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Conciliation médicamenteuse, une place à prendre
Dès l’entrée en établissement de soins, et jusqu’à la sortie, sécuriser la prise en charge d’un patient nécessite le partage et l’analyse d’informations entre la ville et l’hôpital, notamment sur les médicaments pris effectivement. Cette démarche dite de conciliation médicamenteuse implique et valorise les préparateurs.
« Bonjour, ici l’hôpital X. Je vous informe que le patient M.Y est hospitalisé depuis hier. Nous cherchons à savoir quels médicaments il prenait à son domicile avant d’être admis chez nous… » Certains préparateurs ou pharmaciens sont déjà familiers de ce type de demande, soit parce qu’ils travaillent en établissement de soins et sont à l’origine de l’appel, soit parce qu’ils exercent dans l’officine de la personne récemment hospitalisée. Derrière ce coup de fil, toute une procédure se met en place autour du patient. Son nom ? La conciliation médicamenteuse. Son objectif ? Prévenir ou corriger les erreurs médicamenteuses (voir encadré p. 18).
Rien ne se perd, tout se transforme
Idéalement, la conciliation permet de savoir ce que prend le patient quand il entre dans un service de soins, ce qu’il prendra pendant et ce qu’un médecin hospitalier lui prescrira à la sortie. Le collège de la Haute Autorité de santé (HAS) définit la conciliation des traitements médicamenteux(1) comme « un processus formalisé qui prend en compte, lors d’une nouvelle prescription, tous les médicaments pris et à prendre par le patient. » Elle vise à prévenir ou corriger « les erreurs médicamenteuses en favorisant la transmission d’informations complètes et exactes sur les médicaments du patient, entre professionnels de santé aux points de transition que sont l’admission, la sortie et les transferts ». Enfin, elle « associe le patient et repose sur le partage d’informations et sur une coordination pluridisciplinaire ».
Concrètement, « la conciliation d’entrée, c’est chercher à savoir par tous les moyens possibles ce qui est effectivement pris par le patient. C’est le bilan définitif de ce qui est fait à la maison, pour que la prescription hospitalière suive et ne comporte pas d’erreurs », explique Sandra Hauss, préparatrice en pharmacie hospitalière à la clinique Sainte Anne de Strasbourg (67). Et à la sor tie ? « On reprend notre travail réalisé à l’admission et on le compare à la prescription de sortie. Il est fréquent de voir des changements dans le traitement. Il faut alors vérifier que ce sont de véritables changements et non des erreurs », poursuit cette préparatrice qui participe activement à la démarche de conciliation depuis fin 2014.
Des étapes à respecter
La notion de « processus formalisé » implique une succession d’étapes, deux, trois ou quatre selon les sources et les supports. La Haute Autorité de santé en décrit quatre dans un guide de décembre 2016(1) (voir encadré p. 19). La conciliation se fait aussi selon deux modes. En proactif quand le bilan médicamenteux précède toute prescription hospitalière, dès que le patient est hospitalisé. « C’est le mode que nous utilisons la plupart du temps, rapporte Sandra Hauss. Une préparatrice formée à la conciliation est présente dans le service de gériatrie chaque après-midi, ce qui nous permet de concilier rapidement les nouveaux entrants. » Elle se fait également en rétroactif lorsque l’ordonnance hospitalière a déjà été rédigée. « Dans la pratique, nous faisons quasiment toujours du rétroactif, analysent Fabienne Leguay et Anne Leblanc, pharmaciennes de l’Établissement public de santé mentale de l’Aube (EPSMA), à Br ienne-le-Château (10). Nous accueillons des patients psychiatriques pour des cas de décompensation ou de tentative de suicide, rien de très programmé ! Ils peuvent arriver à tout moment, et notamment en fin de journée ou le week-end quand personne n’est là pour les concilier. »
Jeu de piste
