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Daniel Floret
Président du Comité technique national des vaccinations et chef de service des Urgences pédiatriques à l’hôpital Mère-Enfant de Lyon.
Au comptoir, quelle attitude adopter face aux réticences à la vaccination ?
• Ce qui domine dans les réticences, c’est le manque d’information. Dans la forme d’abord, deux points me semblent donc extrêmement importants. Le premier est la connaissance que les professionnels doivent avoir pour expliquer quel vaccin, à quel âge et surtout pourquoi. C’est loin d’être le cas chez les médecins, et je suppose chez les pharmaciens.
Le deuxième, c’est acquérir le réflexe vaccination, c’est-à-dire ne pas manquer une occasion de vérifier les vaccinations. À la pharmacie, il s’agit de saisir chaque circonstance et d’avoir l’idée d’aller un peu plus loin. Une personne qui se blesse est-elle à jour pour le tétanos ? Un enfant qui tousse est-il vacciné contre la coqueluche ? Celui qui présente des boutons l’est-il contre les maladies éruptives ? Si ça n’est pas le cas, rappeler au moins qu’il faudrait le faire.
Peut-on conseiller une démarche pédagogique spécifique ?
• La première chose est d’écouter et d’amener les personnes à exprimer leurs réserves pour pouvoir les cerner. Par exemple : « Votre enfant n’est pas vacciné, vous avez quelque chose contre le vaccin de l’hépatite B ? »
Si les parents me parlent de la sclérose en plaques, comme c’est souvent le cas, je prends mon argumentaire : « Soyons sérieux, ce vaccin est utilisé dans le monde entier, et il ne donnerait cette complication qu’en France, pas en Allemagne ou aux États-Unis, vous trouvez ça cohérent ? » Et puis on approfondit, on explique pourquoi est née la polémique en France, la vaccination des adultes à l’âge où apparaissent les scléroses en plaques, les coïncidences, la montée en puissance des opposants à la vaccination. Très souvent on arrive à décrypter et à dépassionner les choses.
Comment construire cet argumentaire ?
• Deux axes de communication sont à développer. D’une part, la maladie que l’on veut éviter. Quelle est-elle, quelle était sa fréquence avant et après que le vaccin existe, sa gravité ou non, ses complications… Par exemple, on dit aujourd’hui que la rougeole n’est pas bien grave, avant tout le monde la faisait, mais on oublie qu’il y avait quand même 40 morts et quelques centaines d’encéphalites par an.
D’autre part, le vaccin en lui-même, son efficacité et sa sécurité. Dire qu’un vaccin « marche bien », qu’il protège dans 90 % ou 100 % des cas et qu’il est sûr, parler des éventuelles complications, mais surtout, et c’est le plus fréquent, de l’absence de complications. Les professionnels doivent avoir les idées claires sur les polémiques, comme l’hépatite B et la sclérose en plaques par exemple. Seule la formation peut lui apporter ces arguments.
Faudrait-il faire peur, comme le font les opposants avec les complications ?
• Non, il faut être objectif sinon on n’est pas crédible. Dire que la rougeole est une maladie très grave et qui tue n’est pas conforme à la réalité d’aujourd’hui, car la maladie est devenue rare grâce à la vaccination.
Cela n’empêche pas de rappeler les 40 morts annuels ainsi que les nombreuses encéphalites et leurs séquelles de la période pré-vaccinale. Affoler avec des arguments qui ne sont plus justes n’est pas judicieux, même si on préférerait la voir disparaître totalement par une couverture plus étendue. Mais pour être objectif, il faut être juste et bien informé. On en revient toujours au besoin de formation des professionnels.
Existe-t-il une formation spécifique que les officinaux pourraient suivre ?
• Je n’ai pas connaissance de formation continue spécifique. On n’arrive déjà pas à le faire pour les médecins. Mais il existe des sociétés savantes en pharmacie qui pourraient l’envisager, et nous, experts en vaccinologie, serions prêts à prêter notre concours. Je suis par ailleurs coordinateur d’un diplôme universitaire de vaccinologie (voir encadré) ouvert aux pharmaciens s’ils veulent approfondir leurs connaissances.
Que faire face aux opposants farouches ?
• Face aux opposants qui pensent qu’il vaut mieux contracter la maladie, que se faire vacciner, ce n’est pas la peine… C’est une prise de position idéologique, on sait qu’on ne pourra pas les convaincre. La stratégie est de les contrer, non pas au niveau individuel, mais collectif, en apportant des contre-arguments pour qu’ils ne contaminent pas de leurs idées leur entourage. Mais ils ne représentent de toute façon que 2 ou 3 % de la population au maximum.
Et si l’officinal n’est pas lui-même convaincu ?
• On ne peut pas convaincre si on n’est pas soi-même convaincu. Au comptoir, si vous dites à quelqu’un de faire vacciner son enfant et que le vôtre ne l’est pas, vous n’êtes pas crédible. On ne peut pas être neutre en face d’un tel sujet quand on le connaît, mais on a par contre le droit de ne pas le maîtriser. Dans ce cas, mieux vaut ne pas prendre position et renvoyer la personne vers un médecin.
Comment gérer le discours alarmiste des médias ?
• Les médias ne communiquent que sur le sensationnel. Depuis peu, on parle abondamment des histoires de narcolepsie et de vaccin contre la grippe. Si dans un mois, les études statistiques montrent que le nombre de cas observés n’a pas été supérieur au nombre de cas attendus compte tenu de la fréquence de la maladie, la communication sur le démenti restera très limitée.
Il y a une désinformation massive sur Internet, on l’a vu pour la grippe A, et personne n’est là pour répondre sur la réalité des choses. Si vous tapez vaccination sur Internet, vous tombez immédiatement sur les sites des ligues « anti-vaccinales ». Cela devrait être corrigé, comme je le souligne depuis longtemps. Pour orienter les patients à l’heure actuelle, il y a les documents de l’Inpes (voir encadré), que le pharmacien peut se procurer et distribuer au public.
Finalement, les vaccins obligatoires sont ceux pour qui la couverture est la meilleure. L’obligation est-elle efficace ?
• On ne peut pas dire ça, les pays qui nous entourent et qui n’ont pas d’obligation ont des couvertures vaccinales similaires aux nôtres. De plus, nous savons qu’il est facile d’échapper à une obligation vaccinale. Personne – heureusement ! – n’a jamais empêché un enfant non vacciné d’aller à l’école ou mis ses parents en prison. De plus, en termes de santé publique, ces obligations n’ont pas de pertinence. Seuls la diphtérie, le tétanos et la polio sont obligatoires alors qu’actuellement le risque de mourir d’une méningite bactérienne est plus élevé que celui de décéder de ces maladies.
Pourquoi alors les conserver ?
• Elles ont été mises en place après la guerre, quand les préoccupations de santé publique étaient quasi inexistantes. Il est très difficile de sortir d’une obligation vaccinale. Il faudrait en l’occurrence une préparation pour éviter une baisse de la couverture, un consensus des professionnels et une volonté politique (car pour lever une obligation, il faut un décret). Personnellement, j’y serais favorable. L’obligation peut être vécue comme une atteinte à la liberté qui ne se justifie qu’en cas de menace pour la santé publique, ce qui n’est pas le cas actuellement. En plus, les vaccins combinés mélangent des vaccins obligatoires et non obligatoires. Il est tentant pour les anti-vaccinaux de dire qu’on vaccine les gens à leur insu. J’estime personnellement que ces éléments constituent des obstacles importants à la communication.
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