Les pharmacies Lafayette présentent le même niveau de service et de conseil qu’une pharmacie traditionnelle, assure Hervé Jouves. Malgré une forte affluence, les préparateurs, comme les pharmaciens, ont toute latitude de passer du temps à conseiller les patients lourds ou chroniques. Nos pharmacies disposent toutes d’un espace de confidentialité permettant à nos adhérents de se livrer à des entretiens pharmaceutiques ». Une réalité diversement appréciée selon les cas.

« Avec un objectif de 1 000 clients par semaine, il est impossible de consacrer du temps à une personne plus qu’à une autre. Encore moins de s’isoler pour un entretien thérapeutique quand la promiscuité rend la confidentialité des échanges quasiment impossible », relève Vincent, qui a connu l’exercice. En revanche, William, 23?ans, préparateur dans une officine à bas prix indépendante de la région Grand Est, estime « prendre le temps qu’il faut pour expliquer aux personnes ce qu’elles souhaitent comprendre sur leur traitement, l’utilisation d’un appareil ou autres. Si nous n’avons pas encore de lieu consacré aux entretiens, nous disposons de plusieurs salles confidentielles pour la compression, l’orthopédie et les mini-soins ».

Autre avantage pour les clients en situation lourde et complexe, une offre conséquente de matériel spécialisé pour le maintien à domicile. « Nous avons un parc d’appareils assez large en termes de lits médicaux, déambulateurs, fauteuils roulants, chaises de salle de bains ou protections urinaires, observe William. Dans un premier temps, certains clients de passage peuvent être rebutés par “l’impression d’être dans un supermarché” comme ils disent. Dans un second temps, le fait de trouver le matériel dont ils ont besoin, spontanément ou parce qu’ils sont envoyés par d’autres pharmacies de la ville, leur permet de connaître notre travail relationnel et nos compétences qui font aussi notre réputation localement ». Au final, William connaît beaucoup de clients du quartier qu’il appelle par leur nom.

Sus aux ventes complémentaires !

Mais il y a un loup. Dans ces officines, qui dit conseil dit aussi « conseil associé ». À savoir, l’obligation, pour les préparateurs, de proposer systématiquement un ou plusieurs produits complémentaires en lien avec l’achat en cours.

Chiffre à assurer, qualité du service et conseil associé ne sont pas forcément évidents à conjuguer pour tous les préparateurs. « Il faut faire avec une pression commerciale plus importante qu’ailleurs, témoigne Christian, préparateur dans une pharmacie low cost indépendante. J’ai travaillé des années en officine classique. On ne m’a jamais dit : “Tu vois, la personne est partie, elle n’a rien pris en plus de l’ordonnance” comme je l’entends couramment aujourd’hui ». Les techniques de vente sont l’alpha et l’oméga de l’activité officinale. Chez Lafayette, les équipes sont briefées tous les deux mois par un représentant, avec rappel du discours à tenir auprès des clients et des objectifs de vente. « Présenter le réseau ou l’officine et sa politique tarifaire à chaque nouveau client pour faire le buzz fait également partie du métier », rapporte Vincent. Avec, parfois, des initiatives pour le moins surprenantes. « Récemment, l’idée – heureusement sans suite – a circulé de garder les originaux des ordonnances. Objectif : que les gens reviennent systématiquement pour leurs renouvellements », dévoile Magali.

Effectifs renforcés et spécialisés

Le passage d’une officine au modèle low cost va aussi souvent de pair avec un accroissement de la surface de vente et du nombre de linéaires. Les effectifs, multipliés entre quatre et dix, ne sont pas toujours suffisants pour amortir la hausse de la charge de travail et l’accélération des cadences. La dépersonnalisation guette… « Dans une grosse structure comme la mienne, avec 42 salariés, répartis sur une douzaine de comptoirs, et sur 1 000 mètres carrés, l’ambiance est plus à l’usine qu’au familial. J’ai mis plusieurs semaines à retenir les noms de tous mes collègues ! », déclare Virginie, préparatrice dans une pharmacie Lafayette du centre de la France, qui envisage fortement de revenir à l’officine classique.

