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Coefficients & ancienneté

Publié le 23 septembre 2019
Par Anne-Charlotte Navarro
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Contrepartie du travail du préparateur, le salaire dépend du coefficient et de la valeur du point. L’autre élément de la rémunération, l a prime d’ancienneté, tient compte des années passées au sein de la même pharmacie. Cette mécanique peut sembler complexe, d’autant plus qu’à l’image de la vie privée, la carrière n’est pas un long fleuve tranquille.

Les coefficients

Qui fixe les coefficients ?

La convention collective de la pharmacie d’officine fixe le coefficient permettant à l’employeur de calculer le salaire du préparateur.

Combien en existe-t-il ?

Il existe 9 coefficients pour les préparateurs diplômés. Depuis le 14 novembre 2016, selon l’annexe 1 de la convention collective, un préparateur titulaire du BP débute sa carrière au coefficient 240 (voir tableau p. 20). « La réforme de la convention collective prévoit de multiples échelons permettant aux préparateurs de voir leurs compétences reconnues, il n’est donc pas souhaitable que le pharmacien invente des coefficients intermédiaires, estime Philippe Denry, président de la commission Entreprise officine chargé des relations sociales et de la formation professionnelle et vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), la principale organisation représentative des titulaires. En effet, ils complexifient les carrières des préparateurs et peuvent être la source de conflits. » À condition de justifier d’années de pratique professionnelle, le coefficient augmente automatiquement jusqu’au niveau 320.

Comment obtenir le coefficient 330 ?

L’obtention du coefficient 330 est laissée à l’appréciation de l’employeur. Si un titulaire estime qu’un préparateur justifie de « qualités techniques et commerciales exceptionnelles et exécute des travaux comportant une large initiative », il peut lui attribuer le coefficient 330. Cette dernière modification, non obligatoire, permet au préparateur de bénéficier des dispositions cadres auprès de la mutuelle et de la prévoyance. En revanche, dès que l’accord signé en juillet 2019 sera applicable à toutes les officines, le seul intérêt du 330 sera plus de sous sur la fiche de paye (voir encadré p. 21).

Comment déterminer son coefficient ?

Lors de la négociation du contrat de travail, le pharmacien et le préparateur déterminent le coefficient d’embauche du salarié.

Ce coefficient peut soit être strictement celui de la grille, soit être négocié à la hausse entre les deux parties, à la condition que la négociation ne conduise pas à appliquer un coefficient inférieur à celui auquel le salarié peut prétendre, selon la convention collective. Les coefficients fixés par les partenaires sociaux sont des minimums obligatoires. « La pénurie de maind’oeuvre dans certaines régions fait que les embauches au strict coefficient sont de plus en plus rares, constate Olivier Delétoille, expertcomptable au cabinet Adequa. Il est également difficile pour le nouvel employeur d’être certain du coefficient antérieur du salarié. Certes, le bulletin de salaire donne une indication, mais le précédent employeur a pu augmenter le coefficient sans suivre les années de pratique professionnelle. C’est la raison pour laquelle le coefficient est de plus en plus souvent l’objet d’une négociation. »

Peut-on être à un coefficient supérieur à ses années de pratique ?

Pour éviter tout quiproquo concernant l’expérience du candidat, Olivier Clarhaut, secrétaire fédéral de la branche Force ouvrière (FO) pharmacie, et Philippe Denry, de la FSPF, encouragent leurs adhérents à plutôt négocier le taux horaire du préparateur. « Le coefficient reflète l’expérience du salarié, il est préférable que cette expérience ne soit pas faussée, pour éviter les déconvenues lors de la période d’essai, en cas de changements successifs », explique Philippe Denry. « Rien n’interdit aux pharmaciens de rémunérer le préparateur audessus de la grille, afin de pouvoir attirer des talents. Dans ce cas, le contrat devra prévoir une clause d’indexation du salaire pour qu’il suive les augmentations de la valeur du point », détaille Olivier Clarhaut. À chaque changement d’employeur, le salarié ne doit donc pas hésiter à négocier son coefficient.

Comment décompter les années de pratique ?

Une fois déterminé, le coefficient augmente selon les années de pratique professionnelle écoulées depuis l’obtention du diplôme du préparateur. Ces augmentations sont obligatoires, même si le coefficient du salarié a été négocié lors de la conclusion du contrat.

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Chaque année passée au comptoir compte pour 1 an, que le salarié soit à temps plein ou à temps partiel. Par exemple, un préparateur embauché au coefficient 280 alors qu’il a obtenu son diplôme 3 ans auparavant pas sera, sans qu’aucune démarche de sa part soit nécessaire, au coefficient 290 après 5 années de pratique professionnelle au coefficient 280.