Le recueil de données est une première étape clé pour établir un bilan médicamenteux de bonne qualité. « Nous faisons souvent un travail digne de Sherlock Holmes ! », analyse avec humour Sandra Hauss. Au moins trois sources différentes doivent être interrogées.(2) Parmi elles, le patient, l’entourage, l’officine, le médecin traitant, l’infirmière, le dossier du patient s’il s’agit d’une nouvelle hospitalisation dans le même établissement, le dossier pharmaceutique (DP) si la personne en possède un… L’équipe de l’EPSMA recourt au DP dès que possible, « pour avoir une vision globale de ce qui a été délivré les quatre derniers mois. Il peut y avoir des antibiotiques pris sur une courte période et qui n’apparaissent pas sur les ordonnances habituelles. » Sandra Hauss est moins enthousiaste. Elle trouve « le DP pas assez précis. On n’a pas forcément l’ensemble des boîtes délivrées sur les derniers mois, ni les modalités de prise ». Fabien, préparateur officinal à Marseille (13), le reconnaît : « On n’a pas le réflexe de mettre les médicaments sans ordo sur le DP ». De son côté, Sébastien Doerper, pharmacien hospitalier à Lunéville (54), multiplie les sources : « Notre équipe en utilise en moyenne cinq par conciliation. Chacune présente ses avantages et ses inconvénients ». Viser l’exhaustivité nécessite de ratisser la moindre information car il va falloir aussi les croiser… et vérifier que le médicament prescrit est réellement pris !
Face à face avec le patient
L’entretien avec le patient est particulièrement contributif, « y compris en psychiatrie, malgré ce que l’on pourrait penser », explique l’équipe de l’EPSMA. Méthodique, il se fait souvent à l’aide d’une grille de questions pour ne rien oublier. Les allergies « sont explorées mais nous devons demander des précisions sur les symptômes car les patients confondent très souvent allergies et intolérances », argumente Sandra Hauss.
Médicaments sur et hors ordonnance, le patient est questionné sur ce qu’il prend quand il a mal quelque part, s’il utilise des tisanes, mais aussi sur sa gestion du traitement. Utilisation d’un pilulier ou moyen mnémotechnique, l’observance est analysée car qui dit médicament prescrit ne dit pas forcément médicament réellement pris. « Nous interrogeons systématiquement sur les médicaments locaux, notamment les collyres, car les patients n’y pensent pas forcément », ajoute l’équipe de l’EPSMA. « Nous posons des questions sur l’alimentation et sur la façon dont sont pris les médicaments à la maison. Cela permet par exemple de repérer des interactions avec le jus de pamplemousse », complète Sandra Hauss. Dans la mesure du possible, l’entretien est un moment d’échange, où la personne hospitalisée se sent libre de s’exprimer. « Les patients sont en confiance avec nous, un peu comme avec leur officine. Ils vont plus facilement nous dire ce qu’ils ne prennent pas, comme ce vieux monsieur qui, après avoir lu la notice du Neurontin, refusait de le prendre pour ne pas risquer de troubles de la libido », se souvient la préparatrice.
Exploitation du bilan
À l’issue du recueil des informations, un bilan médicamenteux est rédigé, puis validé par un pharmacien. « C’est une étape essentielle qui nous rappelle que le bilan n’est pas un document anodin ou produit sur un coin de table », insiste Sébastien Doerper. Enfin, le bilan est exploité. Dans le cas idéal d’une conciliation proactive, il sert de base au médecin de l’établissement lors de la prescription. En cas de conciliation rétroactive, le bilan est confronté à l’ordonnance en cours, à la recherche du moindre écart, appelé divergence. Les erreurs médicamenteuses, assimilées à des divergences non intentionnelles – non voulues – et non documentées, c’est-à-dire non justifiées, sont alors interceptées : « Nous avons eu l’exemple d’une patiente qui, à son admission, n’a pas indiqué qu’elle prenait du létrozole (Femara) suite à son cancer du sein. Ce médicament n’apparaissait pas sur l’ordonnance à l’admission. La conciliation rétroactive a conduit à la rédaction d’une nouvelle ordonnance », raconte l’équipe de l’EPSMA.