Ces pharmacies se caractérisent aussi par une forte spécialisation des salariés. Et ce, d’autant plus que la structure est importante. À la clé, des missions généralement moins variées qu’en officine classique. « Chaque préparateur a sa fiche de poste bien précise, rapporte Éric Hassid d’Univers Pharmacie à Versailles. Nous avons un responsable pour chaque laboratoire. Un pour le maintien à domicile, un autre pour les huiles essentielles, un dédié à l’interface avec le groupement… »

Cette répartition des tâches n’exclut pourtant pas les mises à contribution fréquentes, notamment sur les plans logistique et manutention, au gré des besoins et des flux. Avec, pour corollaire, des nerfs mis à rude épreuve. « Je cours en permanence du comptoir au rayon et du rayon au back office. C’est fatigant physiquement et très dévalorisant », assène Virginie. La démotivation guette d’autant plus que la prise de responsabilités et l’autonomie dans les missions – gestion des gammes, négociation des prix auprès des laboratoires… – sont, elles aussi, généralement plus limitées qu’ailleurs. Même si, dans les structures de moins de dix salariés, les préparateurs ont davantage de chances de se voir confier des gammes de spécialité.

Offre de formation renforcée

Les préparateurs voient leur offre de formation accrue, en présentiel comme en ligne. Pour les pharmacies « classiques » qui ont basculé vers un modèle « low cost », la formation constitue un puissant levier d’accompagnement des équipes à la conduite du changement, mais aussi l’outil numéro un pour éluder les critiques sur le niveau de service. « Depuis deux ans, notre groupe met à disposition des adhérents une plate-forme dédiée, enrichie d’année en année », souligne le président de Lafayette Conseil. Un dispositif que le titulaire Patrick Prioux utilise régulièrement pour l’ensemble de ses équipes. « Chacun a son code d’accès et peut accéder aux sessions en ligne, 365?jours par an, à son rythme. Le catalogue est très complet, de l’aromathérapie à la compression veineuse, en passant par les thématiques de vente et les cas de comptoir. À ces formations en ligne s’ajoutent des cursus en présentiel dispensés par les laboratoires ».

Florije, 45 ans, préparatrice dans la pharmacie Prioux, a profité à plein de ce panel. « Nous en suivons trois par semaine d’une ou deux heures chacune, sur demande et sur notre temps de travail. Cela permet de mieux connaître les produits, de mieux les conseiller, et ouvre des pistes de progression ». Une progression dont a bénéficié à plein William. « Six mois après mon arrivée, j’ai suivi, à ma demande, une formation en dermo-cosmétique axée sur la politique commerciale et le marketing. Cela m’a permis de mieux comprendre la vision de ce type d’officine ». Avec, à la clé, une évolution accélérée : « Aujourd’hui, je fais office de binôme de mon titulaire. J’assure une mission de suivi de l’impact des promotions, et je suis en train de mettre en place un projet de communication via des écrans digitaux ».

William en est persuadé, « seule une structure dotée d’un effectif assez important – nous sommes une trentaine, dont dix préparateurs – pouvait avoir les épaules pour assumer cette formation qui m’a mobilisé un jour par semaine pendant un an. Ici, un préparateur peut devenir le bras droit du titulaire. Quelle officine classique peut en dire autant ? »

Salaires dans la moyenne basse, mais intéressement

Un enthousiasme que partagent peu Virginie et Christian, qui, après quelques formations à la petite semaine, parfois proposées en dehors des heures de travail et sans contrepartie salariale, n’ont pas vu leur condition évoluer d’un iota. Par ailleurs, comme nombre de préparateurs, ils émettent le regret d’avoir du mal à accompagner les apprentis étudiants en contrat d’apprentissage. Des apprentis trop rares par manque de temps pour les former ou, au contraire, trop nombreux, et qui ont souvent plus de mal qu’ailleurs à prendre leurs marques dans un environnement survolté. « Dans ces officines, ils n’apprennent pas toujours leur métier comme cela devrait être le cas, dénonce Olivier Clarhaut, secrétaire fédéral de FO-Pharmacie. Beaucoup sont davantage cantonnés au rangement des rayons qu’à l’étude des ordonnances, la préparation des commandes ou la sensibilisation à la gestion ».