Comment retrancher les périodes d’absence ?

Les périodes d’absence du préparateur, comme un congé maternité ou parental, une longue maladie, une formation sur le temps de travail, ralentissent-elles l’évolution du coefficient ? « Aucun texte ne fournit de réponse claire. Il faut donc faire preuve de pragmatisme en favorisant le salarié et le dialogue », conseille Olivier Delétoille.

Si l’employeur souhaite exclure certaines périodes d’inactivité des années de pratique professionnelle, deux méthodes, ayant la même force juridique, peuvent s’appliquer.

1. L’employeur peut choisir de faire référence à l’article 11 de la convention collective. Il liste les périodes d’absence prises en compte dans le calcul de la prime d’ancienneté (voir encadré p. 22).

2. Le titulaire peut également faire référence à l’article L. 3141-5 du Code du travail. « Cet article fixe les périodes dites de travail effectif. Si l’absence est qualifiée de travail effectif, comme par exemple un arrêt maternité ou les congés annuels, alors elle est prise en compte dans le calcul des années de pratique professionnelle », détaille Olivier Delétoille. Seuls le congé parental à temps plein, le congé de présence parentale en cas d’enfant atteint d’une maladie ou d’un handicap, le congé de solidarité familiale ou une période de mise à pied sont exclus du calcul. « Dans ce cadre, l’arrêt maladie de longue durée doit être traité avec une grande attention, car les dispositions de la convention collective sont plus favorables que le droit du travail. » Le choix de l’employeur doit s’appliquer sans distinction à l’ensemble de l’équipe.

Que faire lors « d’oubli » de changement de coefficient ?

Si le coefficient du préparateur n’a pas été augmenté selon la convention collective, le salarié peut obtenir rétroactivement cette augmentation sur les 3 dernières années, en vertu de l’article L. 3245-1 du Code du travail. « Dans ce cas, la carrière du préparateur est reconstituée, ainsi que la rémunération qu’il aurait dû percevoir, puis l’employeur lui verse un rappel de salaire couvrant les 3 années manquantes », précise Olivier Delétoille. Afin d’éviter tout litige supplémentaire, il est conseillé au salarié d’effectuer cette demande par courrier recommandé avec accusé de réception ou par remise en main propre contre reçu. Si le salarié saisit le juge, il pourrait obtenir en supplément des dommages et intérêts.

Cas pratiques

Tout de suite après son BP, en 2013, Coline est embauchée au coefficient 230. Quel doit être son coefficient aujourd’hui ?

Le 260. Dès l’obtention du diplôme, le préparateur est au premier échelon. En 2013, l’échelon 1 était le 230, mais depuis 2016 (voir actu dans Porphyre n° 528), il a été supprimé et remplacé par le 240. Donc mieux vaut raisonner en échelons. Après 2 ans de pratique à l’échelon 1, donc en 2015, elle passe à l’échelon 2 (coefficient 250). Après 3 ans à l’échelon 2, donc en 2018, elle passe à l’échelon 3, donc au coefficient 260. Elle parviendra au 280 en 2022.

Clarisse est embauchée à un coefficient supérieur par rapport à ses années de pratique professionnelle. En cas de rachat de l’officine, le nouveau titulaire peut-il le baisser ?

Non. En cas de cession, le contrat de travail des salariés se poursuit dans les conditions négociées avec les précédents employeurs.

Le contrat de travail de Clarisse se poursuit aux mêmes conditions de coefficient, de salaire et éventuellement de prime.

Si le nouveau titulaire souhaite modifier ces conditions, il devra proposer un avenant à Clarisse qui sera libre de le refuser. Cette règle s’applique également en cas de transmission de l’officine, par succession ou transfert.

Clémence est payée au-dessus de la grille. En cas d’augmentation de la valeur du point, son salaire doit-il également être augmenté ?

Oui et non. Si l’augmentation de la valeur du point conduit à un salaire inférieur au minimum fixé par les partenaires sociaux, l’augmentation doit lui être appliquée. La règle étant que tout salarié doit être payé au moins au niveau du salaire fixé par la convention collective. Si, malgré l’augmentation de la valeur du point, le salaire de Clémence reste supérieur au minimum conventionnel, rien n’oblige son employeur à l’augmenter.

Dans son cas, il est judicieux de préciser dans le contrat de travail que l’augmentation de la valeur du point aura pour conséquence d’augmenter proportionnellement la valeur du point négociée.

Marilyse est en congé maternité. La progression de son coefficient est-elle bloquée ?

Non. Même s’il le souhaitait, son titulaire ne pourrait pas retrancher cette période car l’article 11 de la convention collective et l’article L. 3141-5 du Code du travail assimilent cette absence à une période de travail effectif.