Une démarche pas si simple
Si la conciliation est un excellent moyen de lutter contre l’iatrogénie médicamenteuse, la démarche présente quelques limites. La principale est sans doute son caractère chronophage. Selon la première expérimentation Med’Rec (lire encadré p. 20), 15 à 51 minutes sont nécessaires pour réaliser le bilan médicamenteux. Multipliées par le nombre de patients hospitalisés, plus de 12 millions par an en France (voir encadré p. 16)…
Les établissements font alors des choix. « Nous concilions tous les patients “les plus à risque”, c’est-à-dire ceux de plus de 65 ans, souvent polypathologiques et polymédiqués, qui passent par les urgences puis intègrent un service de soins. Pour tous les autres, c’est-à-dire les plus jeunes et ceux dont l’entrée est programmée, la conciliation peut se faire au cas par cas, en fonction des besoins », expose Sébastien Doerper.
Les médecins des services concernés doivent également être réceptifs et comprendre l’intérêt de la conciliation. « Certains sont réfractaires et veulent sans doute rester les seuls maîtres à bord, constate Sandra Hauss. Dans mon service, il n’y a aucune réticence, au contraire ! Dès leur arrivée, les internes sont briefés, et toute l’équipe médicale s’implique. » S’ajoutent les problèmes de disponibilité des différents intervenants. Ceux qui réalisent une ou plusieurs étapes de la conciliation, comme les préparateurs, les pharmaciens, les médecins… Et ceux qui apportent de l’information : médecin traitant, officine, infirmière, aidants… Lorsque l’une des sources n’est pas joignable, « nous ne reportons pas au lendemain, concède Sandra Hauss. Nous poursuivons sans relâche nos recherches et sélectionnons une autre source qui, nous l’espérons, sera plus disponible. C’est cette recherche d’informations qui est véritablement chronophage, car rien n’est centralisé. »
La confiance règne
La conciliation implique la transmission de données de santé entre différentes structures, « mais comment être certain qu’il s’agit bien d’un hôpital à l’autre bout du fil ? », s’interroge Juliette, préparatrice officinale à Marseille (13). Plusieurs officinaux pointent le risque de sortie des données médicales de l’espace de confidentialité. Pour Jean-Claude Maupetit, pharmacien, coordonnateur de l’Observatoire du médicament, des dispositifs médicaux et des innovations thérapeutiques (Omedit) Pays de la Loire et responsable du Centre de ressources régional en conciliation médicamenteuse, « il est évident que les réseaux de communication villehôpital doivent être sécurisés. C’est une difficulté dont nous avons fait part à l’Agence régionale de santé (ARS). L’idéal serait d’avoir systématiquement recours à des plates-formes sécurisées, mais pour le moment l’essentiel de la communication se fait par télé concilia phone, par mail et encore beaucoup à l’aide du bon vieux fax. »
Le centre hospitalier de Troyes, dont dépend l’EPSMA, dispose déjà d’un portail sécurisé, My GHT, pour Groupement hospitalier de territoire, (https://myght.ch-troyes.fr). « Nous commençons à envoyer et à recevoir des mai ls sécur isés mais cela concerne une poignée de pharmacies inscrites sur le site. » En attendant le déploiement de telles plates-formes, à chacun sa technique. « Les officinaux nous réclament souvent un justificatif, et je trouve cette réaction tout à fait normale, pointe Sandra Hauss. Nous leur transmettons alors un document que nous avons élaboré, avec nos coordonnées, celles du patient et l’objet de notre demande. » Fabien, lui, n’a jamais reçu de demande à l’officine via un document officiel : « Aussi, je commence toujours par vérifier que l’on parle du même patient et qu’ils ont son numéro de sécu. Et lorsque l’on me demande de faxer des ordonnances, je les retamponne pour éviter leur réutilisation, on ne sait jamais… »
Préparateur conciliateur