Le bon côté de la médaille réside peut-être dans l’intéressement aux résultats, assez massivement institué, de manière plus ou moins large et officielle. Des primes d’abord mises en avant par les responsables de ces officines pour compenser des salaires à l’embauche souvent tout juste sur la grille, voire tirés vers le bas. « Pour justifier la régression de deux points sur mon coefficient, le gérant de la pharmacie dans laquelle je postulais a argué du démarrage de l’activité sous le modèle « low cost », de la taille de la structure, des marges très faibles, etc. », se remémore Floriane, 32 ans, qui n’a finalement pas donné suite.

Dans un contexte économique très tendu, la masse salariale constitue en effet la première variable d’ajustement. Mais les bons chiffres de vente des équipes sont souvent récompensés par un pourcentage, par exemple, comme chez Patrick Prioux, sur le chiffre d’affaires hors taxes réalisé hors ordonnances. Des primes aux résultats complétées ou remplacées par des bonus divers : challenges laboratoires, chèques cadeaux, primes… Selon les officines, ces coups de pouce vont de zéro euro – quand la pharmacie ne fait pas de bénéfice ou que les objectifs sont inatteignables – à l’équivalent d’un treizième mois. Le plus souvent sous forme de quelques centaines d’euros supplémentaires annuels. « Sur le principe, c’est intéressant, mais la compétition et les comportements individualistes que cela engendre entre préparateurs nuisent à l’esprit d’équipe », regrette William.

Turn-over à tous les étages

Dans cet environnement ultra-dynamique, sans temps mort, certains préparateurs s’épanouissent pleinement. Pour d’autres, il fait des ravages. Sentiment de dévalorisation ou de déshumanisation, surmenage, insatis-faction salariale, réticences déontologiques… Autant de conditions qui expliquent pourquoi ces pharmacies souffrent d’un turn-over particulièrement élevé. Et pourquoi le secteur recrute facilement et plutôt rapidement. « Nous sommes en recherche permanente de préparateurs via des annonces sur notre site », précise Hervé Jouves. Un turn-over qui touche aussi les titulaires. « Certes, ces pharmacies brassent beaucoup d’argent, mais leur étiquette « low cost » peut les rendre difficiles à racheter du fait de la faiblesse de leur marge, prévient Brigitte Bouzige. D’ailleurs, elles changent de main en moyenne tous les deux ans et demi, tant leurs propriétaires sont asphyxiés ». Ne seront pérennes que celles qui disposent du soutien logistique et tarifaire d’un grand groupe, ou de la surface et des réserves suffisantes pour continuer à s’équiper et à innover en permanence. Autant de données à prendre en compte pour ceux qui aspirent à rejoindre l’un de ces eldorados du tiroir-caisse.

(1) OTC : over the counter = au-delà du comptoir, c’est-à-dire les médicaments ou produits conseil pouvant être mis à disposition du client.

Un modèle économique qui repose sur 5 piliers

→ Des prix imbattables. Réduction constante de 30 à 50 % sur les prix OTC et de parapharmacie. Ces tarifs sont négociés auprès des laboratoires grâce aux forts volumes commandés, notamment par les grands groupements. Le réseau Lafayette s’appuie ainsi sur plus de 200 accords-cadres.

→ Un chiffre d’affaires moins dépendant des médicaments remboursés. Il est composé à 20-30 % de médicaments, 30-40 % d’OTC et 30-40 % de parapharmacie. À l’inverse des officines classiques, où le CA repose à 75-80 % sur le médicament remboursé et à 20-25 % sur la para.

→ Une moindre dépendance aux risques liés aux lois de santé : baisses du prix des médicaments, menace de l’arrivée de l’OTC en grandes surfaces et autres.

→ Une marge de 20 % en moyenne, soit 5 à 10 points de moins que celle des officines classiques.