Théo aura 4 années de pratique professionnelle au 260 le 15 du mois prochain. À quelle date passera-t-il au 280 ?

Le changement de coefficient s’effectue quand le salarié atteint le nombre d’années de pratique professionnelle requis. La date est le plus souvent celle de l’entrée dans l’officine du salarié. Le bulletin de salaire de Théo comportera deux lignes : du 1er au 14, le salaire sera calculé selon le coefficient 260, et du 15 au 30 selon le coefficient 280.

Après plusieurs erreurs de caisse, le titulaire veut baisser le coefficient de Jane. Est-ce possible ?

À titre de sanction, le titulaire peut la rétrograder à condition de respecter une procédure stricte et d’obtenir l’accord du salarié. Cette mesure doit être proportionnée à la faute commise qui doit être d’une gravité importante. Le juge appréciera si la rétrogradation est justifiée au regard de la faute. En cas de doute, il tranchera toujours en faveur du salarié, selon l’article L. 1235-1 du Code du travail.

L’ancienneté

Années cumulées dans la même pharmacie = prime d’ancienneté

Le versement de la prime d’ancienneté est prévu par la convention collective. À ce titre, il est obligatoire. Cette prime s’ajoute au salaire versé au préparateur. En aucun cas, le paiement de cette prime peut avoir pour conséquence de faire baisser son salaire. Il s’agit de deux lignes distinctes sur le bulletin de paie.

Comment la calculer ?

Dès son entrée dans la pharmacie, le préparateur cumule des années d’ancienneté, peu importe que le contrat ait évolué d’un CDD à un CDI, d’un temps plein à un temps partiel ou vice versa, ou encore que la pharmacie ait été vendue.

À compter du troisième anniversaire de son embauche, il perçoit une prime d’ancienneté qui augmente au fil du temps de 3 à 15 %. Contrairement au coefficient, les partenaires sociaux ont précisé les périodes d’absence prises en compte dans les années d’ancienneté. Si le motif de l’absence n’est pas listé, la période n’est pas comptabilisée (voir plus bas). Toutefois, le salarié et le titulaire peuvent s’accorder pour réintégrer la période exclue.

Une prime dépendante du temps de travail

Le montant de la prime dépend du volume horaire effectué par le salarié. En cas d’arrêt de travail ou de réalisation d’heures supplémentaires, le montant de la prime varie à la hausse ou à la baisse. La prime est calculée sur le salaire minimal prévu pour le coefficient du salarié. Même si le préparateur est payé au-dessus de la grille, sa prime d’ancienneté sera calculée sur la grille, sauf si le contrat de travail prévoit autre chose. Les partenaires sociaux précisent que le taux de la prime est de 3, 6, 9, 12 et 15 % après 3, 6, 9, 12 et 15 ans d’ancienneté. Elle est versée mensuellement à partir du mois d’anniversaire de l’entrée du salarié dans le poste.

Quelles périodes comptent pour l’ancienneté ?

Plusieurs périodes d’absence entrent en ligne de compte pour l’ancienneté : les congés payés annuels ; les arrêts pour maladie professionnelle ou accident du travail, maternité, paternité, adoption ; les arrêts pour maladie dans la limite de 6 mois continus ou non par an ; les périodes d’apprentissage ou de formation, etc.

Attention : le congé parental est comptabilisé pour la moitié de sa durée totale.

Cas pratiques

Pauline, depuis 6 ans dans l’officine, est en congé maternité depuis le 1er août. Comment sa prime est-elle calculée ?

Le calcul de la prime d’ancienneté repose sur la formule suivante : (taux × salaire prévu pour le coefficient par l’avenant salaire) × volume horaire effectivement effectué par le salarié / 100. Imaginons que Pauline est au coefficient 260, sa prime sera de 106,64 €, soit (6 × 11,72) × 151,66 / 100, pour une valeur du point à 4,509 € (voir encadré p. 18). Pauline, en arrêt maternité, n’a pas réalisé d’heures de travail. Elle ne percevra pas de prime d’ancienneté pendant les mois de son congé.

En revanche, cette période d’absence est prise en compte pour le calcul des années d’ancienneté.

Thierry a 13 ans d’ancienneté à la pharmacie de la poste. Le titulaire lui a indiqué qu’il vendait la pharmacie. Est-ce que son ancienneté repart de zéro ?

Non, lors de la vente de la pharmacie, les contrats restent en vigueur sans modification. Thierry conserve donc son ancienneté et continue d’en acquérir.

Juliette est entrée dans l’officine le 17 septembre 2016. Au 17 septembre 2019, elle aura 3 ans d’ancienneté. À partir de quand percevra-t-elle sa prime ?