« La conciliation médicamenteuse est une nouvelle facette très valorisante de notre métier, qui nous permet de travailler en étroite collaboration avec téléles pharmaciens, mais aussi de nous rapprocher des équipes soignantes », reconnaissent les préparatrices de l’EPSMA. Leur responsable, Fabienne Leguay, a mené une étude(3) « pour montrer que les préparateurs sont aussi compétents que les pharmaciens pour réaliser la conciliation. De nombreux confrères sont très frileux à l’idée de les intégrer. Ce n’est pas du tout notre cas. Nous sommes deux pharmaciennes pour six préparatrices, le calcul est vite fait. Sans elles, nous ne pour rions pas concilier autant de patients. »
Sandra Hauss est plus nuancée : « Le recueil d’informations n’est pas le plus gratifiant et c’est assez répétitif. Tout le monde peut le faire. Par contre, nos pharmaciens nous impliquent dans l’analyse du bilan médicamenteux et dans la révision des traitements, qui ne fait pas partie de la conciliation mais en est la suite logique. Les patients âgés que nous recevons prennent beaucoup de traitements, dont certains pourraient être allégés ou supprimés. L’hospitalisation permet alors de faire le ménage dans l’ordonnance. » L’Association nationale des préparateurs en pharmacie hospitalière (ANPPH) salue et encourage de telles initiatives. Plusieurs de ses membres participent à la conciliation dans leur propre établissement. Sa présidente, Myriam Merlet, ajoute : « Le préparateur en pharmacie hospitalière, en pluridisciplinarité, participe à la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse et au renforcement de son efficience. Il a donc toute sa place dans la conciliation. Il peut être un élément clé dans le recueil des données, mais également un acteur à part entière dans l’identification des divergences. »
Dans les faits, le préparateur hospitalier n’est pas toujours sollicité : « Ce n’est pas par manque d’intérêt, explique Stéphane Honoré, pharmacien hospitalier à l’hôpital de la Timone à Marseille (13) et président de la Société française de pharmacie clinique (SFPC). Mais notre hôpital est un centre hospitalier universitaire (CHU), avec de nombreux externes et internes en pharmacie qui passent de plus en plus de temps dans les services de soins. » À Lunéville, « les préparateurs ne pourraient pas absorber tout le travail lié à la conciliation en plus de leurs missions quotidiennes, expose Sébastien Doerper. Alors nous avons réparti les rôles. Les externes et les internes s’occupent des patients dans les services de type MCO (médecine, chirurgie et obstétrique), tandis que les préparateurs concilient les patients au moment de leur entrée en structure de plus long séjour (Ehpad, hospitalisation à domicile) car ce type de conciliation peut mieux se gérer dans le temps. »
À l’autre bout du fil
De l’avis des hospitaliers interrogés, « l’officine du patient est la source la plus fiable et la plus complète ». Pour Sandra Hauss, « les officinaux nous renseignent non seulement sur les médicaments pris, mais aussi sur tout un contexte social ». Chez les personnes âgées, « le nomadisme pharmaceutique est rare. Sauf si l’infirmière et la famille vont ailleurs de temps en temps parce que c’est plus pratique pour eux. Là, ça devient moins pratique pour nous ! » La plupart du temps, l’officine du patient est la plus proche du domicile, « mais pas toujours, alerte Fabien. Une de nos patientes a quitté le quartier pour se rapprocher de ses enfants. Elle continue à prendre son traitement chez nous même si elle habite désormais dans un département voisin. Si jamais une conciliation médicamenteuse se met en place pour cette dame, ça risque d’être compliqué pour nous trouver ! »
Pour Juliette, préparatrice officinale marseillaise, l’expérience a été particulièrement concluante : « Une patiente de 85 ans a été hospitalisée pour une chute. Nous avons pu informer l’hôpital qu’elle prenait un comprimé de Stilnox le soir. Depuis que ce médicament suit la réglementation des stupéfiants, le médecin traitant fait une ordonnance à part, et la patiente garde précieusement sa boîte dans le tiroir de sa table de nuit, de sorte que le somnifère n’apparaissait ni sur l’ordonnance mensuelle, ni dans le pilulier ». Mais, « le plus souvent, nous ne faisons « que » confirmer ce que l’hôpital sait déjà. Mais c’est quand même important de vérifier que tout concorde. »