→ Un stock moyen de 18 000 à 30 000 produits référencés en permanence, contre 6 000 en officine classique. Les titulaires rattachés à un groupement bénéficient d’un soutien logistique et de conseils de gestion.

Deux cas de figure

Groupements

1. Lafayette Conseil, né en 1995 à Toulouse, avec :

→ 117 adhérents et 500 millions d’euros de CA fin 2016 ;

→ 6 millions d’euros de CA et 15 salariés en moyenne par officine ;

→ D’ici 2018 : 220 pharmacies plus 115 magasins d’optique et 50 magasins de matériel médical, branche qui sera lancée en 2017, à la faveur du passage du groupe, en octobre 2016, dans le giron du fonds d’investissement Five Arrows Managers, filiale du groupe Rothschild.

2. Univers Pharmacie, avec 160 officines en France (autres chiffres non communiqués).

Officines indépendantes

Elles sont une centaine en France. Parmi les principales, citons Citypharma (Paris VIe), pharmacie Monge (Paris Ve), pharmacie de la Gare à Roissy-en-Brie (77), pharmacie Chabrol à Quissac (30), pharmacie Prado-Mermoz à Marseille (13)…

Point de vue

« Un modèle qui pose des questions d’ordre éthique »

Brigitte Bouzige, vice-présidente de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo), syndicat de titulaires.

La quête du volume de ventes rejaillit négativement sur le travail des préparateurs et sur la qualité du conseil aux patients.

Que ces pharmacies fassent ou non partie d’un groupement, elles partagent un impératif : faire du volume. Ce qui implique la mise en place de dispositifs incitatifs pour vendre plus. Donc une pression supplémentaire sur les équipes, et notamment les préparateurs. Dans certaines officines dites « low cost », il existe un tableau de classement des vendeurs en fin de mois. Plus encore : certains travaillent avec des oreillettes, dans lesquelles ils reçoivent des directives à jet continu. Et s’ils ne répondent pas directement, un message s’affiche sur leur écran?! Dans ces conditions, il apparaît difficile de délivrer le conseil adéquat, encore moins de consacrer vingt ou trente minutes à un patient pour lui expliquer comment prendre son traitement anticancéreux, par exemple…

Les laboratoires sont trop présents

Sous couvert de formation, les laboratoires sont trop présents au sein des officines, en contrepartie de remises. Ce qui pose la question déontologique des modalités des formations qui y sont dispensées. Certes, celles-ci permettent que les produits soient mieux connus des préparateurs, et donc mieux vendus. Mais dans certaines enseignes low cost, les formations sont le fait de laboratoires qui viennent une demi-journée à deux jours par semaine dans l’espace de vente. Cette immixtion au long cours détonne par rapport aux habitudes du secteur.

On constate une banalisation du médicament

Une banalisation de la consommation d’OTC peut aller contre l’intérêt du patient. Acheter trois boîtes de sirop pour la toux ou d’anti-inflammatoire pour le prix de deux n’est peut-être pas de l’incitation à la consommation, mais une réelle incitation à avoir du stock à la maison. C’est davantage cette banalisation de la consommation et du stockage de médicaments non remboursés – avec les risques de prise de produits à la date de péremption dépassée – que l’incitation à l’automédication qui interpelle. Dans tous les cas, je ne pense pas que ces pratiques riment toujours avec intérêt du patient.

Profil type du préparateur en officine « low cost »

Selon les préparateurs et les pharmaciens interrogés, certaines qualités et compétences s’imposent pour survivre dans ces pharmacies où la para prime.

→ Être endurant à cause du rythme, du bruit, des pauses réduites…

→ Être disponible en raison d’horaires à rallonge, d’emplois du temps mouvants et en accordéon.

→ Ne pas craindre la routine et le mono-tâche dans la plupart des cas.

→ Être réactif tout en étant « souple », ou disons malléable…

→ Aimer la concurrence et les challenges commerciaux.

→ Avoir une bonne mémoire pour retenir la multiplicité des gammes et des messages commerciaux.

→ Être polyglotte dans les pharmacies accueillant de nombreux touristes. Pratique de l’anglais, du portugais, du coréen ou du chinois parfois requise.