Les partenaires sociaux ont prévu un versement mensuel de cette prime à partir du mois anniversaire de l’embauche. La prime de Juliette apparaîtra donc sur son bulletin de salaire du mois de septembre. Pour ce premier mois, le titulaire peut calculer la prime selon le planning effectivement réalisé par Juliette du 17 au 30 septembre.

Daphné est depuis 4 ans dans l’officine où elle a fait ses 2 années d’apprentissage. A-t-elle droit à une prime d’ancienneté ?

Oui. Les périodes d’apprentissage ou de formation dans le cadre d’un contrat d’alternance sont prises en compte dans le calcul des années d’ancienneté dans l’entreprise.

Daphné peut prétendre au versement d’une prime de 3 %. Elle peut demander au titulaire de lui verser l’année oubliée.

Après des difficultés financières, le titulaire de Romain, licencié économique, souhaite le réembaucher. Au moment de son licenciement, Romain avait 8 ans d’ancienneté. Son ancienneté est-elle reprise ?

La convention collective prévoit que les périodes passées dans la même entreprise après un réembauchage sont prises en compte lorsque celui-ci est intervenu au cours des 12 mois qui suivent le licenciement économique du salarié. Si la réembauche a lieu audelà de cette période, un accord entre le salarié et le titulaire est nécessaire.

la valeur du point, quésaco ?

À l’officine, les salaires se calculent selon le coefficient et la valeur du point, déterminée chaque année par les partenaires sociaux.

La formule appliquée est la suivante : coefficient × valeur du point / 100.

En mars 2019, les syndicats d’employeurs et de salariés ont augmenté la valeur du point à 4,509 €. À ce jour, cet accord n’est toujours pas publié au Journal officiel. L’augmentation s’applique seulement dans les pharmacies syndiquées. Dans les autres, la valeur du point reste à 4,425 € jusqu’à ce que l’accord soit étendu à toutes les officines.

Préparateur cadre, est-ce intéressant ?

En attendant l’harmonisation des frais de soins de santé, c’est en effet intéressant.

Explications. Le 1er juillet 2019, les syndicats de la pharmacie ont signé un avenant à la convention collective qui met un terme à la différence de traitement entre salariés cadres et non cadres en matière de frais de soins de santé. Dès son extension, les garanties santé applicables à tous les salariés seront celles prévues par le régime de base des cadres et assimilés.

La répartition de l’augmentation de la cotisation entre employeur et salarié se fera dans les mêmes proportions que la cotisation actuelle. Les capitaux versés en cas de décès et les rentes d’éducation sont aussi harmonisés. « Le préparateur sera mieux remboursé pour les prothèses dentaires, l’optique ou les dépassements d’honoraires, pour un surcoût modeste », se félicite Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Pour l’heure, cet avenant n’est pas applicable à toutes les officines. Il reste intéressant de passer au 330, mais dès la publication de l’arrêté d’extension, le seul intérêt sera un meilleur salaire.

Périodes d’absence et calcul de l’ancienneté

L’article 11 de la convention collective liste les périodes prises obligatoirement en compte pour le calcul de l’ancienneté. Ainsi, sont considérées comme temps de présence dans l’entreprise :

→ les périodes militaires obligatoires, la mobilisation, le rappel ou le maintien sous les drapeaux ;

→ le service national obligatoire, sous réserve que le salarié ait au moins 2 ans de présence à la pharmacie avant son départ sous les drapeaux et qu’il ait été réintégré dans l’entreprise, à sa demande, dès la fin de son service national ;

→ les périodes de congés payés annuels ;

→ les interruptions de travail pour maladie professionnelle, accidents du travail ou maternité, adoption ou paternité ;

→ les interruptions de travail pour maladie d’une durée totale, continue ou non, inférieure à 6 mois par an ;

→ les périodes d’apprentissage, ou de formation dans le cadre de contrats en alternance ;

→ les congés parentaux d’éducation pour moitié ;

→ les périodes passées dans la même entreprise après un réembauchage, lorsque celui-ci est intervenu au cours des 12 mois qui suivent le licenciement économique.

Le 18 juin 2018, les partenaires sociaux ont conclu un accord qui modifie la rédaction de l’article 11 pour tenir compte des évolutions. Cet accord, applicable uniquement par les titulaires syndiqués, ajoute plusieurs périodes comptant comme temps de présence pour le calcul de l’ancienneté :

→ les congés pour événements familiaux et la journée défense et citoyenneté ;

→ les absences pour se rendre aux examens médicaux obligatoires dans le cadre de la surveillance médicale de la grossesse et des suites de l’accouchement, ainsi que les absences pour les actes médicaux nécessaires à la mise en œuvre d’une assistance médicale à la procréation ;

→ le congé individuel de formation, de bilan de compétences, et de validation des acquis de l’expérience.