Qualité de la relation
Pour Fabien, « c’est normal de participer à la conciliation. Ce sont nos patients et on se sent une responsabilité vis-à-vis d’eux. Et puis, envoyer un fax ça prend 3 secondes et demi ! Je le fais tout de suite pour ne pas oublier et aider au plus vite. » Par contre, il reproche aux équipes hospitalières « de ne pas demander l’historique du patient. Ils réclament uniquement les ordonnances, et ils ont souvent l’air très pressés. C’est dommage parce que l’historique est souvent plus intéressant que les ordonnances. »
Pour Sandra Hauss, les échanges sont la plupart de temps très courtois : « Si une officine me demande des nouvelles du patient, je lui fournis le motif d’hospitalisation et son état général à l’arrivée dans le service. Il m’est arrivé de transmettre le bonjour de la pharmacie aux patients, ils sont ravis ! » En revanche, elle a le souvenir d’un entretien téléphonique qui s’est mal passé : « Le titulaire n’a pas voulu me prendre au sérieux, car je n’étais « qu’une » préparatrice. »
Concilier n’est pas jouer
La formation est un autre point important pour une conciliation de qualité. Sandra Hauss a eu beaucoup de chance : « J’ai été formée pendant trois semaines par une pharmacienne venue tout droit du Canada ! Elle m’a formée de la même manière que les préparateurs avec qui elle travaille dans son pays. Là-bas, ils sont appelés assistants techniques en pharmacie et participent très régulièrement à la conciliation car celle-ci est obligatoire, alors qu’en France le concept est plutôt émergent… »
La formation se fait souvent en interne « sans que cela soit péjoratif, au contraire ! », assure Stéphane Honoré. La transmission au sein d’une équipe est une très bonne chose et vaut formation. En parallèle, « il existe des formations de développement professionnel continu (DPC), ouvertes aux professionnels médicaux et paramédicaux. Les préparateurs sont bien entendu concernés puisque la conciliation des traitements médicamenteux est l’une des orientations nationales du DPC de leur profession. » Les formations, sur un jour ou deux, sont organisées par les centres de formation des préparateurs en pharmacie hospitalière (CFPPH) comme à Tours (www.chu-tours.fr/ cfpph-formation-continue), par les facultés de pharmacie comme à Lille (http://pharmacie.univ-lille2.fr/formation-continue/dpc.html) ou par des organismes indépendants, tel le Centre national de l’expertise hospitalière (CNEH, www.cneh.fr). Les officinaux peuvent participer à une formation « car l’apprenant y est davantage sensibilisé à une démarche que véritablement formé à la réalisation d’un acte. Il est là pour découvrir un processus pluriprofessionnel et finalement en devenir partie prenante. »
La conciliation, ça vous tente ?
La pharmacie hospitalière évolue. « Avec le développement des groupements hospitaliers de territoire (GHT) et une tendance à l’automatisation de la dispensation, notre secteur se tourne vers des activités de pharmacie clinique, constate l’équipe de l’EPSMA. Le métier de préparateur hospitalier doit évoluer de la même manière, les compétences sont là. » En 2017, L’Association nationale des préparateurs en pharmacie hospitalière (ANPPH) a d’ailleurs consacré ses 38es Journées nationales de formation à cette thématique (lire Porphyre n° 531, avril 2017). « C’était très intéressant de rencontrer d’autres préparateurs motivés, et de confronter nos expériences », s’enthousiasme Sandra Hauss.
Pour le moment, la conciliation n’a rien d’obligatoire en France, même si le contexte réglementaire y est de plus en plus favorable. La certification, qui est une procédure d’évaluation externe des établissements de santé pilotée par la HAS, comprend un critère numéroté 20a sur la qualité de la prise en charge médicamenteuse du patient. La conciliation, qu’elle se mette en place sous l’impulsion d’un pharmacien, d’un médecin ou du directeur d’établissement, ne doit pas rester un acte isolé mais s’inscrire dans une véritable culture qualité de l’établissement.
