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Comment contribuer en officine aux 1 000 premiers jours ?

Publié le 26 novembre 2021
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Pour améliorer la prise en charge de l’enfant, le gouvernement a lancé les « 1 000 premiers jours ». Rapport et campagne de communication augurent de la politique de la petite enfance.

Qu’est-ce que les 1 000 premiers jours ?

Ils correspondent à la période allant du quatrième mois de grossesse aux deux ans de l’enfant. Les premiers temps de vie sont « un moment sensible pour le développement et la sécurisation de l’enfant, qui contient les prémisses de la santé et du bien-être de l’individu tout au long de sa vie »(1). Les preuves scientifiques légitiment un investissement plus précoce dans cette étape primordiale du développement. « C’est une période intense pour le bébé. Le poids de naissance est multiplié par trois la première année. C’est aussi le début, dans le cerveau, de la mise en place des aires essentielles aux relations humaines et à l’apprentissage. L’environnement dans lequel grandit l’enfant aura une forte influence sur ce développement », détaille Solange Moore, pédiatre (voir Nos expertes).

Concrètement en France, c’est quoi ?

Les 1 000 premiers jours sont un concept lancé par l’Unicef en 2016, avant d’être inscrit au cœur de l’action du gouvernement par Emmanuel Macron. En 2019, la Commission des 1 000 premiers jours de l’enfant a été installée. Présidée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik et composée de dix-huit experts, elle a rendu un rapport en septembre 2020 pour adapter la prise en charge et construire une politique de santé publique de la petite enfance.

Est-ce une nécessité pour les parents ?

Les parents continuent de se sentir seuls et souvent démunis face à l’arrivée d’un enfant, notamment les foyers les plus modestes et fragiles. « Durant cette période, il y a énormément d’informations à assimiler et de questions pour lesquelles les réponses sont parfois discordantes, estime Solange Moore. Il est alors compliqué pour eux de trier. C’est pour cela qu’il faut éveiller les consciences de l’importance de cette période à un niveau sociétal. »

Quels sont les points forts du rapport ?

Outre l’allongement du congé paternité à vingt-huit jours, formuler un discours de santé publique cohérent est une nécessité. Le développement social, cognitif et affectif du bébé, les interactions sociales, le langage, le jeu, le sommeil, l’allaitement, l’environnement de vie, les conseils validés scientifiquement doivent être délivrés. Parler des dépressions périnatales, de la violence éducative ou conjugale aussi. Un parcours des 1 000 premiers jours, avec la généralisation de l’entretien prénatal précoce au quatrième mois de grossesse, doit être sécurisant et favoriser l’écoute des parents et apporter une réponse aux fragilités. Des moyens supplémentaires seront alloués aux structures d’accueil.

Quelle est la place des officinaux ?

« Les officines ont toute leur place dans ce parcours, assure Eugénie Guyennon, formatrice en périnatalité et pharmacienne adjointe. Nous avons un rôle de soutien sur le plan médical et social. » Garantir la compatibilité des traitements avec la grossesse ou l’allaitement, conseiller les petites pathologies de la femme enceinte ou du nouveau-né sont déjà acquis. « Nous avons aussi une place de prévention pour faciliter la création d’un environnement favorable au bon développement de l’enfant, qui passe par la promotion de cet entretien prénatal afin d’anticiper d’éventuelles complications. Seul un quart des femmes le fait. À nous d’être porteurs de cette information. »

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Comment agir ?

« L’important, avant d’agir, est d’avoir les connaissances de base. Malheureusement, la périnatalité est absente de notre formation initiale. Espérons que cela change. Quelques organismes proposent des formations autour de l’allaitement ou de la dépression post-partum », indique Eugénie Guyennon. Solange Moore conseille de se rapprocher des services de prévention, des PMI ou autres. « L’application “1 000 premiers jours” est très utile pour les futurs parents. Proposer son installation sur smartphone ou la présenter sur les écrans de l’officine peut déclencher une discussion autour d’un projet bébé et permettre la prévention tout au long de ce parcours, qui est loin d’être évident, invite Eugénie Guyennon. Se construire un carnet d’adresses des différents acteurs de la périnatalité dans notre secteur est aussi indispensable pour rediriger les parents au besoin. »

(1) Rapport de la Commission des 1 000 premiers jours, septembre 2020.

NOS EXPERTES INTERROGÉES

→ Eugénie Guyennon, pharmacienne adjointe, fondatrice d’EG-périnatalité, formatrice en périnatalité auprès des parents et des professionnels de santé (31).

→ Solange Moore, pédiatre, formatrice proposant des ateliers « 1 000 jours » à Saint-Saulve (59).

Repères

→ Seules 28,5 % des femmes enceintes ont effectué l’entretien prénatal précoce(1).

→ 736 000 bébés sont nés en France en 2020(2).

→ 10 à 20 % des mères souffrent d’une dépression maternelle post-natale(3).

→ Le taux d’allaitement passe de 54 à 39 % lorsque la mère reprend le travail(4).

→ Durant les trois premières années de l’enfant, quatorze examens sont obligatoires et trois devront donner lieu à un certificat de santé : avant le 8e jour, lors du 9e mois et au cours du 24e ou 25e mois(1).

→ Plus de 30 % des enfants sont exposés aux smartphones avant l’âge de 3 ans(5).

(1) Enquête nationale périnatale, 2016.

(2) Insee.

(3) Dépression post-partum maternelle et développement de l’enfant : revue de littérature et arguments en faveur d’une approche familiale, Hervé Tissot, France Frascarolo, Jean-Nicolas Despland et Nicolas Favez, Presses universitaires de France, 2011, sur cairn.info

(4) Enquête Epifane, 2012.

(5) Les écrans interactifs chez l’enfant de moins de 3 ans : évaluation de la prévention médicale auprès des parents et état des lieux de l’exposition, Victor Vincent, 2019.