Concilier, c’est communiquer, entre professionnels de santé, mais aussi avec le patient et son entourage, pour améliorer leur connaissance des traitements. Concilier les traitements médicamenteux d’un patient revient finalement à (ré)concilier la ville et l’hôpital, en rappelant à tous qu’au comptoir, comme au chevet du malade, tous les professionnels de santé et du soin doivent contribuer ensemble au bon usage des produits de santé.
(1) Mettre en œuvre la conciliation des traitements médicamenteux en établissement de santé : sécuriser la prise en charge médicamenteuse du patient lors de son parcours de soins , Haute Autorité de santé, décembre 2016.
(2) Société française de pharmacie clinique. Fiche mémo : Préconisations pour la pratique de conciliation des traitements médicamenteux , décembre 2015.
(3) Solenne Teixeira, Anne Boutroy, Anne Leblanc, Fabienne Leguay, Intégration du préparateur en pharmacie hospitalière dans la conciliation médicamenteuse : perspectives d’avenir en pharmacie clinique, Association nationale des préparateurs en pharmacie hospitalière (ANPPH), mars 2017.
(4) Depuis 2006 au Canada, la conciliation, qui se nomme là-bas « bilan comparatif des médicaments » est une pratique requise d’agrément par les autorités sanitaires.
Hospitalisations en France
En 2016, dans 3 331 établissements de santé, il y a eu 12,6 millions de patients hospitalisés, dont 7,2 dans le public, avec par exemple 12,2 millions de patients en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (MCO), 110 000 en hospitalisation à domicile (HAD), 1 million en soins de suite et de réadaptation (SSR), dont 823 000 en temps complet, et 417 000 en psychiatrie.
Source : Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (www.atih.sante.fr)
Des erreurs évitables
Deux études nationales sur les événements indésirables graves liés aux soins (Eneis), menées en 2004 et 2009, mesurent la fréquence des événements indésirables graves (EIG) se produisant au cours d’une hospitalisation, estiment la proportion de séjours hospitaliers causés par un EIG et évaluent la part d’évitabilité de ces EIG. Eneis 2009 a identifié 374 EIG, dont 214 survenus lors de l’hospitalisation et 160 à l’origine d’une hospitalisation. Les médicaments étaient responsables de 42 % des EIG ayant entraîné une hospitalisation, 58 % étant des EIG médicamenteux évitables. En cours d’hospitalisation, 26 % des EIG étaient liés aux médicaments, dont 43 % jugés évitables.
Étapes de la conciliation médicamenteuse(1)
1. Recueillir les informations : consulter au moins trois sources différentes pour lister l’ensemble des médicaments pris ou à prendre par le patient, ses allergies, ses antécédents médicaux…
Parmi les sources d’information :
→ un entretien direct avec le patient et son entourage ;
→ un contact téléphonique avec les professionnels de santé de ville ou d’autres établissements de soins ;
→ les ordonnances, les courriers des médecins, les bases de données, tels le dossier médical partagé et le dossier pharmaceutique ;
→ les médicaments du domicile apportés par le patient.
2. Synthétiser les informations : présenter les données recueillies sous la forme d’un document unique appelé bilan médicamenteux optimisé, ou BMO.
3. Valider le bilan médicamenteux : attester de la fiabilité du bilan médicamenteux. Cette activité est essentiellement pharmaceutique.
4. Partager et exploiter le bilan médicamenteux : se servir de ce bilan pour rédiger ou corriger l’ordonnance du patient. Cette activité est essentiellement médicopharmaceutique.
Là où tout a commencé…
En 2006, débute l’initiative High 5s, une démarche internationale lancée par l’Alliance mondiale pour la sécurité des patients de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les pays fondateurs sont l’Allemagne, l’Australie, le Canada, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.
High 5s découle de la volonté de réduire de manière significative, soutenue et mesurable cinq problèmes de sécurité pour le patient : la précision de la prescription des médicaments aux points de transition du parcours de soins ; la prévention des erreurs de site en chirurgie ; l’utilisation des médicaments concentrés injectables ; les défaillances dans les transmissions infirmières ; les infections associées aux soins.
En 2009, la France se joint à cette démarche dans une expérimentation de cinq ans intitulée Med’Rec, pour Medication Reconciliation. Neuf établissements (CHU de Nîmes, de Bordeaux, CH de Lunéville…) mettent en place une démarche standardisée de conciliation auprès de patients de plus de 65 ans admis par les urgences, puis hospitalisés en court séjour.
Résultats : la conciliation de 27 447 patients à leur admission révèle 46 188 divergences médicamenteuses, c’est-à-dire un écart entre le bilan médicamenteux établi à l’admission et la prescription en cours, soit 1,7 événement par malade, qu’il s’agisse d’un changement de traitement non documenté dans le dossier patient ou d’une réelle erreur médicamenteuse.
Plus de 21 000 erreurs médicamenteuses – oublis, erreurs, omissions – ont été repérées.
Environ 1 000 erreurs (5 %) auraient pu avoir des conséquences cliniques graves.
Med’Rec prouve que la conciliation est un moyen efficace pour prévenir et intercepter les erreurs médicamenteuses. Cette initiative a permis de développer des outils et des référentiels nécessaires à la démarche dans tout établissement de santé.
Source : Initiative des HIGH 5s-Medication Reconciliation, Rapport d’expérimentation sur la mise en œuvre de la conciliation des traitements médicamenteux par neuf établissements de santé français , Haute Autorité de santé, septembre 2015.
Résultats de la conciliation en 2015 en France
En 2015, la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) a mis en place une enquête auprès de 2 537 établissements de santé (sur 4 133) pour établir un premier état des lieux de la mise en œuvre de la conciliation médicamenteuse.
→ 1 688 établissements ont répondu à l’enquête, dont 43 % de publics, 40 % de privés à but lucratif et 14 % d’Espic (privés d’intérêt collectif).
→ Environ 22 % font de la conciliation, sans différence notable entre le public et le privé.
→ Les disparités sont fortes selon les services. Une durée de séjour très courte, par exemple aux urgences ou en obstétrique, limite la mise en place de la conciliation, implantée respectivement dans 23 et 10 % des cas. En revanche, elle a déjà été pratiquée dans 41 à 59 % des cas lors de séjours plus longs, en gériatrie, chirurgie, et en soins de suite et de réadaptation (SSR).
→ Ce sont les médecins et les pharmaciens qui la mettent en œuvre dans les unités.
→ Les infirmiers et les préparateurs en pharmacie y participent en se concentrant sur le recueil des informations : respectivement 60 et 48 % des établissements les mentionnent. Les privés les sollicitent davantage que le public : 92 et 85 % dans les Espic, contre 62 %. Sans doute en raison de la faible présence d’étudiants dans le privé, les centres hospitaliers universitaires ayant beaucoup d’internes et d’externes à « occuper » !
→ La gestion des divergences demeure une activité quasi exclusive des professions médicales et pharmaceutiques.
→ Les principales sources d’information sont le dossier patient et les ordonnances, suivis par les entretiens avec le patient ou l’entourage. La prise de contact avec le médecin traitant et le pharmacien n’arrive qu’en cinquième et septième positions.
→ Dans 95 % des cas, la conciliation est pratiquée à l’admission et seulement à 68 % en sortie. Dommage, car cela sécurise la transition de l’hôpital vers la ville.
→ Le manque de disponibilités des intervenants est le principal frein cité à son développement.
Sources : Rapport d’expérimentation sur la mise en œuvre de la conciliation des traitements médicamenteux par neuf établissements de santé français, Haute Autorité de santé, septembre 2015 – La conciliation médicamenteuse : enquête sur son déploiement national, ministère des Solidarités et de la Santé, février 2016, mise à jour mai 2017.
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